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L'Atlantide |
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On
a donné le nom d'Atlantide à une île ou à
un vaste continent imaginaire qui aurait été situé
au delà des Colonnes d'Hercule (détroit de Gibraltar![]() ![]() ![]() « Nos livres racontent comment Athènes détruisit une puissante armée qui, partie de l'océan Atlantique, envahissait insolemment et l'EuropeLe Critias ![]() ![]() Dans les temps modernes,
beaucoup d'auteurs se sont demandé quelles pouvaient être
la portée et la valeur réelle des textes que nous venons
de citer ou d'analyser. Les uns, assez avisés pour prendre le texte
de Platon pour ce qu'il est, ne les ont considérés que comme
les fragments d'une sorte de roman philosophique,
et ils surent voir dans l'histoire de l'Atlantide quelque chose d'analogue
à l'Utopie Mais d'autres, et
en plus grand nombre, oubliant la prudence méthodologique la plus
élémentaire, ont cru à la parole de Platon.
Bien sûr ceux-là, qui en quelque sorte ont ajouté du
mythe au mythe, sont aussi ceux qui ont eu -et ont encore - le plus d'audience.
Dans ses Lettres sur l'Atlantide (1779), Bailly,
le célèbre astronome, le premier maire de Paris
pendant la Révolution, se laissant emporter par une imagination
qui étonne un peu chez un personnage aussi raisonnable, plaçait
le domaine primitif des Atlantes dans les terres boréales au Groenland La plupart de ceux
qui ont étudié la question de l'Atlantide nous proposent
des théories en apparence moins invraisemblables, mais qui ont toutes
le même défaut : elles prennent arbitrairement dans le récit
de Platon ce qui va dans le sens de leurs postulats de départ, et
rejettent ce qui les contredit. Ce que l'on démontre en s'y prenant
ainsi, c'est toujours ce que l'on a pris pour hypothèse. Autrement
dit rien. Quoi qu'il en soit, ceux, parmi les Modernes, qui ont cru que
l'Atlantide a existé, sont d'abord allés la chercher au fond
de l'Océan Atlantique qui l'aurait engloutie. Tournefort,
s'appuyant sur un texte de Diodore, admet qu'elle
a été détruite par une irruption de la Méditerranée
après la séparation violente de l'Europe
et de l'Afrique à Gibraltar Tous ces auteurs
se sont demandé si les Archipels semés dans l'Océan
Atlantique, à l'Ouest de l'Ancien continent, n'étaient pas
les débris de l'Atlantide, les parties les plus élevées
du continent submergé, que le niveau de l'inondation n'avait pu
atteindre; ils ont voulu voir dans les Guanches (les indigènes des
Canaries Cependant, à
d'autres points de vue, dès cette époque les scientifiques
admettaient que l'Europe et l'Amérique du Nord avaient dû
être unies à différentes périodes. Les géologues
avaient déjà constaté que, pendant la période
silurienne, une grande terre s'étendait du bassin du Mississippi Un point de vue qui
correspondait à la manière dont on s'expliquait alors la
formation des reliefs à la surface de la Terre Mais le mythe de l'Atlantide ne relève pas seulement de la géologie. Il a aussi une composante humaine. Il est donc également concerné par les conceptions anthropologiques et ethnographiques du moment. De plus, à cette époque où l'Europeétait engagée dans son processus d'expansion coloniale, la question possèdait une dimension politique. Pour expliquer, par exemple, le haut degré de civilisation des populations de l'Amérique précolombienne, on était près a accueillir favorablement l'hypothèse d'influence occidentale (la Méditerranée n'était-elle pas le Berceau des civilisations?). Imaginer que l'Atlantide ait était le point de passage de cette civilisation entre l'Ancien et le Nouveau monde était très séduisant. Mais d'autres hypothèses pouvaient aussi s'écarter de ce point de vue, et se montrer tout aussi séduisante. Un bon exemple en est donné par la théorie proposée par Berlioux, dans le dernier quart du XIXe siècle. Alors que la France, qui avait déjà pris possession de l'Algérie, commençait à s'installer en Tunisie et lorgnait vers le Maroc, tout en discutant avec les autres Puissances européennes du partage de toute l'Afrique, l'histoire de l'Atlantide, insérée dans une histoire réécrite de l'Europe et de l'Afrique, pouvait apparaître comme une légitimation de plus plus de la Colonisation. La solution du problème que nous étudions proposée par Berlioux est très ingénieuse. Cet auteur ne veut plus qu'on cherche l'Atlantide au fond de l'Océan, mais tout simplement dans la région actuelle de l'Atlas... région encore si riche et si féconde aujourd'hui. Berlioux a remarqué d'abord que si, dans le Timée, Platon attribue à l'Atlantide une étendue égale à l'Afrique et l'Asie réunies, il donne le même nom dans le Critias à une île d'une superficie bien moindre, puisqu'il nous apprend que le canal la séparant de la terre ferme ne mesurait pas plus de 10 000 stades (1800 km). Il en conclut que le mot Atlantide, dans le premier sens, pourrait désigner le vaste empire conquis en Europe et en Afrique, par les Atlantes à l'apogée de leur puissance, et que, dans le second sens, l'Atlantide serait tout simplement le domaine primitif et principal des Atlantes, le siège et le centre de leur domination. Il retrouve les montagnes qui, d'après le récit du Critias, servaient de ceinture à l'île fabuleuse: « ces montagnes sans égales aujourd'hui pour le nombre, la grandeur et la beauté ». Elles se dressent sur la côte océanique du Maroc, entre le cap Ghir et le cap Nou, presque en face des Canaries, atteignant souvent, d'après l'estimation d'un explorateur, le docteur Lenz, des altitudes variant de 3500 à 4000 m. A l'époque où vivait Platon, et surtout aux époques antérieures, les Grecs n'avaient que les notions les plus incertaines sur les hautes montagnes de l'Europe et même sur les Alpes, et on comprend aisément, souligne Berlioux, qu'ils aient considéré les massifs de l'Atlas occidental comme renfermant les plus fiers sommets qui fussent au monde. C'est au pied de
ces cimes neigeuses, toujours selon notre auteur, que les heureux et puissants
Atlantes avaient élevé leur capitale, que Platon ne connaît
pas, mais dont Diodore nous a conservé
le nom : Cerné.
![]() L'Atlantide, selon A. Kircher (Mundus subterraneus, ca. 1665). Quant à la destruction de l'Atlantide en un jour et une nuit par l'action combinée d'un tremblement de terre et d'un déluge, elle devient beaucoup moins invraisemblable s'il ne s'agit plus d'un immense continent plus grand que l'Asie et l'Afrique, mais d'une île côtière formée probablement par les deltas de l'Oued Sous et de l'Oued Draa. Les contemporains de Berlioux avaitent pu se convaincre de cette possibilité avec une catastrophe aussi soudaine et aussi effroyable, dans le détroit de la Sonde, lors de l'éruption du Krakatoa en 1883 Mais Berlioux est encore plus intéressant à suivre dans ses tentatives pour reconstituer l'histoire même des Atlantes. Venus du Nord-Est par des migrations successives,ils seraient les proches parents des Celtes et des Pélasges (population méditerranéenne ancienne). Installés au pied de l'Atlas, ils auraient étendu leur domination depuis le bassin aurifère du Haut-Sénégal jusqu'aux îles Britanniques, depuis l'Espagne et la Gaule jusqu'à l'Italie du Nord et la Tyrrhénie, et ils auraient laissé dans tous ces pays les monuments mégalithiques pour témoigner de leur passage. (Voilà autre chose qui s'explique!). C'est encore à l'Égypte, qui, si l'on prend Platon au mot, a déjà fourni à Solon les premières traditions historiques sur les Atlantes, que Berlioux va demander les preuves nécessaires pour établir leur origine indo-européenne et le rôle qu'ils ont joué sur les bords de la grande mer intérieure. Il croit pouvoir les identifier avec les Libyens ou Lebous, qui ont envahi tant de fois la vallée du Nil et que les scribes et les artistes au service des Pharaons nous représentent toujours avec la peau blanche, les cheveux blonds et les yeux clairs. Les Lebous, aussi hardis marins qu'infatigables cavaliers, explique encore Berlioux, se sont alliés à d'autres peuples de même origine, aux Sardes, aux Achéens, aux Pelestas de Crète, aux Dardaniens ou Troyens, et ils ont, à plusieurs reprises, dans l'espace de trois siècles, essayé d'arracher leur domaine aux Égyptiens et aux Phéniciens. Un instant ils ont conquis et colonisé le Delta du Nil, et il a fallu toute l'énergie de Ramsès II pour les expulser ou les soumettre. Cette grande lutte a ou pour théâtre toute la Méditerranée orientale les Egyptiens et leurs alliés occupaient alors la Mer Egée et toutes les positions stratégiques du littoral hellénique. Sans doute, la garnison de l'Attique eut à combattre les Atlantes, et avec le concours de la population indigène remporta cette victoire que Solon et Platon célébraient comme le premier triomphe des armes athéniennes. Les vainqueurs prennent à leur tour l'offensive; les Lebous sont bientôt attaqués chez eux par terre et par mer; les flottes de Sidon débarquent sur leurs côtes; les Gétules, d'origine chamite, ancêtres des Berbères actuels, et qui menaient auparavant la vie nomade sur la lisière du grand désert, pénètrent dans le Tell et asservissent, l'un après l'autre, tous les groupes des Aryas africains. L'épouvantable catastrophe qui détruisit Cerné et l'île Atlantide, survenant à cette époque, achève leur désastre. Les Atlantes disparaissent comme peuple indépendant, mais subsistent encore aujourd'hui, en très petit nombre, il est vrai, au milieu de leurs vainqueurs, reconnaissables à leur type physique immuable. Les hommes aux yeux clairs et à la chevelure blonde que l'on a rencontrés dans quelques massifs montagneux de l'Algérie, et notamment dans l'Aurès, sont les arrière-petits-fils des anciens maîtres de l'Afrique et de l'Europe... Ainsi, tout concordait,
les traditions, comme les résultats de sérieuses recherches
scientifiques, à rendre possible, presque probable, l'existence
du grand continent disparu. Berlioux espérait que l'exploration
archéologique et ethnographique du Maroc, encore si peu connu et
si convoité, lui fournirait des preuves décisives pour édifier
sa géographie de l'Atlantide et son histoire des Atlantes. S'il
en avait été ainsi, un point important des traditions historiques
de l'Europe s'en serait trouvé modifié. On n'aurait plus
eu à considérer les Berbères comme les premiers occupants
du Nord-Ouest africain : ce beau pays aurait été, à
l'origine, ce qu'il redevenait en cette fin du XIXe
siècle : un des domaines de la race indo-européenne.
Dans ces conditions, la Colonisation n'était plus une infâmie,
c'était l'exercice du droit légitime. On ne volait plus un
bien à autrui, on reprenait simplement possession de ce qui était
notre depuis la nuit des temps. Ce qu'il fallait démontrer.
Même certains
spécialistes des sciences de la Terre
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