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Les branches de l'Islam
Tableau général
L'Islam.
Sunnites Malékites (Maghreb, Soudan, Golfe arabo-persique). -  Près de 200 milions d'adeptes. 
Shaféïtes (Egypte, Somalie, Arabie, Asie du Sud-Est). -  Environ 200 millions d'adeptes.
Hanéfites (Turquie, Kurdistan, Irak, Inde, Balkans). - Environ 400 millions d'adeptes.
Hanbalites
(Arabie, Syrie). Moins de 2 millions d'adeptes.
Hanbalites « orthodoxes »
Salafistes, Islam politique et Néo-fondamentalistes Salafistes : Cheikhistes; Wahhabites, en Arabie Saoudite et au Qatar); Djihadistes (ou Jihadistes) : prônent la violence pour imposer leur conception de l'Islam (Talibans, al-Qaida, Daesh, Boko Haram, al-Shabbaab, etc.).
Mouvance des Frères musulmans (ce ne sont pas à proprement parler des Salafistes, mais leur idéologie - islamisme ou islam radical - reste proche de celle des Wahhabites) : Egypte et autres (Frères musulmans), Liban et autres (Jamaa al-islamiya), Turquie (AKP), Palestine (Hamas), Tunisie (Ennahdha), etc.
Chiites
15 à 20% des Musulmans
Imamites ou Chiites duodécimains (Iran, Irak, Liban).
Zeïdites (Yémen) Djaroudïa
Soleimanïa
Batirïa
Ismaéliens
ou 
Chiites septimains
Boharas (Bohras)
(Inde, Pakistan, Afrique).
Mustaliya
Nizariyya ou Nizârites ( =  "Hashshashin" ou "Assassins")
Autres ismaéliens Carmathes, Bathinïa, Sebata, Babikïa, Mouamarra.
Druzes ou Durziyya  (Liban, Syrie, Nord-Israël).
Ghoulât  ( = Outrés) Keïssanïa Razamïa, 
Hichamïa,
Bananïa.
Nacirïa ou Alaouites (Chemâliyés, Chemsiyés, Kléziyés, Qamariyés, Ghaibiyés, Haidariyés) (Syrie).
Autres Ghoulât Ishaqia, Sabaïa, Kamilïa, Moghairïa, Djanahïa, Khattabïa, Zerarïa, Younissïa, Mofaouidha, Badaïa, Dammïa, Ghorabïa.
Khâridjites Adjarida Maïmounïa, Hamzïa, Cho'ïbïa, Hazamïa, 
Khalfia, Tarfia, Ma'loumia, Madjhoulïa, 
Soltïa, Tsalbïa (Akhnassïa, Ma'badïa, Chibanïa).
Les Ibadhïa ou Ibadhites Hafsïa, Yazidïa, Haritsia
Autres Khâridjites Azariqa, Moakkima, Baïhassïa, Nadjdates, Sofrïa.
Autres Soufis ( = Mystiques)
Kalâm ou Calâm
( = Théologie rationnelle)
Mutazilites Ouacilïa (Wâsilites), A'marïa ('Omarites), Hodhilïa (Houdhallites), Nadhamïa (Nazzamites), Assouarïa (Aswarites), Askafia (Askafites), Dja'farïa (Djafarites), Mezdarïa (mazdarites), Hichamïa (Hichamites), Salhïa (Salhites), Haithïa, Hodbïa (Hadbites), Ma'marïa (ma'marites), Tsemanzïa, Khiathïa (khayyatites), Djahidhïa (Djahizites), Ka'bïa (ka'bites), Djabïa (Djobbaites), Bachamia.
Ash'ari, Jabriyya, Maturdi, Marjih, Q'diriyyah
Divers groupes disparus Mordjites (Younissïa, Obeïdïa, Ghassanïa, Tsoumimïa), Nadjarites (Barghoutïa, Zaa'faranïa, Mostadreka), Djabrites, Mocchabihtes (Mochabbiha, Hachouïa, Karamïa) et Nadjites (Acharïa).
« Nouvel Islam » Babisme, Baha'ïsme, Islam afro-américain

Comme l'Islam constitue plus qu'une religion et est en réalité une combinaison de religion, de politique et de jurisprudence - éléments qui sont entrés dans l'équation au cours des premiers siècles et ont perduré depuis - il est naturel que des schismes se produisent et que des sectes se développent et déclinent avec le temps, suivant l'évolution de la société. L'essor et le développement de la doctrine chez les Musulmans ne peuvent ainsi être séparés de l'essor et du développement des traditions historiques et nationales. De nombreuses influences ont contribué à la croissance conséquente des sectes et de leurs facteurs distinctifs. La culture des pays voisins, leur atmosphère littéraire et théologique, était un facteur indéniable. Le droit juif et le droit romain ont aussi exercé une profonde influence et ont conduit avec le temps à de nombreuses controverses. 

De même que le Coran procède de trois influences - chrétienne, juive et ce que nous appelons païenne - les coutumes ou modes de pensée prédominants des peuples parmi lesquels ils vivaient se sont reflétés largement dans les conceptions des Musulmans. Peut-être aussi était-il nécessaire pour que la foi assume de telles caractéristiques, pour faciliter sa diffusion et que ses prosélytes se sentent plus à l'aise. Ce contexte, ajouté à l'effet des divisions géographiques étendues, offrait en tout cas un terrain fertile pour l'épanouissement des sectes. L'Islam a embrassé l'Arabie, la Perse, la Syrie, l'Egypte, l'Afrique du Nord, l'Asie centrale jusqu'à la Chine, l'Espagne en partie, l'Inde et l'Indonésie. Autant de motifs actifs d'antagonisme et de division, autant de terrains propices aux mystiques, ascètes, panthéistes, rationalistes aux visages toujours variées. Par ailleurs, le fait que l'Islam se soit développé si rapidement et ait exercé pendant tant de siècles une si grande influence sur la science et le savoir a certainement intensifié le conflit des opinions, souvent tranché au fil de l'épée.

Le nombre des sectes à première vue semble immense. Une vieille tradition attribue à Mahomet le dicton selon lequel l'Islam serait divisé dans le temps en 73 partis. Les auteurs arabes, créant différentes classes et divisions, ont multiplié ce nombre plusieurs fois, les différences entre eux étant dues à l'absence de système et à l'absence d'une base commune de classification. Chahrestani (mort en 1153), avec ses écrits sur les sectes religieuses et les écoles philosophiques, est la principale référence. Il classe les sectes sous six rubriques : Mo'tazilites, Djabrites, Sifatites, Khâridjites, Murpiites et Chiites, à partir desquelles il établit une liste de plus d'une centaine de noms. 

Les Sunnites.
Beaucoup des traditions mentionnées par Chahrestani ont disparu; quatre, cependant, renvoient à des divisions actuelles importantes de l'Islam. Ce sont les Hanéfites, les Shaféïtes (Shafi'tes), les Malékites et les Hanbalites :

Les Hanéfites sont issus de l'école de l'Imam Abou-Hanifeh (699-767); ils prédominent aujourd'hui en Turquie, en Asie centrale et en Inde. 

Les Shaféites, appelés d'après l'Imam  Abou Abd-Allah Mohammed Ben-Edris el-Shafei (767-821), se rencontrent en Égypte, en Arabie du Sud, en Indonésie et en Afrique orientale. 

Les Malékites, du nom de Malek Ben-Anas (713-795); le célèbre imam de Médine, se trouve en Afrique du Nord et en Haute-Égypte. Le Malékisme (ou Mâlikisme) se présente comme l'orthodoxie au sein de l'orthodoxie sunnite. C'était le rite officiel dans l'Empire ottoman.

Les Hanbalites, des traditionalistes rigides, avec le fanatisme qui l'accompagne, se tournent vers l'Imam Ahmed Bin-Hanbal (786-855). En déclin après le XVe siècle, la secte ou l'école renaît au XVIIIe, lorsque le mouvement Wahhabite surgit en Arabie centrale.

Ces quatre rites, comme on les appelle, reposent sur la base commune de la sunna, c'est-à-dire  des traditions orthodoxes. Ce sont les quatres composantes de la branche dite des Sunnites.

Les Chiites.
C'est la religion et non la politique qui a produit le premier schisme. Il n'est toujours pas guéri. Le point litigieux a été le nom du successeur du Prophète et souverain de l'Islam (Imam). Il a défini une division nette entre légitimistes et illégitimistes, orthodoxes et hétérodoxes, avec leurs disputes et antagonismes sans fin, plus ou moins clairement énoncés.

D'un côté se trouvent les Sunnites, déjà nommés, ceux qui suivent la Sunna ou la tradition, et qui représentent l'écrasante majorité des Musulmans; de l'autre le Chiites (de C'hia = parti ou secte), qui constituent la dissidence la plus importantes numériquement. La division entre ces deux courants remonte à la bataille de Siffin (657), quand Alî et Moawyia étaient des prétendants rivaux au califat, et que les partisans du premier ont perdu dans l'arbitrage. Les Chiites se sont séparés et sont devenus des dissidents, continuant d'affirmer que la succession revenait à la maison de Mahomet et à Alî comme son gendre, et pour toujours aux descendants appartenant à la lignée du prophète fille Fâtima, la femme d'Alî. Contrairement aux Sunnites, les Chiites sont encadrés par un clergé hautement hiérarchisé.

Les Chiites eux-mêmes sont divisés selon la lignée des descendants qu'ils reconnaissent. Les deux principaux courants, au moins par leur place dans l'histoire, sont ceux des Chiites duodécimains et celui des Chiites Ismaéliens :

Les Chiites duodécimains.
On nommera d'abord les Chiites Duodécimains, nommés aussi  Imamites (car ils préfèrent le terme d'Imam à celui de calife). Ceux-ci sont les Chiites les plus anciens, puisqu'ils font remonter leur revendication à Alî et la transmettent de père en fils jusqu'au douzième imam (d'où le nom de ce courant), Mohammed ben-Hassan «-al-Askari ». Dans sa huitième année, on dit que cet imam a disparu et  qu'il a vécu depuis lors en secret, pour paraître au dernier jour en tant que Mahdi. Les Chiites duodécimains sont majoritaires en Iran et en Irak, et c'est de cette branche du Chiisme que se réclame  la République islamique (un régime militaro-clérical) qui s'est établie en Iran en 1979. Auparavant, le Chah d'Iran était considéré comme le substitut temporaire de l'Imam disparu. 

Les Ismaëliens.
Les Ismaéliens (aussi appelés Chiites Septimains) sont l'autre branche importante des Chiites. Il sont les disciples d'Isma'il (ou Ismaêl), le sixième Imam, ont donné naissance, grâce à la propagande d'Abd Allah ibn-Maimun. Plusieurs courants procèdent de l'Ismaélisme, parmi lesquels les Carmathes, les Druzes et les Nizârites (Nizaris). Les Druzes incarnent au sein de l'Islam chiite une forme de gnosticisme, dans lequel on lit un héritage d'idées d'origine babylonienne et persane. Quant aux Nizârites, courant mystique, ils étaient connus au temps des Croisades sont l'appellation péjorative de Hashshashin ou Assassins. Aujourd'hui des communautés nizarites existent dans l'Hindou Kouch et en Inde. L'imam des Nizârites porte le titre d'Aga Khan (le dernier en date, Karim Aga Khan IV, est surtout connu en Occident pour sa vie mondaine et ses chevaux de course...).

Les autres courants chiites.
Ils existe de nombreux autres courants chiites. De nouvelles sectes émergent de temps en temps parmi les Chiites. La première dissidence est apparue très tôt, dès le VIIIe siècle. Il s'agissait de celle des Zéïdites ou Zaydites, aujourd'hui part importante de la population du Yémen. Les Zéïdites doivent leur nom à Zayd ibn Ali, petit-fils de Hussein et fils d'Ali ibn-Hussein, considéré par les Duodécimains comme par les Ismaéliens  comme le quatrième imam. La dernière ou l'une des dernières dissidences en date (dont les affinités avec le Chiisme proprement dit sont assez lâches) est celle du Babisme, fondée en Iran vers 1844 par Mirza Ali Mohammed et ses successeurs. Entre les deux, nous placerons une foule de sectes rangées par les Chiites majoritaires (Duodécimains, Ismaélienes et Zéïdites) dans la catégorie des Ghoulat (Ghulât), c'est-à-dire des Outrés, des Exagérés, de Ceux-qui-vont-trop-loin (dans leur vénération portée à Alî). Parmi eux, on rencontre notamment les Alaouites, qui peuvent se voir comme un « exagération » du chiisme duodécimain : ils sont présents dans les montagnes du Nord-Ouest de la Syrie. C'est de cette population minoritaire dans le pays qui est issu le parti au pouvoir en Syrie et son chef Bachar al-Assad.

Les Khâridjites.
Les Khâridjites, qui dans la guerre de succession entre Moawvia Ier et Alî avaient pris parti pour ce dernier, se révoltèrent peu de temps après contre ce dernier. Ils se présentèrent ainsi dès le départ comme ennemis à la fois des Sunnites et des Chiites. Leur nom signifie littéralement « sortants ». Leur démocratie était absolue - le calife pouvait être de n'importe quelle famille, être élu et déposé par l'ensemble de la communauté musulmane. Secte originale et jamais très nombreuse, ils se sont longtemps maintenus aux marges du monde musulman. Les Ibadhites (Ibadites), qui tirent leur nom d'Ibn Ibad (milieu du VIIIe siècle), constituent la seule composante khâridjite existant encore. On les rencontre dans le Sultanat d'Oman, à Zanzibar et sur la côte de l'Afrique de l'Est, ainsi qu'en Algérie (Mzab), où ils conservent une certaine simplicité de vie et maintiennent leurs vues théologiques et juridiques archaïques. Il leur est interdit d'épouser d'autres musulmans. 

Les Mutazilites.
Le Coran, la tradition, la raison, la coutume, étaient des pivots sur lesquels tournaient les écoles de droit et de théologie. Parmi elles, certaines, du fait du contact étroit des Musulmans orientaux avec les Chrétiens, les Bouddhistes, les Zoroastriens et d'autres, ont cherché à développer une théologie rationaliste ou  kalâm (`ilm al-kalâm = la science de la parole, du débat). Tendance qui s'est principalement incarnée dans le mouvement théologique des Mutazilites (Mo'tazilites) ou "séparatistes". Cette école théologique, qui a exercé une grande influence et reçu le soutien de l'État à l'époque des califes 'Haroûn-ar-Rachid et Al-Mamoûn, a créé la dogmatique spéculative de l'Islam, en utilisant le rationalisme méthodologique de la philosophie grecque. Elle soutenait que la raison devait purifier le Coran d'une vision trop simpliste et anthropormorphique. L'intolérance et le dogmatisme rigide dont ont fait montre les Mutazilites leur a fait perdre la faveur du calife Motawakkel, mais la pensée rationaliste (souvent réfugiée dans les moments de répression chez les médecins arabes) a continué jusqu'à nos jours à faire à bas bruit son chemin dans l'Islam. 

Les Soufis.
Le Soufisme est le courant mystique de l'Islam et recrute aussi bien parmi les Sunnites que les Chiites. Les musulmans font remonter à Mahomet l'origine du Soufisme, mais il est probable que ce courant  ne s'est pas constitué avant la fin du IIe siècle de l'hégire et que le cheik Abou-Saïd-ibn-Aboul-Kleïr en est l'un des principaux promoteurs. Né d'une réaction de l'esprit philosophique contre le rigorisme de l'Islam, le Soufisme a emprunté à l'école d'Alexandrie sa philosophie en l'exagérant encore, en y joignant l'exécution minutieuse des pratiques rituelles de l'Islam ordinaire, compliquées dans un sens ésotérique. Le fond de la doctrine soufie est que l'humain, suffisamment purifié par la méditation, l'extase et l'observation stricte de la règle, peut s'élever jusqu'à la divinité et s'identifier avec elle. A plusieurs reprises, des docteurs soufis, tels que Mansour, fils d'El-Halladj et Bayézid-i-Bistami, ont proclamé qu'ils étaient parvenus à ce résultat et ne faisaient plus qu'un avec Allah. 

Certains Soufis se séparent du monde et vivent enfermés dans des sortes de couvents (tekieh), d'autres non. Tous, en tout cas, sont tous soumis à l'observation rigoureuse de deux règles : l'une matérielle, l'autre morale, dont tous les préceptes doivent être rigoureusement suivis par les novices s'ils veulent avancer dans ce que les docteurs nomment la voie mystique (tariqa); la règle matérielle ne consiste d'ailleurs que dans l'observation stricte des cinq fondements sur lesquels Mahomet a dit que repose la foi de l'Islam. Quant à la règle morale, elle se compose de prescriptions qui visent la perfection de l'humain au point de vue spirituel et, de l'avis de tous les docteurs, elle a plus d'importance que la première. Les Soufis sont rangés d'après une hiérarchie bien définie; à la tête de cette hiérarchie, dont les membres les plus importants sont les abdals, se trouve un personnage nommé le Pôle du monde (Kotb), qui reçoit directement le mouvement de Dieu et le transmet par l'intermédiaire de deux vizirs aux deux mondes, monde réel et monde imaginaire. 

Les confréries musulmanes de l'Afrique du Nord et de l'Ouest et les ordres de derviches turcs ont eu initalement une affiliation au Soufisme, qui le plus souvent s'est effacée avec le temps..

Les confréries religieuses musulmanes.
L'enthousiasme religieux et l'exemple des moines chrétiens de Syrie contribuèrent sans doute à donner aux premiers Musulmans l'idée de former ces associations dont le but était tout d'abord de s'assurer une place dans le paradis par des prières surérogatoires. Plus tard, tout en conservant leur caractère primitif, les confréries musulmanes, qui sont constituées comme des ordres religieux,  aspirèrent à jouer un rôle plus actif et, sous prétexte de corriger les abus et de ramener leurs coreligionnaires dans la bonne voie, ils entreprirent de subordonner à leur influence le pouvoir politique. Une lutte sourde s'engagea entre l'autorité laïque et les confréries, lutte dans laquelle ces dernières ont presque toujours eu l'avantage sans cependant s'installer de fait au pouvoir. 

La rivalité qui existe entre les divers ordres religieux a seule empêché jusqu'ici la réalisation du rêve de leurs affiliés qui serait d'établir une sorte de théocratie universelle, et la facilité avec laquelle un nouvel ordre religieux peut être créé rendra impuissante, à l'avenir, toute tentative de ce genre. En effet, tout fidèle qui veut fonder une confrérie n'a qu'à se faire un renom de piété excessive, ce qui s'acquiert avec la plus grande facilité dans le monde musulman quand on joint à l'exercice de nombreuses pratiques dévotes quelques actions spectaculaires ou la revendication de facultés spéciales qui frappent les imaginations. Il suffit ensuite de raconter que l'on a vu en songe le Prophète et que celui-ci vous a communiqué une nouvelle formule de prière dont l'efficacité ne saurait naturellement être mise en doute. C'est cette formule ainsi que quelques recommandations venues de même source, sur la conduite spirituelle à tenir dans ce monde, qui constituent la voie nouvelle à suivre, la tariqa de l'ordre créé (tariq = chemin). 

Le chef religieux ainsi institué s'entoure tout d'abord de quelques disciples éprouvés, dont il fait ensuite des missionnaires qui vont recruter des adhérents ou khouans (frères). Pour devenir khouan il faut recevoir l'initiation ou suivant l'expression arabe prendre l'ouerd, soit du chef lui-même, soit d'un de ses délégués. Cette cérémonie accomplie, le khouan a droit à l'aide et à la protection de tous les membres de l'ordre, mais en revanche il se doit corps et âme au chef de la confrérie. Certaines confréries admettent également des femmes qui se livrent aux mêmes exercices spirituels que les hommes, sans toutefois se mélanger à eux. 

Sauf l'oraison que les khouans sont tenus de réciter à certains moments prescrits, et qui varie suivant les confréries, toutes les associations religieuses ont la même organisation. En Afrique de l'Ouest et au Maghreb, le supérieur général appelé cheikh ettriqa ou califat el- ouerd réside au siège de l'ordre qui est installé dans une zaouïa; il a au-dessous de lui des moqaddem (prieurs) qui sont chargés de diriger les groupes provinciaux et de conférer l'initiation dans leurs circonscriptions. Le personnel subalterne se compose de chaouch, sorte d'huissier ou maître des cérémonies, et de reqqas ou courriers chargés de porter les missives et le plus souvent les instructions orales du cheikh ettriqa. Une ou deux fois par an les moqaddem se rendent auprès du chef de l'ordre pour y tenir une sorte de chapitre appelé hadra dans lequel on arrête les mesures importantes à prendre dans l'intérêt de la communauté. A leur retour les moqaddem dans un synode appelé djelala, zerda et quelquefois même hadra, communiquent également aux khouans les instructions qu'ils ont reçues. Ils peuvent du reste provoquer d'autres réunions dans les circonstances qu'ils jugent convenables et le plus souvent c'est à époques fixes, une fois par semaine ou une fois par mois. 

Les obligations pratiques contractées par les khouans sont les suivantes : 1° le renoncement au monde ou pour mieux dire à la fréquentation habituelle des profanes; 2° la retraite; 3° la veille; 4° le jeûne; 5° l'assistance aux réunions des affiliés; 6° la ziara ou paiement d'une redevance en général assez minime; 7° la hedia ou cadeau à faire dans certains cas; 8° le dikr ou courte oraison que l'on doit réciter un grand nombre de fois. Pour être assurés de l'avoir dite le nombre de fois voulue, les khouans se servent d'un chapelet de quatre-vingt-dix-neuf grains qu'ils égrènent à chaque oraison. 

En dehors des membres actifs qui ont reçu l'initiation, certaines confréries accordent le titre de serviteurs (khoddam) à des musulmans à qui elles assurent leur protection spirituelle et souvent temporelle, moyennant le payement de la ziara. 

On ignore quel est exactement le nombre des divers ordres religieux musulmans; rien que parmi les sunnites on en a compté 88, mais ce chiffre, quelque élevé qu'il paraisse, est certainement au-dessous de la réalité. A la fin du XIXe siècle, en Algérie, où l'on avait pu faire un relevé approximatif du nombre des khouans, on en comptait 169,000 qui étaient répartis en seize confréries dont les plus connues ou les plus importantes étaient : les Qadiriyya (d'inspiration soufie et bien implantés au Sénégal), les Chadelia-Derqaoua, les Aissaoua, les Taïbia, les Tijâniyyah (surtout implantés à Laghouat, en Algérie), les Rahmania et les Sanousiyya (Senoussites). Elles ne fomentèrent ouvertement aucune insurrection, mais plusieurs d'entre elles prirent une part très active aux soulèvements dirigés contre l'autorité coloniale française.

On notera toutefois que la confrérie des Sanousiyya (la confrérie d'As-Sanusi, fondée en 1837), d'un «-caractère sévèrement réformateur et puritain », selon les termes de Macdonald, a fondé dans les années 1880 un État théocratique dans le Sahara oriental, entre l'Égypte et Tripoli, à partir duquel des missionnaires été envoyés pour établir des maisons dans toute l'Afrique du Nord et au Maroc et loin dans l'intérieur. La Mecque était un centre important du nouveau culte auquel les pèlerins et les Bédouins furent initiés en grand nombre. (NIE / O. Houdas).

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Dictionnaire Religions, mythes, symboles
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