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Les satellites de Saturne
Histoire des découvertes
Les satellites de Saturne ont été découverts successivement, selon leur gradation d'éclat et le progrès des instruments d'optique. Il est ainsi apparu que Saturne possède un système satellitaire très riche, et aux caractéristiques assez uniques. On y rencontre une planète naine, Titan, découverte en 1655, qui est aussi le seul corps dans sa catégorie à posséder une atmosphère épaisse. Titan a été trouvé par Huygens. Les satellites suivant se sont ajoutés progressivement au fil des décennies. Mais c'est seulement assez récemment que les astronomes ont pu constater, la grande singularité de ce système, dans lequel on rencontre aussi et surtout, comme les sondes spatiales ont permis de le constater dès les années 1980, plusieurs corps qui suivent des orbites identiques (satellites co-orbitaux), et qui entretiennent des relations étroites avec les anneaux.
Dates clés :
1655 : Découverte de Titan par Huygens.

1943-44 : Découverte de méthane et d'ammoniac sur Titan par Kuiper.

1981 : découverte des premiers satellites co-orbitaux grâce aux sondes Voyager.

Le système saturnien

Le premier satellite remarqué (le plus gros, Titan) fut découvert par Huygens en 1655 : il l'avait trouvé le 25 mars de cette année-là, en cherchant l'anneau alors disparu, et l'avait assez observé pour en déterminer l'orbite.

Utilisant lui aussi la méthode à laquelle recourait Galilée pour s'assurer de la priorité de ses découvertes, Huygens envoya d'abord à plusieurs personnes la nouvelle de sa découverte de Titan, sous la forme d'un anagramme. Parmi ses correspondants figurait John Wallis, informé à Oxford, le 13 juin, par une lettre qui contenait la phrase suivante :

Admovere oculis distantia sidera nostris, vvvvvvvcccrrhnbqx

A cela Wallis répondit le 21 juin par un message encore plus sibyllin :

AAAAAaaaabcccccddddeeeeeeeeefhiiiiiiiiiiiill
mmmmmmunnnnooooooopppppgrrrrrrrr
sssssssssssssttttttUUUUUuuuux

Huygens publia finalement sa découverte à la Haye le 6 mars 1956, dans un tract intitulé De Saturnis Luna Observatio Nova. Le 13 du même mois il adressa à Wallis une nouvelle lettre pour lui expliquer son anagramme. Il fallait lire :

Saturno luna sua circumducitur diebus sexdecim horis quatuor.

Et l'astronome, un peu inquiet, de prier son correspondant de livrer en retour son secret. Le 22 mars, Wallis lui adressa donc un autre courrier où il expliqua qu'il fallait lire :

Saturni comes quasi lunando vehitur. Diebus sexdecim circuitu rotatur. Novas nuper Saturni formas telescopo vidimus primitus. Plura speramus.
Le 17 avril, Wallis adresse une nouvelle lettre à un Huygens sidéré, pour préciser qu'il n'avait pas été l'auteur de la découverte, mais qu'elle revenait à Christopher Wren et à Paul Neile (un collège de Wren au Gresham College), qui l'avaient faite, ajoutait-il, bien avant Huygens. Wren et Neile, pour leur part, ne revendiqueront jamais aucune antériorité. Alors que peut-on penser de tout cela? Le décodage du message bien étrange de Wallis était-il le seul possible? Ne doit-on pas aussi se souvenir des compétences de Wallis en matière de décryptage?

Malgré l'espoir exprimé par Wallis de nouvelles découvertes, par suite de l'idée préconçue que le nombre des satellites ne devait pas surpasser celui des planètes, et que ce satellite réuni à ceux de Jupiter et à la Lune complétait six corps secondaires répondant aux planètes du système, Huygens n'en chercha pas d'autres. Autrement, avec les instruments dont il disposait, il eût pu en découvrir au moins deux supplémentaires.
Le deuxième finalement découvert sera Japet[a], très à l'écart à l'Est de Saturne : il le fut en 1671, à l'Observatoire de Paris, par J. D. Cassini. à l'occasion de la disparition apparente des anneaux. En 1672, profitant de cette même circonstance favorable, l'astronome en signala un nouveau : Rhéa. Ne retrouvant pas Japet, qu'il espérait alors observer à l'Ouest de Saturne, Cassini fut également le premier à suggérer que le satellite pouvait avoir un hémisphère plus sombre que l'autre, et que sa disparition apparente était due à son mouvement de rotation, synchronisé sur son mouvement de révolution. Une hypothèse vérifiée par la suite.

Douze ans plus tard, en 1684, Cassini découvrit encore deux autres satellites autour de Saturne :Téthys et Dioné. Il proposa de les nommer « Sidera Lodoicea », en l'honneur du roi de France, de même que Galilée avait proposé de nommer les satellites de Jupiter « les astres de Médicis ». Mais les flatteries ne laissent pas de trace dans la postérité. L'une des académies royales de l'époque fit frapper une médaille commémorative, avec cette inscription : Saturn satellites primum cogniti.

Les environs de Saturne avaient été dès lors si complètement explorés, qu'on n'imaginait point qu'il pût exister d'autres satellites, et ce n'est que plus d'un siècle après que William Herschel, à l'aide du grand télescope construit de ses propres mains, en découvrit deux nouveaux : le 28 avril 1789 il trouva Encelade (dont il avait déjà suspecté l'existence en 1787), et le 17 septembre suivant il trouva Mimas. Enfin on en a découvert un huitième, le plus faible de tous, Hypérion, en 1848. A l'aide de leurs puissants instruments, Bond à Cambridge, et Lassell à Liverpool, le découvrirent simultanément, en Amérique et en Angleterre.

Les noms sous lesquels ces globes sont désignés leur ont été donnés par John Herschel :

« Il y avait, écrit-il (Outlines of Astronomy, p. 548), une grande confusion dans la nomenclature de ces huit satellites, car on confondait presque toujours l'ordre de la découverte avec l'ordre de la distance, et cette confusion devint encore plus grande après la huitième découverte de 1848
Cet astronome, écrivain et poète à ses heures, proposa la nomenclature suivante, écrite en vers latins, réunissant ensemble les noms des Titans, et elle sera pour l'essentiel adoptée (l'auteur s'est excusé lui-même des petites fautes de quantités de cette prosodie non classique) :
Japetus cunctos supra rotat, huncce sequuntur Hyperion,
Titan, Rhea, Dioné, Tethys Enceladus, Mimas.
La théorie des mouvements des satellites de Saturne a tardé à être complètement définie : la complexité des relations qui unissent leurs moyens mouvements et l'incertitude où les astronomes se sont longtemps trouvé sur la mesure de leurs masses et de leurs excentricités ont même fait durablement de cette théorie un des problèmes les plus ardus de la mécanique céleste.

L'inclinaison de l'orbite de Japet, par exemple, atteint 12° 14'. Alors que les autres satellites connus confondaient pratiquement le plan de leur orbite avec celui des anneaux. Comment expliquer cela? D'après Laplace, cette différence s'expliquait par l'action prépondérante de Saturne,

« qui, en vertu de son aplatissement, retient, les six premiers orbes et ses anneaux dans le plan de son équateur; tandis que l'action du Soleil, qui tend à les en écarter, n'est sensible que pour le satellite le plus éloigné. »
[a] En France, se fondant sur une conception de l'histoire des religions qui portait à ce genre de confusions, l'Académie des sciences et au Bureau des Longitudes ont longtemps confondu Japet, l'un des Titans, fils d'Ouranos et frère de Cronos (Saturne), avec Japhet, fils de Noé.
Au XXe siècle de nouvelles découvertes de satellites ont eu lieu. Principalement grâce à l'exploration in situ, par des sondes, mais aussi encore depuis la Terre, à l'occasion de la disparition apparente des anneaux, en particulier en 1979-1980 depuis le sol (notamment Hélène, au Pic du Midi), et en 1995-96, grâce au télescope spatial Hubble. Le tableau suivant résume les découvertes de satellites saturniens jusqu'en 2000
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Date
Satellite
Découvreurs
1655 Titan Huygens
1684 Téthys, Dioné. Cassini
1671 Japet Cassini
1672 Rhéa Cassini
1789 Mimas, Encelade. Herschel
1848 Hypérion Bond et Lassell
1898 Phoebé Pickering
1966 Janus Dollfus
1978 Epiméthée J. Fountain et S. Larson (peut-être observé par A. Dollfus et R. Walker dès 1966, et confondu avec Janus).
1980 Atlas, Prométhée, Pandore.
Calypso
Telesto
Hélène
Voyager
D. Pascu et al.
B. Smith et al.
P. Laques et J. Lecacheux
1990 Pan M. Showalter (images Voyager 2).
1995 Deux nouvelles lunes suspectées. Gordon, Murray et Beurle
(images Voyager 2).
2000 Une douzaine de nouveaux satellites reconnus. Kavelaars, Gladman, Holman, Spahr.

L'expédition Cassini-Huygens parvenue dans les parages de Saturne en 2004 a été à l'origine de la découverte de nouvelles lunes autour la planète géante. En août, a été annoncée la découverte de deux nouveaux petits corps. Le plus petits connus à ce jour dans le système saturnien.

Repérés sur les images transmises par la sonde Cassini-Huygens par Sébastien Charnoz (Paris),  et étiquetés provisoirement S/2004 S1 et S/2004 S2, les deux satellites ont respectivement 3 et 4 kilomètres de diamètre. Ils circulent sur des orbites de 194 000 et 211 000 kilomètres de rayon, entre les orbites de deux autres lunes déjà connues, Mimas et Encelade.

Les astronomes ont été étonnés de rencontrer de tels corps dans cette région. Ils s'attendait plutôt à en trouver dans les divisions qui séparent les différents anneaux de Saturne, notamment près de l'anneau F. Il n'est d'ailleurs pas exclu que d'autres lunes y soient identifiées. S/2004 S1 et S/2004 S2, pourraient être le résultat de la collision d'un petit noyau cométaire avec la surface de Mimas ou d'Encelade. Les fragments dispersés d'abord dans l'espace se seraient ensuite regroupés sous l'effet de la gravitation pour donner naissance aux deux petits corps.

S/2004 S1 pourrait déjà avoir été repéré sur une image de la sonde Voyager en 1981. Mais cette découverte n'avait pas pu être confirmée à l'époque.
Mais plus important sans doute que l'allongement de la liste des satellites de Saturne est la mise en évidence de leurs interactions mutuelle et surtout de leurs interactions avec les anneaux, dont on commence à parler dès 1979, lors de survol de Saturne par Pioneer 11. En 1981, Voyager 1 montrera la présence de "satellites gardiens" de part et d'autre de l'anneau F. On découvre également à cette occasion la rotation chaotique d'Hypérion, ont identifie les premiers satellites co-orbitaux (Pandore et Prométhée), et l'on confirme que Janus et Epiméthée sont dans le même cas, ou encore que Encelade semble être à l'origine de la matière qui alimente l'anneau E. Plus tard, en 1990, une nouvelle analyse des images de Voyager 2, effectuée par Mark Showalter, révélera la présence d'un petit satellite (Pan) dans la division de Encke.
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Petit satellite (7 km) découvert en mai 2005 entre les
anneaux, dans la division de Keeler. Remarquez
les ondulations que ses pertirbations occasionnent.
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© Serge Jodra, 2004. - Reproduction interdite.