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Histoire de l'Europe > La France > La Renaissance |
1562-1598 |
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La Ligue | L'Edit de Nantes |
D'une
manière générale, on donne le nom de Guerres de
religion aux guerres civiles qui out eu lieu en France,
à la suite de la Réforme du XVIe
siècle, entre catholiques et protestants. Elles ont duré
en réalité, avec des interruptions, depuis le tumulte d'Amboise
(2 mars 1560) jusqu'à l'édit d'Alès
(27 juin 1629). Mais on réserve généralement ce nom
aux huit guerres, coupées par des édits de pacification,
qui vont du massacre de Vassy (1er mars
1562) à l'édit de Nantes (13
avril 1598). Elles eurent pour causes :
1° l'échec des tentatives faites par les protestants (notamment au colloque de Poissy) pour conquérir pacifiquement et par les voies légales la liberté de conscience; cet échec livre le parti aux violents; à la période de la soumission et du martyre va succéder celle de la révolte;La politique de bascule de Catherine de Médicis fait croire à chacun des deux partis qu'il a pour lui le roi, prisonnier du parti adverse; de 1568 à 1572, le chef réformé Coligny est le conseiller de Charles IX, et il espère substituer à la guerre civile une guerre nationale contre l'Espagne; à partir de 1589, le parti huguenot est l'allié du parti royaliste. Les passions féodales donnent parfois à la lutte le caractère d'un mouvement fédéraliste, tantôt du côté huguenot (Union protestante), tantôt du côté catholique (Ligue); les passions populaires lui donnent un caractère révolutionnaire (les Seize). Les armées, formées surtout à l'origine de nobles qui fournissent le service d'ost à leurs seigneurs, se lassent vite des longues campagnes, fraternisent entre deux batailles; signent des traités toujours violés. L'indiscipline se répand malgré les efforts des chefs, Coligny, Montmorency; cantonnées sur le pays, mal payées, mal nourries, les troupes pillent indistinctement ami ou ennemi et prennent goût à « la picorée ». Peu à peu les haines deviennent féroces. La Saint-Barthélemy ne supprime pas l'un des deux adversaires, mais rend la lutte inexpiable; la cruauté est terrible dans les deux partis (Montluc, des Adrets). Quelques belles figures (Coligny, L'Hospital, La Noue, Henri IV) consolent de ces horreurs. La stratégie
et la tactique sont enfantines. Les armées ne s'éclairent
pas, elles se rencontrent par hasard, elles engagent l'action sans plan
préconçu; les vraies batailles n'apparaissent qu'à
la fin, entre le duc de Parme et Henri IV. Les
deux partis font appel aux soldats étrangers, reîtres, Suisses,
etc., même aux gouvernements étrangers. Les huguenots voulaient
faire occuper temporairement le Havre par
Elisabeth
(mais non le lui céder). Les Guises et la
Ligue ont essayé de donner la France à Philippe
Il, pour écarter du trône le Béarnais, allié
de l'Angleterre.
Plus politiques au fond que religieuses, ces guerres n'en ont pas moins eu un résultat religieux immense : c'est vraiment le pistolet au poing que les Français ont conquis la liberté de conscience. D'édit de tolérance en édit de tolérance, ils en arrivent à établir, à la fin du XVIe siècle, un régime d'égalité religieuse dont personne en Europe n'avait encore même l'idée. (H. Hauser). Les causes des Guerres de religionFormation du parti calviniste.En 1562, trois ans à peine après la signature du traité de Cateau-Cambrésis, la France entrait dans une nouvelle période de guerres, les plus atroces de toutes, des guerres civiles. Ces guerres eurent pour cause les passions religieuses, les haines entre protestants et catholiques. Elles devaient durer plus de trente ans, jusqu'en 1593. Le calvinisme s'était rapidement propagé en France sous le règne d'Henri Il. Bientôt ce ne furent plus seulement d'humbles artisans ou des bourgeois paisibles, mais des gentilshommes et des grands seigneurs qui embrassèrent la nouvelle doctrine. Avant la mort d'Henri II, deux princes du sang, Antoine de Bourbon, devenu roi de Navarre par son mariage avec Jeanne d'Albret, et son frère le prince de Condé étaient déjà protestants, ou, comme on disait « Huguenots ». Il en était de même des ChâtilIons, d'Andelot et son frère l'amiral de Coligny, neveux du connétable duc de Montmorency, le plus puissant seigneur du royaume. L'adhésion des nobles à la Réforme fut d'importance capitale. Les nobles firent du parti calviniste un parti politique et militaire, déterminé à défendre sa foi par les armes. De là les Guerres de religion. François
II.
Charles IX et
Catherine de Médicis.
Pour s'assurer la possession du pouvoir, elle essaya d'abord de la politique de bascule, et contre les Guises elle se procura l'appui des Bourbons en graciant le prince de Condé. Elle crut même possible de réconcilier les partis et d'établir un régime de tolérance selon les très nobles conseils du chancelier Michel de l'Hôpital. « Qu'y a-t-il besoin, disait celui-ci, de tant de bûchers et de tortures? C'est avec les armes de la charité qu'il faut aller à tel combat. Le couteau vaut peu contre l'esprit. »Dans ce but fut réuni à Poissy un « colloque » d'évêques et de pasteurs (1561). Les calvinistes y eurent pour principal représentant un ami de Calvin, Théodore de Bèze; les catholiques, le cardinal de Lorraine. L'irréductible opposition des croyances sur le point fondamental de l'Eucharistie rendit toute réconciliation impossible. Catherine de Médicis fit néanmoins promulguer l'édit de janvier 1562 par lequel elle accordait aux protestants le droit de célébrer publiquement leur culte dans les faubourgs des villes et dans les campagnes. Massacre de Vassy.
Le huit guerresOn compte huit Guerres de religion : quatre sous Charles IX (de 1562 à 1574), — trois sous Henri III (1574-1589) et une sous Henri III et sous Henri IV (1589-1593).Les caractères
des Guerres de religion.
Calvinistes et Catholiques étaient sans pitié. Un chef calviniste, le baron des Adrets, que Coligny appelait « la bête furieuse », terrorisa le Dauphiné. S'étant emparé de Montbrison, il força les hommes de la garnison à se jeter du haut d'une tour sur les piques de ses soldats. En 1569, Coligny lui-même fit égorger de sang-froid deux cent soixante paysans catholiques dans une salle du château de la Chapelle-Faucher dans le Périgord. A Nîmes, en 1567, quatre-vingts catholiques étaient massacrés dans la cour de l'évêché; morts et mourants furent précipités dans un puits qu'on acheva de combler avec de la terre. La fureur des Calvinistes s'exerçait particulièrement sur les prêtres, dont beaucoup furent atrocement torturés. Les Protestants s'en prenaient aux monuments plus encore qu'aux hommes. Ils saccageaient les églises, profanaient les tombes, brisaient les crucifix, les statues; la plupart des mutilations qu'ont subies en France les cathédrales et qu'on attribue en général à la Révolution datent des Guerres de religion. Ces actes de vandalisme exaspéraient les Catholiques plus encore que les attentats contre les personnes. Les Catholiques ne se montraient pas moins féroces. Montluc, un vaillant soldat des guerres d'Italie, fut dans la Guyenne un autre baron des Adrets. Il marchait toujours accompagné d'un bourreau et déclarait lui-même qu'on pouvait connaître aux pendus accrochés aux arbres le chemin par où il avait passé. Un jour il fit jeter des Calvinistes dans un puits jusqu'à ce qu'il fût plein jusqu'au bord. Et puis, ce furent les Catholiques qui furent organisateurs du massacre de la Saint-Barthélémy, l'horreur qui a surpassé toutes les autres. De part et d'autre, on appela l'étranger à l'aide, soit que l'on demandât des secours aux rouverains, reine d'Angleterre, roi d'Espagne, princes d'Allemagne, soit qu'on louât des mercenaires italiens, suisses, allemands, reîtres et lansquenets, à qui la religion était indifférente et qui, levés pour l'un des partis, passaient au besoin, moyennant solde plus haute, au service de l'adversaire. A la bataille d'Ivry, la cavalerie de l'armée catholique était pour moitié composée de chevau-légers flamands, italiens, albanais, de carabiniers espagnols, de lanciers wallons et allemands. Les effectifs mis en ligne furent considérables pour le temps et ce furent alors de grandes batailles que les journées de Dreux (1562) ou d'Ivry (1590) où l'on vit aux prises 29 000 et 28 000 combattants. Les guerres traînèrent cependant parce qu'aucun des adversaires ne pouvait prendre un avantage décisif. Les Calvinistes, une minorité, étaient hors d'état de triompher de la masse catholique. Les Catholiques ne pouvaient en finir avec les Calvinistes parce que ceux-ci étaient dispersés par toute la France et que si la région du sud-ouest et du sud, l'ancienne Aquitaine, depuis la Vienne jusqu'aux Pyrénées, était, avec le Languedoc, le principal foyer de leur résistance, on les trouvait aussi bien en Auvergne, en Bourgogne, dans le Nivernais : il n'y avait pas un centre vital où un seul coup frappé pût les abattre. De là le décousu, et par suite l'absence d'intérêt des opérations, jusqu'à la dernière guerre où Henri IV poursuit un objectif bien défini, la prise de Paris, sa capitale. Les quatre premières
guerres.
La guerre fut marquée par la bataille indécise de Dreux et par le siège d'Orléans. Sous les murs de cette ville le duc François de Guise fut assassiné d'un coup de pistolet par un fanatique protestant, Poltrot de Méré. Son fils, Henri de Guise, fit remonter la responsabilité du crime jusqu'à Coligny qui, dans une lettre, avait commis la faute de se féliciter de la mort du La guerre se termina par l'édit d'Amboise, moins libéral que l'édit de Janvier, mais qui valut cependant à la France quatre années de paix. Les Protestants et les Catholiques réconciliés allèrent reprendre Le Havre aux Anglais. Deuxième
et troisième guerres.
Les Protestants furent défaits par le frère de Charles IX, Henri, duc d'Anjou, à Jarnac, puis à Moncontour. A Jarnac, le prince de Condé, blessé, fut assassiné comme il venait de se rendre. Mais Coligny, tenace, reforma une armée et reprit l'avantage. Lasse de cette guerre sans résultats, Catherine signa un nouvel édit de pacification, l'édit de Saint-Germain, analogue à l'édit d'Amboise et accorda aux Protestants quatre places de sûreté où ils purent mettre garnison (1570). Quatrième
guerre.
Ce crime abominable ne procura aux Catholiques aucun avantage. Privés de leurs chefs, mais nullement découragés, les Calvinistes dans les provinces prirent les armes. Pour mieux se défendre ils s'organisèrent fortement, et formèrent l'Union calviniste, divisée en gouvernements dont chacun eut son chef de guerre et son conseil, chargé d'administrer et de lever les impôts. Ainsi les protestants constituaient au milieu du royaume une sorte de république fédérative, et, comme devait dire plus tard Richelieu, un État dans l'État. Ils se défendirent si bien dans La Rochelle, devenue leur grande place forte et comme leur capitale, que Charles IX dut leur accorder la paix et la liberté de conscience (1573). Le roi mourut à l'âge de vingt-quatre ans, en 1574, ne laissant qu'une fille, exclue de la succession par la loi Salique. Les cinquième,
sixième et septième guerres.
A cette époque, la situation de la France et les guerres devinrent plus compliquées encore que sous Charles IX. Cette complexité des événements tient notamment aux causes suivantes : • D'abord les Calvinistes avaient achevé de se grouper et de s'organiser pour faire face au péril : l'Union calviniste constituait au milieu du royaume une véritable république, ayant ses finances, son armée, son gouvernement et dont le chef fut le jeune roi de Navarre Henri de Bourbon, successeur d'Antoine de Bourbon, mort en 1562.Les Huguenots recommencèrent la guerre dès 1574; ils avaient cette fois pour alliés les Malcontents. Avec 30 000 hommes, les Huguenots et les Malcontents marchèrent sur Paris et forcèrent Henri III à signer à Etigny, près de Sens, l'acte improprement appelé l'édit de Beaulieu (1576), qui leur accordait des avantages considérables. Les Protestants eurent la liberté du culte dans toute la France, sauf à Paris, sauf à Paris, huit places fortes où ils tiendraient seuls garnison, dites places de sûreté, enfin des tribunaux particuliers. Le roi de Navarre et son cousin le prince de Condé recevaient en outre chacun le gouvernement d'une province. Jamais pareils avantages n'avaient été concédés aux Protestants. La
Ligue.
La France se trouva ainsi divisée en trois partis, Calvinistes, Politiques, Ligueurs, au milieu desquels le roi fut sans pouvoir. Les Ligueurs juraient bien de garder au roi l'obéissance qui lui était due. Mais ils juraient aussi « de restituer aux provinces du royaume les droits, franchises et libertés anciennes ». Autant qu'un parti religieux, les ligueurs formaient donc un parti politique qui visait à limiter le pouvoir royal, à ruiner l'absolutisme. Ils avaient leur organisation militaire, leurs chefs élus auxquels ils juraient obéissance passive. Comme les Calvinistes, ils tendaient à constituer un État dans l'État. Dans le même temps, les Etats Généraux, convoqués à Blois (1576), proclamèrent qu'il ne devait y avoir qu'une seule religion dans le royaume et demandèrent que le roi «-ôtât tout exercice public et privé ». Sixième
et septième guerres.
Extension
de la Ligue.
La Ligue prit alors une immense extension; le peuple des villes, fanatisé par les moines, y entra en masse. Henri de Guise la réorganisa et la dirigea. A l'héritier protestant il opposa un héritier catholique, l'oncle d'Henri de Navarre. le vieux cardinal de Bourbon. En fait, Guise rêvait de la couronne pour lui-même, et des placards étaient répandus dans le peuple où, remontant au Xe siècle et à la disparition de la dynastie carolingienne, on qualifiait les rois Capétiens d'usurpateurs, et l'on rappelait la parenté lointaine des ducs de Lorraine, par conséquent d'Henri de Guise, avec Charlemagne. Guise négociait en même temps et concluait une alliance secrète avec le puissant roi d'Espagne Philippe II. La Ligue obtint du pape qu'il déclarât Henri de Navarre incapable d'accéder au trône de France. Enfin elle contraignit le roi à prononcer (juillet 1585) l'interdiction du culte calviniste et l'expulsion des pasteurs. La huitième
guerre.
Journée
des barricades.
Les Ligueurs y étaient tous-puissants et beaucoup songeaient à déposer Henri III. Le roi, sentant le péril, interdit au duc de venir à Paris. Mais secrètement appelé par ses partisans, Guise passa outre à la défense royale. Le peuple le reçut comme un sauveur. Le roi ayant alors fait entrer un régiment suisse dans la ville, les Parisiens prirent les armes, barricadèrent les rues, enveloppèrent les Suisses, en tuèrent une soixantaine et poussèrent leurs barricades jusqu'à la porte du Louvre (12 mai 1588). Le roi parvint à s'échapper, mais il dut reconnaître au duc de Guise le titre de lieutenant général du royaume, qui en faisait un vice-roi. Assassinat
du duc de Guise.
Assassinat
d'Henri III.
Il ne restait d'autre parti à Henri III que de se réconcilier avec Henri de Navarre. La réconciliation faite, les deux rois marchèrent sur Paris. A la fin de juillet 1589, la place était bloquée. Le 1er août au matin, un jeune moine fanatique, Jacques Clément, venu de Paris, obtenait d'être introduit auprès de Henri III, sous prétexte de lui apporter des nouvelles de la ville assiégée, et lui plantait un couteau dans le ventre. Avant de mourir Henri III reconnut Henri de Bourbon, roi de Navarre, pour son légitime héritier. Henri
IV et la Ligue.
Le nouveau roi avait
à conquérir presque tout son royaume. « Plutôt
mourir de mille morts que d'obéir à un roi huguenot! »
tel fut le cri général quand on apprit la mort d'Henri III.
La Ligue était soutenue par le roi d'Espagne Philippe Il, qui lui
fournissait soldats et argent. Henri IV fut abandonné
également par une partie des Calvinistes parce qu'il avait solennellement
déclaré vouloir maintenir et conserver la religion
catholique, et confier à des Catholiques le gouvernement des
villes qu'il prendrait.
Arques
et Ivry.
Poursuivi par le duc de Mayenne en Normandie, Henri le battit à Arques (1589), et tenta aussitôt sur Paris un coup de main qui échoua. L'année suivante il remporta à Ivry près d'Évreux une nouvelle victoire, plus éclatante encore; dans une charge furieuse, il perça les lignes de Mayenne, lui mit hors de combat plus de 3000 hommes et lui en prit 4000. « Si vous perdez vos cornettes, mes compagnons, avait-il dit avant la charge, ralliez-vous à mon panache blanc : vous le trouverez au chemin de la victoire et de l'honneur. »Ce succès permit à Henri IV de venir bloquer Paris. Il pensait prendre la ville par la faim, ses troupes étant trop peu nombreuses pour tenter de l'enlever de vive force. Mais, fanatisée par les prédications des moines qui processionnaient, casque en tête et cuirasse au dos, la population tint quatre mois, ayant un mois de vivres (mars-septembre 1594). Une armée espagnole de secours eut le temps de venir des Pays-Bas. Henri IV de nouveau dut se retirer en Normandie (septembre 1590). Abjuration
d'Henri IV.
L'abjuration décida tout. Elle ruina les espérances de Philippe II et amena la désorganisation de la Ligue. Le pays, qui n'aspirait plus qu'à la paix, accueillit la nouvelle avec joie. Une grande partie du royaume reconnut immédiatement le roi converti, et Henri IV, plutôt que de continuer une guerre ruineuse, préféra acheter la soumission du reste. Il lui en coûta plus de vingt millions de livres. Le gouverneur de Paris, moyennant le titre de maréchal et deux cent mille écus, lui livra la ville (1594); Henri IV y entra sans coup férir. Guerre
avec l'Espagne.
L'Edit de Nantes.
L'édit garantissait aux Protestants la liberté de conscience dans tout le royaume; la liberté de culte partout où il était établi avant 1597 et dans deux localités par bailliage; l'égalité absolue avec les Catholiques et l'accès à tous les emplois; la création dans les Parlements de chambres mi-parties, c'est-à-dire composées de juges catholiques et calvinistes. En outre l'édit reconnaissait aux Protestants le droit de se réunir en synodes pour délibérer sur leurs intérêts. Ils devaient pendant plusieurs années conserver une centaine de places fortes comme places de sûreté. Importance
de l'Edit de Nantes.
La France la première adopta le régime de la liberté religieuse. A vrai dire elle l'adopta non pas spontanément, par véritable respect des droits de la conscience, mais contrainte par la sagesse et la prévoyance d'Henri IV. L'Édit de Nantes, si juste et si heureux dans ses parties essentielles, fut mal accueilli et difficilement accepté par les catholiques. Le roi dut menacer pour obtenir des Parlements l'enregistrement de l'édit. « Je vois bien, disait-il aux députés du Parlement de Toulouse, que vous avez encore de l'espagnol dans le ventre! »Le pacte entre Catholiques et Protestants, fondé sur un simple rapport de forces, resta fragile, et finira par être rompu par Louis XIV, qui révoquera l'Édit de Nantes en 1695. La France après les Guerres de religionAussitôt après l'Édit de Nantes et le traité de Vervins, Henri IV entreprit l'oeuvre de réorganisation de la France et de restauration de l'autorité royale. De fait, c'est tout un pays qui était à reconstruire.« Qui aurait dormi quarante ans penserait voir non la France, mais un cadavre de la France. »Ces paroles, écrites par le jurisconsulte Pasquier au lendemain des Guerres de religion, n'avaient rien d'exagéré. Le pays avait été horriblement dévasté par un demi-siècle de guerres civiles. Au dire d'Henri IV, « les fermes et quasi tous les villages étaient inhabités et déserts ». Les paysans cessaient même de labourer : affamés, ils se soulevaient. Les routes étaient effondrées, les ponts coupés. Dans les villes toute industrie et tout commerce avait péri, les mendiants pullulaient, les malades et les invalides encombraient les hôpitaux. La dette du royaume était immense; les ressources fournies par les impôts suffisaient à peine pour payer les créanciers : il ne restait rien pour les dépenses indispensables du gouvernement. Selon le mot d'Henri IV, la France « avait besoin de reprendre haleine ». Aux ruines matérielles s'ajoutaient les ruines politiques. De l'autorité absolue de François Ier et d'Henri II, il ne restait à peu près rien, et l'unité même de la France était mise en péril. Dans leurs provinces, les gouverneurs se comportaient en souverains, levant des troupes, établissant et percevant des impôts, rendant la justice et visant à transformer leurs charges révocables en charges héréditaires. C'était comme une nouvelle féodalité qui se reformait. Les Parlements, qui avaient presque tous été ligueurs, avaient pris des habitudes d'indépendance et d'opposition à la royauté. Les villes avaient chassé les officiers royaux et recommencé à s'administrer librement et à élire leur municipalité. Alors que cinquante ans auparavant nul ne songeait à contester l'autorité absolue des rois, plusieurs livres avaient paru au temps de la Ligue dans lesquels il était écrit que la nation est supérieure au roi, qu'elle peut le déposer s'il est un tyran ou s'il est hérétique, et même qu'on a le droit de le tuer. Des écrivains vantaient le crime de Jacques Clément, le meurtrier d'Henri III, « comme un acte héroïque et tout à fait divin ». La tâche était donc immense. Henri IV groupa autour de lui des hommes de tous les partis, huguenots comme Sully et Olivier de Serres ; catholiques comme le cardinal d'Ossat; ligueurs comme le président Jeannin. Sans rien brusquer et tout en prodiguant les bonnes paroles, le roi reprit peu à peu toutes les concessions faites aux uns et aux autres, et rétablit dans tout le royaume son autorité absolue. Les États Généraux, qui avaient été réunis à plusieurs reprises pendant les Guerres de religion et qu'Henri IV lui-même avait promis de réunir, ne furent jamais convoqués. Exclus du Conseil, où se traitaient les affaires du gouvernement, les princes du sang et les grands seigneurs durent se contenter de charges de Cour purement honorifiques. A ceux qui étaient gouverneurs de provinces, il fut rappelé que leurs fonctions étaient militaires et qu'ils ne devaient « se mesler du fait des finances, non plus que du fait de la justice ». Quant aux libertés des villes, Henri IV n'en tint aucun compte et les restreignit à sa guise. Un exemple terrible montra aux plus grands que le temps des désordres était passé. Le maréchal de Biron, gouverneur de Bourgogne, vieux compagnon de guerre d'Henri IV, se laissa entraîner, par ambition, à comploter d'abord avec le duc de Savoie, puis avec le roi d'Espagne. Henri IV pardonna la première fois. « Moyennant qu'il ne me cache rien, disait-il encore au second complot, je lui pardonne de bon coeur. » Biron ne voulut rien avouer. Il fut condamné à mort et décapité (1602). L'agriculture, l'industrie, le commerce furent remis sur pied. Henri IV mena au politique extérieure prudente et relativement paisible. Mais celui qui avait promulgué l'édit de Nantes n'en avait pas fini pour autant avec ses anciens ennemis. La fièvre de la Ligue n'était pas encore complètement tombée. Les plus fanatiques ne pardonnaient pas au roi d'avoir été huguenot et de tolérer les Huguenots dans le royaume. Leur irritation grandit quand en 1610, ils apprirent qu'Henri IV, allié aux protestants allemands, se préparait à faire la guerre à l'Espagne et à l'Autriche. On disait même dans le peuple qu'il voulait faire la guerre au pape. Ces bruits achevèrent de déranger l'esprit d'un halluciné nommé Ravaillac. Il vint à Paris pour tuer le roi. Henri IV devait partir le 16 mai pour aller prendre le commandement de ses troupes. Le 14 mai, dans l'après-midi, il sortit en carrosse pour rendre visite à Sully. Rue de la Ferronnerie, le carrosse fut arrêté par une charrette de foin qui barrait le passage. Ravaillac, qui suivait depuis le Louvre, s'approcha et frappa rapidement le roi de deux coups de couteau. Le second coup atteignit le coeur. Le roi murmura : « Ce n'est rien »; le sang lui emplit la bouche; il était mort. La guerre impopulaire, la lourdeur des impôts, les préventions religieuses, tout fut oublié; on ne voulut plus se rappeler que les bienfaits de douze années de paix, l'ordre rétabli en tous lieux, et la France relevée de ses ruines. (A. Malet). |
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