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L'histoire des Arabes remonte à la plus haute antiquité. Longtemps avant l'Islam, les tribus arabes se divisaient en deux populations : au Sud, la plus ancienne, née dans le Yémen; au Nord, la plus récente, originaire du Hedjaz. Plusieurs royaumes très anciens ont existé dans le Sud (royaumes Himyarites). D'autres Etats se sont formés plus tardivement : celui de Hira dans l'Irak, et celui de Ghassan en Syrie, ainsi que la principauté des Khozaïtes à La Mecque. Les Khozaïtes expulsèrent les Djorhomites et introduisirent dans la Kaaba leur culte. Chefs du culte et maîtres de la Mecque, ils se transmirent le pouvoir de père en fils; mais la tribu des Koréischites le leur enleva vers le milieu du Ve siècle. Mahomet (570 - 632) appartenait aux Koréischites par une branche cadette. Il remplaça les croyances diverses qui se partageaient l'Arabie, par une seule religion, l'Islam, dont il se dit le Prophète. Abou-bekr, Omar, Othman, Ali furent après lui califes (successeurs) électifs et résidèrent en Arabie et leur pouvoir s'étendit sur toute la péninsule. Le califat devint héréditaire avec la dynastie des Omeyyades (661-750). Les Omeyyades transportèrent le siège du califat à Damas. Le règne des Omeyyades correspond à une période d'expansion territoriale fulgurante de l'Empire arabe, qui s'étendit alors de l'Espagne aux confins de la Perse. Mais les Omeyyades furent renversés par les Abbassides (750-1258) qui installèrent leur capitale à Bagdad. La dynastie des Omeyyades survécut cependant en Espagne où elle établit un émirat puis un califat indépendants (756-1031) dont la capitale fut Cordoue. Un grand nombre d'autres États se déclarèrent eux aussi indépendants des Abbassides : notamment, les Aghlabides à Kairouan (800-907), les Toulounides (867-904), puis les Fatimides, revendiquant leur propre califat en Égypte (909-1171). Le califat d'Orient disparut en 1258, et la puissance califale passa aux Turcs. En Espagne, le califat avait été démembré au XIe siècle, mais un dernier royaume musulman, celui de Grenade, y subsista jusqu'en 1492.

Les Arabes sont arrivés au plus haut point de civilisation à l'époque abbasside. La poésie, qui était cultivée depuis l'époque préislamique, perdit quelque peu de sa vigueur (il faut se tourner alors vers la littérature persane pour rencontrer des oeuvres de valeur). Les Arabes pas eu de théâtre, ni de poème épique proprement dit, quoique le célèbre Roman d'Antar s'en rapproche beaucoup. Les Makamat ( = Séances littéraires) de Hariri, regardées par les Arabes comme un chef-d'oeuvre d'éloquence, et les Mille et une nuits ont cependant rendu impérissable la renommée littéraire des Arabes.  Ajoutons que le nombre des grammairiens, des lexicographes, des commentateurs du Coran, et des scoliastes arabes est immense. L'ouvrage le plus important de jurisprudence est le Guide (Hédâya). Quant aux arts, ils ne furent pas favorisés par le Coran, qui défendait de représenter aucune image d'êtres animés. Cependant l'architecture des Arabes a laissé de magnifiques monuments; ceux de l'Espagne sont les plus connus, sinon les plus remarquables. La musique eut quelque succès; plusieurs auteurs arabes ont écrit sur la théorie de cet art. La philosophie, les mathématiques, l'astronomie, la physique et furent puisées par les Arabes à des sources étrangères; mais de nombreux ouvrages d'histoire, de géographie et de philologie leur appartiennent en propre. La philosophie s'introduisit chez les Arabes sous les Abbassides : Aristote a toujours été leur maître pour tout ce qui concerne les formes du raisonnement et la méthode.  Les philosophes arabes célèbres sont : Al-Farabi, AI-Gazali, Al-Kindi, Avicenne, Averroès. Les Arabes ont traduit et commenté de bonne heure Euclide, Archimède, Apollonius et Ptolémée, en y ajoutant beaucoup d'éclaircissements tirés de leurs propres recherches. L'astronomie fut la science qu'ils affectionnèrent le plus. Le calife Al-Mamoun, vers 840, ordonna de fabriquer des instruments d'après les dessins de Ptolémée, et les premières observations furent faites sous son règne. Le plus célèbre des astronomes arabes fut Al-Battani (Albategnius). Pour ce qui concerne la géographie, les Arabes ont suivi en général la méthode de Ptolémée. Notons enfin que c'est par l'intermédiaire des Arabes que la médecine grecque, surtout Galien, régna sur l'Europe du XIIe au XVIe siècle. Parmi les principaux médecins arabes, on citera Mesué, Rhazès, Avicenne, Albucasis, Averroès.

L'Arabie préislamique

L'histoire des Arabes antérieurs à Mahomet est mal connue en raison de leur faible connexion avec le reste du monde. On peut déduire de l'étude de la langue, de la tradition et d'autres éléments, que l'Arabie a dû être colonisée très tôt par deux rameaux d'une même population. Le premier, au Sud et l'Est de la péninsule (Yémen, Hadramaut et Oman), le second plus au Nord, dans la péninsule.

Les traditions les plus anciennes concernant l'origine du rameau méridional suggèrent une immigration d'Afrique qui aurait eu lieu à l'angle Sud-Ouest de la péninsule. Les  diverses institutions et coutumes en vigueur dans les régions habitées par les Arabes du Sud, les vestiges de leur dialecte originel (qui est maintenant remplacé par celui de la branche nord), confirment en tout cas des affinités avec les populations afrivcaines voisines. La branche Nord, d'autre part, bien qu'ayant une parenté indubitable avec celle du Sud, montre (dans sa langue et à d'autres égards), témoigne de plus de traces d'influence asiatique qu'africaine.

Les royaumes himyarites.
Les Arabes méridionaux ont été les premiers à établir un puissance politique considérable. Un royaume appartenant à ce rameau semble avoir existé dans le Sud pendant plus de 2000 ans, embrassant, lorsqu'il était florissant, toute la moitié Sud de la péninsule, et étendant parfois ses frontières par la conquête beaucoup plus loin. On sait qu'il y eut effectivement un tel royaume, appelé le royaume du Yémen, et ayant sa capitale d'abord à Marib et ensuite à Sanaa; il est cependant difficile de dire combien de temps ce royaume a existé. Ses rois appartenaient à la dynastie himyarite, mais cette appellation himyarite est parfois appliquée par les auteurs arabes aux classes dirigeantes du rameau méridional et parfois à toute la population. Quoi qu'il en soit, le royaume yéménite a été soumis par les Abyssins pendant plus de 70 ans au VIe siècle, période au cours de laquelle le Christianisme a investi le pays. L'héritier du trône de la dynastie himyarite a été finalement restauré grâce à l'aide de Chosroes II, roi de Perse (605 ap. JC), mais environ 30 ans plus tard, le royaume fut finalement renversé par les partisans de Mahomet. 
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Stèle préislamique.
Famille de chameliers en voyage.
Stèle préislamique du Sud de l'Arabie.
(Source : Musée du Louvre)

Un autre royaume himyarite était celui de Hira sur la rive Ouest du bas Euphrate. Il semble aussi avoir étendu parfois à la région située entre l'Euphrate et le Tigre,. C'est de cet Etat que vient le nom d'Irak Arabi donné à cette région. Les dates citées pour la fondation de ce royaume sont très différentes selon les sources. Son renversement se situe au Ve siècle de notre ère. 

Au Ier siècle, le royaume himyarite de Ghassan avait été fondé en Basse-Syrie et au Hedjaz. Il a duré jusqu'à l'époque de Mahomet. 

Le dernier royaume himyarite qu'il convient de mentionner est celui de Kindeh, qui s'est détaché de celui de Hira au début du IIIe siècle et a duré environ 160 ans. Son emprise s'étendait sur le nord du Nedjed. 

L'irruption des Romains.
Les forces divisées des Arabes ne pouvaient pas toujours résister avec succès aux armes romaines, et bien que leur pays n'ait jamais été complètement réduit à l'état de province, les princes du Nord vivaient au moins dans un état de dépendance vis-à-vis des empereurs romains, et étaient considérés comme leurs vice-rois. Au Sud, les Romains n'avaient aucune influence. 

Une expédition fut montée contre le Yémen sous le règne d'Auguste (24 av. JC), mais elle échoua complètement. Avec le déclin de l'Empire romain, l'Arabie mena de vigoureuses luttes pour l'indépendance, qui auraient pu facilement être obtenue par l'union des diverses tribus. Mais les peuples arabes restèrent divisés, et se perdirent pendant nombreux siècles en conflits internes, au cours desquels les hautes terres centrales (Nedjed) devinrent le théâtre de joutes chevaleresques si célébrées par les poètes arabes

Chrétiens et Juifs en Arabie.
Le Christianisme a gagné de bonne heure de nombreux adeptes en Arabie, bien qu'il n'ait jamais réussi à bannir entièrement les anciens cultes. Plusieurs évêchés chrétiens furent établis et soumis au « métropolitain » de Bozrah (auj. Busairah en Jordanie). La ville d'Elhira, près de l'Euphrate, abritait de nombreux Chrétiens et couvents arabes, et le roi régnant, Ennomân-ben-el-mondsir, se convertit au Christianisme peu de temps avant l'époque de Mahomet. Le conflit des Arabes avec le despotisme romain contribua à attirer dans leur pays nombre de sectes chrétiennes, entre autres les Monophysites et les Nestoriens, cherchant un refuge contre les persécutions auxquelles ils étaient soumis par les tenants de l'orthodoxie dans tout l'Orient. 

Les Juifs étaient aussi très nombreux en Arabie après la destruction de Jérusalem, et firent même quelques prosélytes, principalement au Yémen. Les grandes différences entre les diverses sectes produisirent dans l'esprit de beaucoup une indifférence à l'égard de toutes les religions existantes, et furent probablement l'un des principales causes pour lesquelles les doctrines de Mahomet trouvèrent une acceptation si rapide en Arabie.

Mahomet, le fondateur

Avec Mahomet (Mohammed, Muhammad = le Loué), né à la Mecque en 570, mort en 632, une nouvelle phase s'ouvre dans l'histoire des peuples arabes. Mahomet appartenait aux Mostareb (= Arabisés), c'est-à-dire  aux Arabes du Nord, selon la terminologie employée par les Arabes méridionaux, et parmi les Mostareb à la tribu des Koréischites (Quraychites). Cette tribu occupait une position de grande influence en Arabie depuis le début du Ve siècle, lorsqu'elle était parvenue à s'emparer de la ville de La Mecque, qui était non seulement une ville d'une grande importance commerciale, mais elle était considérée comme sacrée par les Arabes parce qu'elle renfermait le sanctuaire de la Kaaba, destination de longue date d'un pélerinage. Pendant tout le VIe siècle, les Arabes septentrionaux avaient généralement accru leur puissance, et au début du VIIe, lorsque Mahomet était déjà adulte, ils avait absorbé le royaume de Kindeh, et avaient étendu leur emprise aux dépens de celles du Yémen, de Hira et de Ghassan. 

Mahomet fut d'abord conducteur de chameaux. Un de ses oncles, Abou Tâleb (Abu Talib), qui s'occupait de commerce, conduisit Mahomet en Syrie en 583, où ce dernier connut un moine nestorien, nommé Bahira, qui l'initia à la connaisssance de l'Ancien Testament. A 16 ans, il assista aux batailles de Nakhla et de Samta, dans la guerre de Fidjar. Sa réputation d'intelligence et de probité, ses avantages personnels, lui acquirent, à 25 ans, la confiance d'une riche veuve Khadîdja, qu'il épousa. Il en eut 3 fils et 4 filles; ses enfants mâles moururent en bas âge. Mahomet avait 35 ans, lorsqu'on reconstruisit la Kaaba endommagée par un incendie; il eut l'honneur d'y poser la pierre noire.

Voyant son oncle Abou-Tâleb dans la gêne, Mahomet se chargea de l'éducation d'Alî son cousin. Peu après, il affranchit et prit pour fils adoptif Zayd, fils de Hâritha, prisonnier de guerre vendu comme esclave. Ce fut à l'âge de 41 ans que Mahomet conçut le projet de réunir en un seul culte les diverses religions qui divisaient alors l'Arabie, le sabéisme, le judaïsme, etc., 611. Il se déclara l'envoyé de Dieu; sa femme crut la première à sa mission prophétique; le jeune Alî y crut ensuite, et, après lui, Zayd. La prédication de l'Islam fut secrète pendant 3 ans. Le nombre des initiés croissant, le mystère fut dévoilé. On porta plainte auprès d'Abou-Tâleb contre Mahomet, qui persévéra dans sa conduite et fut défendu par sa famille. Les nouveaux prosélytes furent persécutés.

La Mecque se divisa en deux camps, les adeptes de l'ancienne religion des Arabes et les Musulmans. Plusieurs de ces derniers, entre autres Othmân (futur calife), s'enfuirent en Abyssinie, en 615. Les Koréischites, ennemis de Mahomet, envoyèrent une ambassade au négus d'Abyssinie, Adhmakha, qui était chrétien, pour réclamer les réfugiés; le roi refusa de les livrer, et, suivant les auteurs arabes, il aurait adopté en secret leur religion. Omar ('Umar), ennemi acharné de Mahomet, se convertit à l'Islam. Mahomet et épousa Aïescha, fille d'Abou-Bekr (Abû Bakr). Il acquit des partisans parmi les Arabes de Yathreb, en 620. Les tribus d'Aus et de Khazradj embrassèrent la nouvelle religion. Mahomet choisit parmi elles 12 Nakib ( = délégués) pour répandre sa doctrine. Sa position et celle des Musulmans devenant à la Mecque plus que jamais périlleuse, il ordonna à ses disciples de fuir et de se retirer à Yathreb. Quelque temps après, il alla les rejoindre. Sa fuite (hidjra, d'où hégire) eut lieu le 16 juillet 622, date par laquelle commence le calendrier musulman. Yathreb s'appela dès lors Medinet-al-nabi (= Cité du Prophète), d'où Médine. Peu après son établissement dans cette ville, Mahomet prit les armes contre les Koréischites, et en triompha à la journée de Beder, 624. L'année suivante, les Koréïschites battirent les Musulmans près du mont Ohud, 625. 

Mahomet fit des expéditions heureuses contre diverses tribus, et soumit les Juifs de Khaïbar. Fier de l'accroissement de sa puissance, il ne craignit pas d'essayer ses forces contre les Byzantins, mais il fut battu à Mouta, 620. Une trêve signée avec les Koréischites lui permit de conduire ses disciples au pélerinage de la Mecque. Enfin il s'empara de cette ville en 630, et détruisit les représentations de divinités de la Kaaba. Dans la dixième année de l'hégire, il avait achevé la soumission des tribus du Yémen et du Nedjed. Toute l'Arabie était soumise au Prophète et lui avait envoyé des ambassades solennelles, lorsqu'il mourut, après une brève maladie. 
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Plan de la Mecque au XVIe siècle.
Plan de La Mecque 
sur un plafond en céramique du XVIe siècle.

Ainsi, dès 632, la religion De Mahomet avait-elle acquis une solide emprise en Arabie. Après sa mort, ses successeurs commencèrent à la répandre par la force des armes au-delà des limites de la péninsule. La nation arabe, agissant pour la première fois en tant que corps, devait jouer pendant plusieurs siècles un rôle important dans l'histoire du monde, s'avançant dans une carrière victorieuse au-delà de ses frontières naturelles, pour fonder des empires puissants. 

Le califat d'Orient, 632-1258

Les premiers successeurs de Mahomet.
Abou Bekr.
Après la mort du Prophète, l'élection d'un successeur occasionna une agitation considérable, Mahomet n'ayant laissé aucun fils et n'ayant nommé aucun successeur.  Un groupe de dirigeants médinois, ainsi que trois des amis proches de Mahomet, ayant à décider entre Alî, le cousin et gendre de Mahomet, et Abou Bekr, l'un des premiers croyants et le père de l'épouse préférée de Muhammad, Aïcha (A'isha  ou Ayesha), choisirent le second pour calife ( = successeur), un titre qui ne clarifiait  en rien ses pouvoirs. Victorieux cependant de ses ennemis intérieurs, avec l'aide de son général, Khaled, « l'Épée de Dieu », Abou Bekr se consacra à répandre par les armes les doctrines de Mahomet. Avec pour mot d'ordre conversion ou tribut, une armée nombreuse, composée uniquement de volontaires animés du zèle pour la guerre sainte, pénétra en Syrie et en Mésopotamie. Abou Bekr mourut après deux ans et quatre mois.

Omar.
Omar, un autre beau-père du Prophète, devint alors second calife, et sous lui la guerre se poursuivit. Les Musulmans ayant acquis une position solide en Syrie par la capitulation de Bosra, entreprirent, sous Khaled, le siège de Damas, et ayant repoussé deux grandes armées, envoyées par l'empereur Héraclius au secours de la ville, ils obtinrent possession par une capitulation (635), dont les termes furent perfidement rompus, Khaled poursuivant et massacrant les Chrétiens en retraite. L'assujettissement de la Syrie a été achevée (638) par lui et d'autres généraux, mais non sans une résistance courageuse sur la part des Byzantins. 

Jérusalem ayant été contrainte de se rendre (636), Omar s'y rendit en personne pour fixer les termes de la capitulation, qui servit ensuite de modèle pour régler les relations des Musulmans avec les sujet Chrétiens. Ces termes ont été soigneusement observés par le calife consciencieux. Le nouvel empire perse des Sassanides a également été renversé, et la Mésopotamie et d'autres régions étendues ont été envahies. L'Égypte, qui fut soumise au califat en deux ans (641)par le général musulman Amrou. Omar fut le premier à porter l'appellation d'Emir al-Moumenin ( = Prince des Fidèles),  un titre ensuite hérité par tous les califes successifs. Beaucoup de ces conquêtes concernaient des populations chrétiennes qui changeaient facilement de croyance et s'adaptaient à la nouvelle règle.

Othman.
Après le meurtre d'Omar par un esclave (644), un conseil, nommé par lui sur son lit de mort, choisit Othman (Osman), gendre du Prophète, passant au-dessus d'Alî. Sous lui, l'empire des Arabes continua à s'étendre. De l'Egypte, la conquête s'avança vers l'Ouest le long de la côte nord de l'Afrique jusqu'à Ceuta. Chypre (647) et Rhodes (654) furent aussi conquises; mais Chypre a été perdue deux ans plus tard. Une agitation contre Othman s'éleva alors, due en partie au fait qu'il favorisait ses propres relations familiales de toutes les manières,  et confiait les provinces, non aux plus capables, mais à ses favoris. Pour beaucoup aussi, les prétentions d'Alî au califat étaient jugées supérieures à celles d'Othman. Les mécontentements ainsi excités occasionnèrent une insurrection générale en l'an 656, qui se termina par la mort d'Othman.

Alî.
Alî, le gendre du Prophète par Fatimâ, un homme cultivé, et l'auteur d'un recueil de sentences ou de maximes morales, est devenu, le quatrième calife, par le choix du peuple de Médine, et est considéré comme le premier possesseur légitime de la dignité par une partie des Musulmans, ce qui, à leurs yeux, lui donne, ainsi qu'à son fils, Hassan, une dignité presque égale à celle Prophète. Cette croyance est celle des Chiites, (appellation donnée d'après le terme arabe Shi'at Ali ( = Parti d'Ali), devenus majoritaires en Iran et en Irak, mais aussi présents dans d'autres pays, au Yémen, par exemple. La division entre Chiites et Sunnites  (= Orthodoxes), auxquels ils sont définis par opposition,  reste encore aujourd'hui une ligne fracture majeure chez les Musulmans. 

Au lieu de pouvoir continuer les conquêtes de ses prédécesseurs, Alî a toujours dû faire face à des ennemis nationaux, à commencer, dès sa nomminantion au poste de calife, à Aïcha, la veuve de Mahomet, et à deux des proches compagnons de celui-ci, Tellah, Zobeir, et surtout au puissant Moawiya (Moawyiah ou Mu'awiya), gouverneur de la Syrie, qui tous revendiquaient le gouvernement. Alî parvint à les vaincre lors de la bataille dite du chameau (656), ainsi appelée parce que les combats faisaient rage autour du chameau sur lequel Aïsha était assise sur une selle de femme fermée. Les vaincus ne renonçèrent pas pour autant. Ils réussirent à créer des soupçons et diffuser l'idées selon laquelle Alî aurait été l'organisateur du meurtre d'Othman. Alî s'efforça en vain de réprimer les machinations de ses ennemis en confiant le gouvernement des provinces à ses amis. 

Nulle part les nouveaux gouverneurs ne furent acceptés. Les mécontents rassemblèrent une armée et se rendirent maîtres de Bassorah. Alî sortit vainqueur de l'affrontement; Tellah et Zobeir tombèrent; mais le calife ne put empêcher Moawiyah et son ami Amrou d'étendre leur parti et de se maintenir en Syrie, en Égypte et même dans une partie de l'Arabie. Trois hommes de la secte des Kharidjites proposèrent de rétablir la concorde entre les fidèles, en tuant chacune des trois têtes des parties; Alî, Moawiyah et Amrou; mais Alî seul tomba (661). 

Hassan.
Le doux et paisible Hassan, fils d'Alî, n'avait aucune envie de défendre le califat contre l'infatigable Moawiyah; un traité fut conclu entre les deux, par lequel Hassan abdiqua solennellement le gouvernement (661). Quelques années plus tard, il périt sous l'effet d'un poison qui lui, aurait été administré par l'une de ses femmes à l'instigation de Moawiyah. Quoi qu'il en soit, c'est ce dernier qui fut le premier bénéficiaire de cette en succédant à Hassan.

Le califat d'Orient (632-1258) 

Les Omeyyades d'Orient.
Les quatre successeurs immédiats de Mohammed (Mahomet), connus dans l'historiographie arabe sous le nom de califes orthodoxes (râchidoun), avaient tenu leur autorité d'une élection. Avec Moawiya, c'est le califat héréditaire qui sera institué. Moawiya appartient à la famille des Banu Omeyya ou Omeyyades, du nom de Omeyya, arrière grand-père de Moawiyah. Ce sera le nom de la nouvelle dynastie au pouvoir. Au début du VIIe siècle, les Banu Omeyya occupaient à La Mecque le premier rang. Le triomphe de l'Islam le leur avait fait perdre; mais ils s'efforcèrent de le reconquérir, dans les trente années qui suivirent la mort du Prophète. Ils y travaillèrent sourdement sous les califats d'Abou Bakr, d'Omar et d'Othman, et l'on peut  considérer le triomphe des Omeyyades comme la triple revanche du vieux paganisme arabe sur l'Islam, des Koraïschites sur le Prophète et sa famille, des populations conquises de Syrie sur les populations conquérantes de l'Arabie. D'ailleurs, les califes de cette dynastie abandonnèrent sans retour les villes saintes de La Mecque et de Médine, et firent de Damas leur résidence et la capitale de l'Empire.

La branche aînée des Banu Omeyya, arrivée au pouvoir avec Moawyia, fournit trois califes qui se succédèrent de père en fils : Moawvia Ier (664-680), Yezid ler (680-683), Moawyia II (683-684). A l'intérieur, les règnes de ces princes furent troublés par des révoltes des Alides (= partisans d'Alî). La plus grave, survenue sous Yezid Ier, eut pour épilogue le meurtre de Hosain (Hussein), fils d'Alî. A l'extérieur, cette première période de la dynastie omeyyade fut marquée par des expéditions contre Byzance, et des conquêtes en Asie Mineure, dans le Maghreb, en Espagne

Moawyia II mourut sans postérité; son frère Khalid, seul héritier de la branche aînée, était encore en bas âge. A ce moment, Abd allah ibn Zobaïr venait de lever dans le Hedjaz l'étendard de la révolte : il s'était fait reconnaître comme calife par les habitants des deux villes saintes. La situation des Omeyyades semblait plus critique encore qu'au temps de Moawvia Ier. Leurs partisans appelèrent au pouvoir Merwan, fils d'Hakem, fils d'Aboul Abbas, fils d'Omeyya, qui, il est vrai, appartenait à la branche cadette de la famille, mais était un homme d'âge mûr, et père d'une nombreuse postérité. Merwan ne régna qu'une année (684-685). Après lui, le pouvoir se transmit à dix de ses descendants, dans l'ordre suivant :

Abd el Malik (685-705); Walid ler (705-715); Solaïman (715-717); Omar Il (717-720); Yezid II (719-724); Hicham Ier (724-743); Walid II (743-744); Yezid III (744); Ibrahim (744); Merwan II (744-750). 
C'est sous Abd el Malik (Abd-el-Mélek) que la dynastie omeyyade atteint son apogée : le long règne de ce prince est illustré par de nouvelles conquêtes en Afrique et en Transoxiane. La défaite et la mort d'Abd allah ibn Zobaïr ramènent définitivement le Hidjaz sous l'obéissance de la cour de Damas.

Sous les Omeyyades, l'Empire arabe n'a cessé de se transformer. La théocratie guerrière, rêvée par le Prophète et ses deux premiers successeurs, a tendu à devenir une monarchie temporelle. L'Etat musulman s'organise, ses fonctions se multiplient. De cette époque datent plusieurs institutions, désormais rouages essentiels du gouvernement des califes :  les bureaux de la chancellerie, le vizirat, le service des postes. Pour la première fois, des monnaies sont frappées avec des légendes en caractères arabes (La Numismatique musulmane); un cérémonial de cour est adopté.

Cependant la dynastie des Omeyyades avait, à l'origine même de son élévation, un principe de ruine. Un parti nombreux n'avait pas cessé de les considérer comme des usurpateurs. On n'oubliait pas que, pour conserver un pouvoir illégitimement acquis, ils avaient versé le sang du petit-fils du Prophète. Aussi longtemps que les descendants d'Alî s'appuyèrent sur les populations de l'Irak et de la Mésopotamie et ne tentèrent que des soulèvements isolés, les Omeyyades n'eurent pas de peine à triompher de ces rivaux; mais ils succombèrent lorsqu'une vaste révolte s'organisa contre eux à l'instigation de la puissante, famille d'Abbas. Ces Abbasides, qui devaient s'emparer du califat après la chute des Omeyyades, se montrèrent (au début) les plus chauds partisans des Alides, leurs cousins. C'est comme champions de la légitimité qu'ils triomphèrent avec l'assistance de toute une province de l'Empire, la Perse. Ce que les Syriens avaient fait pour les descendants d'Omeyya, les Persans le firent pour les descendants d'Abbas; ils se vengèrent de la conquête en imposant aux conquérants une nouvelle dynastie.

Après la mort de Hicham  Ier (Hescham), la décadence des Omeyyades se précipite. Des discordes intestines ensanglantent les règnes éphémères de Walid II, de Yezid III, d'Ibrahim et hâtent encore la chute du califat de Damas. Ibrahim ne reste au pouvoir que quelques jours; il en est chassé par son cousin Merwan, petit-fils de Merwan Ier. Proclamé calife, Merwan II, malgré son énergie et ses talents, ne peut réussir à relever la fortune de sa maison; pendant sept années, il prolonge inutilement la lutte. Les Abbassides lui arrachent une à une toutes les provinces de l'Empire; à la fin, les Syriens eux-mêmes l'abandonnent. 

Sa défaite et sa mort (750) consomment la ruine de la dynastie omeyyade. Le premier des califes abbassides, Aboul Abbas as-Saffah, après son élévation au trône, ordonne un massacre général des Banu Omeyya. Un membre de cette infortunée famille, Abd-er-rahman, échappe cependant à la mort, se réfugie en Espagne, et fonde dans ce pays une deuxième dynastie omeyyade (Le Califat de Cordoue). 

L'Islam en Afrique.
Vers la même époque, l'Islam africain se consolide et se répand. Les révoltes berbères contre la domination arabe ont conduit à l'apparition après 740 des cités-États de Sijilmasa et Tahert sur la frange nord du Sahara. Les croyances kharidjites des dirigeants de ces États ont interféré avec leur commerce terrestre est-ouest et les ont conduits à développer le premier commerce régulier à travers le désert du Sahara. Une fois que les commerçants se sont tournés vers le désert, ils ont découvert que les locuteurs berbères du sud du Sahara transportaient déjà du sel du désert dans la région du Sahel. Les commerçants du nord ont découvert qu'ils pouvaient échanger du sel contre de l'or en fournissant aux nomades du sud, qui contrôlaient les gisements de sel mais avaient peu d'utilité pour l'or, et des produits plus utiles, tels que le cuivre et les produits manufacturés. Sijilmasa et Tahert sont devenues des villes riches. Leurs anciennes monnaies d'or circulaient jusqu'en Égypte et en Syrie. Le premier bénéficiaire subsaharien connu du nouveau système d'échange a été le royaume du Ghana. Celui-ci apparaît pour la première fois dans un texte arabe de la fin du VIIIe siècle sous le nom de « pays de l'or ». Peu de détails subsistent sur les premières années de ce royaume, qui a été établi par le peuple Soninké et couvrait des parties du Mali, de la Mauritanie et du Sénégal, mais il a prospéré jusqu'en 1076, date à laquelle il a été conquis par des nomades du désert. Ce fut l'une des premières terres hors de l'orbite du califat à connaître une conversion progressive et pacifique à l'Islam.

Les Abbassides (750-1258).
La rébellion qui avait porté les Abbassides à la tête du califat avait commencé parmi les Arabes semi-persanisés du Khorasan (Nord-Est de l'actuel Iran). De nombreux Chiites avaient soutenu cette rébellion, pensant qu'ils se battaient pour la famille d'Alî. Il s'est avéré que la famille d'Abbas, liée à celle de Mahomet, contrôlait l'organisation secrète qui coordonnait la révolte, si bien que la victoire échappa aux Chiites, même la famille d'Alî entretint longtemps des liens avec celle d'Abbas. 

Mohammed ibn Alî ibn Abd-Allah ibn Abbâs, duquel la dynastie des Abbassides tire son nom, fut reconnu secrètement imâm à la mort d'Aboû-Hichâm, un des petits-fils d'Alî, qui, assure-t-on, lui aurait légué ce titre. A la mort de Mohammed, son frère et successeur, Ibrâhim avait essayé de joindre à cette autorité purement spirituelle l'exercice du pouvoir temporel, mais il avait été arrêté et mis en prison par Moawiya Il et ce fut seulement quelques années plus tard, en 750, que Aboû'l-Abbas Abd-Allah, frère d'lbrâhim s'était fait proclamer calife à Koûfa et avait réussi à renverser la dynastie omeyyade. Marwân Il , on l'a vu, avait été tué et toute sa famille massacrée.

Le siège de la nouvelle dynastie, après avoir été successivement à Anbar et à Koûfa, fut enfin définitivement fixé à Bagdad (762), ville fondée par Al-Mansoûr (754-775), successeur d'Aboû'l-Abbâs. La cour, le gouvernement, l'administration, dans leurs pratiques et dans leur apparat et leur cérémonial, subirent à partir de ce moment l'influence de la civilisation perse, et même de la civilisation byzantine. La gestion des affaires de l'Etat passa entre les mains des vizirs (ministres), tandis que le calife cultivait une forme d'inaccessibilité. 
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Aboul Abbas.
Aboû'l-Abbâs recevant le serment d'allégeance de
représentants de la ville de Koûfa. Miniature du XVe siècle. (British Museum).

Cette organisation administrative nouvelle assura la prospérité de leurs Etats et les encouragements donnés aux lettres aussi bien qu'à l'industrie et à l'agriculture firent de le califat abbasside un centre de civilisation très brillant pendant la fin du VIIIe, et la première moitié du IXe siècle. Cette époque fut d'un tel éclat que le siècle d'Haroûn-ar-Rachid  (786-809)  pourrait, sans trop d'exagération, être comparé aux siècles de Périclès ou d'Auguste

Les noms des califes Al-Mansoûr, Haroûn ar-Rachid et Al-Mamoûn sont restés populaires aussi bien en pays d'Islam, qu'en Europe. Mais déjà à l'époque de ces califes, les manifestations de forces centrifuges travaillaient l'empire arabe. Ses diverses provinces n'avaient ni les mêmes besoins, ni les mêmes aspirations, elles n'étaient pas habitées par une population unique, tandis que le pouvoir central, en  l'absence d'une loi de succession au trône, ne pouvait réellement affirmer sa légitimité.

Plusieurs pouvoirs locaux, portés par des dynasties naissantes, revendiquent ainsi leur autonomie, voire leur indépendance et mènent parfois aussi leurs propres guerres de conquêtes (Les dynasties musulmanes au Moyen âge). Au Maghreb, on voit apparaître dès le début du IXe siècle, la dynastie berbère des Rostémides de Tiaret, celle des Edrissites de Fès (808-930),celle des Aghlabides de Kairouan (801-909). En Egypte, trois dynasties vont se disputer le pouvoir au Xe siècle, les Toulounides (868-905) d'abord, puis les Ikshidides (935-969), ces derniers renversés par les Fatimides (969-1171). En Orient, la dynastie des Hamdanides de Mossoul et d'Alep (890-1003) étend son pouvoir sur la Mésopotamie. Les Bouides ou Bouyides (932-1055), originaires du Kurdistan, reconstruisent en Mésopotamie et dans le Fars, l'identité perse autour du Chiisme duodécimain. Issue du Khorassan  la dynastie des Tahirides (820-873) étend son emprise sur les régions voisines. En 875, la dynastie des Samanides (819-999),  auparavant vassale de la des Tahirides, établit une cour étincelante à Boukhara, grande ville de la route de la soie. Les langue y était le persan écrit en lettres arabes. Pour la première fois, une littérature non arabe (La Littérature persane) s'est élevée pour défier l'éminence de l'arabe dans le monde musulman.

A Bagdad même, l'instabilité guettait chaque fois que se faisait jour la question successorale. Des factions sans nombre se groupaient autour des divers représentants de la famille abbâsside et se disputaient le trône au nom de soi-disant héritiers présomptifs. Dans ce climat récurrent et se méfiant de ses généraux et des troupes des régions périphériques, Motawakkel (Al-Moutawakkil, 861-862) eut la funeste idée de se créer une garde particulière d'esclaves turks(mamelouks), achetés en Asie centrale et établis comme une armée permanente, bien entraînée, mais coûteuse. Cette milice turbulente acquit bientôt une telle influence qu'elle disposa du trône et contribua ainsi d'une manière active à l'oeuvre de désagrégation de l'empire. 

Plus tard, Râdhi partagea son pouvoir déjà affaibli avec une sorte de maire du palais, l'emir al-oumarâ ( = l'émir des émirs), qui ne laissa au calife que la puissance spirituelle. En 945, après plusieurs tentatives pour trouver un homme fort pour le sauver, le califat abbasside tomba sous le contrôle des puissants Bouides, entre lesquels restera le titre d'emir al-oumarâ, qui signifiait qu'ils furent désormais les vrais détenteurs du pouvoir.

Les Bouides conquirent l'Ouest de l'Iran ainsi que l'Irak. Chaque commandant bouide dirigeait sa propre principauté. Il ne resta bientôt plus aux Abbâssides que la ville de Bagdad, et une suzeraineté presque fictive sur les Etats formés aux dépens de leur empire démembré. Étant chiites, les Bouides n'avaient aucune révérence particulière pour le calife sunnite. Les enseignements chiites qu'ils suivaient soutenaient que le douzième et dernier imam avait disparu vers 873 et ne reviendrait en tant que messie qu'à la fin des temps. Ainsi, ils n'avaient pas d'imam chiite à qui s'en remettre et n'ont conservé le calife que pour aider à contrôler leurs sujets à prédominance sunnite.

La lame de fond turco-mongole. 
Les populations turques du Nord de la Perse placées sous l'autorité du califat avaient vu comme ailleurs surgir en leur sein des familles puissantes aux vélléités d'indépendance. L'ilkhân du Turkestan, s'était ainsi emparé du Khorassan où il avait renversé  renversé les Samanides. Il fut  à son tour expulsé par Mahmoud, prince de Ghazni, qui y fonda la domination des Ghaznévides (998). Cette dynastie fut renversée (1030) à son tour par les Turks seldjoukides  Leur chef, Togrul Beg, qui s'était arrogé le titre arabe de sultan, signifiant « pouvoir », et le titre persan ressuscité de chahan-chah, ou roi des rois, conquit également  le Kharezm, la Géorgie et l'Irak perse. Appelé à l'aide par le calife Kajem Bemeillah, à Bagdad, contre la tyrannie des émirs Bouides, Togrul Beg devint émir lui-même en 1055. Son pouvoir s'étendit alors du Nord de l'Afghanistan à Bagdad. Togrul Beg transmit à son neveu, Alp Arslan (qui  vaincra et fera prisonnier l'empereur grec Romanus Diogène), la dignité d'émir al-omra, et à, partir de ce moment, la domination des Turks fut fermement établie sur tous les Musulmans.  Le calife de Bagdad était reconnu seulement comme le souverain spirituel.

Les Seldjoukides ont poussé en Syrie et en Anatolie, administrant un coup mortel au pouvoir byzantin lors de la bataille de Manzikert en 1071. L'armée byzantine s'est repliée sur Constantinople, laissant l'Anatolie ouverte à l'occupation turque. Les princes turcs, qui aspiraient à être souverains dans les autres provinces, se contentèrent d'abord du titre d'atabek ( = père, maître), comme les atabeks d'Irak et de Syrie, d'Azerbaïdjan, du Farsistan (Perse occidentale) et du Laristan. C'étaient les atabeks de Syrie et d'Irak avec lesquels les Croisés avaient principalement à lutter. Le premier s'appelait Imad ed-Din Zenghi (Sanguin, pour les Francs). Il établit un pouvoir fort à Damas. Les sultans seldjoukides d'Irak furent renversés en 1194 par les Ouzbeks du Kharezm; ceux du Khorassan étaient déjà éteints. Il ne restait au début du XIIIe siècle des dominations seldjoukides que l'empire d'Iconium (Konya) ou de Roum , en Asie Mineure, d'où le futur Empire ottoman  allait tirer son origine.

Les sultans du Kharezm étendirent leurs conquêtes loin en Asie, jusqu'à ce que leurs territoires soient envahis par les Mongols et leurs alliés sous Gengis Khân, en 1220. Ils furent enfin totalement détruit par son fils Djagataï. sous le calife El-Mostasim (1242-1258), Bagdad devint la proie facile d'une horde mongole de Hoûlâgoû, en 1258, par la trahison du vizir al-Kamî (al-Qamî), et d'un esclave, Amram.  Le 5 février, Bagdad fut emportée d'assaut et saccagée sept jours durant par 150,000 Mongols. Hoûlâgoû  fit étrangler le calife et mit ainsi fin au califat abbâsside en même temps qu'à la période la plus brillante de l'histoire arabe. 

Les Abbâssides avaient adopté la couleur noire pour leurs vêtements et leurs drapeaux. De 750 à 1258, ils ont fourni 37 califes :

Aboû'l-Abbas Abd Allah-as-Saffâh (750-754); AI-Mansoûr (775); AI-Mahdi (785); Al-Hâdi (786); Haroûn-ar-Rachid (809); Al-Amîn (813); Al-Mamoun (833); AI-Moutasim (842); Al-Wathiq (847); Al-Moutawakkil (861); Al-Mountasir (862); Al-Moustaïn (866);  Al-Motazz (869); Al-Mouhtadi (870); Al-Moutamid (892); Al-Moutadhid (902); Al-Mouktafi (908); Al-Mouqtadir (932); Al-Qâhir (934); Ar-Râdhi (940); Al-Moultaqî (944); AI-Moustakfi (946); Al-Moutî (974); At-Tâi (991); Al-Qâdir (1031); Al-Qâîm (1075); Al-Mouqtadi (1094); Al-Moustatuhir (1118); Al-Moustarchid (1135); Ar-Râchîd (1136); Al-Mouqtafi (1160); Al-Moustandjid (1170); Al-Moustadhî (1180); An-Nâsir (1225); Ath-Thâhir (1226); Al-Moustansir (1243); Al-Moustasim (1258).
La dynastie abbâsside, cependant, devait se perpétuer pendant encore 280 ans. Un fils du calife Ath-Thâhir, échappé au fer des Mongols, alla chercher un asile à la cour des sultans mamelouks d'Egypte. Bibars (1260- 1277) l'accueillit et le fit proclamer calife sous le nom d'El-Mostansir. Ses successeurs, au nombre de seize, héritèrent de ce titre illusoire et, comme lui, restèrent en Egypte sans influence. Cette ombre de souveraineté subsista jusqu'à la conquête de l'Egypte par les Turco-Mongols. En 1517, le dernier de ces califes nominaux fut transporté à Istanbul et mourut, après son retour en Égypte en 1538. Le pouvoir spirituel de calife revint dès lors au sultan ottoman' Selim ler. Il le transféra à ses successeurs qui le conservèrent jusqu'au lendemain de la Première Guerre mondiale. Cette suprématie spirituelle sur tous les Musulmans revendiquée par les Ottomans fut toutefois peu considérée en dehors de leurs propres dominions et fortement contestée par les Perses.

L'émirat et califat de Cordoue (califat d'Occident), 756-1031

Les Arabes franchirent le détroit de Gibraltar en 711. Ils refoulèrent les Wisigoths vers le nord et les renfermèrent dans les montagnes des Asturies; en 719, ceux-ci ne possédaient que le petit royaume d'Asturies (nommé plus tard royaume d'Oviédo, et ensuite de Léon). La plus grande partie de la Péninsule ibérique fut alors, sous le nom Al-Andalus, une province du grand empire des califes omeyyades de Damas.

A la suite de la révolution abbasside à Damas, l'Omeyyade Abd al-Rahman Ier , jusque-là vice-roi des califes d'Orient en Espagne se déclara indépendant. En 756, il fit de Cordoue la capitale de son émirat. Sous ce prince et ses successeurs, Cordoue parvint au plus haut degré de splendeur, tant par ses richesses et ses monuments, que par l'éclat de ses écoles et la réputation de ses savants. Séville, Tolède (l'ancienne capitale des Wisigoths) et d'autres villes se développèrent aussi considérablement devenant beaucoup plus grandes et plus riches que les villes contemporaines de la France voisine. Une culture origina e s'épanouit alors en Espagne, mêlant les traditions romaines, germaniques et juives à celles des Arabes et Berbères. 

Il a fallu attendre 929, pour qu'Abd er-Rahman III (912-961) prenne officiellement titre de calife. Cet acte répondait à une déclaration similaire du dirigeant fatimide nouvellement établi (909) en Tunisie. La puissance califale est restée à son sommet jusqu'au règne d'Almanzor (977-1002). Mais, victime depuis 1008 de mouvements séparatistes et de disputes successorales, le califat de Cordoue cessa d'exister en 1031, après 275 ans d'existence. Il se démembra en plusieurs émirats ( = royaumes) antagonistes, qu'on appelait des taïfas ( = factions) ou royaumes de taïfa, qui se partagèrent jusqu'en 1086 une grande partie de la Péninsule ibérique. Citons parmi ces petits émirats : Cordoue Séville, Jaën, Carmone, Niebla, l'Algarve, Algésiras, Murcie, Orihuela, Valence, Denia, Tortosa, Lérida, Saragosse, Huesca, Tolède, Badajoz, Lisbonne, Majorque, Grenade. 

Les taïfas furent, pour certains détruits par les avancées des Chrétiens, et pour d'autres subjugués, par les troupes de la dynastie berbère des Almoravides (1086-1147), appelés à la rescousse justement pour combattre les avancées d'Alphonse VII de Castille. A partir de 1203, et jusqu'en 1266, les Almohades une autre dynastie venue d'Afrique s'impose sur la Péninsule ibérique, mais elle tombera sous les coups combinés des armées chrétiennes et aussi arabes.

Cordoue, devenue la capitale du royaume musulman de Tolède-et-Cordoue avait été prise en 1236 par Ferdinand III, roi de Castille et de Léon qui la réunit à ses États. Le dernier royaume musulman d'Espagne, celui de Grenade, tomba aux mains des Rois catholiques en 1492.

Voici la liste des émirs et califes de Cordoue : 

Emirs : Abd-er-Rahman ler (756-788); Hicham Ier (788-796); El Hakam ler (796-822); Abd-er-Rahman II (822-852); Mohammed Ier (852-886); Eld-Moundhir (886-888); Abd allah (888-912). 

Califes : Abd-er-Rahman III (912-961); El Hakam II (961-976); Hicham II (976-1009; 1010-1013); Mohammed Mahdy (1009-1010); Solaïman (1013-1016); Ad-er-Rahman IV Mourtada (1018); Abd-er-Rahman V (1023-1024); Mohammed II Moustakfy (1024-1025); Hicham III Moutadd (1027).

Le califat fatimide, 909-1171

Le nom de la dynastie des Fatimides vient de ce que son fondateur, Mahdi-Obaidallah ou Obeïd-Allâh el-Mahdi (909-934) affirmait qu'il descendait de Fatima, fille du Prophète, et d'Ismaël (Isma'il), petit-fils d'Alî. Ce qui rend cette dynastie particulièrement intéressante, c'est qu'elle représente l'élément chiite de l'Islam qui continue de prétendre qu'Alî et ses deux fils auraient dû être reconnus comme les seuls califes légitimes. 

Tous les Chiites étaient d'accord pour qu'un descendant de cette famille soit calife, mais comme il n'y avait pas de principe de primogéniture, il y a eu une grande divergence d'opinion quant à savoir quel descendant avait le droit le plus légitime. Cette divergence d'opinion donna naissance parmi les Chiites à de nombreuses sectes, dont l'une, celle des Ismaéliens, prétendait que la souveraineté était dévolue à Ismaël, fils de Jafar al-Sadik, arrière-arrière-petit-fils d'Alî, par l'intermédiaire de son second fils, Hussein. De cette secte, Abou Abd Allah, connu sous le nom d'ach-Chi'i ( = le Chiite) , avait été le premier à s'implanter au Maghreb dans la tribu berbère de Kitama, après y avoir été invité par un de leurs chefs qui l'avait rencontré lors d'un pèlerinage à la Mecque. Il commença à faire sentir son pouvoir en 895 et parvint progressivement à ébranler complètement le pouvoir des Aghlabides. Une fois sa position assurée, il invita Obeidallah, qui était alors le chef des Ismaëliens, à le rejoindre et à se faire proclamer Mahdi ( = Messie). 

Les Abbassides, dans la crainte constante de l'émergence de mahdis chiites, surveillèrent les mouvements d'Obeidallah, et après de nombreuses persécutions réussirent à le jeter en prison. Il resta dans la prison de Sijilmasa pendant trois ans. Ce n'est qu'en 909 qu'ach-Chi'i réussit à le libérer et à le proclamer Mahdi. Les ennemis des Chiites ajoutent aux doutes sur la légitimité des revendications fatimides en affirmant que ce n'est pas le véritable Obeidallah qui a été libéré par ach-Chi'i, mais un Juif qui s'est fait passer pour lui, le véritable Obeidallah ayant déjà été mis à mort. 

Quoi qu'il en soit, un homme prétendant être Obeidallah devint le chef des Fatimides et imposa les doctrines chiites au peuple. Peu de temps après peu de temps après, une querelle éclata entre Obeidallah et ach-Chi'i, qui se soldera par le meurtre de ce dernier. En 913, les soulèvements dus à ce meurtre ayant été réprimés, Obeidallah réussit à mettre de l'ordre dans son royaume. Il construisit une nouvelle capitale au sud-sud-est de Kairawan (Kairouan), où il mourut en 933, après avoir fait deux vaines tentatives pour prendre l'Égypte aux Abbassides. 

Ses successeurs, son fils El-Qâim (Kaiem-Aboul-Kacem) et son petit-fils Isma'il (qui prit le titre d'el-Mansoûr ou Almanzor, 945), furent troublés par les soulèvements d'Abou Yazid Makhlad al-Zenati, qui ne fut vaincu qu'en 947. Le reste du règne de d'el-Mansoûr fut consacré à la consolidation de son royaume.  Ce n'est que sous le règne de Abou Tamin Ma'ad, qui portait le titre de Mouïzz-Ledinillah et qui était le fils d'el-Mansoûr, que l'autorité de cette dynastie commença à s'étendre. Mouïzz-Ledinillah, alors calife à Tunis, subjugua l'Egypte en 969, et fonda Le Caire, dont il fit le siège de son califat. Il y avait, par conséquent, à cette époque trois califes, à Bagdâd, au Caire et à Cordoue, - dont chacun déclarait les autres hérétiques. De nombreuses tentatives furent aussi faites pour conquérir la Syrie, mais les Fatimides n'obtinrent jamais qu'une emprise temporaire sur ce pays. Ils furent finalement entièrement chassés par les Seldjoukides en 1076. Peu de temps avant, les Zirides (972-1167), vassaux des Fatimides en Algérie, s'étaient déclarés indépendants (1041).Si bien que l'Égypte fut à cette époque la seule terre à rester aux Fatimides. 

Après la mort de Mouïzz-Ledinillah  (al-Mu'izz), son fils el-Aziz, assurera son pouvoir par une politique prudente et délibérée et une organisation minutieuse du mécanisme de l'administration et des finances. Les Fatimides purent ainsi maintenir quelques années leur haute position; mais celle-ci s'éroda peu à peu quand ils remirent tous les soins du gouvernement entre les mains de leurs vizirs. Leur puissance déclina et leurs vastes territoires fondirent. Le troisième calife, el-Hakim (Hakem-Biamrillah), persécuta les Sunnites, ainsi que les Juifs et les Chrétiens. Il fonda une académie au Caire et la dota en grande partie, mais y rattacha une société secrète pour la diffusion des opinions ismaéliennes. Le système enseigné, avec des modifications considérables, a trouvé un foyer parmi les Druzes. Mais au final, al-Hakim s'est révélé être un puissant despote. Un mystère entoure sa mort. Certains prétendent qu'il a été assassiné par sa soeur (qui est devenue régente après sa disparition)  d'autres que, se rendant compte qu'il perdait le pouvoir, il aurait choisi de disparaître. Il devint ainsi aux yeux de beaucoup le Mahdi caché en vérité, et les Druzes attendent toujours son retour. 

El-Hakim fut suivi de régents tyranniques et de califes faibles qui réussirent à saper le pouvoir de cette dynastie autrefois puissante.Sans doute, ici et là, un homme fort montera-t-il au front, tentera de rétablir l'ordre, et de reconquérir les provinces perdues, mais pour l'essentiel, cette période du règne des Fatimides est faite de jalousies et d'assassinats. La fin de la dynastie fut comme une conséquence des Croisades : le calife fatimide d'Egypte el-Adhid, menacé par les Francs, demanda de l'aide au fils de le fils de Zenghi, l'atabek de Mossoul et de Syrie Nour-Eddin (Noradin), qui délégua dans le pays une armée bientôt commandée par un Kurde, le célèbre Salah-al-Din (Saladin), qui allait s'illustrer dans les Croisades. A la mort du calife, le malheureux Adhid-Ledinillah (qui régnait depuis 1160), Saladin s'empara du pouvoir et supprima le califat. La dynastie (sunnite) qui commença avec lui fut appelée, Ayyoubite (ou Ayyoubide) (L'Egypte ayyoûbite), du nom de Ayyoub, le père de Saladin. Les Ayyoubites tombèrent dans les travers des Abbassides, et furent finalement supplantés par leur garde turque, qui constitua entre 1254 et 1517 deux dynasties dites des Mamelouks (Les Mamelouks turcomans bahrites, de 1254 à 1382,  et Mamelouks circassiens bourdjites, de 1382 à 1517). Après eux, le pouvoir en Egypte passa aux Ottomans, qui réunirent le pays à leur empire.

Califes fatimides :

Au Maghreb : Obeïd-Allâh el-Mahdi, 910; El-Qâim, 934; El-Mansoûr, 945; El-Mouïzz, 952. En Egypte  : El-Mouïzz, 968; El-Aziz, 975; El-Hakim, 996; Ed-Dhâhir, 1020; El-Mostansir, 1035; El-Mostali, 1094; El-Amir, 1101; El-Hâfiz, 1130; Ed-Dhâàfir, 1149; El-Fâïz, 1154; El-Adhid, 1160-1171.

La civilisation musulmane

La société musulmane médiévale.
Mahomet a complètement transformé la société arabe qui, avant lui, n'avait d'autre règle qu'un droit coutumier où prédominait la force. 

La société musulmane est essentiellernent égalitaire. La seule classe privilégiée (on ne saurait parler d'aristocratie) est celle des descendants du Prophète par sa fille Fâtima, mariée à son cousin germain 'Alî, fils d'Abou-Tâlib. On les appelle, suivant les pays, séyyid «-seigneur » ou chérîf « noble ». A côté d'eux, les chefs d'ordre religieux (chéîkh) sont, depuis le XIIe siècle, l'objet d'une vénération particulière due au culte des saints qui s'est superposé à l'Islam primitif, mais constitue aux yeux des Musulmans rigides une innovation condamnable.

La famille.
Avec l'Islam,  la société a pour base la famille, substituée au clan primitif (Le droit musulman). La famille est placée sous l'autorité du père; sa femme et ses enfants lui doivent une soumission complète. En revanche, il pourvoit à l'entretien de la maison; il est tenu de nourrir ses enfants jusqu'au moment où ils peuvent gagner leur vie. Les garçons sont élevés par la mère jusqu'à l'âge de sept ans, puis par le père, qui les confie généralement à des maîtres chargés de leur enseigner la lecture et l'écriture. Les filles continuent d'habiter le harem jusqu'à leur mariage.

Le Coran a posé une limite à la polygamie. Si la cohabitation avec les servantes est permise en tout temps, le mari ne doit, en règle générale, avoir qu'une seule femme; mais, s'il ne peut s'en contenter, il est libre d'en prendre une seconde, une troisième et même une quatrième, toutes légitimes; toutefois, il est tenu de constituer par contrat un douaire à chacune, et chacune a un appartement séparé. Dans ces conditions, la polygamie, même restreinte, est restée rare.

Le régime conjugal est la séparation de biens absolue; les biens propres de chacun des époux ne se confondent jamais, et la femme choisit un fondé de pouvoirs pour l'administration du douaire et des autres biens qu'elle a pu acquérir par son industrie ou par voie de succession. Elle en dispose librement, puisqu'ils sont sa propriété personnelle. Toutefois, les époux héritant l'un de l'autre, elle ne peut aliéner à titre gratuit plus du tiers de son avoir.

Le divorce est admis comme le mariage, mais les droits des époux ne sont pas égaux. Le mari peut répudier sa femme sans autre formalité; la femme doit recourir à la justice; mais la répudiation entraîne pour le mari l'obligation de verser la seconde moitié du douaire (la première moitié ayant été acquittée lors de la conclusion du contrat), soit immédiatement, soit à un très bref délai sur injonction du juge.

Le mariage, contrat purement civil, se traite par procureurs en présence de témoins : l'acte est dressé par le juge faisant fonction de notaire. Il est d'usage qu'un imâm (Titres et fonctions dans le monde arabo-musulman) ou célébrant de la mosquée voisine y soit présent et prononce une prière, qui suffit à donner à la cérémonie un caractère religieux; mais l'acte est valide sans sa présence.
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Hariri : Un couple arabe face à un chef religieux.
Une femme et son mari face à un chef religieux accompagné d'un esclave.
Illustration du Maqamat de al-Hariri. (Bnf).

Les hommes et les femmes vivent séparément, et c'est là une grande caractéristique de la société musulmane médiévale. Aussi la maison est-elle divisée en deux parties distinctes; une pièce est ouverte à tout visiteur : c'est la salle de réception des étrangers; les autres appartements sont fermés à toute autre personne que les femmes ou les proches parents, tels que le père, les fils, les frères de la femme : c'est proprement le harem. Cet espace réservé est également fermé aux investigations de la justice, et bien des crimes sont restés impunis de ce chef. Le harem n'est violé qu'à l'occasion de troubles politiques.

Les femmes n'assistent pas aux offices, et c'est seulement quand les hommes sont absents qu'elles font leurs dévotions à la mosquée; les cinq prières canoniques obligatoires se pratiquent a la maison.

Dans la dévolution des héritages, la femme n'a droit qu'à la moitié d'une part virile. Cette disposition paraît singulière si l'on n'en recherche pas l'origine. Or, dans l'Arabie préislamique, la femme n'héritait jamais; les biens laissés par le défunt appartenaient à celui de ses parents qui était assez puissant pour se mettre lui-même en possession; en attribuant à la femme une demi-part, Mahomet lui apportait au moins une amélioration de la situation antérieure. Il y a deux sortes d'héritiers : les héritiers universels, les réservataires. L'homme libre peut disposer par testament du tiers de ses biens.

Les obligations religieuses.
Les articles de foi sont au nombre de cinq : la prière canonique, le jeûne, la dîme aumônière, le pèlerinage, la guerre sainte :

• La prière canonique est la récitation de formules invariables, accompagnée de gestes fixés par la tradition (station debout, inclinaison du haut du corps, prosternation); il y en a cinq par jour : la première avant le lever de l'aurore, la seconde un peu après-midi (pour les Musulmans, c'est la première de la journée, la précédente étant dite alors qu'il fait encore nuit) , la troisième à l' `Açr, entre trois et quatre heures de l'après-midi, selon les saisons; la quatrième au coucher du soleil; la cinquième à la nuit complète, environ une heure et demie après le coucher du soleil. Elles sont toutes précédées d'une ablution qui consiste à se passer de l'eau sur les deux mains, le visage et les bras jusqu'au coude. L'orant a le visage tourné dans la direction de La Mecque (qibla) .
• Le jeûne consiste à s'abstenir de manger, de boire, de fumer, d'avoir des rapports sexuels depuis la clarté à peine naissante du jour jusqu'au coucher du soleil; il dure pendant tout le mois de ramadân. L'Islam  ayant adopté le calendrier lunaire, le mois de ramadân tombe successivement dans toutes les saisons de l'année, de sorte qu'en été, avec les jours longs et les nuits courtes, le jeûne est excessivement pénible. On se restaure la nuit venue; et les nuits du ramadân sont comme autant de fêtes. Le mois suivant (chawwâl) débute par une grande fête de trois jours, celle de la rupture du jeûne, appelée aussi « la petite fête ».

• La dîme aumônière (zakât) est une taxe des pauvres, destinée à légitimer la possession des richesses. Originairement payable en nature, elle est, en principe, du dixième, mais, en fait, chacun la fixe selon sa conscience. L'aumône volontaire (çadaqa) n'est soumise à aucune règle.

• Le pèlerinage (hadjdj) doit s'accomplir durant un mois déterminé de l'année, le dernier du calendrier lunaire, qui porte pour cette raison le nom de dhou'l hidjdja; le 10 dudit mois a lieu la fête des Sacrifices ou « grande fête », où tout adepte est tenu de sacrifier un animal domestique, mouton ou chameau. A partir du moment où le pèlerin franchit la limite du territoire sacré, il revêt un pagne composé de deux pièces de coton sans couture, dont il s'enveloppe dernier souvenir des temps du paganisme, où les tournées rituelles autour de la Ka'ba se faisaient sans vêtements d'aucune sorte. Les cérémonies qui se déroulent à La Mecque sont assez compliquées et exigent la présence d'un cicerone spécial, appelé motawwif (celui qui fait faire les tournées, ou tawâf

• Le jihad (= l'effort) est une notion qui porte en elle l'idée d'engagement, d'investissement de soi (en direction de Dieu) et renvoie d'abord au devoir de solidarité. Mais cet « effort sacré »  est le plus souvent interprété comme un devoir collectif (fard al-kifâya) et, partant, comme synonyme de guerre sainte. Ainsi comprise cette obligation a été le grand levier des conquêtes musulmanes. Sous le couvert d'expéditions destinées a ramener l'humanité entière au culte du Dieu unique, elle a été le prétexte de razzias qui n'étaient en réalité qu'une chasse aux esclaves, depuis les guerres des califes contre les Turks de l'Asie centrale jusqu'aux luttes des Ottomans, contre l'Empire d'Allemagne, aux incursions des pirates barbaresques sur les côtes septentrionales de la mer Méditerranée, aux entreprises des trafiquants d'esclaves contre les habitants de l'Afrique subsaharienne. Cependant, dès l'époque de Mahomet, on a posé des règles strictes pour l'administration des prises. Le butin fait par chaque combattant est rapporté à une masse dont le cinquième, qui est la part de Dieu, alimente une caisse spéciale pour l'entretien des descendants du Prophète, des orphelins, des pauvres et des voyageurs.

Institutions politiques et administratives.
Le Prophète cumulait tous les pouvoirs, jugeait tout, réglementait tout. Quand il disparut, ses successeurs ne purent suffire à administrer un Empire qui, par des conquêtes rapides, devenait de plus en plus vaste. Ils durent déléguer une partie de leurs pouvoirs à certains de leurs sujets, qui reçurent à cet effet une investiture spéciale.

Aux armées, Abou-Bekr et 'Omar ne commandèrent pas en personne, mais, suivant l'exemple donné par Mahomet, ils eurent sous leurs ordres des généraux. Lorsqu'une province était conquise et sa tranquillité assurée par des campements permanents de troupes régulières (djound) , l'administration civile en était confiée à un délégué du calife, l' `amil (agent) , chargé surtout de la perception des impôts, dont le produit était, pour la plus grande part, transporté dans la capitale.

Le Coran , on l'a dit, avait posé les bases du partage du butin et affecté certains biens à l'entretien des pauvres, des orphelins, des voyageurs, des membres de la famille du Prophète. Celui-ci procédait lui-même à cette affectation, sans contrôle; mais l'extension des conquêtes et l'affluence à Médine de véritables richesses contraignirent 'Omar à instituer un bureau chargé de tenir compte des ressources de l'État. Lorsque les armées musulmanes se furent installées en Syrie, en Égypte et en Perse, elles trouvèrent, dans les deux premières, l'administration byzantine aux mains de fonctionnaires syriens et coptes, dans la troisième des scribes qui se servaient de l'écriture pehlvie. Les Arabes les conservèrent tout d'abord, ne sachant par qui les remplacer. Dans la suite, les registres furent tenus en écriture arabe, mais on conserva les mêmes employés en possession de la tradition administrative.

Le calife, avec la complication et la multiplicité des affaires, ne put longtemps assurer seul les fonctions de juge. L'Arabie préislamique n'avait connu que des arbitres (hakam) pour régler les différends : on institua un juge unique, auquel on donna le nom de qâdhi ( = celui qui décide), chargé de trancher sans appel les cas qui lui étaient soumis et de dresser les actes authentiques pour lesquels son ministère était requis : il était à la fois juge de paix et notaire. Les décisions de ces qâdhis formèrent la base de la jurisprudence musulmane élaborée plus tard, sous l'influence du droit romain de l'époque de Justinien, par les quatre écoles orthodoxes (hanéfite, chaféite, malékite, hanbalite) . Ces écoles fondèrent leur enseignement sur le texte du Coran, interprété au moyen de l'exemple du Prophète (sunna) , en y adjoignant le consensus des docteurs de la loi (idjmâ') pour les cas controversés et non prévus par le Livre sacré (Les branches de l'Islam).

Le pouvoir du Prophète, inspiré directement par la divinité, était autocratique par essence; mais quand l'autorité passa des Omeyyades aux Abbassides, c'est-à-dire lorsque l'Empire exclusivement arabe des premiers se fractionna et reçut, en Orient du moins, un caractère nettement persan, le calife prit la succession des Sâssânides disparus; il devint un souverain despotique et vénéré jusqu'à l'adoration; il vécut retiré dans son palais, à l'écart du peuple, sauf pour les cérémonies officielles et les réceptions d'étiquette. Aussi dut-il charger de l'administration un haut fonctionnaire, auquel on donna le titre, persan d'origine, de vizir ou wazîr (pehlvi vîtchîr) . Responsable vis-à-vis du calife et révocable ad nutum, le vizir dirigeait, à titre de fondé de pouvoirs, les affaires de l'État. Son autorité fléchit devant l'importance que se donnèrent les esclaves turks, et, après la création de l'émir-el-omarâ, il ne fut plus guère qu'un agent d'exécution.

Les plaintes qui ne cessaient d'affluer des provinces, où les gouverneurs, véritables satrapes ou vice-rois, agissaient souvent en dehors du pouvoir central (on en vit qui fondèrent des dynasties vassales peu à peu indépendantes), motivèrent la création à Bagdad d'un tribunal spécial, le nazhar el-mazhâlim (inspection des extorsions). Ainsi fut créé un second degré de juridiction, alors que le code musulman n'en admettait qu'un : par la prise à partie, cette cour de cassation put annihiler des jugements iniques dus à l'insuffisance ou à la prévarication des magistrats. La création de grands-qâdhis (qâdhi-'lqoudhât) n'eut d'autre objet que de faire choisir par les magistrats supérieurs les magistrats de rang moins élevé.

L'État avait trouvé organisée la poste aux chevaux (latin veredus, d'où l'arabe barîd) chez les Romains et les Perses, destinée au transport rapide des courriers. Les voyageurs furent autorisés à s'en servir par le calife omeyyade 'Abd-el-Mélik. Les directeurs de la poste dans les provinces furent en outre chargés de tenir secrètement l'autorité centrale au courant de ce que tramaient les gouverneurs ce furent des espions officiels, héritiers de ceux qu'on appelait « les yeux et les oreilles » du Grand Roi, au temps des Achémenides.

Les théoriciens du droit réservent au calife le titre d'imâm, qui est celui du fonctionnaire religieux présidant à la prière et dont les assistants doivent suivre les mouvements, réglés par la tradition. C'est que cette présidence était historiquement la fonction principale du successeur du Prophète. Quand il mourut, la première question qui se posa fut celle de savoir qui dirigerait dorénavant la prière canonique, devoir primordial auquel nul croyant ne saurait se soustraire et qui se renouvelle cinq fois par jour; toutes les autres prérogatives découlent de celles-là. Le titre d'émir el-mou' minîn que prirent les califes signifie « chef militaire des croyants », ou, pour adopter la traduction de Galland, « commandeur des croyants ».

L'intronisation du souverain s'opèrait par une cérémonie particulière nommée beï'a; le peuple de la capitale reconnaissait sa qualité en plaçant ses mains dans les siennes.

Le mot sultan est employé dans le Coran avec le sens de « puissance » qu'il a en hébreu et en araméen, et signifie « pouvoir exécutif » : la chancellerie de Bagdad l'a d'abord appliqué à un vassal turk qui s'était rendu indépendant en Afghanistan, Yémîn-ed-daula Mahmoûd, fils de Subuk-Tékin, de la dynastie des Ghaznévides.

L'économie.
L'agriculture.
Les vallées de l'Euphrate et du Nil, les plaines littorales de l'Espagne, les terrasses de Syrie étaient extraordinairement riches aux  IXe et Xe siècles. Ainsi l'on comptait le long du Guadalquivir 12.000 villes ou villages; Cordoue avait 500.000 habitants, 112.000 maisons, 3000 mosquées.

Les Arabes, au temps de Mahomet, étaient, sauf peut-être ceux du Yémen, d'assez médiocres cultivateurs. Mais ils admirèrent et imitèrent les procédés de culture usités en Mésopotamie et en Égypte. Ils introduisirent en Espagne l'art de l'irrigation et créèrent les admirables huertas (= jardins) de Valence et de Murcie, en construisant des réservoirs au débouché des vallées dans la plaine, des aqueducs, des canaux et des rigoles pour distribuer de tous côtés l'eau et la vie. Le « tribunal des eaux » de Valence fut institué pour assurer une répartition équitable de l'eau fécondante dans les champs. 

Les Arabes aimaient les fleurs et les fruits; Mahomet se figurait le Paradis comme un beau verger ombreux et parfumé. Aussi la culture des fleurs et des arbres fruitiers devint-elle chez eux une véritable science. Ils introduisirent en Europe le camélia et le jasmin, l'abricotier, le pêcher, les melons, le palmier et l'oranger. Ils étaient attentifs aussi à la culture des légumes, des céréales, des plantes industrielles, et importèrent les asperges, les artichauts, les haricots, le riz, le coton, la canne à sucre.

L'industrie.
Les Arabes étaient depuis longtemps d'habiles fabricants d'armes. Ils apprirent en Perse et en Inde de nouvelles industries. Ils devinrent très habiles dans l'art de travailler le marbre, les métaux, les produits textiles. Damas fut célèbre pour ses aciers trempés, Tolède pour ses armes blanches ses cuirasses et ses cottes de mailles fines et résistantes à la fois. On fabriquait des soieries et des tapis à Damas, à Valence, Grenade, Séville, des mousselines à Mossoul qui leur a donné son nom des cuirs à Cordoue (du nom de cette ville est venu le mot cordouanier, cordonnier), du papier de soie à Samarcande, puis à Bagdad, du papier de chanvre et du lin, des faïences en Espagne, des sucreries, des sirops, des essences d'un bout à l'autre de l'Empire.

Ce qui caractérisait l'industrie arabe, c'était moins l'intensité de la production que sa qualité, son fini, son élégance artistique. Les armures de Tolède, les armes de Damas étaient ornées de ciselures et d'incrustations d'argent, d'or, de nacre et d'ivoire. Les vases, les lampes, les meubles, les portes étaient finement ciselés. Les tapis aux vives couleurs, les faïences et les porcelaines recouvertes d'un vernis aux reflets métalliques ou ornées de peintures, les aiguières de cristal et d'albâtre étaient de véritables oeuvres d'art.

Le commerce.
Le commerce arabe était prospère pour trois raisons : l'immense étendue de l'Empire le mettait en contact avec toutes les parties du monde connu l'Inde, la Chine, Byzance, le Soudan, l'Europe occidentale. Le luxe des califes et des riches obligeait les marchands à chercher de tous côtés les produits rares. Enfin les musulmans n'avaient pas, contre le commerce et les bénéfices qu'il procure, les préjugés répandus en Europe par la noblesse et par l'Eglise.

Les vaisseaux parcouraient en tous sens la mer Méditerranée et l'océan Indien; les boutres arabes apportaient par le golfe Arabo-Persique, Bassorah et Bagdad ou par Aden et Alexandrie les soieries et les épices d'Extrême-Orient. Les caravanes allaient en Chine par l'Asie centrale, au Soudan à travers le Sahara. Elles apportaient de l'Afrique centrale l'ivoire, l'or et les esclaves. Dans les bazars (= marchés) des grandes villes venaient s'entasser toutes les marchandises du monde connu.

L'art musulman.
La culture arabo-musulmane, qui depuis des débuts insignifiants développa sa puissance militaire avec une très grande rapidité au VIIe siècle, en subjuguant presque toute l'Asie occidentale, l'Afrique du Nord, l'Espagne et plus tard la Sicile et la Sardaigne, était au début presque entièrement dépourvue d'art. Ce sont les Arabes (avec les Berbères en Espagne) qui ont mené ces conquêtes. Comme les Mongols et les Turks, plus tard concernés par les progrès de l'Islam, les Arabes et les Maures furent d'abord entièrement dépendants pour leur art, et surtout pour leur architecture des peuples qu'ils conquéraient  (Syriens, Assyriens, Arméniens, Perses, Grecs byzantins, Coptes d'Égypte, Chrétiens de l'Afrique du Nord, Espagnols et Siciliens, tous chrétiens sauf les Perses). Mais les conquérants ont imposé à leurs bâtisseurs et artistes chrétiens et persans des programmes et des exigences spéciaux en raison de leur foi, et au cours des siècles se sont développées des prédilections tout à fait propres, qui ont donné à tous leurs arts un caractère oriental très différent de celui des arts occidentaux dont ils étaient issus. 

Le développement de cet art a eu lieu au début du Moyen Âge, lorsque la culture européenne émergeait lentement et douloureusement du chaos des siècles après la chute de Rome. Elle a produit une civilisation et un art qui ont prospéré avec un éclat extraordinaire. Bagdad, Le Caire, Cordoue, Grenade, Tolède, Kairouan et d'autres villes d'Arabie, de Perse, d'Espagne et d'Afrique du Nord, furent pendant quelques siècles plus splendides que n'importe quelle ville européenne en dehors de Constantinople. Les universités musulmanes étaient de grands centres d'apprentissage ; les Arabes cultivaient avec enthousiasme les mathématiques et la philosophie, et les arts textiles, la céramique et la métallurgie étaient portés à un degré de perfection si élevé qu'ils ont puissamment affecté l'art européen jusqu'au XVIe siècle.

Développement historique.
Au cours des VIIe et VIIIe siècles, la première mosquée d'Omar à Jérusalem (dont l'actuelle dite « mosquée d'Omar », en réalité le Kubbet-es-Sakhra, est un successeur beaucoup plus tardif), et celle appelée el-Aksah, construite sur la même esplanade, les mosquées d'Amroû au Caire et d'el-Walid à Damas et la Grande Mosquée de Cordoue avaient été construites. Aux IXe et Xe siècles la célèbre mosquée de Kairouan, les mosquées d'Ibn Toûloûn et d'el-Azhar au Caire et celle de Cordoue s'agrandit considérablement. 

Sous la dynastie Fatimide, qui succéda aux Touloûnides en Égypte en 969, commença la pratique d'ériger des dômes sur les tombes et les chambres sépulcrales, et le premier minaret fut construit au Caire. Mais la plus grande activité architecturale dans cette ville passée sous les sultans ayyoubides et mamelouks des XIIIe et XIVe siècles, auxquels appartiennent les splendides mosquées de Kalaûn (1284), Hassan (1356), Barkûk (1384), Muayyad (1415) et Kaït Bey (1465), et l'ensemble remarquable de coupoles et de minarets tombes du quartier de Karafah, communément appelées les tombeaux des califes et des mamelouks.
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Céramique arabe.
Céramique arabe de la fin du XIIe siècle
(Musée Victoria et Albert de Londres).

Le point culminant de l'architecture hispano-mauresque est venu un peu plus tôt, assez singulièrement pendant la période de désintégration du pouvoir maure en Espagne. La célèbre tour de la Giralda à Séville (1160), les alcazars ou châteaux-palais de Séville et de Malaga (1181-1310) et l'Alhambra de Grenade (1248-1306) sont les produits les plus connus de cette époque.

Bien que l'Iran ait été tôt subjugué par les Arabes, presque tous les premiers monuments de l'architecture perse n'ont ont été détruits que lors des invasions mogholes du XIe au XIIIe siècles. La reprise de l'architecture y fut lente jusqu'à l'avènement de la dynastie soufie en 1478, date à laquelle s'ensuivit un renouveau remarquable de tous les arts dans les villes d'Ispahan, Aminabad, Hamadan, Shiraz, Tabriz, etc., avec la construction de grands  bazars, caravansérails, ponts et mosquées, et un grand développement de l'art décoratif sur les tissus imprimés, la céramique et l'enluminure des manuscrits.

En Inde, l'influence musulmane a été tardive, graduelle et incomplete, ni la religion hindoue, ni l'art indigène indien n'ont jamais été éteints, même dans les régions les plus longtemps soumises à l'Islam. L'Inde du Nord a été conquise en partie en 1192 et a développé un style dans lequel les formes perses et hindoues sont inséparablement mélangées, comme dans le vieux Delhi ou à Ajmer, dans le Rajasthan. Dans d'autres provinces, au cours des trois siècles suivants, des mosquées et des palais musulmans ont été construits dans divers styles locaux; mais ce sont les sultans moghols (1494-1706), qui en Inde comme en Perse développèrent les arts, y compris l'architecture, avec le plus grand faste, notamment dans les magnifiques mosquées, palais et tombeaux de Bijapûr (Vijayapura), Allahabad, Lucknow, Delhi et Agra. Pendant cette période, les conceptions et les influences persanes sont dominantes, mais les traditions hindoues sont également manifestes.

La Turquie fut le dernier des empires musulmans à développer un art caractéristique. Les Turcs seldjoukides qui s'étaient installés en Asie Mineure au XIe siècle, et avaient construit une capitale notable à Iconium (Konya) sous l'influence de l'art persan, furent supplantés par les Turcs ottomans en 1299 sous Osman, le fondateur de cette dynastie. Par la prise de Constantinople en 1453 (après avoir capturé Andrinople (Edirne) près d'un siècle plus tôt), les Turcs sont devenus les maîtres de l'Empire byzantin. Le développement artistique qui en résulte montre un mélange d'éléments arabes, persans et byzantins, ces derniers prédominant dans l'architecture des mosquées, bâties sur le modèle de Sainte-Sophie.

En Chine, en partie islamisée, l'influence musulmane a été trop faible pour produire un art musulman  caractéristique.

Architecture et arts décoratifs.
Ce n'est pas dans le Coran, mais dans les entretiens de Mahomet, recueillis par ses disciples et transmis parmi les docteurs de la loi, que les idoles et les images ont été frappées de réprobation. Si la peinture des.êtres vivants et la statuaire ont été proscrites, il faut bien avouer que les Musulmans n'ont pas observé la loi : car les Arabes eurent des artistes distingués et des écoles en renom, et Makrizi nous apprend qu'il avait écrit la biographie des peintres. Suivant Mouradja-d'Ohsson, les portes de la mosquée construite à Jérusalem par le calife Abd-el-Melek (685- 705) étaient décorées d'images du Prophète; sur les murs intérieurs on avait peint diverses scènes de l'Enfer et du Paradis : c'était, sans doute, l'ouvrage d'artistes byzantins, ainsi que la monnaie qui porte l'effigie du même calife. Mais des Arabes imitèrent les peintres venus de Constantinople ou de la Grèce : les images de Mahomet, des personnages de l'Ancien Testament, des califes, des grands capitaines, des poètes célèbres, se multiplièrent dans les pays musulmans de l'Orient; les ateliers de Behnessa, de Kalmoun, de Dabik, de Damas, etc., s'en emparèrent pour les reproduire sur les soieries, les velours et les tapis. 

On représenta également sur les tissus tantôt des chasses, des fêtes, des concerts, des danses, tantôt des combats, des luttes, des festins. Au Xe siècle fleurirent plusieurs peintres fameux Ibn-Aziz de Bassorah; Kasir, originaire de l'Irak; Abou Bekr Mohammed, fils d'Hassan; Ahmed ben-Youçouf, Mohammed ben-Mohammed, etc. Yazouri, vizir de l'Égypte à la même époque, recherchait les manuscrits à miniatures, dont les auteurs pouvaient rivaliser avec les imagiers de l'Occident. Le goût des Musulmans pour la peinture fut durable; car Tamerlan forma à Samarcande un véritable musée, dont les peintures les plus estimées étaient d'Abdalhy, artiste de Bagdad. Chardin vit en Perse beaucoup de portraits auxquels les rigoristes sectateurs du Prophète avaient enlevé l'oeil gauche, pensant éluder ainsi la loi, en ne conservant que des images infidèles à la réalité. De vastes scènes étaient peintes à Ispahan sur le portail du marché, dans les édifices publics et dans le palais du roi. Au XVIe siècle, Abd-el-Rizan était le plus renommé des peintres auxquels la Perse doit ses miniatures si fines et si achevées.

De tout l'art musulman, il nous reste quelques manuscrits ornés de peintures. L'un, qui a pour titre la Consolation des maux, et pour auteur Mohammed  en Abi Mohammed ben-Zapher (XIIe siècle), est à la Bibliothèque de l'Escurial, et a été décrit par Casiri. Un autre, qui contient les Séances, de Hariri, et qu'on rapporte au XIIIe siècle, se trouve à la Bibliothèque nationale de Paris. La salle du Jugement, au palais de l'Alhambra, présente de curieuses peintures.

Khomaroïch, sultan d'Égypte, de la dynastie des Toulounides, avait un palais tout rempli de statues en bois ornées d'or et de pierreries. Yacouti raconte qu'au sommet du dôme de la mosquée de Bagdad on voyait la statue d'un cavalier armé d'une lance, et qu'à la porte de la mosquée d'Émèse était une statue moitié homme et moitié scorpion. En Espagne, le calife Abdérame III plaça au milieu du palais de Zahra la statue de sa favorite sous les traits de la Flore antique; la fontaine de ce palais était entourée de 12 figures d'animaux en or et en pierres précieuses, exécutées à Cordoue. L'art arabe a répandu à profusion dans l'Alhambra les ornements les plus capricieux et les sculptures les plus délicates. 

L'architecture arabo-musulmane a imité d'abord, semble-t-il, celle des édifices romains; mais, plus tard, des artistes byzantins paraissent avoir exercé une influence prépondérante. Les plus beaux restes sont constitués par l'Alcazar et la Giralda de Séville, par l'Alhambra de Grenade, par quelques mosquées anciennes du Caire. quelques ruines de Tlemcen et la mosquée de Sidi-bou-Medin à El-Obbâd, prés de Tlemcen. La maison d'habitation n'a guère sur la rue d'autre ouverture que la porte, donnant sur un vestibule qui fait un coude, de manière qu'on ne puisse voir du dehors dans l'intérieur. Sur les quatre côtés d'une cour centrale, ornée de colonnettes, en arrière desquelles court une galerie, des chambres barlongues prenant jour : la même disposition se retrouve à l'étage ou aux deux étames. Un bassin ou une fontaine jaillissante occupe le centre de la cour des maisons riches.

Littérature.
(On n'évoquera ci-dessous que la littérature en langue arabe. Un page est dédiée par ailleurs à la littérature persane).

La littérature musulmane. Exégèse et jurisprudence.
Ce qu'on pourrait appeler, en premier lieu, la littérature musulmane comprend l'étude des traditions de Mahomet, dans toutes leurs ramifications étendues; et comme ces traditions sont incarnées par excellence dans le Coran, cette oeuvre est devenue le classique incomparable de l'Islam. Elle donné naissance à des écoles de pensée, à des systèmes de théologie et de jurisprudence, et a servi de base et pour promouvoir des disciplines telles que l'histoire, la biographie, la critique, la grammaire, la philosophie, la poésie et même les sciences.

Il est curieux de voir comment un tel livre, révélé par bribes, rangé selon la longueur des chapitres, sans style uniforme, et dont le texte n'a pas été collationné du vivant du Prophète, a acquis un tels poids. Plusieurs versions du Coran ont d'abord circulé. Et c'est le calife Othman avait supprimé toutes les copies existantes de l'ouvrage à l'exception de celle que possédait Abou Bekr, qui elle-même fut détruite peu de temps après par Marwan, gouverneur de Médine. Tous les exemplaires du livre aujourd'hui, partout où ils sont dispersés, sont des reproductions de l'édition d'Abou Bekr. La fidélité à la parole reçue de Mahomet et l'intégrité texte faisant autorité ne pouvaient apparemment être garanties d'aucune autre manière par une telle copie. Aussi une exégèse du Coran est-elle apparue nécessaire très tôt. 
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Coran du XVIe siècle.
Pages d'un Coran du XVIe siècle. (Bibliothèque de Sarajevo).

La littérature de jurisprudence est née naturellement de l'étude des hadiths ou sources de la tradition. Le Coran a dû être complété très tôt pour donner des lois au monde musulman. Les paroles du Prophète après sa mort, ses usages et ses décisions, devaient être rassemblés, rangés et passés au crible. Le Coran lui-même était une autorité absolue, s'il contenait une loi applicable au cas en question; sinon, les souvenirs des compagnons du Prophète, étaient utilisés pour ses décisions. Si celles-ci s'avéraient inutiles, on recourait au droit commun de Médine, et enfin au bon sens du juge. La loi romaine aussi bien que la loi rabbinique ont aussi eu une influence marquée sur la loi musulmane. De là est née une vaste littérature juridique, des recueils de traditions, appelés Musnads, parce que chaque tradition est « appuyée » sur le compagnon dont elle est issue. L'un des premiers et des plus grands d'entre eux était le « Misnad » d'Ahmad ibn Hanbol (mort en 863). Il contiendrait environ 30 000 traditions recueillies sur plusieurs siècles.

Une autre type de tradition-livre était les Musannaf ( = arrangés), chapitres classés selon leur sujet. Al Boukhari (mort en 879) a fait le plus respecté de tous les recueils de ce type. Intitulé Sahih, qui est disposé de manière à former les bases d'un « système complet de jurisprudence ». Un autre Sahih a été celui de Muslim ibn al-Hajjaj (m. 883). C'étaient les deux autorités les plus honorées. Quatre autres recueils juridiques, Sunan ( = usages), viennent en deuxième position après les deux Sahihs. Différents auteurs, cependant, donnent le nombre d'oeuvres canoniques. Il n'a pas fallu longtemps avant que les six de grands livres furent eux-mêmes abrégés et expliqués - les règles de la foi furent résumées en une sélection de 40 traditions. Celles-ci devinrent l'objet de commentaires sans fin. 

Avec l'étude plus approfondie du Coran, deux autres branches sont apparues - la science de la lecture du texte et celle de son interprétation, ce qui a aussi conduit à l'étude de la grammaire. La tradition orale sur laquelle elles se sont d'abord appuyées fut bientôt suivie par la tradition écrite et des livres furent compilés sur les diverses manières de lire. Un livre, écrit par un grave juriste, et intitulé Kitab Muhbarak ( = Livre béni) est une histoire de ceux qui sont morts en écoutant la lecture du Coran. Dans la lignée de l'exégèse, la gamme de livres est écrasante; ils revêtent le plus souvent un caractère mystique.

Les livres de théologie ont rempli des bibliothèques entières. Ghazali, l'un des maîtres les plus célèbres (1049-1111), a écrit 69 oeuvres qui nous sont parvenues. Comme sa jurisprudence, la théologie musulmane ne pouvait commencer qu'après la mort du Prophète. D'abord plus politique que religieuse, elle s'est vite caractérise par des querelles plus ou moins logiques qui ont opposé les diverses branches de l'Islam entre elles. Chrétiens, juifs, persans, grecs ont eu leur influence, avec des développements tantôt rationnels, tantôt mystiques, tantôt radicaux, tantôt panthéistes, donnant naissance à d'innombrables oeuvres, dont certaines sont presque modernes dans leurs suggestions et leurs implications.

L'histoire.
On peut facilement voir comment l'histoire chez les Arabes a commencé avec les Maghazi,  livres consacrés à l'étude des guerres de Mahomet. Les faits et gestes de cette époque devaient être racontés, les chroniques (de seconde main en général) et légendes rassemblées. Les efforts pour obtenir des informations sur la vie du Prophète ont donné naissance à la littérature biographique, qui devait se développer au cours des siècles suivants.  La plus ancienne biographie existante est celle du Prophète par Ibn Ishaq (mort en 767). Parallèlement aux histoires de guerres et d'événements ont été écrites des histoires de villes célèbres, comme Médine ou La Mecque, Bagdad, etc.  La manière dont la littérature historique s'est déployée peut être étudié à partir de l'oeuvre de Tabari, l'historien le plus illustre (828-923), qui pendant 40 ans a écrit 40 feuilles par jour. Les premiers exemples  des romans historiques remontent aux premiers siècles de l'Islam lorsque la vénération de Mahomet a donné lieu à des légendes qui sont passées pour de véritables histoires.

La poésie.
La poésie arabe prit son essor dans le siècle qui précéda Mahomet; des concours s'engageaient chaque année, à la foire d'Okâzh, entre les meilleurs poètes des tribus; les poésies qui avaient obtenu la palme étaient copiées en lettres d'or et suspendues aux portes de la Kaaba. Les sept auteurs des Moallaqât, d'autres poètes encore, tels que Kaab, Nabéga, Chanfara, n'ont été surpassés, au jugement d'un grand nombre d'Orientaux eux-mêmes, par aucun des poètes qui ont illustré les plus beaux siècles littéraires du califat. Beaucoup d'autres poèmes de cette époque, mais d'une moindre étendue, sont renfermés dans l'anthologie d'Abou-Témâm, intitulée Hamaça

Sous les califes Omeyyades, trois poètes se rendirent célèbres, Akhtal, Farasdaq et Djerir; mais ce fut surtout sous les Abbassides que ce mouvement littéraire se développa. Des recueils d'oeuvres (Dîwân) de poètes plus anciens  ont été faites, d'auteurs uniques, de poèmes de tribus individuelles, ou arrangées selon le sujet des poèmes. Umar ibn Rabiah (1328), le Minnesinger arabe; Abou Nuwas, le Heine de la cour de Haroun er-Rashid; les poètes royaux Abd al-Rahman (788) et Al-Mutamid (1095) d'Espagne; Muslim ibn al-Walid (757); Abd Allah ibn al-Mutazz (1502) ; Abou Firas (968) ; al-Tughrai (1120) ; et le panégyriste de Mahomet, al-Busiri (1279), sont quelques-uns des poètes les plus brillants. 

Bien qu'une grande partie de cette poésie ait été de forme scolastique, al-Mutanabbi (965) est considéré comme l'un des plus grands poètes musulmans et son Dîwân, avec ses 289 poèmes, a toujours été largement lu. Une autre espèce de poésie a été inventée, le Makâmât, une sorte de prose rimée dans un style achevé et ornemental, visant à mettre en valeur les prouesses littéraires de l'écrivain. C'est le cas des écrits d'Ahmad al-Hamadhani (1007) et d'Abu Mohammed al-Hariri de Bassorah (1121). A côté de cette poésie scolastique s'est développée une grande masse de vers populaires, qui ne sont pas liés par les mètres canoniques et qui ont développé la strophe, par ailleurs inconnue de la littérature arabe. Une forme particulière en était ceci était le Muwashska

La littérature populaire.
Il existe enfin une littérature populaire en prose, parfois fantastique. Elle a été largement influencée par les littératures non arabes, comme dans les Fables de Bidpaï, traduites en 750 par Abd Allah ibn al-Mukaffa du persan, ou dans les Mille et une nuits. On connaît aussi des romans purement bédouins, sont les récits de Saif ibn dhi Yazan, des Banu Hilâl, d'al Zir, et surtout le roman d'Antar, qui donne l'image la plus fidèle de la vie dans le désert, et qui n'a pas été sans influence sur le roman et la chevalerie de l'Europe médiévale.

Philosophie.
Avec l'avènement des Abbassides, la découverte de civilisations étrangères ouvrit de nouvelles perspectives. Des savants étaient invités d'autres pays et rémunérés de manière princière. Des oeuvres ont été traduites du grec, du syriaque, et d'anciens auteurs persans et indiens ont galement été traduits en arabe. Des écoles de philosophie furent fondées à Bagdad, Cordoue, Le Caire, etc., où les écrits d'Aristote, de Platon et des philosophes alexandrins ont été exposés et commentés. Les dogmes, jusque-là considérés comme sacrés, ont aussi été  librement discutés et rejetés (Motazilisme). Et même si la philosophie ne fut jamais, chez les Arabes, que la philosophie grecque transposée dans leur langue, ceux qui s'y adonnaient étaient d'un savoir encyclopédique, comparable à celui des Humanistes du XVIe siècle. 

Le philosophe al-Kindî  (VIIIe siècle) écrivit aussi sur les mathématiques, la musique, la médecine. Al-Fârâbi (fl. 960), né sur les bords lointains du Syr-Daryâ, en Asie centrale, enseigna dans les jardins du faubourg d'Alep. Il eut pour élève Avicenne (Ibn-Sînâ, 990-1037), auteur de ce fameux Canon où l'Europe entière, pendant longtemps, alla recueillir la doctrine médicale. L'Espagne vit une floraison extraordinaire de philosophes. Tortoûchi, de Tortose, termina au Caire la composition du Sirâdj el-moloûk ( = Flambeau des rois), traité de politique à l'usage des princes; Avempace (Ibn-Bâdjdja, 1138) enseignait à Saragosse, et son élève, Ibn-Tofaïl (mort en 1195), médecin et ministre des Almohades, écrivit un roman psychologique, Hayy ben Yagzhân; Averroès (Ibn-Rochd, 1153-1198), de Cordoue, après avoir réuni les données de la thérapeutique dans son Koulliyât (oeuvres complètes), que les traducteurs latins ont transformé en Colliget, défendit la philosophie contre les attaques de Ghazâli. Ibn-Sab'în de Murcie, du temps de l'Almohade 'Abdel-Wâlid, entretint une correspondance avec l'empereur d'Allemagne Frédéric II. Les oeuvres de tous ces auteurs, traduites par la suite en latin, furent  étudiées pendant de nombreux siècles dans les universités européennes.

Mathématiques.
Sur le terrain des mathématiques, Abou-'Abdallah el-Khârizmî (d'où est venu le mot algorithme) étudia le Siddhanta indien, révisa les tables de Ptolémée et écrivit sur l'algèbre des traités que le Moyen âge traduisit en latin. Thâbit Ibn-Kourra, originaire de Harrân l'ancienne Carrhae vint à la cour des califes où il traduisit le livre des sections coniques d'Apollonius de Pergé, et écrivit des manuels pour l'enseignement; son fils et son petit-fils suivirent ses traces. Le poète persan 'Omar Khayyâm contribua à la réforme du calendrier, ordonnée par le sultan seldjoukide Malak-Châh, surnommé Djelâl-ed-dîn, d'où le nom d'ère djélaléenne; il composa un traité d'algèbre et un autre d'analyse chimique pour déterminer les quantités d'or et d'argent que l'on rencontre dans les alliages.

Sciences.
Comme la philosophie et les mathématiques, les sciences arabes sont nées du contacts avec les autres civilisations, à commencer par celle des Grecs, dont les connaissances furent transmises parfois par des chemins détournés. Ainsi les Perses avaient hérité des successeurs d'Alexandre une école de médecine installée à Djondéï-Châpour, en pleine Susiane, et dans la période ancienne, ce fut le seul centre scientifique de la partie de l'Asie soumise aux Arabes. 

On cite un Oméyyade, Khâlid, fils de Yezîd, qui s'occupait d'alchimie (une discipline d'origine alexandrine),  sous la direction du moine Marianus et qui aurait même composé trois traités de cette science, mère de la chimie moderne. C'est seulement sous les Abbassides que s'éveillera véritablement la curiosité scientifique, et d'en haut que viendra l'impulsion : le calife al-Ma'moûn établit à Bagdad une sorte d'université, comprenant une bibliothèque et un observatoire astronomique.

A cette époque, on traduisit activement en arabe des traductions syriaques, et parfois l'on remonta jusqu'à l'original grec lui-même, comme le fit Honéïn ben Ishaq, fils d'un pharmacien de Hîra, qui apprit le grec en Asie Mineure, devint le médecin particulier du calife el-Motawakkil, et traduisit la Bible des Septante ainsi que des ouvrages de Platon, d'Hippocrate et de Dioscoride.

L'astronomie.
L'astrologie a toujours été populaire en Orient et c'est grâce à elle que l'astronomie y a pu faire des progrès. L'astronomie a ainsi été cultivée avec zèle dans les écoles de Bagdad, du Caire et de Cordoue. Selon Ibn al-Nadbi (1040), la bibliothèque du Caire possédait deux globes célestes et six mille ouvrages astronomiques. Au IXe siècle, les trois fils du bibliothécaire Moussa ibn-Shakr ont calculé avec précision le diamètre de la Terre et la précession des équinoxes. A la même époque vivait al-Ferghâni (Alfraganus), qui construisit un nouveau nilomètre en Égypte et fut l'auteur d'une encyclopédie astronomique, traduite au XIIe siècle en latin par Johannes Hispalensis (Jean de Séville). Abou-Ma'char (Albumaser), venu de Balkh, l'ancienne Bactres, écrivit lui aussi un livre similaire. 
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Astronome persan.
Astronome persan utilisant un astrolabe
pour mesurer la hauteur des astres.
Miniature du XIIIe siècle.

Au Xe siècle s'épanouit al-Battânî (Albategnius) dressa à Raqqah, sur l'Euphrate, des tables astronomiques fort estimées par Lalande; il a aussi attaché son nom à l'introduction des fonctions trigonométriques et à l'observation de l'obliquité de l'écliptique. Parmi les astronomes dont les travaux ont été traduits en latin, on peut citer Thabit ibn-Kourra (901) et Jabir ibn-Allah, qui en 1196 construisit le premier observatoire à Séville. Au XIIe siècle, on peut également mentionner  Naçîr-ed-dîn Toûsi, né à Toûs (Mèchehed, Khorasan persan), qui était l'astrologue de Houlagou, et qui sauva un grand nombre de manuscrits lors de la prise de Bagdad. Il fit de la trigonométrie une science à part et traduisit Euclide.  Terminons en notant que le traité d'astronomie de Ptolémée passa en arabe sous le titre, qu'il a conservé en Europe, d'Almageste.

La géographie.
Les anciennes traductions d'ouvrages géographiques n'existent plus. C'est l'organisation administrative du régime de la poste aux chevaux qui avait été le point de départ des études géographiques. Ibn-Khordâdbeh, d'origine persane, était directeur des postes lorsqu'il écrivit à Sâmarrâ son Livre des routes et des provinces, qui fut le premier traité de ce genre. D'autres étaient des voyageurs, comme al-Moqaddésî, comme al-Bîroûnî, qui visita l'Inde et en rapporta une description complète. Ibn-Fadlân, envoyé comme ambassadeur d'al-Moqtadir près le roi des Bulgares de la Volga, put voir les anciens Russes et recueillir des détails sur un pays resté aussi inconnu que du temps d'Hérodote. Un poète arabe de Yanbo', sur la mer Rouge, Abou Dolaf-Misaar, chargé d'accompagner à travers le Tibet un prince indien revint dans son pays et de revenir par l'Afghanistan, et consigna, dans ses Merveilles des pays, les observations faites au cours de son voyage. Le yéménite el-Hamdâni écrivit une description de l'Arabie. El-Bekri, de Cordoue, composa un dictionnaire géographique des anciens poètes et une géographie générale. Un traité du même genre nous a été laissé par le chérif el-Edrîsî, de Ceuta, qui, après de longs voyages, se retira auprès de Roger II, roi normand de Sicile. Ibn-Djobaïr, un Espagnol, visita La Mecque en 1182 et fit le récit de son voyage. Yâqoût, esclave grec enlevé tout enfant au cours d'une razzia et emmené à Merv, en Asie centrale, profita des riches bibliothèques de cette ville pour y écrire son grand dictionnaire géographique, achevé en 1224. Le médecin 'Abd-al-Latif, de Bagdad, est l'auteur d'une description de l'Égypte remarquable par ses études d'histoire naturelle. Qazwînî nous a laissé une géographie et une description des curiosités de la nature.

La médecine et les sciences du vivant.
Au tout début, la médecine, réduite à un empirisme, n'était guère, en Arabie, cultivée que par les femmes, qui savaient traiter les blessures de guerre. Ce n'est qu'à partir du VIIe siècle que la médecine et l'histoire naturelle furent cultivées avec succès (Médecine arabe, médecine persane). Les écrits de Galien, Hippocrate, Paul d'Égine, etc., furent alors traduits du grec en arabe. La médecine arabe subit également l'influence de la médecine l'indienne.

Parmi les auteurs d'ouvrages médicaux, on peut citer Mohammed al-Rhazi (Xe siècle), dont les ouvrages ont été traduits en latin; Ali Ibn-Ridwan (1061); Ibn Sina (Avicenne); Abu al-Kasim (1107) , qui a écrit sur la chirurgie et les instruments chirurgicaux.; Abd al-Malik ibn Zuhr (1162), Ibn Abi Usaibiah (1203-69) consacra  un volume entier à la littérature médicale en langue arabe, et Abd Allah ibn al-Baitar (1248), dont la Materia Medica avait une grande vogue. (NIE / HGP / Houdas / etc.).



En librairie. - Philippe Sénac, L'islam médiéval, PUF, 2015. L'islam et la civilisation arabe du VIIe au XVe siècle. - Georges Jehel, Les Arabes au Moyen Âge, Belin, 2012. L'histoire des Arabes à travers les grandes périodes de leur civilisation. - André Miquel, L'islam et sa civilisation, Flammarion, 2012. Synthèse sur l'histoire de l'islam et de la civilisation arabo-musulmane. - Thierry Bianquis, Les Arabes, Perrin, 2011. Histoire des Arabes depuis l'Antiquité jusqu'à l'époque contemporaine. - Julien Loiseau, Les Arabes dans l'histoire, Ellipses, 2006. Synthèse sur les grandes périodes de l'histoire arabe. - Dominique Sourdel, Les Arabes, Hachette Littératures, 2002 - Synthèse sur la civilisation arabe (histoire, langue, religion, culture, etc). - Abderahmen Moumen, La vie quotidienne des Arabes au temps des Abbassides, Hachette Littératures, 2002. -  Claude Cahen, L'Islam, des origines au début de l'Empire ottoman, Fayard, 1998. - Pierre Guichard, Les Arabes, Gallimard, 1998. Histoire des Arabes depuis l'Antiquité jusqu'à nos jours. - Charles-André Julien, Histoire de l'Afrique du Nord, des origines à 1830, Payot, 1994.
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