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Les
Aconits
(Aconitum Tourn.) forment un genre de plantes
de la famille des Renonculacées,
dont Henri Baillon
ne faisait autrefois qu'une section du genre Delphinium Tourn. Aujourd'hui,
les Aconits restent dans la même tribu que les Delphinium, mais restent
un groupe distinct, au sein de la sous-famille des Trollioideae.
Les Aconits sont
des herbes vivaces, à souche
épaisse, souvent charnue, napiforme, émettant des tiges dressées
ordinairement simples, qui portent des feuilles
alternes, plus ou moins longuement pétiolées, surtout les
inférieures, et dont le limbe est
palmatilobé ou palmatiséqué avec les lobes incisés
au multifides. Les fleurs, hermaphrodites,
très irrégulières, de couleur bleue ou jaune, plus
rarement blanche ou rosée, sont disposées eu grappes terminales
allongées, spiciformes, dont les pédoncules
dressés sont accompagnés, à leur base, de deux bractéoles
latérales. Le calice, persistant
ou caduc, se compose de cinq sépales
inégaux, colorés, pétaloïdes : un postérieur
tantôt en forme de casque ou de capuchon, tantôt allongé
en une sorte de cornet ou d'éperon beaucoup plus étroit,
analogue à celui des Delphinium; deux latéraux, recouverts
par le précédent, suborbiculaires et presque égaux
entre eux; enfin deux antérieurs, dont l'un est notablement plus
large que l'autre. La corolle est constituée
en général par huit pétales
(staminodes de certains auteurs), dont deux seulement, cachés
dans la concavité du sépale postérieur, se développent
et prennent la forme d'une sorte de bonnet phrygien supporté par
un onglet allongé; les six autres sont réduits à de
courtes languettes inégales et colorées; ils disparaissent
même dans certaines espèces. Les étamines,
très nombreuses et inégales, ont leurs filets libres, élargis
et comme pétaloïdes à la base, terminés par une
anthère
biloculaire, introrse. Le
gynécée,
qui occupe le centre d'un réceptacle conique, se compose de 3 à
5 carpelles libres, uniloculaires, atténués
en un style allongé, cylindrique et pointu. Ces carpelles deviennent
plus tard autant de follicules, qui à
leur maturité s'ouvrent par une suture longitudinale extérieure
pour laisser échapper de nombreuses petites graines
noires, anguleuses et ridées; ces graines renferment sous leurs
téguments un gros albumen charnu à
l'extrémité antérieure duquel se trouve placé
l'embryon.
Les Aconits sont
répandus dans les régions froides, tempérées
et montagneuses de l'hémisphère boréal des deux mondes.
Toutes leurs parties, surtout les racines,
renferment un alcaloïde extrêmement vénéneux,
l'aconitine.
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Tubercules
d'Aconit.
Le monde des Aconits.
Environ 70 espèces
d'Aconits ont été répertoriées. On peut les
répartir dans quatre groupes : Napellus, Anthora, Cammarum et Lycoctonum.
Napellus.
Le premier groupe
a pour type l'Aconit Napel (A, napellus L.), qui croît spontanément
dans les lieux ombragés des montagnes des Vosges, du Jura, de l'Auvergne ,
des Alpes, des Pyrénées, principalement dans la région
des sapins. On la rencontre également dans les plaines, mais spécialement
alors dans les prairies humides et les marais tourbeux. Elle est très
fréquemment cultivée dans les parterres sous les noms vulgaires
d'Aconit, de Napel, Char de Vénus, Casque de Jupiter.
Sa souche épaisse émet des rhizomes
courts, terminés chacun par trois racines pivotantes, charnues,
en forme de navets. Ses tiges dressées, simples ou un peu rameuses
supérieurement, hautes de 8 à 12 décimètres,
portent des feuilles palmatiséquées à cinq segments
trifides, incisés-dentés; ses grandes
fleurs bleues, plus
rarement blanches on pourprées, mais jamais jaunes, ont le sépale
postérieur courbé en croissant et aminci graduellement en
pointe jusqu'à son extrémité. Les carpelles sont lisses
et ordinairement au nombre de trois.
C'est également
à la section Napellus qu'appartient l'Aconitum ferox Wall. (A. virosum
Don), espèce des montagnes de l'Inde ,
qui fournit un des poisons végétaux les plus redoutables,
le Bish ou Bikh, avec lequel on empoisonnait autrefois les
flèches.
Anthora.
Le prototype du
groupe Anthora est l'Aconitum anthora L., que Clusius
avait placé dans un genre spécial sous le nom d'Anthora vulgaris.
Cette espèce croît dans les régions montagneuses de
l'Europe
et du nord de l'Asie. Elle est commune en France
dans le Jura, les Alpes et les Pyrénées. Ses fleurs
sont jaunes et ses feuilles, découpées
en lobes nombreux, linéaires et acuminés.
Cammarum.
La groupe Cammarum
renferme surtout l'Aconitum cammarum All., du sud de l'Allemagne ,
et l'A. paniculatum Lamk. Cette dernière espèce, originaire
des régions alpines de l'Europe ,
a les fleurs bleues, disposées en grappes
paniculées
dont les pédoncules et les rameaux sont
étalés-divariqués. Le sépale postérieur,
fortement élargi en casque, est arrondi vers sa partie supérieure
et terminé par une pointe courte.
Lycoctonum.
Quant au groupe
Lycoctonum, elle a pour type l'Aconit tue-loup (A. lycoctonum L.), qui
croît dans les bois et les prairies des montagnes de presque toute
l'Europe .
C'est l'Akonoton lupoktonon
de Dioscoride ,
le Lycoctonum vulgare flore luteo des anciens auteurs et l'Aconitum
vulparia de Reichenbach. Ses fleurs d'un jaune pâle ont les sépales
caducs, tantôt velus, tantôt glabres; le sépale postérieur,
dressé, a la forme d'un tube allongé, arrondi au sommet,
resserré au milieu, puis fortement dilaté à l'ouverture
et atténué en bec en avant. Les deux sépales postérieurs
qu'il renferme sont dressés et prolongés en un éperon
filiforme, enroulé plusieurs fois sur lui-même.
L'Aconit dans
les jardins...
Outre l'Aconit napellus
L., qui est très fréquemment cultivé comme plante
d'ornement, on rencontre parfois dans les jardins l'A. japonicum Thunb.,
espèce du Japon
à fleurs bleu d'azur, l'A. rubicundum Willd., de Sibérie ,
à fleurs lie de vin, l'A. variegatum L., de l'Europe
centrale, à fleurs panachées de bleu et de blanc, enfin l'A.
heterophyllum Wall., qui croît dans les montagnes de l'Inde
et du Cachemir
à une altitude d'environ 3000 mètres. Cette dernière
espèce est remarquable non seulement par ses grandes fleurs bleues
dont les pédicelles sont couvertes d'un duvet roux, mais encore
par ses feuilles dont les inférieures plus ou moins longuement pétiolées
sont réniformes et profondément lobées, tandis que
les supérieures,
sessiles, cordées
et amplexicaules, sont simplement ovales-aiguës et dentées
en scie sur les bords. Ses racines ovoïdes-coniques sont vendues dans
les bazars de l'Inde sous le nom d'Atees. (Ed. Lefèvre).
... et dans la
pharmacie de grand-mère.
La plante qui fournit
les feuilles et la racine d'Aconit est le plus
souvent l'Aconit Napel, mais ce n'est pas la seule plante
à avoir été utilisée : l'Aconitum ferox, très
employé par la médecine indienne traditionnelle, plus actif
que l'A. Napel; l'A. heterophyllum cultivé en Inde ,
contenant dans sa racine un principe très amer, l'atinine,
qui était souvent employé contre les fièvres intermittentes
à l'état de poudre extraite des racines; l'A. anthora; l'A.
Tue-Loup (A. lycoctonum), très toxique, cultivé en France ,
etc.
Steinacher et Brandes
(1808) ont été les premiers à étudier l'Aconit
sérieusement : Brandes retira de la plante un extrait très
toxique, et en 1833 Hepisola l'aconitine.
Par la suite, on
a extrait de l'Aconit d'autres alcaloïdes : la picro-aconitine
et la pseudo-aconitine.
On
prépare l'aconitine de la façon suivante : on prend la racine
pulvérisée, on la fait macérer dans l'alcool, on traite
l'extrait, évaporé, par la chaux éteinte, on filtre
et on précipite par l'acide sulfurique. Le liquide restant, mélangé
d'eau, abandonne une huile verte qui surnage et que l'on décante
: reste alors une liqueur qui, traitée par l'ammoniaque, puis soumise
à l'ébullition, abandonne un précipité contenant
l'aconitine et une matière résinoïde. Pour isoler l'aconitine
on dissout par l'acide sulfurique pour précipiter ensuite par l'ammoniaque.
On finit par obtenir ainsi environ 5 grammes d'aconitine pour 10 kilogrammes
de racines.
La picro-aconitine est
un produit accidentel, semblerait-il, et sans propriétés
actives. La pseudo-aconitine est contenue dans l'A. Ferox au lieu que l'aconitine
provient de l'A. Napel. C'est un produit plus toxique que cette dernière.
On a employé
autrefois l'alcoolature de racines fraîches dans les cas de toux
spasmodique; Jules Simon a traité la coqueluche par la teinture
d'Aconit; enfin Oulmont a employé l'extrait de racines dans le rhumatisme
articulaire et la névralgie. (Dr H. de Varigny). |
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