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Faye

Hervé Auguste Étienne Albans Faye est un astronome né à Saint-Benoît-du-Sault (Indre), le 3 octobre 1814, mort à Paris, le 4 juillet 1902. Il est entré à l'École Polytechnique en 1832, mais il en sortit l'année suivante pour aller en Hollande s'occuper d'industrie. A son retour en 1836, il fut admis par Arago comme élève astronome à l'Observatoire de Paris. En 1843, il y fut nommé astronome et y découvrit une comète périodique, qui porte son nom. Cette découverte, qui lui valut en 1844 le prix Lalande, fut en 1847 le premier des titres invoqués par Arago et de Humboldt pour recommander à leurs collègues sa candidature à un fauteuil de l'Académie des Sciences; d'ailleurs, quelques autres travaux astronomiques, notamment sa recherche d'une parallaxe stellaire et ses calculs des éléments de plusieurs comètes, avaient attiré sur lui l'attention des savants; aussi fut-il élu presque à l'unanimité des votants.

A partir de cette époque, ses recherches astronomiques, sa théorie solaire, ses hypothèses cosmogoniques et sa loi des tempêtes, lui donnèrent une renommée européenne. Il s'est attaché à faire connaître les découvertes importantes et à montrer les applications que l'on en pouvait faire. Il a travaillé, par exemple, en 1872 à montrer l'importance de la photographie pour étudier la géologie de la Lune; son conseil a été suivi : l'Atlas photographique de la Lune de Puiseux et Loewy (La Lune à l'âge de la photographie). La variété et l'étendue de son savoir, la sûreté de son jugement, son habileté à diriger les débats, l'ont souvent fait choisir par ses collègues pour présider diverses Commissions internationales qui devaient discuter des questions d'un haut intérêt scientifique. Faye s'est aussi attiré de la notoriété par son talent professoral, en enseignant avec clarté, à l'École Polytechnique, la géodésie de 1852 à 1854, et l'astronomie de 1873 à 1893. Étant entré au Bureau des Longitudes comme membre en 1862, il s'y est fait remarquer par une grande activité. Faye a par ailleurs rendu bien des services à l'Université, comme recteur de l'Académie de Nancy de 1854 à 1857, comme inspecteur général de l'Enseignement secondaire de 1857 à 1877 et de l'Enseignement supérieur de 1877 à 1887; dans ces délicates fonctions, il a toujours su allier une ferme autorité à une grande bienveillance. Il fut aussi ministre de l'Instruction publique en 1877. Au cours des dernières années de sa vie, il sera encore délégué par l'Institut au Conseil supérieur de l'Instruction publique et comme Président du Conseil de l'Observatoire de Paris. Une de ses dernières actions aura été la présidence de la Commission internationale des étoiles fondamentales, qui s'est réunie à Paris en 1896 : 
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La Commission et les données fondamentales - Les quatre pays, la France, l'Allemagne, l'Angleterre et l'Amérique, qui publient la Connaissance des Temps, le Berliner Jahrbuch, le Nautical Almanac, le Nautical Almanac américain, avaient chacune deux délégués; les Observatoires de l'hémisphère austral étaient représentés par M. D. Gill. La Commission a chargé M. Newcomb, qui avait publié en 1881 un Cataloguede 1098 belles étoiles, d'en préparer un d'environ 1000 étoiles fondamentales, ce dernier Catalogue est déjà employé par la Connaissance des Temps pour 1901.

La Commission a en outre adopté les nombres 50", 2564; 9", 21; 20",47; 8",80 pour les constantes de la précession, de la nutation, de l'aberration et de la parallaxe solaire. Il en résulte que, les Éphémérides étant établies avec les mêmes valeurs des trois premières constantes, la détermination des mouvements propres des étoiles peut être faite sans s'inquiéter du pays d'origine des observations.

L'Académie des Sciences a célébré avec éclat le cinquantenaire académique de H. Faye dans la séance du 25 janvier 1897, et Janssen et Loewy ont retracé d'une manière attachante les grandes lignes de sa vie scientifique. Voici quelques unes de ses contributions :

La formation de l'Univers

Après avoir fait l'examen critique de la théorie que donne Laplace pour la formation de l'univers, Faye a présenté la suivante à partir de 1880 et l'a exposée complètement en 1884 dans son ouvragé Sur l'origine des mondes.

Il existait à l'origine des choses un chaos de matière froide et obscure qui, sous l'influence de l'attraction mutuelle de ses éléments, s'est échauffée et a faiblement éclairé. Ce chaos a donné naissance à une multitude de nébuleuses animées de mouvements tourbillonnants; ces nébuleuses sont en général devenues des nébuleuses en spirale et ont produit les étoiles (ou, comme il dit, les systèmes stellaires). Quand, en particulier, une nébuleuse est homogène et sphérique, elle tourne lentement sur elle-même en formant des anneaux réguliers situés à peu près dans le plan de l'équateur de la nébuleuse. Notre Système solaire provient d'une telle nébuleuse qui, à l'origine, avait un rayon au moins égal à dix fois la distance actuelle de Neptune au Soleil, Dans la période de concentration d'où notre Soleil est résulté, les anneaux se sont brisés en morceaux qui ont produit les nébuleuses planétaires. Lors de la concentration centrale de la matière nébulaire, la loi de la pesanteur vers le centre, d'abord directement proportionnelle à la distance au centre de rotation est devenue inversement proportionnelle au carré de cette distance. De même, les nébuleuses planétaires, en se concentrant pour devenir les planètes, ont produit des anneaux d'où sont nés les satellites, et Saturne a conservé des anneaux. Selon que les anneaux se sont formés avant ou après la concentration de la nébuleuse centrale, ils ont donné aux planètes et aux satellites qui en dérivaient une rotation directe ou rétrograde. La partie centrale de la nébuleuse primitive en rotation a laissé s'échapper des parties situées vers ses pôles; ces parties ont fini par décrire des ellipses très allongées et ont constitué les comètes dont les queues sont encore la matière à l'état nébulaire.

La physique du Soleil

Faye a proposé en 1865 une théorie physique du Soleil différente de celle de Secchi; il l'a modifiée en 1872 et l'a exposée complètement dans l'Annuaire du Bureau des Longitudes pour 1873 et pour 1874. Résumons cette théorie :

Le Soleil, en lui appliquant la théorie de Laplace sur la formation des planètes, provient de la contraction successive, due au refroidissement, d'un amas de matière nébuleuse en rotation. De cette contraction il est résulté une masse sphérique excessivement chaude, aussi en rotation, formée d'oxygène, d'autres gaz et de vapeurs métalliques, notamment de magnésium. Dès que la température des couches gazeuses extrêmes s'est abaissée au point ou les vapeurs métalliques peuvent se combiner avec l'oxygène, il est apparu à la surface de l'astre des nuages de poussières solides incandescentes de magnésie, nommées grains de riz, formant la photosphère lumineuse. Ces poussières, plus lourdes que la couche gazeuse, sont tombées vers le centre de l'astre, en regagnant la quantité de chaleur qu'elles avaient rayonnée quand elles se trouvaient dans la photosphère, jusqu'à ce qu'elles eurent atteint une couche dont la chaleur a mis leur oxygène en liberté et transformé leur magnésium en vapeurs. L'équilibre ayant été troublé par le développement de vapeurs formées dans cette couche, une partie de ces vapeurs est revenue vers la surface extérieure ou le magnésium s'est de nouveau combiné avec l'oxygène, par suite de la température relativement basse de la surface, pour produire de nouvelles poussières lumineuses. La reproduction incessante de la photosphère résulte des courants descendants, des courants ascendants et des combinaisons chimiques à la surface extérieure. Ces mouvements pourront se continuer longtemps, parce que la masse énorme du Soleil contribue tout entière à entretenir la chaleur et la lumière; ils cesseront quand l'abaissement progressif de la température de la masse entière aura contracté les couches intérieures. Alors arrivera la fin du Soleil et peu à peu la disparition sur notre globe des végétaux et des animaux. Cette période d'extinction ne se produira que dans des millions de siècles, car on a constaté que la température moyenne de la Terre, qui dépend presque exclusivement de la radiation solaire, n'a pas varié sensiblement depuis 3000 ans.

Le Soleil a un mouvement de rotation variable, parce que la rotation des couches superficielles est diminuée par les courants ascendants, et que la rotation des couches intérieures est augmentée par les courants descendants. Par suite, la rotation générale du Soleil ne peut être altérée qu'en raison de la contraction, très lentement progressive, résultant du refroidissement.

Sur la photosphère apparaissent des lacunes elliptiques dans le réseau des grains de riz : ce sont les taches du Soleil, formées d'un noyau obscur entouré d'une partie moins sombre, la pénombre; celle-ci a sur son bord des parties, les facules, plus lumineuses que les grains de riz; ces taches participent au mouvement de rotation du Soleil. D'un calcul effectué au moyen des observations de C. Carrington, H. Faye a conclu que les taches sont des trous en forme d'entonnoir, ayant leur grande base dans la photosphère et leur noyau obscur dans une couche située à 3600 km de la surface extérieure de la photosphère, et que les zones contiguës de cette enveloppe sont animées de vitesses décroissantes de l'équateur aux pôles. Ce décroissement de vitesse donne naissance dans la photosphère à des tourbillons verticaux, qui absorbent les nuages brillants extérieurs et qui entraînent dans leur entonnoir les matériaux refroidis de la chromosphère, en produisant un abaissement de température qui rend opaque le noyau obscur du tourbillon; celui-ci écarte les courants ascendants qui donnent les grains de riz. Une partie des produits lumineux de ces courants se condense autour de l'orifice supérieur du tourbillon; en double l'éclat et par suite donne lieu aux facules; une autre partie, saisie par un abaissement de température le long des parois de l'entonnoir, se condense immédiatement et s'y dépose en longs filaments qui paraissent moins brillants que les grains de riz et donnent la pénombre. La rareté des taches à l'équateur provient du peu de vitesse d'une zone à l'autre dans cette région. La périodicité des taches du Soleil permet de regarder cet astre comme une étoile variable à très longue période et à variation d'éclat très faible encore. Les protubérances prennent naissance sur la photosphère, jaillissent de tous ses points et surtout des facules, mais jamais de l'intérieur des taches.

Faye a fait remarquer que sa théorie du Soleil rend compte de l'origine et de la constance de la radiation solaire. De cette théorie et de l'identité du Soleil et des étoiles, il conclut que la chaleur de ces astres provient de la transformation en chaleur de la force vive (énergie cinétique) des matériaux disséminés sur un espace immense, et se réunissant plus tard vers une multitude de centres, en vertu de leur gravitation mutuelle.

H. Faye avait émis l'hypothèse de l'absence autour du Soleil d'une atmosphère analogue à celle de la Terre. M. Janssen, après avoir observé, à Trani, l'éclipse annulaire du 6 mars 1867, se montra favorable à cette hypothèse; et, à Guntoor, il l'admit complètement, après avoir remarqué que les raies du bord du Soleil ne diffèrent pas sensiblement de celles de son centre.
C.-A. Young et Langley, en exposant leurs idées sur la constitution du Soleil dans la Popular Astronomy (9877) de Newcomb, ont approuvé dans ses grandes lignes la théorie précédente de Faye.

Une théorie des tempêtes

Selon H. Faye, les régions supérieures de l'atmosphère sont sillonnées par de vastes courants allant de l'équateur aux pôles, en suivant une route courbe; dans ces courants, les inégalités de vitesse des filets parallèles engendrent de vastes mouvements giratoires; il en résulte des tourbillons dont les spires descendent verticalement en se resserrant, atteignent le sol en y épuisant leur force vive (énergie); comme ces tourbillons suivent les courants supérieurs où ils ont pris naissance, ils se transportent à la surface du sol avec la vitesse d'un train express, en y produisant de grands ravages.

Cette théorie, exposée en 1872, a été vivement attaquée; mais son auteur l'a énergiquement défendue à plusieurs reprises, notamment en 1887, dans son livre Sur les Tempêtes et en 1897 dans sa Nouvelle Étude sur les Tempêtes. Elle a quelques partisans: citons G. Luvini qui a écrit dans un opuscule intitulé Sept Études (1884) : 

"Je trouve la théorie de M. H. Faye bien raisonnée et bien juste, le plus souvent, jusque dans les derniers détails." 
D'ailleurs, au XVIIIe siècle, l'opinion des trombes descendantes est exprimée. Ainsi, Bion, dans son Traité de Cosmographie (1728), émet l'idée que les vents font venir les nuées de haut en bas sur la Terre, comme en tournoyant, et Spallanzani a écrit, dans ses Viaggi (1794), que, étant sur les Apennins, il a observé un mouvement tourbillonnaire au-dessus de nuages orageux et a reconnu qu'il était à axe vertical et descendant.

Faye s'est également intéressé à l'éventuelle intervention de la Lune dans l'évolution de la météo. Après avoir écrit en 1877 : 

"Quant à l'influence prétendue de la Lune sur le temps, ce n'est qu'un vulgaire préjugé, bien des fois combattu", 
constate que la chaleur totalement réfléchie par la Lune n'est que de 1/200 000 de la chaleur solaire, et que l'attraction de la Lune sur notre atmosphère se manifeste, d'après Bouvard, par une variation barométrique de 1/15 de millimètre seulement. II attribue tous les changements de temps aux cyclones que la chaleur solaire détermine dans les régions équatoriales. 
Ajoutons que H. Faye pense que les aurores boréales proviennent des courants magnétiques terrestres définis par Ampère, que la chaleur solaire dévie régulièrement la boussole par l'intermédiaire de l'électricité atmosphérique, et qu'elle produit l'oscillation semi-diurne du baromètre par l'intermédiaire du la vapeur d'eau.


Principaux ouvrages - Son enseignement est développé dans un très bon Cours d'Astronomie de l'école Polytechnique (1881 et 1883). Cet ouvrage est complété par un Cours d'Astronomie nautique (1880). A côté de ces livres destinés aux études supérieures, il convient de placer les Leçons de Cosmographie qu'il a publiées en 1852 pour l'enseignement secondaire et qui ont depuis servi de modèle, ainsi que Sur l'origine des mondes (Paris, 1885). Il a par ailleurs publié plus de 400 mémoires dans le Comptes rendus de l'Académie des sciences, dans le Bulletin de la société astronomique, dans les Monthly Notices of the Royal Astronomical Society (MNRAS) et dans les Astronomische Nachrichen. Ajoutons qu'il a été, avec l'aide de Galusky, le traducteur du Cosmos de Humboldt (Paris, 1848-59). (Lebon, 1899).
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