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Les Crustacés
Aperçu
Organisation anatomique
Classification
Les Crustacés forment un sous-embranchement de l'embranchement des arthropodes, comprenant notamment les écrevisses, les langoustes, les crabes, les anatifes, les cloportes et toutes les autres formes à respiration branchiale, à téguments solides composant une carapace chitineuse. Ce sont tous des animaux au genre de vie extrêmement variable, organisés pour vivre dans l'eau, et l'immense majorité de ces êtres habitent la mer; un très petit nombre de formes seulement se sont adaptées à la vie terrestre. La plupart des Crustacés sont libres pendant toute leur existence, mais on observe aussi, parmi eux, des exemples de parasitisme à tous ses degrés; même, certains Crustacés parasites peuvent en arriver à un tel degré de régression, qu'ils sont absolument méconnaissables et qu'il ne faut rien moins que l'étude de leur embryogénie pour pouvoir les classer à l'état adulte.
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Crabe Grapsus (Sally Pied-Léger).
Un crabe Sally Pied-Léger (Grapsus Grapsus) des îles Galapagos.

Les CrustacĂ©s ont des paires de membres plus ou moins nombreuses, mais rarement rĂ©duites Ă  un minimum de cinq, sans compter celles qui sont modifiĂ©es pour composer l'appareil masticateur. Ils ont plusieurs paires d'antennes et leurs appendices se modifient souvent en nageoires, ainsi que le dernier segment de l'abdomen. Essentiellement ovipares, ces arthropodes ont des sexes sĂ©parĂ©s et, au sortir de l'śuf, ils passent par des Ă©tats larvaires et subissent des mĂ©tamorphoses nombreuses. Leur existence est Ă  peu près gĂ©nĂ©ralement aquatique, et les formes terrestres, comme les cloportes et les gĂ©carcins, possèdent toujours des branchies. Ils atteignent souvent des dimensions considĂ©rables : certains homards mesurent jusqu'Ă  1 mètre de long; et de nombreuses formes presque microscopiques vivent par quantitĂ©s Ă©normes dans les eaux douces et dans la mer, oĂą elles contribuent Ă  former cette sorte de gelĂ©e, dite plancton, dont se nourrissent une foule d'espèces, et mĂŞme de grands cĂ©tacĂ©s. Les crustacĂ©s reprĂ©sentent une sĂ©rieuse ressource alimentaire; la plupart des espèces sont comestibles, la chair des dĂ©capodes est particulièrement apprĂ©ciĂ©e.

On peut dire que, dans aucun groupe on ne voit éclater de telles différences entre les types les plus parfaits, comme les décapodes, et les types dégradés comme les lernées et les sacculines, à ce point que ces dernières, véritables sacs amorphes, ont été prises pour la progéniture des Crabes. Et, tandis que la plupart des Crustacés nagent librement ou courent sur les rivages les anatifes sont fixés à demeure sur les corps étrangers ou sur divers animaux marins. Le régime carnivore est partout la règle; les espèces puissamment armées, comme les homards et les tourteaux, capturent les poissons et les mollusques, notamment les formes nues; mais elles ont pour ennemis terribles les grands mollusques céphalopodes, qui en détruisent des quantités énormes.

Les innombrables formes de ce groupe sont rĂ©parties dans toutes les rĂ©gions du globe;  et au contraire de ce qu'on observe gĂ©nĂ©ralement, les plus grandes habitent les rĂ©gions froides ou tempĂ©rĂ©es. A pĂ©riodes gĂ©ologiques les plus anciennes, ces animaux Ă©taient dĂ©jĂ  reprĂ©sentĂ©s. On a trouvĂ© dans le terrain dĂ©vonien des CrustacĂ©s d'organisation très Ă©levĂ©e, des DĂ©capodes, ce qui permet d'admettre qu'Ă  cet âge ils existaient depuis dĂ©jĂ  fort longtemps. Nombre de types fossiles sont aujourd'hui Ă©teints.
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Crustacés.
Crustacés. - 1. Apus; 2. Anatife; 3. Gamare; 4. Cloporte; 6. Crevette; 6. Larve de balane; 7. Larve de penaeus; 8. Larve de crabe; 9. Larve de homard; 10. Crabe. Pour comparaison, deux types d'arthropodes proches : 11. Limule (Chélicérates); 12, Trilobite (Trilobitomorphes).
Classification des Crustacés

La classification des CrustacĂ©s prĂ©sente d'assez grandes difficultĂ©s, Ă  cause de beaucoup de types aberrants, vivants ou fossiles, qui ne rentrent facilement dans aucun groupe. On reconnaĂ®t  deux grandes divisions fondamentales, ou classes : EntomostracĂ©s et MalacostracĂ©s :
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Malacostracés Eucarides Décapodes : Crevettes, Langoustines, Homards, Langoustes, Ecrevisses, Bernard-l'Ermite, Tourteaux, Crabes communs, Etrilles. Euphausiacés.
Péricarides Amphipodes, Isopodes (Cloportes), Cumacés.
Autres : Leptostracés, Stomatopodes, Syncarides, Péracarides
Entomostracés Branchiopodes Anostracés, Notostracés, Diplostracés.
Cirrhipèdes Acrothoraciques, Apodes, Ascothoraciques, Rhizocéphales, Thoraciques.
Autres : Copédodes, Ostracodes, Mystacocarides, Branchiures.

Caractères généraux

On peut définir les Crustacés comme des Arthropodes à respiration branchiale, munis de deux paires d'antennes, chez lesquels chaque anneau porte, au côté ventral, une paire d'appendices articulés; les téguments, formés de chitine, sont imprégnés de matière calcaire, qui leur donne une grande dureté, et c'est cette dernière particularité qui leur a valu leur nom. Comme chaque fois qu'il s'agit de définir un groupe nombreux d'animaux, il faut noter ici que chacun de ces caractères, en particulier, peut se trouver infirmé.

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Crustacé : Gammarus pulex.
Fig. 1. - Gammarus pulex (Crevette des ruisseaux). - a, tête (les sept anneaux qui la forment sont fondus en une seule pièce); 8 à 14, anneaux du thorax; 15 à 21, sept anneaux de l'abdomen; at, antennes de la première paire; at', antennes de la seconde paire; 7', appendice représentant une patte-mâchoire; 8'-14', les sept paires de membres thoraciques; 15-20', les six paires de pattes abdominales.

En général, on peut compter chez les Crustacés vingt anneaux, portant chacun des appendices; mais, d'une part, on peut assez souvent constater une réduction plus ou moins prononcée de ce nombre d'anneaux et, d'autre part, on les voit parfois se multiplier et atteindre un chiffre double : nous citerons des exemples de ces modifications à propos des Cladocères, Ostracodes (réduction), Branchiopodes (augmentation du nombre). Tous les anneaux restent parfois distincts, malgré leur nombre et, d'autres fois, ils se soudent ou se fusionnent, de façon à n'être plus marqués que par leurs appendices (fig. 1 et 2). Il y a, au reste, tous les passages entre ces types variés. Chez la plupart des Crustacés, les anneaux qui forment la tête se soudent entre eux avec le thorax, pour donner naissance à ce que l'on appelle le céphalothorax, mais il est des espèces, même parmi celles qui sont très élevées en organisation, chez lesquelles les anneaux céphaliques restent presque tous distincts; on peut compter sept anneaux céphaliques, dont l'un porte les yeux, les deux suivants les antennes et les autres les pièces buccales. Les yeux sont d'ordinaire composés : ils peuvent avoir la cornée lisse ou présenter des facettes; parfois, on voit des cristallins très distincts les uns des autres, à la périphérie de l'organe; les deux yeux peuvent se fusionner et donner l'apparence d'un organe impair, comme chez beaucoup d'Entomostracés; on rencontre parfois aussi des yeux simples, comme chez les Cyames, Apus, etc., qui possèdent d'ailleurs, en même temps, des yeux composés. Fait remarquable, chez certaines espèces des grandes profondeurs, les yeux peuvent être remplacés par des épines plus ou moins développées. Enfin, un certain nombre d'espèces, parmi les Crustacés qui vivent dans les lieux obscurs, sont dépourvues de tout appareil oculaire.
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Crustacé : Squilla maculata.
Fig. 2. - Squilla maculata. - a, tête dont deux anneaux sont distincts; 1, premier anneau céphalique; 2, second anneau céphalique; c, carapace, correspondant aux anneaux 5 à 9; 10, dixième anneau dont une portion seule est visible; at, antennes internes; at', antennes externes; 7', première patte-mâchoire; 8'-14', les sept paires de pattes thoraciques; 15'-20', pattes abdominales.

Les antennes des CrustacĂ©s, au nombre de deux paires, sont extraordinairement variables par tous leurs caractères; ce sont d'ordinaire des sortes de fouets grĂŞles et articulĂ©s, sièges du toucher; leurs fonctions, au reste, peuvent varier comme leur forme, et ces organes peuvent s'adapter Ă  la nage, devenir des instruments de prĂ©hension, ou se transformer en appareils de fixation. L'appareil buccal est en règle gĂ©nĂ©rale formĂ© de nombreuses pièces, mais il n'y a absolument rien de fixe Ă  cet Ă©gard et les Ă©lĂ©ments qui le forment peuvent ĂŞtre plus ou moins rĂ©duits. Chez les formes Ă©levĂ©es (fig. 3), on peut trouver, en outre de la lèvre supĂ©rieure, une paire de mandibules, pourvues d'un palpe articulĂ© et deux paires de mâchoires de structure compliquĂ©e. Ces trois paires d'organes appartiennent aux quatrième, cinquième et sixième segments cĂ©phaliques et correspondent aux mandibules, mâchoires et lèvre infĂ©rieure des Insectes. Il s'ajoute frĂ©quemment Ă  cet appareil, chez les formes les plus diffĂ©renciĂ©es, deux, trois et mĂŞme cinq paires de pattes, appartenant aux anneaux suivants et qui se transforment en appendices buccaux, mais dont la nature primitive est pleinement dĂ©montrĂ©e. 
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Crustacés : pičces buccales de l'écrevisse. Fig. 3. - Pièces buccales de l'Ecrevisse. - a, mandibule (4e anneau); b, première mâchoire (5e anneau); c,seconde mâchoire (6e anneau); d, première patte-mâchoire(7e anneau); e, deuxième patte-mâchoire (8e anneau) f, troisième patte-mâchoire (9e anneau).

Le thorax est typiquement formé de sept anneaux, plus ou moins nettement visibles, plus ou moins soudés entre eux et avec la région céphalique; les sept paires d'appendices qu'il porte présentent, suivant les genres, les modifications les plus variées : ils peuvent constituer des organes de marche, de natation, de préhension, de respiration, de tact, de fixation, etc., tous différents les uns des autres; leurs changements de forme sont si étendus qu'il ne peut être question de les étudier ici et que nous n'en parlerons qu'à propos des différents types chez lesquels il est plus intéressant de les examiner. L'abdomen est formé de six anneaux ; beaucoup d'auteurs admettent cependant l'existence d'un septième anneau terminal, rudimentaire, important en taxonomie pour les caractères qu'il présente et qui reçoit le nom de telson; l'abdomen est aussi très variable par ses caractères, même si on ne le considère que chez les formes élevées tout le monde sait, par exemple, que la partie du corps repliée et que l'on appelle vulgairement la queue chez les Crabes, n'est autre chose que l'abdomen, si développé au contraire chez des formes voisines, comme les Homards et Langoustes. Aussi n'y a-t-il pas lieu de s'étonner si, chez certaines formes (Aselles, par exemple) il est réduit à une seule pièce, encore très large à la vérité, et si, chez d'autres (Caprelles, Cyames), il est réduit à un ou deux petits tubercules : c'est le thorax qui prend la prédominance dans ces derniers cas. Les anneaux abdominaux portent aussi chacun une paire d'appendices, mais on peut appliquer à ces organes ce que nous avons dit des pattes thoraciques : ils peuvent présenter les variations les plus étendues.
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Systčme nerveux de l'écrevisse. Fig. 4. - Système nerveux d'un crustacĂ© Macroure (Ecrevisse). - a, anus; an, nerf entonnaire; a'n, nerf antennulaire; c, commissure oesophagienne; gn1, ganglion sus-oesuphagien; gn2, ganglion sous-oesophagien; gn6, cinquième ganglion thoracique; gn7 dernier ganglion thoracique; gn13, dernier ganglion abdominal; śs, section transversale de l'śsophage; n, nerf optique; sa, section transversale de l'artère sternale; sgn, nerf stematogastrique. 

Il faut ajouter, Ă  la suite de cette longue revue des modifications que peuvent prĂ©senter les anneaux du corps des CrustacĂ©s, qu'il existe des formes (ex. les LernĂ©es), chez lesquelles toute trace de division du corps disparaĂ®t : l'animal est alors vermiforme. Le système nerveux des CrustacĂ©s a la disposition gĂ©nĂ©rale qu'il prĂ©sente chez les autres Arthropodes normaux; il est situĂ©, pour sa plus grande masse, au cĂ´tĂ© ventral du corps; une paire de ganglions existe pour chaque anneau et des filets nerveux les rĂ©unissent, formant deux chaĂ®nes parallèles, plus ou moins nettement soudĂ©es entre elles et qui courent dans toute la longueur du corps, se rendant vers l'oesophage; en ce point les deux chaĂ®nes nerveuses se relèvent et, embrassant l'oesophage, viennent se perdre Ă  la partie supĂ©rieure dans les ganglions cĂ©phaliques (fig. 4). D'une manière gĂ©nĂ©rale, on peut dire que le système nerveux que nous venons de dĂ©crire, suit toutes les modifications que peuvent prĂ©senter les anneaux et que ses diffĂ©rentes parties peuvent entrer en plus ou moins complète coalescence. C'est chez les Crabes que le maximum de coalescence est nĂ©cessairement rĂ©alisĂ© (fig. 5). 
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Chaîne ganglionnaire du Crabe. Fig 5. - ChaĂ®ne ganglionnaire d'un Crabe (Carcinus maenas). - gc, ganglions cĂ©rĂ©broĂŻdes c, connectif constituant le collier oesophagien; cm, commissure caractĂ©ristique des CrustacĂ©s; gth, ganglions thoraciques; os, ouverture livrant passage Ă  l'artère sternale.

Des ganglions cĂ©phaliques, soudĂ©s en une seule masse, se dĂ©tachent tous les nerfs des organes des sens. Il existe aussi, chez les CrustacĂ©s Ă©levĂ©s en organisation du moins, un système nerveux dit de la vie vĂ©gĂ©tative. Nous avons dit plus haut quelques mots des organes du tact et de la vision; nous aurons peu de chose Ă  dire ici sur les autres organes des sens. L'appareil de l'ouĂŻe est localisĂ©, chez les espèces supĂ©rieures, dans le premier article des antennes antĂ©rieures; il varie de structure, mais est toujours excessivement simple : il peut avoir, chez d'autres formes, un siège tout diffĂ©rent et ĂŞtre situĂ©, par exemple, dans les lamelles caudales; il est inconnu chez un très grand nombre de types. La facultĂ© de percevoir les odeurs existe aussi chez les CrustacĂ©s, parfois mĂŞme elle est très dĂ©veloppĂ©e; les organes de ce sens semblent ĂŞtre situĂ©s sur les antennes antĂ©rieures et revĂŞtir l'aspect d'appendices de forme plus ou moins conoĂŻdes, plus ou moins semblables Ă  des poils, mais toujours en saillie. 

L'appareil digestif des CrustacĂ©s libres est complet; il peut ĂŞtre très rĂ©duit chez les formes parasites. Chez les types supĂ©rieurs (fig. 6), il commence par un oesophage court et large, muni de valvules et d'un appareil musculaire puissant. L'estomac, de forme arrondie, prĂ©sente Ă  son intĂ©rieur un système de plaques très dures, de nature chitineuse, d'agencement compliquĂ©, qui jouent un rĂ´le important dans la trituration des aliments et sont très variables suivant les cas; des glandes variĂ©es dĂ©versent leur produit dans le tube digestif : leurs homologies ne sont pas toujours faciles Ă  Ă©tablir; la plus volumineuse, sinon la plus connue, est celle que l'on trouve si dĂ©veloppĂ©e chez les Crabes, par exemple; elle est de couleur jaune et on l'appelle vulgairement le foie; un autre système de glandes digestives bien dĂ©veloppĂ©, du moins chez les types Ă©levĂ©s, est formĂ© par les longs tubes grĂŞles appelĂ©s appendices pyloriques, qui dĂ©bouchent Ă  la partie antĂ©rieure de l'intestin moyen. 
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Appareil digestif de l'Ecrevisse. Appareil circulatoire du Homard.
Fig. 6. - Appareil digestif de l'Ecrevisse. - oe, oesophage; v, contour de l'estomac; v', les gastrolithes (vulgairement yeux d'Ă©crevisse); v", foie; i, intestin; r, rectum ; a ouverture anale. Fig. 7. - SchĂ©ma du système circulatoire des CrustacĂ©s DĂ©capodes (Homard). -  ac, antennes internes; ae, antennes externes; o, oeil; t, telson; c, coeur; pc, pĂ©ricarde; ac, artère cĂ©phalique; ao, artères ophtalmiques; aa, artères antennaires; ap, artère postĂ©rieure; at, bifurcation de artère abdominale se rendant au telson; as, artère sternale; av, artère sternale antĂ©rieure; ai, artère abdominale infĂ©rieure; br, branchies; v, sinus mĂ©dian abdominal; v', sinus mĂ©dian thoracique; vbr, canaux branchiocardiaques. - Les flèches indiquent la direction du cours du sang.

L'appareil circulatoire des CrustacĂ©s nous arrĂŞtera aussi un instant. Il est facile, en enlevant avec quelque prĂ©caution la carapace d'un Crabe vivant, par exemple, de voir le coeur, organe de forme polygonale, bien reconnaissable Ă  ses contractions rythmiques; le coeur est enveloppĂ© d'un pĂ©ricarde dans lequel arrive, par un système de vaisseaux, le sang qui provient des branchies; des ouvertures en nombre variable permettent au sang contenu dans le pĂ©ricarde d'arriver dans le coeur qui va le chasser dans les artères; le retour du sang dans le pĂ©ricarde, pendant la contraction du coeur, est empĂŞchĂ© par les bords des ouvertures de communication de ce dernier, qui jouent le rĂ´le de valvules en s'appliquant l'un contre l'autre. Le mĂ©canisme cardiaque est toujours le mĂŞme, quelle que soit la forme du coeur, et cette forme est très variable. Les artères, plus ou moins nombreuses, qui partent du cśur ne se terminent pas, après s'ĂŞtre ramifiĂ©es, dans un système capillaire qui se rattacherait aux veines : le sang tombe dans les lacunes, entre les organes et c'est dans les lacunes que les veines puisent le sang qu'elles doivent conduire aux branchies (fig. 7). L'appareil circulatoire des CrustacĂ©s, comme on peut s'y attendre, va se dĂ©gradant de plus en plus, au fur et Ă  mesure que l'on descend vers les formes infĂ©rieures. Le sang, dont la couleur est très variable, contient le plus souvent de nombreux Ă©lĂ©ments amiboĂŻdes; il est coagulable chez les espèces Ă©levĂ©es. La respiration des CrustacĂ©s se fait très gĂ©nĂ©ralement Ă  l'aide des branchies et mĂŞme, dans les cas oĂą ces animaux sont adaptĂ©s Ă  la vie terrestre, comme certains Crabes, des modifications spĂ©ciales de la cavitĂ© branchiale viennent maintenir l'humiditĂ© des lamelles respiratoires; en d'autres cas, chez certains Cloportes, par exemple, l'existence se passe dans un milieu suffisamment humide pour permettre ce mode de respiration.

Ontogénèse, reproduction

Nous traiterons, Ă  propos des diffĂ©rentes formes de CrustacĂ©s, des modifications de forme que subissent la plupart de ces animaux au cours de leur dĂ©veloppement; disons seulement que ces modifications sont souvent tellement considĂ©rables, que bien des formes larvaires avaient Ă©tĂ© d'abord dĂ©crites comme des espèces distinctes et qu'on peut comparer les mĂ©tamorphoses des CrustacĂ©s Ă  celles des Insectes. D'une façon gĂ©nĂ©rale, et conformĂ©ment. Ă  un principe qui ne souffre pas d'exceptions rĂ©elles, les diffĂ©rents types de CrustacĂ©s traversent, au cours de leur dĂ©veloppement, des phases pendant lesquelles leur forme rappelle complètement celle des types moins Ă©levĂ©s qu'eux en organisation, de telle sorte qu'on peut comparer les diffĂ©rents membres d'une sĂ©rie donnĂ©e, aux stades que revĂŞt successivement la forme qui est le terme de la sĂ©rie (Nauplius, ZoĂ©, Phyllosome, Erichte, etc.). 

La reproduction des Crustacés se fait par des oeufs; chez certaines formes, fréquentes dans les eaux douces, les mâles sont très rares, ou sont inconnus à certaines époques de l'année, aussi fait-on rentrer dans la parthénogénèse leur reproduction à ces moments-là, ou même leur mode de reproduction habituelle. Les sexes sont séparés en règle générale (exception, Cirrhipèdes, Cymothoïdes); il arrive souvent que le dimorphisme sexuel soit considérable, au point que, pour certains types, les mâles et les femelles ont été décrits comme formant des genres différents (Ancée, par ex.). C'est surtout chez les parasites que s'exagèrent ces différences (Cirrhipèdes, Bopyre, etc.). (R. Moniez).

Distribution géographique

Les Crustacés marins et les Crustacés d'eau douce doivent être étudiés séparément au point de vue de leur dispersion sur le globe.

Crustacés marins.
Les CrustacĂ©s marins Ă  l'âge adulte sont, pour la plupart, des habitants des rivages, et leur rĂ©partition gĂ©ographique paraĂ®t soumise aux mĂŞmes lois que celles des autres animaux marins, c.-Ă -d. qu'elle dĂ©pend en grande partie de la tempĂ©rature et de la direction des courants. Dana admet trois grandes zones climatologiques dont les limites sont Ă©tablies d'après les lignes isocrymales (c.-Ă -d. de plus grand froid) de chaque localitĂ© : 

1° zone froide; 

2° zone tempĂ©rĂ©e; 

3° zone torride.

Ces zones se répètent des deux côtés de l'équateur, ce qui donne cinq zones, en allant d'un pôle à l'autre (zone froide Nord, zone temperée Nord, zone torride (tropicale), zone tempérée Sud, zone froide Sud).

Le même auteur divise ensuite les Crustacés marins en cinq grandes régions qui sont :

1° la région occidentale ou américaine qui comprend toutes les côtes des deux Amériques sur Atlantique comme sur le Pacifique

2° la rĂ©gion africano-europĂ©enne comprenant les cĂ´tes de l'Europe et de l'Afrique baignĂ©es par l'Atlantique et les mers intĂ©rieures qui en dĂ©pendent; 

3° la rĂ©gion orientale (ou indo-pacifique) qui s'Ă©tend de la mer Rouge et de Madagascar aux Ă®les Hawaii et Ă  la Nouvelle-ZĂ©lande; 

4° et 5° une rĂ©gion arctique et une rĂ©gion antarctique pour les mers polaires. 

Ces cinq grandes rĂ©gions sont subdivisĂ©es en sous-rĂ©gions d'après les zones ci-dessus indiquĂ©es et en provinces locales assez nombreuses. 

La région orientale est la plus importante de toutes, car elle possédait (en 1853, époque du travail de Dana) cent quinze genres propres de Crustacés et dix-neuf seulement en commun avec la région africano-européenne. Celle-ci a seulement dix-neuf genres propres et huit en commun avec l'Amérique. Enfin, quarante-sept genres sont exclusivement des côtes d'Amérique (région occidentale), dont quinze sont communs aux deux océans qui la baignent; vingt-six sont de la côte Ouest et six de la côte Est. On voit que les deux rives de l'Atlantique sont plus distincts (huit genres communs seulement) que les deux versants de l'Amérique (quinze genres communs). De plus, quarante genres sont représentés dans toutes les régions.

Le nombre des espèces en général ne paraît pas plus considérable dans la zone tropicale que dans les zones tempérées et froides. Les Brachyures, cependant, qui sont les plus élevés des Crustacés, paraissent faire exception par leur abondance sous les tropiques, mais les types de grande taille, notamment parmi les Maïadae et les Macroures, sont de la zone tempérée (Macrocheira, Homarus). - Huit espèces, appartenant aux genres Grapsus, Acanthopus, Plagusia, Bernhardus, Crangon, Gonodactylus, peuvent être considérées comme cosmopolites. La vaste dispersion de certains types est remarquable : parmi les Lysianassinae une espèce du détroit de Magellan paraît identique à une espèce du Spitzberg; les Caprellidae ont également des espèces communes aux deux hémisphères. Certaines espèces se trouvent dans des localités fort éloignées et manquent dans les localités intermédiaires (Afrique du Sud et îles Hawaii, Afrique du Sud et Japon). Plagusia tomentosa habite l'Afrique australe, la Nouvelle-Zélande et les côtes du Chili; Cancer Edwardsii, ces deux dernières localités. Les genres Latreillia, Ephyra, Syciona se trouvent dans la Méditerranée et au Japon, mais non dans les localités intermédiaires; des espèces voisines des genres Palaemon, Portunus et Cancer habitent l'Europe et la Nouvelle-Zélande. On doit expliquer cette vaste dispersion par l'action des courants marins qui emportent au loin les larves pendant leur vie pélagique et la disjonction de certains genres et de certaines espèces par des extinctions partielles ni se sont produites, dans les temps géologiques, sous l' influence de causes locales, séparant ainsi les diverses colonies d'espèces primitivement cosmopolites.

Distribution bathymétrique
On trouve des Crustacés depuis la zone des marées jusqu'aux plus grandes profondeurs, de sorte qu'au lieu de dire que les Crustacés sont des animaux de rivages, il serait plus exact de dire que ce sont des animaux vivant sur le fond des mers. Les Copépodes sont à peu près les seuls Crustacés que l'on puisse considérer comme pélagiques, c.-à-d. vivant à la surface à l'âge adulte : tel est le Cetochilus australis, qui forme dans l'Océan Pacifique d'immenses bancs de couleur rougeâtre servant à la nourriture des baleines. Les dragages effectués à de grandes profondeurs, où la température est sensiblement uniforme, ont montré que des types considérés comme arctiques (Lithodes), se retrouvaient sous les tropiques à des profondeurs de 1000 m. Les zones bathymétriques établies par E. Forbes, ont chacune leur population carcinologique. Ces quatre zones sont : 1° zone littorale; 2° zone des laminaires; 3° zone des coralliaires; 4° zone des coraux de mers profondes, auxquelles il convient d'ajouter une cinquième (zone abyssale) pour les animaux qui vivent à plus de 200 m de profondeur. On trouve des Crustacés jusqu'à 4000 m (Pagurus abyssorum). Ces Crustacés qui vivent dans une obscurité presque complète n'en sont pas moins souvent parés de couleurs vives (rouge carmin, orange, bleu indigo); ils ont des yeux souvent très développés (Cystisoma Neptuni, par 2200 m), et quelquefois des organes lumineux (Gnathophausia Zoe, par 1200 m). D'autres sont aveugles (Nephropsis Agassizii). Certains types sont remarquables par leur taille relativement gigantesque pour le groupe auquel ils appartiennent : Gnathophausia goliath (des Schizopodes), Bathynomus giganteus (des Isopodes). D'autres semblent les derniers représentants de types qui n'étaient précédemment connus qu'à l'état fossile : tels sont les Polycheles, Décapodes Macroures proches voisins des Eryon de l'époque jurassique.

CrustacĂ©s d'eau douce. 
Presque tous les groupes de Crustacés ont des représentants dans les lacs et les fleuves. Les plus grands et les plus remarquables de ces habitants des eaux douces sont les Ecrevisses (Astacinae, du groupe des Macroures) et des Crabes (Telphusa) du groupe des Brachyures. Ces deux types descendent évidemment de Crustacés primitivement marins et ont encore de proches parents parmi ces derniers. Les Ecrevisses n'habitent que les régions tempérées, ce qui s'accorde avec la prédominance des Macroures marins dans ces mêmes régions. Les Astacinae proprement dits (ou Potamobiidae sont de l'hémisphère boréal, les Parastacinae de l'hémisphère austral. Parmi ces derniers le Parastacus serratus d'Australie atteint la taille de nos Homards. Les Telphuses, ou Crabes d'eau douce, sont au contraire des régions tropicales, ce qui s'explique également par la prédominance numérique des Brachyures dans ces régions. Telphusa, Paratelphusa et Hydrotelphusa sont de l'ancien continent, Boscia et Epiloboceras sont américains. Certains Crustacés du groupe des Crabes (Gecarcinus) et de celui des Crevettines (Orchestes) se sont habitués à vivre à terre et sont amphibies, mais les seuls Crustacés véritablement terrestres sont des Isopodes du groupe des Cloportes (Oniscidae) qui sont cosmopolites.

Paléontologie des Crustacés

Les CrustacĂ©s sont reprĂ©sentĂ©s dans les couches palĂ©ozoĂŻques les plus anciennes (cambrien)  par les Ostracodes (Leperdita) et les Phyllocarida (Hymenocaris), groupes encore vivants. Les Cirrhipèdes datent du silurien, ainsi que les Amphipodes. Les Isopodes ne remontent pas au delĂ  du dĂ©vonien et sont reprĂ©sentĂ©s, Ă  l'Ă©poque carbonifère, par des types de grande taille : Acanthotelson, Arthropleura, constituant une famille distincte complètement Ă©teinte. Le genre jurassique Archaeoniscus appartient aux Aegi. dae. Les Cloportes (Oniscidae) terrestres se montrent dans le tertiaire.

Les DĂ©capodes ne sont pas connus avec certitude avant le dĂ©vonien (Palaeopalaemon) et le carbonifère (Anthrapalaemon); les Macroures ont prĂ©cĂ©dĂ© les Brachyures. Les Eryonidae jurassiques constituent une famille que l'on a longtemps crue complètement Ă©teinte, mais dont quelques reprĂ©sentants vivent encore, comme nous l'avons dit plus haut, dans le fond des OcĂ©ans. Les Astacomorpha (Astacus, Homarus) apparaissent dans le jurassique (Eryma), et les vĂ©ritables Ecrevisses dans le crĂ©tacĂ© et plus sĂ»rement dans le tertiaire. Les Brachyures (Crabes), les plus modifiĂ©s des DĂ©capodes, ne se montrent que dans le crĂ©tacĂ©, car les genres Palaeinachus, Prosopon et autres de l'Ă©poque jurassique sont très douteux. Le genre Cancer date de l'Ă©poque Ă©ocène. 

Comme nous l'avons dit au mot Arthropodes, l'origine des différents types de Crustacés peut être considérée comme polyphylétique ou comme se confondant primitivement avec celle des autres Arthropodes. Cependant, on peut admettre que tous les Malacostraca (Isopodes, Amphipodes, Décapodes, etc.), dérivent d'un type ancestral commun, et les Brachyures sont évidemment des types très modifiés des Macroures. (E. Trouessart).

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