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Herbert Spencer

Herbert Spencer est un philosophe né à Derby en Angleterre, le 27 avril 1820, mort à Londres le 8 décembre 1903. Ses parents étaient méthodistes. Son père et ses oncles étaient en politique des radicaux. Son père, qui était professeur, puis son oncle, qui était pasteur, et auquel on le confia de treize à dix-sept ans, lui laissèrent une grande liberté de développement intellectuel. Il s'intéressa de bonne heure aux sciences naturelles et aux questions politiques plus qu'aux langues mortes et refusa de passer par les Universités. A dix-sept ans, il accepta une situation d'ingénieur au chemin de fer de Londres et Birmingham. A l'âge de vingt-six ans, une crise dans la construction des chemins de fer lui fit perdre sa place, et de 1848 à 1853, il occupa au journal The Economist une position qui correspond à peu près à celle de secrétaire de la rédaction. C'est à cette époque, en 1850, qu'il publia un ouvrage, Social Statics, où apparaissent déjà ses idées directrices.

La formation de sa doctrine
La philosophie de Spencer est un effort pour justifier les théories politiques et sociales du libéralisme radical, qu'il tenait de son milieu familial, au moyen de principes empruntés d'une part à la philosophie romantique allemande, d'autre part aux sciences biologiques et physiques. A vingt ans, il lisait les Principes de géologie de Lyell, et acceptait la théorie de l'évolution, dans son opposition à la théorie de la création. Dès 1842, il publiait dans le journal The Nonconformist une étude sur la Sphère d'action du gouvernement, où il affirmait ses croyances libérales. En 1850, dans Social Statics, il accepte toutes les conclusions politiques des radicaux utilitaires de l'école de Bentham, mais en rejetant la justification théorique que les Benthamites en avaient donnée. Ce qui fait l'importance de ce livre, c'est qu'on peut y saisir très nettement les diverses influences qui ont agi sur l'esprit de Spencer et les origines de sa pensée. Il admet avec les utilitaires que la meilleure organisation sociale possible est celle où le rôle de l'État sera réduit au minimum et où par suite la liberté de l'individu sera aussi grande que possible. Dans le présent, il réduit le rôle de l'État à la police et à la défense contre l'étranger. Dans l'avenir, il prévoit même la disparition de toute espèce de gouvernement. C'est par cette dernière thèse, renouvelée de Godwin, qu'il se distingue, au point de vue politique, des Benthamites orthodoxes.

Au point de vue économique, il admet la propriété commune pour le sol, comme Dove et Stuart Mill, mais il la rejette partout ailleurs. Ce qui caractérise le libéralisme de Spencer, c'est cette combinaison d'une théorie politique anarchique avec une théorie économique qui maintient la propriété individuelle. Chez Spencer comme chez les Benthamites, le libéralisme repose sur la croyance à l'identité naturelle des intérêts individuels. Chez lui comme chez Hartley ou chez Godwin, cette identité naturelle n'est pas conçue comme primitive, mais comme le résultat final du progrès, c.-à-d. d'une évolution sociale bienfaisante.

D'autre part, Spencer rejette la théorie de Bentham, qui faisait consister la morale dans un calcul de plaisirs, qui ramenait la justice à l'intérêt bien entendu, et qui considérait l'organisation sociale comme le produit des combinaisons réfléchies de l'intelligence individuelle. Il critique l'intellectualisme utilitaire au nom d'idées empruntées les unes aux philosophes Écossais, les autres à la métaphysique allemande par l'intermédiaire de Coleridge et de Carlyle. Pour lui comme pour les Écossais, il y a en nous un sens moral, un sens du bien et du mal, irréductible à tout raisonnement et à tout calcul d'intérêts; le principe propre de la moralité, c'est pour Spencer, comme pour Adam Smith, le sentiment de la sympathie; et de plus la sympathie permet d'expliquer psychologiquement le sentiment de la justice, qui en dérive; le libéralisme se déduit tout entier de la notion de justice, et la condition nécessaire et suffisante de sa réalisation, c'est la prépondérance future du sentiment moral dans l'âme humaine; cette prépondérance résultera naturellement de l'évolution sociale, parce que la justice définit pour la société les seules conditions d'équilibre stable. De Carlyle, Spencer a retenu l'idée qu'il y a dans la société et dans la moralité quelque chose d'inconscient, de mystérieux, de divin, de providentiel; la moralité et la justice, dit-il, se souvenant encore de l'éducation religieuse reçue dans son enfance et s'inspirant indirectement de Schelling et de Hegel, sont la réalisation de l'idée divine. Ces conceptions, où se mêlaient le protestantisme et la métaphysique allemande se retrouvaient à la même époque chez Coleridge, sous une forme plus achevée.

La philosophie réformatrice du XVIIIe siècle avait tenté de ramener la nature et la société à un mécanisme que la pensée réfléchie pouvait concevoir et recomposer tout entier. Les romantiques allemands au contraire, Schelling en particulier, y avaient vu le produit d'une activité inconsciente, d'une force mystérieuse, analogue à celle de la vie; la nature et la société pour eux n'étaient pas des mécanismes, mais des organismes; et par l'idée d'organisme ils n'entendaient pas un système de rapports purement statiques, comme l'avaient fait avant eux les penseurs qui avaient comparé à un organisme la société et la nature; ils entendaient un ensemble de rapports dynamiques, qui évolue par l'action d'un principe de vie intérieur et inconscient; ce développement, qui est la vie de l'univers et de la société, tend à la fois vers une détermination, une différenciation de plus en plus grande et vers une coordination harmonique de plus en plus parfaite des parties de l'ensemble. Coleridge avait repris toutes ces thèses des romantiques allemands et s'en était servi comme eux pour légitimer une théorie conservatrice et religieuse de la société. Spencer qui le cite lui doit, avec son idée de vie et d'organisme, sa conception de l'univers et de la société comme une évolution inconsciente qui se fait dans le sens d'une individualisation et d'une harmonie toujours plus parfaites, c.-à-d. dans le sens de ce qu'il appellera plus tard différenciation et intégration. Il s'efforce de justifier le libéralisme radical au moyen des théories mêmes dont les conservateurs se réclamaient pour le combattre. Spencer étudiait en même temps les biologistes contemporains, où il rencontrait une conception de là vie plus précise, à certains égards, que celle des romantiques, contradictoire avec elle à d'autres égards, et qu'il croyait pouvoir amalgamer avec elle. Les cours du biologiste Owen lui avaient montré, concordant en cela avec la philosophie de Coleridge, que le passage des êtres vivants inférieurs aux êtres vivants supérieurs amène une différenciation et une dépendance mutuelle de plus en plus grande des parties de l'organisme.

Il avait étendu cette théorie aux organismes sociaux. Et il légitimait son optimisme finaliste en généralisant une thèse de l'évolutionnisme biologique de Lamarck. Celui-ci expliquait, au moins en partie, la finalité et l'adaptation des organismes par l'action du milieu extérieur, l'usage et l'hérédité, qui développent les organes et les fonctions utiles et qui atrophient les organes et les fonctions inutiles ou nuisibles. Ce qui est vrai des aptitudes et des fonctions biologiques l'est aussi, d'après Spencer, des aptitudes et des facultés psychologiques; et ce qui l'est du milieu physique l'est aussi du milieu social; c'est pourquoi l'évolution psychologique et sociale transformera la nature humaine de manière à l'adapter parfaitement à son milieu social et réalisera nécessairement le plus grand bonheur du plus grand nombre, une moralité parfaite et un état social où régneront une justice et une liberté complètes. Par là, l'évolution n'est plus conçue comme le développement spontané, d'une activité interne, à la manière des romantiques allemands, qui, généralisant la thèse vitaliste, l'appliquaient à l'univers physique et à la société; elle est conçue comme l'effet d'une adaptation au milieu, c.-à-d. comme une résultante des conditions externes, 'à la manière des biologistes, héritiers des philosophes du XVIIIe siècle, des Encyclopédistes et des mécanistes. C'est cette dernière conception qui allait l'emporter dans l'esprit de Spencer. Pendant les années suivantes, sa pensée continua à se développer sous l'influence des sciences biologiques. En 1852, il trouva dans la loi de Von Baer une formule brève et nette de l'évolutionnisme l'organisme individuel évolue de l'homogénéité à l'hétérogénéité. Il appliqua cette formule, dans un grand nombre d'articles de revue, à diverses espèces de phénomènes sociaux. Il publia en 1855 des Principes de Psychologie où il l'appliquait à l'esprit, dont la Statique sociale avait déjà affirme l'évolution; et il montra également que l'évolution mentale constitue un passage de l'indéfini au défini et se fait dans le sens d'une dépendance mutuelle de plus en plus grande des éléments psychologiques, c.-à-d. d'une intégration.

La psychologie de Spencer est un empirisme associationniste, comme celle des utilitaires, de James Mill et de Stuart Mill; c'est une psychologie physiologique, comme déjà l'associationisme de Bain et avant lui celui de Hartley. Ce qui en fait la nouveauté, c'est qu'au lieu de considérer la nature humaine comme stable et de s'en tenir à l'étude de l'âme individuelle, il étudie l'esprit comme soumis a une évolution parallèle à l'évolution biologique et embrassant comme elle un nombre incalculable de générations. C'est après la publication de sa Psychologie que Spencer en vint à considérer, la loi d'évolution qu'il avait appliquée à divers groupes de phénomènes comme une loi qui s'étendait à l'univers tout entier. Il chercha dès lors, conformément à l'esprit des biologistes évolutionnistes dont il s'inspirait, à l'expliquer par des raisons tirées des sciences physiques, rejetant définitivement les théories religieuses dont la Statique sociale était encore tout imprégnée. Un essai sur le Progrès, sa loi et sa cause nous montre une première tentative d'explication physique de l'évolution universelle.

Il compléta bientôt son explication et la rattacha enfin au principe de la persistance de la force, que les physiciens contemporains venaient d'énoncer à la suite de leurs expériences sur l'équivalent mécanique de la chaleur, et dont la découverte avait renouvelé chez eux l'espoir de parvenir à expliquer mécaniquement tous les phénomènes physiques. Arrivé â ce point, Spencer forma le projet d'exposer l'ensemble de sa doctrine a partir des premiers principes, il se mit à vivre d'une vie très retirée, principalement à la campagne, et, de 1860 à 1896, il parvint, malgré sa mauvaise santé et de grandes difficultés financières, à réaliser ce vaste dessein en publiant successivement, sous le titre commun de Système de philosophie synthétique, les Premiers Principes, les Principes de biologie, les Principes de psychologie, les Principes de sociologie et les Principes de morale.

Le système philosophique de Spencer
Les Premiers Principes. Les Premiers Principes se divisent en deux parties; «l'Inconnaissable» et «le Connaissable». Dans «l'Inconnaissable», Spencer s'inspire probablement de Carlyle et certainement de Mansel et de Hamilton, qui avait repris les thèses de Kant sur la relativité de la connaissance; il soutient que le principe de l'univers est une puissance mystérieuse, infinie et éternelle, inconnaissable et incompréhensible; il rejette ainsi hors de la philosophie comme insolubles les problèmes dont se sont occupés toutes les métaphysiques, et il considère comme l'essence même de la religion le sens de ce mystère qui déborde de toutes parts notre connaissance scientifique et philosophique. Dans le «Connaissable», Spencer déclare d'abord, comme Auguste Comte, que le rôle de la philosophie est de relier entre elles les vérités les plus générales établies par la science; puis il cherche à montrer que les conditions de toute notre pensée scientifique et philosophique, c'est l'affirmation de phénomènes dans le temps et dans l'espace; manifestations et symboles de la force mystérieuse dont tout procède, l'affirmation de ressemblances et de différences entre ces phénomènes, enfin celle d'une séparation des phénomènes en deux groupes, le sujet et l'objet. La vérité la plus générale sur laquelle repose toute science et toute philosophie et sans laquelle il serait même impossible de penser les choses, c'est le principe de la persistance de la force, d'où Spencer déduit la loi de l'évolution, qu'il essaie d'autre part de justifier par un grand nombre d'exemples tirés de tous les ordres de phénomènes. 

« L'évolution est une intégration de matière accompagnée d'une dissipation de mouvement pendant laquelle la matière passe d'une homogénéité indéfinie, incohérente, à une hétérogénéité définie, cohérente et pendant laquelle le mouvement retenu subit une transformation parallèle. »
Le principe de la persistance de la force permet également d'établir que l'évolution aboutit dans tous les ordres à un état d'équilibre, et d'harmonie et qu'elle sera suivie d'une série de transformations en sens contraire, que Spencer nomme dissolution; l'univers apparaît ainsi comme une suite sans fin d'évolutions et de dissolutions alternatives. Ce premier volume du Système de philosophie est le plus faible de tous; la partie relative à l'Inconnaissable trahit l'insuffisance de la culture philosophique de Spencer; quant à la seconde partie, les mots y sont pris dans un sens vague, tout différent du sens précis qu'ils ont dans la langue des sciences physiques et les raisonnements de Spencer perdent par là toute rigueur et toute valeur scientifique.

Principes de biologie. Spencer n'a pas appliqué en détail ses principes à la nature inorganique; il a passé directement des premiers principes à la biologie. C'est la partie la moins originale de son oeuvre; il n'a guère fait que reproduire, en les systématisant et en les exprimant en des termes souvent assez vagues, les théories des biologistes évolutionnistes contemporains. il définit la vie : « une adaptation continue des rapports internes aux rapports externes», ou d'une manière plus développes : «la combinaison définie de changements hétérogènes à la fois simultané et successifs, en correspondance avec des coexistences et des successions externes ». Il nie par là même le vitalisme et considère les transformations des organismes comme produites par l'action physico-chimique du milieu extérieur. Il en déduit que l'évolution morphologique et physiologique consiste en une différenciation et une intégration progressives. Et pour expliquer l'adaptation croissante des organismes à leur milieu comme la finalité interne qu'ils présentent, il ne s'en tient plus à l'hypothèse de Lamarck, il adopte la théorie que Darwin venait de proposer dans son Origine des Espècessur la sélection naturelle et la lutte pour la vie. C'est cette théorie qui désormais, dans ses ouvrages suivants, lui servira à justifier mécaniquement son optimisme finaliste et lui permettra d'interpréter l'évolution comme un progrès.

Principes de psychologie. La vie psychologique comme la vie du corps est une adaptation continue des rapports internes aux rapports externes. Elle s'explique donc tout entière par l'expérience, et la vie mentale est inséparable de la vie organique; la psychologie de Spencer est un empirisme et une psychologie physiologique; il combat le rationalisme kantien et la psychologie écossaise. Mais il a renouvelé l'empirisme associationniste et la psycho-physiologie en les combinant avec l'idée d'évolution; il substitue comme principe d'explication à l'expérience individuelle l'expérience de ce qu'en son temps on appelle la "race", à la physiologie individuelle l'évolution biologique; c'est là de tout son système la partie la plus neuve. La vie psychologique, mémoire, raison, volonté, apparaît quand les correspondances entre le dehors et le dedans cessent d'être en petit nombre, simples et immédiates; elle consiste en une différenciation et en une intégration croissantes d'éléments psychologiques homogènes combinés les uns avec les autres par l'expérience et l'association des idées. La sélection naturelle assure l'adaptation croissante de l'esprit à son milieu physique, c.-à-d. qu'elle accroît perpétuellement le nombre, la précision, la cohésion de nos connaissances et qu'elle garantit par là le progrès intellectuel. Elle assure également la correspondance habituelle du plaisir et des tendances individuelles avec les actions utiles, non à l'individu, mais à la "race", et celle de la douleur avec les actions nuisibles à l'espèce; c'est sur cette théorie que s'appuiera la morale de Spencer. Enfin, grâce à l'idée d'évolution, Spencer croit pouvoir résoudre le problème de la raison et des vérités nécessaires, en rejetant à la fois le rationalisme de Kant et l'empirisme individualiste de Stuart Mill : il est vrai, d'après lui, que les vérités rationnelles dérivent de l'expérience, mais les caractères qu'elles présentent ne sauraient s'expliquer par l'expérience individuelle; leur universalité et leur nécessité tiennent à ce qu'elles sont le produit de l'expérience de la "race" et à ce qu'elles sont devenues organiques et automatiques. Cette théorie sur les principes nécessaires, sur les croyances universelles, qui en légitime la vérité en en expliquant l'origine, permet en même temps à Spencer de justifier le réalisme, emprunté à Hamilton et aux Écossais, dont il avait fait dans les Premiers Principes un des postulats fondamentaux de la philosophie et de la science.

Les Principes de psychologie se terminent par plusieurs chapitres où Spencer étudie les facultés humaines qui sont des facteurs dans les phénomènes sociaux. Il y expose une théorie sur l'origine des sentiments moraux et une explication des activités esthétiques. Ces deux théories sont nouvelles comme sa théorie de la raison et sa théorie du plaisir. Pour expliquer l'origine des sentiments moraux, il s'inspire sans doute des idées développées par Darwin sur l'expression des émotions et sur l'instinct de sociabilité; mais il est beaucoup plus complet que lui, et ces chapitres où apparaissent déjà les idées directrices des Principes de morale, renferment la première théorie où l'origine de la moralité soit expliquée systématiquement par l'évolutionnisme biologique, psychologique et social, dans son opposition avec le rationalisme kantien et l'empirisme individualiste de Mill. Dans son explication des sentiments esthétiques, Spencer part de la formule où Schiller résumait sa théorie d'inspiration kantienne : l'art est un jeu; mais Spencer interprète cette formule par la biologie, en montrant que l'activité esthétique résulte, chez les êtres vivants supérieurs, de la dépense du surplus d'énergie inutile à la conservation de la vie.

Principes de sociologie. Le mot et l'idée de sociologie sont empruntés par Spencer à Auguste Comte. Dans ses Principes de sociologie, Spencer établit que l'évolution sociale, comme l'évolution organique, se fait par différenciation et par intégration, et il compare longuement la société à un organisme; il montre, en particulier, qu'on peut y distinguer un système d'organes externe, qui est en rapport avec le dehors pour la défense et pour l'attaque, et un système d'organes interne, qui assure l'alimentation du corps social; suivant que l'un ou l'autre de ces deux systèmes d'organes prédomine, la société est une société principalement militaire, reposant sur la coopération forcée, ou une société principalement industrielle reposant sur la coopération volontaire. L'évolution, la lutte pour la vie, la sélection naturelle ont amené d'abord le développement du militarisme et des gouvernements; mais elles amènent déjà et elles amèneront de plus en plus, non moins inévitablement, le développement de l'industrialisme et celui du libéralisme qui en est inséparable. Cette théorie, qui s'inspire en partie de l'économie politique libérale, en partie du saint-simonisme, est le centre de la sociologie de Spencer. Elle domine les théories qu'il donne de l'évolution politique, économique, religieuse, familiale; il montre comment, grâce au développement de l'industrialisme, l'évolution politique tend vers la liberté politique, l'évolution économique vers la liberté du commerce et du travail, l'évolution religieuse vers la liberté de conscience, l'évolution familiale vers la reconnaissance des droits de la femme et de l'enfant. Ce qui caractérise la méthode sociologique de Spencer, c'est d'être principalement ethnographique, c.-à-d. d'utiliser surtout les données qu'a fournies l'étude des sauvages. Il faut signaler dans l'explication que donne Spencer de l'origine des religions le fait qu'il rejette absolument la thèse naturaliste de Max Muller et qu'il prétend dériver toutes les religions du culte des morts. Les Principes de sociologie n'ont pas été terminés. Pressé par l'âge et désireux de publier les Principes de morale, en vue desquels tout le reste était écrit, Spencer a renoncé à traiter en détail du progrès des langues, du progrès intellectuel et du progrès esthétique.

Principes de morale. Nous retrouvons dans les Principes de morale les mêmes affirmations essentielles que dans la Statique sociale, avec une double différence Spencer élimine l'interprétation religieuse de l'évolution morale qu'il avait exposée dans son premier ouvrage, et il lui substitue l'explication que nous avons signalée de l'origine de la moralité. Par l'effet de la sélection naturelle, de l'adaptation nécessaire au milieu social, la moralité doit se perfectionner de plus en plus et le bonheur croître sans cesse, comme la pensée et la raison se perfectionnent de plus en plus par l'effet de l'adaptation nécessaire au milieu physique. La moralité, comme la raison, tend de plus en plus à se transformer en une impulsion fatale, à s'incorporer à l'organisme lui-même. Le contenu de la moralité, la nature de la justice se définissent par le libéralisme radical, dont le progrès moral amènera la réalisation. Spencer rejette le socialisme agraire qu'il avait admis autrefois. Et son système s'achève ainsi en une glorification du libéralisme politique au nom d'un fatalisme optimiste, évolutionniste et biologique. (René Berthelot).



En bibliothèque - Comme ouvrages d'ensemble sur Spencer, où les diverses parties du système soient exposées dans leur enchaînement, on ne peut guère citer que: Howard Collins, Résumé de la philosophie de Herbert Spencer, trad. franc., Paris, 1891, 1re éd. (c'est un résumé très exact, paragraphe par paragraphe, du Système de philosophie). - A. Lalande, L'Idée directrice de dissolution opposée a celle de l'évolution; Paris, 1898 (c'est une critique qui suit l'ordre des ouvrages fondamentaux de Spencer. - W.-E. Hudson, An introduction to the philosophy of Herbert Spencer; Londres. - Hector Macpherson, Herbert Spencer, the man and his Work; Londres, 1900.

En librairie - Herbert Spencer, Le droit d'ignorer l'Etat, Les Belles Lettres, 1993.

Daniel Becquemont et Laurent Mucchielli, Le cas Spencer, PUF, 1998.

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