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L'économie
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On peut entendre le mot économie comme l'ensemble des faits relatifs à la production, à la circulation et à la consommation des richesses dans une collectivité humaine, ou bien comme la science qui étudie ces faits; le terme est alors synonyme d'économie politique. L'économie politique, ayant pour objet l'étude des intérêts matériels des sociétés, c'est une branche de la sociologie. Les auteurs ne sont parfois d'accord ni sur sa définition, ni sur l'étendue et les limites de son champ d'investigation, ni sur son caractère exact. Elle est généralement considérée comme une science, étant entendu que le mot science n'a pas ici le sens rigoureux qu'on lui donne lorsqu'il est question de sciences mathématiques, physiques ou naturelles; à côté de celles-ci, les sciences morales et politiques, avec des méthodes de moindre précision, peuvent aboutir à des lois fondées sur l'observation, confirmées par l'expérience. L'économie politique est donc l'une des sciences morales, ou plus exactement, l'une des sciences sociales . Mais l'est-elle complètement et exclusivement? On a soutenu qu'elle avait au moins autant le caractère d'un art. Selon la définition de Destutt de Tracy, un art est la collection des maximes ou préceptes pratiques dont l'observation conduit à faire avec succès une chose déterminée. Presque toute science dans ses applications comprend un art. La science astronomique est le fondement de l'art de la navigation; les mathématiques sont le fondement des arts mécaniques; les sciences physiques, de l'art médical. Ce qu'on appelle les sciences politiques confond évidemment un art et une science. La politique proprement dite est essentiellement un art. L'économie politique est-elle autre chose? a-t-elle vraiment un caractère suffisamment scientifique? possède-t-elle des lois, indépendantes de toute application particulière? On l'a contesté parfois.

II est certain qu'ici comme partout la pratique a devancé la théorie. Les gouvernements d'autrefois ont eu une politique économique fondée sur leur expérience personnelle et celle de quelques cas analogues ou bien encore sur des théories ou des croyances auxquelles ils voulaient plier les faits. C'est seulement au XVIIIe siècle que les penseurs, analysant méthodiquement les problèmes économiques, en ont dégagé un certain nombre de principes; qu'ils ont montré l'enchaînement des faits économiques et constitué une sorte de science. Ce qui caractérise la science, c'est, en effet, la connaissance des rapports qui existent entre des phénomènes et la connaissance des lois permanentes qui régissent ces rapports. La coordination de ces lois en un ensemble systématique qui en révèle l'harmonie, achève de constituer la science et de la caractériser. L'histoire de l'économie politique montre comment la conception de la science économique s'est peu à peu dégagée des travaux des philosophes économistes du siècle dernier. Mais il reste difficile de s'accorder sur une définition, non plus d'ailleurs que sur plusieurs des théories fondamentales. 

Adam Smith disait (Introduction au livre IV de la Richesse des nations)  :

« L'économie politique, considérée comme branche de la science de l'homme d'Etat et du législateur, se propose deux objets distincts d'abord de fournir à la nation un abondant revenu ou de larges moyens de subsistance, ou plus exactement de mettre la nation en mesure de se les procurer à elle-même; en second lieu, de pourvoir l'Etat ou la communauté d'un revenu suffisant pour rémunérer les services publics. Elle a pour but d'enrichir à la fois la nation et le souverain. » 
On voit que le fondateur de l'économie politique ne l'envisage nullement comme une science, au sens que nous donnons à ce mot, mais au contraire comme une branche de l'art politique. II s'en tenait à l'opinion de l'école d'Aristote, à qui on a emprunté la dénomination : h oikonomikh signifie l'art d'acquérir et de gérer la propriété, et l'auteur des Economiques distingue l'économie royale, satrapique, politique et domestique; pour lui, par conséquent, l'économie politique est l'ensemble des règles de la politique financière d'un Etat'républicain. C'est Montchrestien, sieur de Watteville, qui reprit cette désignation en 1615  et ce sont les auteurs français qui la consacrèrent définitivement et la firent adopter. Ce sont eux aussi qui émirent la prétention d'ériger en science l'ensemble des règles relatives à la richesse publique. J.-B. Say distingue expressément de la politique, science de l'organisation des sociétés, l'économie politique qui enseigne comment se forment, se distribuent et se consomment les richesses qui satisfont aux besoins des sociétés, attendu que, dit-il, les richesses sont essentiellement indépendantes de l'organisation politique. Il va plus loin et écrit :
« L'économie politique est la science qui traite des intérêts de la société; sous quelque gouvernement que vivent les nations, quelque climat qu'elles habitent, elles subsistent, s'entretiennent suivant des lois naturelles où les faits se lient à leurs causes et à leurs résultats. C'est cet enchaînement qui tient à la nature des choses que l'économie politique fait connaître. »
Si ces affirmations étaient strictement exactes, l'économie politique serait une science bien distincte. Mais il est très contestable que les conditions générales du travail, de la production, de l'échange soient soumises à des règles invariables tenant à la nature même de ces opérations. Ces conditions varient avec l'organisation sociale, et avec ce que l'on pourrait appeler le « passé et les habitudes économiques » de la société considérée; il est donc bien difficile de détacher l'économie politique de la sociologie. Les maximes développées par les économistes sont pour la plupart relatives à la civilisation occidentale et à l'image que leur offrait la société au moment où il ont vécu.

D'ordinaire, on se contente de la définition de J.-B. Say, qu'il donne comme titre de son Traité d'économie politique :

« Exposition de la manière dont se forment, se distribuent et se consomment les richesses ». 
Cette définition a l'avantage d'être claire, précise, de n'impliquer nulle hypothèse. Rossi s'en est tenu à cette conception et a proposé de substituer au terme vague d'économie politique celui de chrématistique, science de la richesse. D'autres ont présenté des objections à la définition de Say; ils trouvent que les mots production, distribution, consommation, richesse ont ici un sens technique sur lequel on s'entend moins qu'on ne le croit et qui demeure inexpliqué au profane. Cette définition leur paraît trop compréhensive et vague, car la production des richesses comprend tous les arts industriels, agricoles et manufacturiers; or l'économie politique s'occupe, non pas du mécanisme de la production, mais de la valeur des produits. On se rapprocherait alors de l'opinion de Condillac, qui qualifie la science économique de « philosophie du commerce » ou « science des échanges ». Cette définition, adoptée par H. Dunning Mac-Leod, lui parut la plus conforme aux idées modernes. 
« En même temps qu'elle satisfait aux conditions d'une science physique, elle embrasse un ordre distinct de quantités, quantités dont les rapports mutuels sont réglés par une idée eu conception unique, la possibilité d'être échangés; la science a ainsi pour objet de découvrir les lois de leurs relations réciproques en tant qu'échangeables ou variables. » 
Limitée ainsi, l'économie politique, s'appuyant sur la science financière, paraît, en effet, très scientifique. Mais beaucoup d'économistes veulent en élargir le cadre. Ils montrent d'abord que la définition de J.-B. Say semble confondre les richesses naturelles et les richesses industrielles et sociales; les biens que la nature prodigue à tous, par exemple la lumière, le chaleur solaire, ne sont pas en eux-mêmes l'objet de notre étude; il faut distinguer la valeur en utilité de la valeur échangeable, la seule dont s'occupe l'économie politique. Celle-ci n'étudie pas les besoins des humains, mais le résultat de ces besoins dont chacun est juge et qu'il traduit par une demande de tel ou tel produit. 

Après avoir développé ces vues, Coquelin conclut que l'économie politique étudie les résultats du travail de l'humain, ce qu'en d'autres termes on appellerait l'industrie, au sens le plus large. L'auteur du Dictionnaire d'économie politique blâme les économistes qui fondent leur science sur la définition abstraite de la richesse, se font «-un langage à part, entortillé, obscur, nourri de distinctions subtiles et d'abstractions ». Mais lui-même n'échappe pas à ces reproches, car ils tiennent à la nature même des spéculations des économistes, lesquels n'étudient pas l'ensemble des phénomènes de la production, de la distribution, de la consommation, mais seulement les conditions abstraites de ces phénomènes; ils sont par là obligés d'avoir leur langage, leur terminologie, et la complexité même des questions les empêche de se mettre complètement d'accord, même sur les définitions.

La conclusion que nous tirerons de ces divergences, c'est qu'en réalité l'économie politique n'est pas une science. C'est un ensemble de connaissances indiquées par l'analyse philosophique et l'expérience, d'où l'on induit des règles relatives à la production et aux échanges (industrie et commerce), définissant leurs conditions essentielles, afin de guider les pouvoirs publics lorsqu'ils interviennent en ces matières. Beaucoup de ces résultats, d'une grande utilité pour les politiques, ne sont exacts que pour une situation sociale et une organisation politique données.

La partie la mieux étudiée, celle où les règles établies ont le plus le caractère de lois, est la science financière, tout ce qui est relatif à la monnaie, le plus abstrait des objets d'échange; en général, les considérations relatives au commerce sont solidement établies. En revanche, tout ce qui est relatif à la production, à la propriété est controversé. Si vous faites abstraction de la science financière, il ne reste plus beaucoup de science, mais plutôt de la philosophie, des théories très controversées et une collection de conseils pratiques. L'économie politique vous apparaît une doctrine philosophique, la doctrine d'une école qui de l'analyse des faits conclut aux avantages de la liberté. Les grands débats qu'elle soutient évoluent entre deux pôles : la doctrine du libre-échange et la doctrine socialiste.

Les phénomènes économiques ne sont pas susceptibles de mesures précises d'évaluations quantitatives; l'utilisation même des documents fournis par la statistique est difficile. La complexité de ces faits défie les ressources des mathématiques. Malgré l'apparence contraire, ce sont des faits moraux autant que matériels. L'économie politique repose sur la psychologie. L'origine de la valeur est le désir, la base du crédit est la confiance; valeur et crédit restent soumis à des variations où la psychologie joue le rôle essentiel, de même dans tout ce qui concerne le luxe, facteur dominant de la production moderne.

En somme, on réunit, sous le nom d'économie politique, un ensemble de lois et de faits sociologiques, de règles politiques, de doctrines philosophiques. La manière dont ces sciences ont été groupées et systématisées ne sera peut-être pas conservée. Elle n'en témoigne pas moins d'un puissant effort de la pensée humaine, grâce auquel ont été acquises bien des notions précieuses et élucidés des problèmes dont les anciens gouvernements soupçonnaient à peine l'obscurité. (A.-M. B.).

Les principes de l'économie politique

Production de la richesse

Produire de la richesse, c'est créer de l'utilité. Les principaux agents de la production sont la nature, le travail et le capital.

La Nature.
C'est l'ensemble des éléments préexistants du milieu où nous vivons. Pour que l'humain puisse produire, il faut que la nature lui fournisse

1° Un milieu propice (climat, configuration géographique, constitution géologique du sol et du sous-sol).

2° Une étendue suffisante de terrain.

3° Une matière première utilisable.

4° Des ressources énergétiques.

Le travail.
Le travail, c'est  l'effort de nos facultés physiques, intellectuelles ou morales pour produire quelque chose.

Classification par rapport... 
1° A la matière : il est extractif, agricole, industriel, commercial, locomoteur.

2° A sa nature, on a le travail :

a) d'invention (ingénieur);
b) de direction (entrepreneur);
c) d'exécution (employé, ouvrier). 
3° Aux facultés : 
a) corporel ;
b) intellectuel.
Conditions favorables à la fécondité du travail.
1° Liberté des personnes.
2° Association : ici comme partout l'union est un multiplicateur
d'énergies.

3° Division
c'est le fractionnement des tâchespour une même industrie. La division du travail :

a) développe l'habileté professionnelle ; 

b) épargne du temps ; 

c) diminue l'apprentissage; 

d) facilite l'emploi des machines;

e) fortifie la solidarité entre les ouvriers. 

Mais elle a pour inconvénients de réduire le travail à une besogne tellement simple et uniforme que, dispensé de toute réflexion, l'ouvrier ou l'employé n'est plus qu'un rouage dans une immense machine; donc pas d'initiative ni de progrès.

Le capital.
Nature.
On entend par capital tout bien économique, réel, applicable à la production. Le capital ne suppose pas nécessairement l'épargne (une chute d'eau naturelle n'est-elle pas un capital ?).

Les facteurs du capital sont les forces naturelles et le travail. L'épargne n'est qu'une condition; ce n'est pas elle qui constitue le capital, mais celui-ci suppose souvent à son origine une certaine quantité de richesse soustraite à la consommation pour servir à la production.

Espèces. 
1° Capital fixe : celui qui reste après une production pour servir à d'autres productions (outils, constructions, machines, ateliers, routes, canaux, améliorations de la terre, etc.).

2° Capital circulant : celui qui est absorbé dans l'oeuvre de la production; qui, par conséquent, ne sert qu'une fois (approvisionnements destinés à faire vivre le personnel producteur, les matières premières, la monnaie).

Conclusion.
Le principal agent de la production c'est le travail; la nature est le facteur originaire de la production, en ce sens qu'elle fournit au travail les éléments préexistants à transformer; le capital est un produit du travail et de la nature, c'est un instrument de production; mais c'est du travail de l'humain qu'il reçoit sa valeur productive. Le capital est l'auxiliaire indispensable du travail : pour travailler, l'humain a besoin d'instruments appropriés; il lui faut une matière pour exercer son travail; il doit payer son entretien avant de réaliser le produit de son travail. L'humain est stimulé à capitaliser pour subvenir aux besoins de l'avenir; le capital a donc aussi pour condition la prévoyance.

Les principaux papiers de crédit sont : la lettre de change, le billet à ordre, etc. Le crédit n'est pas directement productif, parce qu'il ne crée aucun capital ; mains indirectement, parce qu'il facilite et multiplie l'usage des capitaux existants. Il donne lieu à des opérations véreuses ou à des spéculations hasardeuses, quand il n'y a pas capital disponible chez le prêteur et travail productif chez l'emprunteur.

Circulation de la richesse

Pour que la production se multiplie, il faut nécessairement que les produits circulent dans la société et soient transportés là où le besoin s'en fait sentir. Cette circulation des produits et de la richesse se fait par l'échange.

La civilisation des peuples est intimement liée à la question de l'échange. Pour ce qui est des individus, quelques instants de réflexion suffisent pour comprendre qu'ils doivent aussi à l'échange tout le bien-être dont ils jouissent, et que les services qu'ils peuvent rendre à la société ne sont rien en comparaison de ceux qu'ils en reçoivent.
L'échange sous sa forme élémentaire se fait en nature par le troc simple, mais il est évident que dans ces conditions il est très incommode; la monnaie, dont les avantages comme instrument d'échange sont incontestables, est venue faciliter toutes les transactions; enfin l'échange au moyen de la monnaie a été perfectionné lui-même par l'institution du crédit.

De l'échange en général.
Que deux objets s'échangent par simple troc contre une marchandise intermédiaire, ou contre une quantité déterminée d'or ou d'argent, au fond c'est toujours une valeur qui est donnée en échange d'une autre valeur. Dans la pensée des deux échangistes, les deux objets se valent. Tout échange repose donc sur la valeur.

La valeur dépend très souvent de l'utilité, mais ces deux notions ne se confondent pas : l'utilité indique un rapport entre nos besoins et les choses; la valeur indique, et c'est ce qui la distingue, un rapport d'échange entre les richesses.

La valeur n'est pas moins distincte du prix. Les rapports d'échange existeraient, en effet, entre les divers objets, et ces objets pourraient être réellement échangés indépendamment de l'intervention de la monnaie. Celle-ci facilite simplement la détermination de ces rapports, et le prix n'en est que l'expression monétaire.

La valeur d'une chose ne représente même pas toujours la quantité de travail ou de capital que cette chose a absorbée. Quand le dessein a été mal conçu, il n'est pas rare que le travail et le capital demeurent infructueux, que le produit soit sans valeur.

La valeur n'est donc pas quelque chose de fixe, d'absolu, qui puisse se mesurer en travail, en argent ou en blé; c'est un simple rapport essentiellement variable; d'où cette conséquence que toutes les valeurs ne peuvent pas s'élever ou s'abaisser à la fois, car la valeur d'une chose ne hausse que parce que celle de telle autre décline relativement à elle.

Les oscillations des valeurs ne sont pas arbitraires; elles sont réglées par le rapport de l'offre à la demande : La valeur des choses se détermine en raison directe de la demande et en raison inverse de l'offre. C'est la loi fondamentale de l'échange. La demande répond au besoin que l'humain a d'une chose; l'offre signifie surabondance et désir de se débarrasser d'un objet utile, mais superflu.

Les causes qui influent sur la demande sont : l'utilité commune ou relative d'une chose, le travail épargné, la facilité de transmission. - Celles qui agissent sur l'offre sont : la rareté des objets, le travail dépensé, le capital engagé. Les valeurs dépendent de ces éléments divers.

On s'est demandé si, en dehors de l'offre et de la demande, qui ne sont autre chose que l'échange lui-même considéré dans ses deux termes, il n'y avait point pour les valeurs un principe absolu de détermination. Ricardo a cru trouver ce principe, et a formulé comme une loi, que la valeur naturelle des choses était déterminée par la somme des frais de production. Cette théorie, fondée dans la plupart des cas, ne l'est pas toujours; et pour résumer exactement cette question il faut dire, avec Baudrillart, « que la valeur se détermine par la loi de l'offre et de la demande, et se règle en général sur les frais de production.

La monnaie.
La monnaie est une marchandise intermédiaire qui sert d'instrument commun à tous les échanges.

Les échanges en nature par simple troc sont le plus souvent très incommodes, quelquefois impossibles. « Je possède tant de kilogrammes de laine, autant de mètres de coton, et je voudrais avoir du blé. Je porte [...] ma richesse encombrante chez un cultivateur; il a du blé, mais c'est du vin qu'il demande; je cherche à m'en procurer pour le lui donner ensuite, le vigneron n'a pas besoin de mon coton et de ma laine; le fabricant qui la recevrait volontiers ne possède ni vin ni blé qu'il puisse me céder.... » (Baudrillart.) Que de complications! Les denrées ont eu le temps de se corrompre pendant les longueurs de ces négociations; de plus, elles ne sont pas toujours divisibles, et comment me procurer les menus objets dont j'ai besoin? Enfin, faute d'un terme de comparaison commun, il est difficile d'établir le rapport d'une denrée à une autre... De là l'idée de la monnaie, c'est-à-dire d'une marchandise qui eût une valeur réelle, intrinsèque, qui de plus, agréable à tous, toujours et également, peut servir d'instrument d'échange universel.

Les peuples modernes ont tous accepté pendant longtemps comme monnaie les métaux précieux d'or et d'argent, qui offrent l'avantage d'avoir une valeur intrinsèque peu variable et relativement considérable, - d'être inaltérables, - homogènes, - divisibles, - malléables, - et enfin d'un transport facile. En 1944, la signature des accords de Bretton Woods a conduit à l'abandon de ce régime de convertibilité. Le dollar des Etats-Unis est devenu à partir de là la monnaie de référence dans le monde (système de change fixe). Le système de Bretton-Woods, abandonné à en 1973, a instauré un régime des échanges flottants, base du système monétaire international. Il ne comporte d'étalon monétaire.

La monnaie, bien qu'elle soit une valeur, ne constitue pas proprement la richesse. Elle donne sans doute à l'individu la faculté de se procurer les satisfactions qu'il désire; mais un pays peut avoir beaucoup de monnaie et manquer de blé, de vin, de viande, etc.; il n'a donc aucun intérêt à avoir plus de monnaie que ne l'exige la circulation. La vraie richesse, source du bien-être, est pour lui dans l'abondance des denrées nécessaires ou utiles à la vie.

Le crédit.
Nature du crédit. 
L'échange, s'il n'avait d'autre instrument que la monnaie, serait encore très limité; le crédit, dont le principe est la confiance mutuelle, « permet de l'opérer dans des conditions merveilleuses d'économie, de promptitude et d'universalité. » (M. Périn).

Le crédit peut se définir, l'acte de confiance par lequel le détenteurs de capitaux en font l'avance ou les prêtent, sous promesse et garantie de remboursement futur.

Le crédit suppose toujours, chez le prêteur, un capital préexistant et sans emploi immédiat; chez l'emprunteur, un travail productif et des garanties de restitution. Si ces garanties sont matérielles, c'est-à-dire consistent dans une valeur mobilière ou immobilière offerte au prêteur comme gage, le crédit est réel. Si ces garanties sont simplement morales, c'est-à-dire si elles ne sont autres que l'honnêteté et le travail intelligent de l'emprunteur, le crédit est personnel.

Titres de crédit.
En toute hypothèse il y a promesse de remboursement futur dans des conditions déterminées; cette promesse écrite est un titre de crédit. Ce titre n'est qu'un signe représentatif de la monnaie, mais il circule de main en main et est accepté en paiement comme la monnaie elle-même jusqu'à l'échéance fixée pour le remboursement par le souscripteur.

Cette circulation des titres est appelée circulation fiduciaire, c'est-à-dire reposant sur, la confiance, par opposition à la circulation monétaire, qui porte avec elle sa garantie intrinsèque.

Les principaux titres de crédit sont le billet à ordre et la lettre de change: - le billet à ordre est un engagement de, payer à l'ordre d'une personne une somme déterminée. Il peut être transféré par endossement; mais il est payé par le souscripteur et dans le lieu où il a été souscrit. - La lettre de change est un litre par lequel le créancier tire sur son débiteur en faveur d'un tiers. Sa forme est celle-ci : « A telle date, veuillez payer à l'ordre de M*** la somme de » Elle se transmet ordinairement par voix d'endossement.

Avantages du crédit.
Le crédit offre les plus grands avantages.

1° Il active la production en empêchant le chômage des capitaux, et en les faisant passer des mains oisives en des mains disposées et aptes à les féconder.

2° Il fait valoir les épargnes, et par conséquent les favorise au grand profit de la société tout entière. « Soit par prêts directs, en effet, soit par, concentration dans les établissements de crédit appelés banques, qui, à leur tour, font les prêts et les surveillent, soit par placement sous forme d'actions, d'obligations, il n'est si petite épargne qui ne puisse trouver son emploi, donc sa rémunération. »

3° Il réalise l'union, la solidarité du capital et du travail. « Il associe le riche et le pauvre, ou plutôt la richesse accumulée et la richesse en voie de formation, pour que nul capital ne reste improductif et que nul travail intelligent ne soit privé du concours du capital. »

4° Il simplifie, grâce aux banques, le mécanisme des échanges, et diminue très notablement la quantité de monnaie nécessaire aux transactions.

Mais, il faut le remarquer, par lui-même le crédit ne crée pas la richesse; c'est toujours le travail qui en est le principe; le crédit n'y contribue qu'en développant le travail, dont il fait circuler les produits. Il ne crée pas des capitaux nouveaux, il rend féconds tous les capitaux disponibles.

Établissements de crédit.
On appelle banques les établissements qui se chargent de concentrer et de régler toutes les opérations de crédit. Elles sont privées ou publiques. Seules, ces dernières ont le droit d'émettre des billets de banque.

Ces billets ne sont qu'un signe représentatif de la monnaie; la confiance qu'ils inspirent repose sur l'encaisse métallique de la banque publique, sur le contrôle du gouvernement et la réglementation de leur émission.

Cette émission est nécessairement limitée; excessive, elle amène une dépréciation immédiate des billets, comme il est arrivé pendant la révolution pour les assignats.

Répartition et distribution de la richesse

Chacun a droit aux richesses à répartir, dans la mesure où il a contribué à les produire. Le propriétaire a pour rémunération : la  rente foncière; le capitaliste, l'intérêt; le travailleur, le salaire; l'entrepreneur (celui qui réunit les capitaux, le matériel, les ouvriers, dirige la production et écoule les produits) : le profit, c'est-à-dire ce qui reste après le paiement de la rente, de l'intérêt et du salaire.

Légitimité de l'intérêt.
On entend par choses fongibles celles qui se consomment, se détruisent entièrement par l'usage ( les denrées). Par le contrat de mutuum ou prêt de consommation, le prêteur cède une chose fongible (un kilogramme de pain, par exemple). Cette chose devient la propriété de l'emprunteur qui est obligé de rendre, au bout du temps convenu, une chose équivalente du même genre. Le prêt de consommation est essentiellement gratuit ; en effet la chose prêtée passe avec son utilité à l'emprunteur; mais, étant fongible, elle n'a pas d'utilité distincte de sa propre substance et de l'emploi qui la consomme; l'emprunteur n'est donc tenu qu'à la rendre in eodem genere. Si elle avait une utilité distincte de sa substance et de l'usage qu'on en fait (par exemple, on me prête un cheval pour une course), alors le propriétaire pourrait exiger une compensation de l'utilité dont il se prive, car cette chose, étant un bien productif, peut être l'objet d'un contrat de louage.

Appliquons cela à l'argent. La morale condamne comme usuraire le prêt de l'argent avec intérêt, quand c'est un prêt de simple consommation, c'est-à-dire dans les cas où l'argent est une chose fongible, n'a pas d'utilité distincte de l'emploi qui le consomme. Mais elle le permet quand l'argent a une utilité distincte de la consommation. Or ce caractère d'utilité distincte dépend des circonstances.

Avant le développement de l'industrie et du commerce, l'argent n'avait pas de pouvoir productif. A mesure que les transactions sont devenues plus actives, l'argent n'a plus été une simple monnaie, chose fongible que l'usage détruit, mais il a joué le rôle de capital. On a compris alors que, dans bien des circonstances, rendre simplement au prêteur la somme empruntée, ce n'est pas lui rendre tout ce qu'on lui doit. On a cherché quels pouvaient être les titres du prêt à intérêt, c'est-à-dire les raisons extrinsèques au contrat de prêt qui pourraient légitimer la perception d'une certaine somme en plus du capital prêté. Voici les principaux.

L'intérêt sera légitime quand il sera perçu comme une compensation pour :

1° La privation d'un bénéfice (lucrum cessans) que le prêteur aurait pu faire par un usage lucratif de son argent.

2° Le préjudice (damnum emergens) causé au prêteur par l'absence de cet argent, dont il peut avoir besoin : par exemple, pour entretenir son domaine.

3° Les risques (periculum sortis) que l'emprunteur fait courir au capital prêté en l'exploitant.

Ces titres, avant le progrès de la spéculation au XIXe siècle, n'étaient pas toujours réalisés. Mais dans l'ordre économique qui existe depuis plus d'un siècle, comme il est devenu facile à tout le monde de donner à l'argent un emploi fructueux et licite, le titre lucrum cessans existe toujours et suffit à légitimer l'intérêt. La raison en est qu'actuellement l'argent a une productivité virtuelle générale. Sans doute l'argent ne produit pas par lui-même, mais médiatement; c'est un instrument aux mains de l'humain pour développer la richesse; il a donc un pouvoir virtuel de production. Or celui qui prête une chose virtuellement productive, a droit de réclamer à l'emprunteur une compensation pour le bénéfice moralement certain dont il se prive pendant ce temps. 

Le juste salaire.
Le travail de l'ouvrier diffère d'une marchandise, de même que le salaire diffère du prix, car le travail de l'ouvrier procède de la liberté et revêt par conséquent un caractère de mérite : il a droit à la récompense ou salaire. C'est pourquoi il est beaucoup plus noble que la marchandise et le prix qui s'obtiennent par le seul échange. Néanmoins, pour plus de clarté, on le considère comme une sorte de marchandise, car il en a le caractère si on l'envisage par le côté qui fait que la marchandise est l'objet du prix.

Détermination du salaire. 
Le salaire est juste quand il réalise l'égalité entre le travail fait et l'argent reçu. Comment déterminer cette équivalence, c'est-à-dire quelle somme d'argent doit être considérée comme équivalente à une journée normale de travail? Elle dépend en principe de deux facteurs :

1° Besoins de l'ouvrier le salaire, prix de son travail, est en effet destiné à pourvoir aux besoins de l'ouvrier, afin qu'il puisse conserver son existence et son bien être. Il doit donc être en rapport avec les besoins non pas factices que crée l'amour du luxe, mais réels et modérés d'un travailleur sobre et rangé. Par conséquent le contrat de louage ne dépend pas seulement de la volonté des contractants. Si un salarié se contente d'un salaire moindre, c'est son droit ; mais s'il est contraint, par la nécessité ou la crainte d'un plus grand mal, d'accepter les conditions insuffisantes d'un patron cupide, le contrat de salaire est injuste, car l'ouvrier a subi une contrainte morale.

2° Qualité du travail, qui varie avec les personnes. L'employeur est donc tenu, d'après la justice commutative, à payer à l'employé un salaire minimal suffisant, c'est-à-dire capable de le faire vivre et en rapport avec le travail exécuté, pourvu que les conditions du régime économique soient normales. Ce minimum varie avec les temps, lieux et industries.

Le droit de grève.
Les grèves sont destinées à combattre l'avilissement des salaires ou les mauvaises conditions de travail ; elles sont légitimes, quand les réclamations sont justes et que les moyens de conciliation sont épuisés. 

Consommation de la richesse

La richesse est un moyen; elle est faite pour servir au bien-être de l'humain. On distingue les consommations :

1° Productives, qui ne détruisent un produit que pour en créer un autre.
La consommation productive ou reproductive est celle qui détruit une valeur pour la remplacer par une autre : les engrais enfouis en terre pour la féconder, les hydrocarbures brûlés pour faire mouvoir une machine, l'ouverture d'une nouvelle voie de communication, sont des consommations productives qui tendent à l'accroissement de la richesse; elles détruisent pour faire mieux valoir.

2° Improductives, qui satisfont simplement un besoin.
Le luxe.
Le luxe est l'usage des choses coûteuses ou qui dépassent la moyenne de ce qu'une personne simplement aisée peut s'accorder. Sa nature change avec les pays, temps et personnes. Le luxe auquel ne suffit pas le revenu est condamnable, comme l'est aussi celui qui provient de la spoliation des richesses d'autrui. De là le sentiment d'indécence que suscite l'existence de très hauts revenus. Le luxe que le revenu peut couvrir est condamnable aussi quand il se manifeste en dépenses qui ne flattent que la vanité ou la sensualité.

Dépenses de l'État
Les États comme les individus sont obligés à des dépenses. Personne n'a tracé les règles de ces dépenses publiques avec plus de force et de précision que J.-B. Say :

« Les mêmes principes d'économie, dit-il, président aux dépenses publiques et aux dépenses privées. Il n'y a pas plus deux sortes d'économie qu'il n'y a deux sortes de probité, deux sortes de morale [...]. Consommer pour consommer, dépenser par système, anéantir une chose pour avoir occasion de la payer, n'est pas plus excusable chez celui qui gouverne l'État que chez le chef de toute autre entreprise... »
Il y a deux manières de subvenir aux charges publiques l'impôt et l'emprunt :

L'impôt est le prélèvement opéré sur la fortune ou le travail des citoyens pour subvenir aux dépenses publiques.

La légitimité de l'impôt est incontestable. Le salarié, le capitaliste, le propriétaire et l'entrepreneur ne sont pas les seuls agents de la richesse; l'enseignant, le policier,  le juge, l'administrateur, etc. y contribuent aussi. Les premiers doivent aux seconds une partie de leur travail en échange des biens que ceux-ci leur procurent. C'est une des raisons de l'impôt, ce n'est pas la seule; l'État a d'autres dépenses nécessaires.

C'est le pouvoir qui détermine la part de l'impôt dans les richesses sociales. Son devoir est de s'arrêter dans les limites de la stricte nécessité, car quand l'impôt dépasse les besoins de la société, il est injuste et devient aussi fatal à la prospérité générale que le luxe à la prospérité des familles.

L'impôt doit être proportionnel aux ressources de chacun, c'est-à-dire aux revenus soit de son travail, soit de ses biens transmis ou acquis; car toutes ces richesses sont également protégées et garanties par l'État. Tel est le principe dont on doit se rapprocher; mais cet impôt unique, disons-le immédiatement, est un peu idéal et impossible à réaliser, parce qu'on ne peut pas connaître d'une manière exacte le revenu que chacun tire ou de ses biens ou de son travail. Serait-il possible qu'il aurait encore. l'inconvénient grave de s'adresser uniquement et directement aux personnes. (Thiers).

On a proposé deux autres principes comme base de la répartition : le principe de l'impôt fixe et le principe de l'impôt progressif.

Dans le premier système, tous les citoyens paieraient la même taxe indistinctement, sous prétexte que l'État les protège tous indistinctement. Mais si l'État protège en effet tous les citoyens, il n'épargne pas à tous la même perte, et la rémunération doit être proportionnée aux avantages reçus.

Le second système, qui a été d'abord prôné par les socialistes, consiste à établir l'impôt suivant une proportion qui progresserait à mesure que s'élève le revenu des contribuables. Le système part de cette idée que la partie du revenu qui dépasse le nécessaire est du superflu, et que le superflu n'a pas de droit. Cette doctrine égalitaire, qui dans sa forme initiale absolue apparaissait comme la négation formelle du droit de propriété, a été assouplie depuis. La proportionnalité et la progressivité de l'impôt sont aujourd'hui les principes de base d'une partie des impôts dans les Etsts modernes.

Les impôts directs sont ceux que le législateur demande nominativement aux contribuables, d'après un rôle annuel, et à des termes périodiques réguliers.

Les impôts indirects sont ceux qui sont perçus sur les choses ou à l'occasion de tels et tels faits.; ils se traduisent un une augmentation du prix de ces choses, de ces services.

L'embrunt. - Quand le gouvernement a besoin de fortes sommes en dehors des ressources ordinaires de l'impôt, il emprunte un capital dont le budget annuel paye les intérêts.

Le système des emprunts publics consiste en définitive à grever les générations futures au profit des générations actuelles. Approuvé par les financiers de la fin du XVIIIe siècle, ce système devient problématique lorsque la charge de la dette devient trop importante. En dehors de la nécessité absolue, il ne devrait être pratiqué qu'en vue d'une entreprise utile (à des fins d'investissement dits productifs, par exemple), qu'il importe de mener rapidement à bonne fin.

On appelle dette publique ce que l'État doit à ses créanciers en raison des emprunts successifs qui ont eu lieu. La dette publique est consolidée ou flottante. La dette consolidée inscrite au grand-livre est celle dont l'État paye les revenus sans être tenu au remboursement du capital. L'État peut l'éteindre lentement au moyen d'une caisse d'amortissement, ou l'alléger au moyen de la conversion. La conversion de la rente, c'est l'offre faite au créancier de reprendre son capital ou d'accepter une réduction d'intérêt; La dette flottante est une avance demandée aux capitalistes pour subvenir à des dépenses urgentes et imprévues. Elle est remboursable en capital et à brève échéance.

Le budget. - On appelle budget un état de prévoyance des recettes et des dépenses de l'État pendant une période déterminée. C'est un tableau comparatif des recettes à réaliser, des dépenses à effectuer.

Le premier budget de la France fut établi en 1802, sous le consulat; actuellement il est présenté chaque année, pour l'année suivante, par les ministres et voté par les représentants de la nation. « Ce vote annuel n'est pas seulement une garantie économique, c'est, dit P. Janet, une garantie politique de premier ordre et même la sanction suprême de la liberté politique. ». (G. Sortais).

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