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L'Iran
musulman, jusqu'au XVIIIe
siècle
Lorsque Yezdedjerd
III monta sur le trône de Perse
en 632, déjà de tous côtés, des soulèvements
en détachaient l'Arménie et les provinces de l'Arabie, et
les Arabes, convertis à la nouvelle religion prêchée
par Mohammed (Mahomet), s'agitaient sur les
frontières, prêts à envahir le pays. Cette même
année 632, qui marque le début de l'ère de Yezdedjerd,
célèbre en Iran ,
le général arabe Khalid arracha à l'empire les vallées
du Tigre et de l'Euphrate avec Bassorah ,
Anbar
et Hira. Le nouveau roi voulut relever le courage abattu des Perses : il
réunit une armée considérable et l'envoya à
Kâdisyya attendre l'armée arabe conduite par Saad ibn Waggâs
(635). Après un combat de trois jours, les Perses abandonnèrent
le champ de bataille. Yezdedjerd, resté seul à Ctésiphon,
se retira à l'arrivée des Arabes, emportant ses richesses
et le feu sacré qu'il transporta à Merv. Les années
639 et 640 furent occupées par les Arabes à la conquête
de la Perse entière. Ctésiphon
fut rasée. Yezdedjerd périt
assassiné en 651 (ou 652?), dans le Sedjestan, où il s'était
réfugié. Son fils, Phirouz, s'enfuit en Chine. Avec la dynastie
sassanide
disparurent la nationalité, l'indépendance et la religion
même de la Perse.
C'est seulement vers
le milieu du VIIIe siècle que la
Perse, durement opprimée par les califes
de Damas et de Médine, commence à reprendre quelque conscience
d'elle-même. Elle favorise, en 750, l'avènement de la dynastie
des Abbassides et voit, environ un siècle
après, s'établir dans le Khorassan
la dynastie indépendante des Tahirides (824), à laquelle
succèdent les Saffarides, puis les Samanides, dont les domaines
contribueront plus tard, au Xe siècle,
à la constitution de l'empire Ghaznévides .
En 1037, le chef des Turks Seldjoukides ,
Toghrul, s'empare de Bagdad
fonde une nouvelle puissance sous la coupe de laquelle ne tardera pas à
tomber la Perse.
Turks et Mongols.
Les Seldjoukides,
colonie de Turcs Hoéikes ,
ainsi appelée du nom de son chef Seldjouk, firent la conquête
du Khorassan, puis de la Perse sous Toghrul (Togrul-Beg), petit-fils de
Seldjouk, qui porta un coup mortel à la dynastie des Ghaznévides,
et établit sa capitale à Ispahan .
Le fondateur de la dynastie des Seldjoukides, dont le règne date
de 1055, força le calife de Bagdad de lui céder l'ombre d'autorité
qui lui restait, et mourut en 1064. Il eut pour successeur son neveu Mohammed,
surnommé Alp-Arslan, c'est-à-dire
Lion
terrible, qui étendit son empire par ses conquêtes, eut
pour vizir Nizam-el-Moulk, sage et habile ministre et protecteur des sciences,
remporta en 1071 une victoire décisive sur l'empereur d'Orient Romain
Diogène, qu'il fit prisonnier, s'empara de la Géorgie, et
fut assassiné en 1072, lorsqu'il marchait à la conquête
du Turkestan .
Mélik-Schah, fils d'Alp-Arslan, enleva la Syrie aux Grecs, s'empara
de l'Arménie, consolida et pacifia son empire, acquit le surnom
de Djélal-Eddin, c'est-à-dire Gloire de la religion,
fit réformer le calendrier par
les plus célèbres astronomes de l'Asie, créa une ère,
dite Mélikéenne ou Djélabéenne, et fut un des
plus grands princes du monde musulman. Il mourut en 1093, et son fils aîné,
Barkiaroc,
fut obligé de partager avec ses deux frères Mohammed et Sandjar
le vaste empire des Seldjoukides.
A la mort de Barkiaroc,
en 1104, Mohammed s'empara du pouvoir, que le sort d'une bataille livra
à Sandjar, après la mort de Mohammed, en 1118, à l'exclusion
de Mahmoud, fils de ce dernier, qui ne régna que sur l'Irak. Massoud,
frère et successeur de Mahmoud, se fit reconnaître sultan
à Bagdad, en concurrence avec son oncle Sandjar. L'arrivée
des croisés
en Syrie et en Palestine et la fondation du Royaume chrétien de
Jérusalem
accélérèrent le déclin de la puissance des
Seldjoukides ,
que les princes de cette dynastie achevèrent de ruiner par leurs
guerres intestines. Sandjar, battu et fait prisonnier par les Turkmènes ,
mourut en 1157, après s'être échappé de leurs
mains. Il avait été surnommé le second Alexandre à
cause de sa bravoure. Togrul, le dernier sultan seldjoukide, qui passe
en Orient pour un grand poète, se noyait dans la débauche,
lorsqu'il fut surpris à Réi, au milieu de sa cour, par le
sultan du Kharezm .
Réveillé de son ivresse, il voulut marcher à l'ennemi;
mais il fut tué par un de ses émirs, en 1192. Ainsi finit
l'empire des Seldjoukides de Perse, qui avait fait trembler toute l'Asie.
La dynastie des Gourides ( Les
dynasties musulmanes au Moyen âge),
qui, maîtresse du pays de Gour, avait enlevé une partie de
la Perse aux Ghaznévides
en 1158, succomba sous les coups des Kharizmiens en 1213. Les sultans du
Kharezm, après la chute de la dynastie des Seldjoukides, régnèrent
sur la Perse de 1192 à 1224. L'empire du Kharezm fut détruit
par Gengis-Khan ,
et la majeure partie de la Perse passa sous la domination des grands khans
mongols .
Elle y demeura jusqu'en 1258, époque à laquelle Houlagou ,
frère du grand khan Mangou en acheva la conquête, et mit fin
à l'empire des califes de Bagdad.
Houlagou
fut le fondateur de la dynastie des khans mongols
de Perse , et eut pour successeur, en 1265, son fils Abaka, qui envoya
des ambassadeurs aux papes Clément IV
et Grégoire X. Mais Ahmed, frère
et successeur d'Abaka, qui avait été baptisé dans
sa jeunesse, embrassa l'Islam ,
et devint le persécuteur des chrétiens ,
qui furent ensuite favorisés par les khans Arghoun
et Cassan. Ce dernier donna aux Persans un code qui resta en vigueur jusqu'au
début du XXe siècle et dont
on trouve un extrait dans le New asiatic Miscellany de Gladwin.
Il eut pour successeur son frère Aldjiaptou, qui avait été
baptisé, et qui persévéra dans le christianisme, dit
l'historien arménien Aiton, jusqu'à la mort de sa mère.
Il se fit ensuite musulman. Son fils Abousaïd, mort en 1335, fut le
dernier khan de la dynastie mongole.
Les dynasties des
Ilkhaniens,
des Djoubaniens et des Modhaffériens régnèrent sur
différentes parties de la Perse de 1336 à 1387, où
Tamerlan
fit la conquête de la Perse tout entière. Après la
mort de Tamerlan, deux dynasties turkmènes régnèrent
successivement sur la Perse, celle du Mouton-noir et celle du Mouton-Blanc.
Il faudra attendre le XVIe siècle
pour voir se reconstituer, avec les Séfévides (Sophis ou
Sofis), une dynastie musulmane chiite
réellement nationale et indépendante, fondée en 1501,
dont Shah-Ismaïl (Ismaël Ier).
Les Séfévides
(Sophis).
Une famille de religieux
établie à Ardebil était
destinée à monter sur le trône et à créer
une dynastie dont l'éclat et le pouvoir se maintinrent pendant presque
deux siècles, celle des Çafavis (Séfévides),
qui tiraient leur nom du cheikh Çafi-ud-din, et qui est plus connue
sous la dénomination de Sophis, que lui donnèrent
les voyageurs européens, et à laquelle se réfère
Montesquieu
dans ses Lettres persanes. L'autorité spirituelle que s'étaient
acquise ces derviches porta ombrage au pouvoir militaire des Turkmènes
du Mouton-Noir, qui les bannirent d'Ardébil. Après avoir
erré dans le Diar-Bekr et le Chirvan ,
et avoir recherché la protection de la dynastie du Mouton-Blanc,
dont le chef, Oucoun-Hasan (Hasan le Long), avait donné sa soeur
en mariage à Djunéfd, l'un de leurs cheikhs, Ismaïl,
troisième fils de Sultan Harder, se révolta dans le Chirvan,
réussit à se rendre maître de cette province qu'il
enleva aux Turkmènes, prit Tabriz ,
et, à la suite d'une bataille près de Hamadan, s'empara de
la Perse entière et prit le nom de Shah Ismaïl.
L'arrivée
des Séfévides au pouvoir eut une importance considérable,
parce que la nouvelle dynastie apporta avec elle, comme moyen de gouvernement,
le chiisme
dogmatique. Sans doute, dès les premières années de
l'islam ,
les Persans avaient embrassé les doctrines dissidentes qui altéraient
la religion fondée par Mohammed, fixée
par les quatre premiers Califes et maintenue
par l'accord unanime de la nation; mais ce n'est qu'avec les Séfévides
que le dogme de la succession légitime de l'imamat, par la descendance
d'Ali, devint la religion dans laquelle s'incarnèrent les souvenirs
confus des temps heureux conservés dans la mémoire du peuple
persan. Les Soufis, comme en général les ordres religieux
qui se sont fondés dans l'Islam à des époques diverses,
rattachent leur doctrine directement à Ali, gendre du prophète
arabe. Son histoire, et surtout la touchante tragédie de l'empoisonnement
de son fils Hassan, et de la mort de son autre fils Husseïn, sur le
champ de bataille de Kerbala, fournirent à la légende un
développement considérable, dont le succès fut tel
qu'il a duré jusqu'à nos jours et dure encore. De fait, les
sectes dissidentes ont presque entièrement disparu de l'Islam, à
l'exception de quelques fractions disséminées, comme les
Ibadhites ( Khâridjites )
en Afrique, les Druzes
et les Mutévalis en Syrie; seul le chiisme proprement dit, celui
des douze Imams
(chiisme duodécimain), offre encore un corps compact de populations
professant cette religion.
Le principal appui
de Chah-Ismaîl avait été une confédération
de sept tribus turques
appelées : Oustadjalu, Chamlu, Nikallu, Behârlu, Zu'l-Qadr,
Qadjar et Afchâr; il leur donna, pour signe distinctif, un bonnet
rouge, ce qui leur fit donner le nom de Qyzyl-bach (tête rouge, en
turc) qui servit à désigner les troupes des Séfévides.
Il prit Bagdad; il défit dans le Korassan les Ouzbekhs ,
commandés par Chahibeg-Khan, il s'empara de Balkh ;
mais il eut à soutenir contre les Ottomans ,
commandés par le sultan Sélim Ier
( Le Siècle de Soliman ),
une lutte qui fut malheureuse (1514); Shâh-Ismaïl fut défait
dans la plaine de Tchaldiran, en Asie Mineure; son trône, orné
de perles, tomba entre les mains du vainqueur et se voit encore aujourd'hui
dans le Trésor impérial d'Istanbul.
L'artillerie turque fut le principal instrument de la victoire des Ottomans,
qui d'ailleurs ne purent poursuivre leurs avantages, faute de vivres, et
se retirèrent pour se préparer à la conquête
de l'Égypte (1517) ( L'Égypte
ottomane ).
Après la mort de Sélim ler,
Shah-Ismail put conquérir la Géorgie (1519), mais il mourut
peu de temps après (1524) et fut remplacé par son fils Tahmasp,
qui n'avait que dix ans.
La lutte entre Turcs
et Persans se poursuit sous le règne de Thamasp, qui dure jusqu'en
1560. Après les règnes d'Ismaïl, fils de Thamasp, et
de son frère, Mohammed-Mirza, c'est un nouveau chef militaire, Abbas,
qui s'empare du pouvoir (1586). Abbas Ier,
dit le Grand, troisième fils de Mohammed Khodavend, recula
les limites de son royaume par ses conquêtes sur les Moghols et sur
d'autres peuples, fixa sa résidence à Ispahan ,
et fit fleurir les arts et le commerce, mais il ternit ses belles qualités
par sa cruauté, sa fourberie et son avarice. Il meurt en 1628; ses
successeurs, Sam-Mirza, puis Abbas II, enfin Hussein-Mirza (1694), sont
des souverains médiocres, mais tranquilles. Hussein, fils de Soliman
et petit-fils d'Abbas Il, assiégé dans Ispahan par les Afghans ,
fut obligé de céder son trône à leur chef Mahmoud
en 1721, et de lui donner sa fille en mariage. La domination de ce prince
et de son successeur Achraf fut marquée par des cruautés
inouïes. Dès le début, la Perse entra en contact avec
les Russes
qui, sous le commandement de Pierre le Grand
en personne, conquirent le Daghestan
(1722). Mahmoud, effrayé par la révolte de Nazvin, massacra
presque tous les habitants d'Ispahan.
Devenu fou, il fut
remplacé par son cousin Achraf élu par les Afghans (1725),
qui lui fit trancher la tête. Thamasp, fils de Husséïn,
le souverain détrôné et prisonnier, avait conclu avec
les Russes un traité aux termes duquel il leur promettait la possession
des provinces du Nord depuis le Caucase
jusqu'au Mazandéran, s'ils l'aidaient à chasser les Afghans.
Les Turcs s'étaient emparés d'Erivan, de toute l'Arménie
et d'une grande partie de l' Azerbaïdjan. L'énergie des habitants
de Tabriz arrêta la marche de l'envahisseur; la ville ne capitula
qu'après une seconde campagne, et les habitants se retirèrent
avec armes et bagages à Erdéhil. La Turquie refusa conclure
la paix avec les Afghans, et un corps d'armée, commandé par
Ahmed-Pacha, gouverneur de Bagdad, marcha contre Ispahan (1726); mais les
troupes ottomanes, à moitié gagnées par les artificieuses
paroles des mollahs sunnites envoyés par les Afghans, perdirent
une bataille qui les força de reculer. L'habile conduite d'Achraf,
qui rendit aux vaincus tout ce qui leur avait été pris, sauf
les armes, hâta la conclusion d'une paix par laquelle les Afghans
reconnaissaient le sultan ottoman comme chef spirituel des musulmans
Pendant tout ce temps,
Tahmasp se maintenait tant bien que mal dans le Mazandéran, lorsqu'il
y fut rejoint par un général qui devait devenir célèbre
sous le nom de Nadir-Châh, et qui prit le nom de Tahmasp-qouli-Khan
(le Khan esclave de Tahmasp). Grâce à l'appui de ce chef,
il vainquit les Afghans
à Dameghan (1729). Nadir, après avoir persuadé à
Tahmasp qu'il convenait de rester dans le Khoraçan, marcha sur Ispahan
qui fut évacué par les Afghan à son approcha; une
démonstration dans la direction de Chiraz
suffit à amener leur dispersion (1730). Achraf, fuyant presque seul
à travers les déserts, fut découvert et tué
par un chef du Béloutchistan .
Nadir, ayant pris
pour prétexte la signature d'une paix désavantageuse avec
les Ottomans, détrôna Tahmasp par surprise (1732), l'exila
dans le Khoraçan et mit à sa place un enfant de huit mois,
Abbas
III, sous le nom duquel il commença effectivement à régner.
Le siège de Bagdad fut la première entreprise du régent;
mais elle échoua, par suite de l'arrivée, au secours de la
place, d'une armée commandée par Topal Osman. Nadir rassembla
à Hamadan les débris de son armée et ne tarda pas
à recommencer la lutte; Topal Osman fut tué dans une rencontre;
mais Nadir, préoccupé d'une révolte dans le Fârs,
accepta la paix qui rétablissait le statu quo d'ayant l'invasion
afghane .
Cette paix ne fut pas ratifiée par le sultan ottoman ,
et Nadir en profita pour s'emparer de la Géorgie et de l'Arménie
(1734). Abbas III mourut subitement en 1736, et avec lui s'éteignit
la dynastie des Séfévides. |
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