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Histoire du Yémen
De la légende à l'histoire.
Le nom sous lequel le peuple du Yémen est connu dans la Bible est Saba ou Sheba. Ce nom se trouve dans la liste des fils de Joktàn donnée dans la Genèse, comme d'ailleurs beaucoup de noms géographiques connus par les historiens arabes ou par les inscriptions, tels sont Hazarmaveth (Hadramaut), Abimael, Jobab, Jerah (Warah), Joktân (Kahtàn). Un autre passage de la Genèse place Sheba et Dedân dans la généalogie des Kouchites. Il n'apparaît comme royaume qu'au Livre des Rois (X, 4) où il est question de la visite que fit la reine de Saba à Salomon. Tous les autres passages bibliques parlent de Saba au point de vue commercial, mentionnent les factoreries et colonies sabéennes et les caravanes qui suivaient la côte Ouest d'Arabie; on y trouve des allusions à leur commerce de parfums, de myrrhe, d'encens, d'or, de pierres précieuses, d'ivoire et d'ébène. Le Livre de Job (VIe, 19) parle de brigands sabéens sur les frontières Nord de l'Arabie. Les inscriptions d'Al-Ola, publiées au XIXe siècle par D.-H. Müller, ont révélé l'existence de colonies sabéennes dans l'Arabie septentrionale. Les inscriptions assyriennes de Teglath Pilasar II (733 av. J.-C.) nous apprennent que Teima, Saba et Haipa payaient à ce roi un tribut consistant en or, argent et encens. On trouve également dans les annales de Sargon que Shamsi, reine d'Arabie, et Itamara, de la terre de Saba, payaient tribut d'or, d'épices, de chevaux et de chameaux.

Les plus anciennes relations des historiens et géographes grecs sur les peuples de l'Arabie méridionale ne remontent pas au delà du IIIe siècle av. J.-C. Strabon, au livre XV, dit, d'après Eratosthène (276-194), que l'Arabie méridionale, située vis-à-vis de l'Ethiopie, est habitée par quatre grandes nations : les Minéens (Ma în dans les inscriptions) sur la mer Rouge avec Karna pour capitale; les Sabéens, capitale Mariaba (Mariab dans les inscriptions); les Catabanes (Katabân dans les inscriptions), capitale Tamna, près du détroit, et enfin, à l'Est les Chatramotites (du Hadramaut), capitale Sabota. Les Catabanes, avec leur encens, et les Chatramotites, avec leur myrrhe, entretenaient un grand commerce, les premiers avec Elana ou Elath sur le golfe d'Aqaba, les seconds avec les Gabéens (Gaba ân dans les inscriptions, Gebanites de Pline). La notice d'Agatarchides (120 av..J.-C.) rapportée par Strabon, quoique moins bien informée que celle d'Eratosthène, donne encore de bons renseignements sur les Sabéens, dont la capitale était Saba, et sur les Iles heureuses au milieu du détroit. Artémidore (100 av. J.-C.), mentionné aussi par Strabon, parle de la prospérité et du commerce des Sabéens et de leur capitale Mariaba.

Les récits enthousiastes des voyageurs qui revenaient de la mer Rouge à Rome décidèrent Auguste à envoyer dans l'Arabie méridionale une expédition commandée par Aelius Gallus (24 av. J.-C.). Nous en trouvons une relation dans Strabon (XVI, 4, 22). Elle s'empara de la ville des Négranes (Nedjràn), puis d'Asca, mais échoua devant Marsyaba (Mareb?), appartenant aux Rhamanites gouvernés par Ilasarus, et revint par mer. Un siècle plus tard (77 ap. J.-C.), nous lisons dans le Périple de la mer Erythrée que Charibael de Zafar, souverain légitime des deux nations, les Homérites et les Sabéens, envoyait à Rome de fréquentes ambassades chargées de présents. Il donne une nomenclature nombreuse des peuples et des villes que cette province renfermait, où l'on reconnaît les noms modernes. Il nomme Massala au lieu de Mareb comme capitale des Homérites et confirme les assertions d'Hérodote et de Strabon sur les richesses minérales et végétales du Yémen.

Le récit de Claude Ptolémée, basé sur les expéditions navales de Bérénice et de Myoshormos dans les ports arabes, donne la description de 56 peuples, 170 villes, ports et bourgs, dont 5 villes royales, 15 montagnes et quatre grandes rivières. Le Périple de la mer Erythrée nous apprend qu'à cette époque quelques parties de la côte africaine étaient placées sous la suzeraineté des rois sabéens. Le district d'Azania était administré au nom du monarque sabéen par le gouverneur de Maphoritis (Maâfir) et exploité par une compagnie sabéenne. Les différences entre les deux langues, himyarite et éthiopienne, démontrent d'ailleurs que, si l'Abyssinie fut, à l'origine, peuplée d'Arabes méridionaux, comme on peut en conclure de la similitude des écritures, elle fut bien souvent soumise à des influences étrangères; souvent aussi s'élevèrent entre les deux peuples des difficultés qui aboutirent à des prises d'armes, comme en témoigne l'inscription d'Adulis (IIe siècle) où le roi d'Ethiopie annonce avoir fait la guerre en Arabie, de Leucocome à la terre de Saba. Plus tard (IVe siècle), dans l'inscription grecque d'Aksoûm, le roi Aizanes s'intitule « roi des Aksoûmitains, des Homérites, de Raidân et des Éthiopiens, Sabéens et de Silhen ».

L'introduction du christianisme au Yémen fut plutôt retardée par les tentatives des Ethiopiens pour s'emparer de cette province. D'après Philostorgius, les Homérites furent convertis au christianisme sous Constantin II par l'Indien Théophile qui bâtit des églises à Zafar et à Aden. Un autre auteur place cet événement sous Anastasius (491-518). Des missionnaires syriens auraient converti le Nedjrân. L'expédition du roi himyarite Dhoû-Nouwâs, qui avait embrassé le judaïsme, par haine de la religion des oppresseurs éthiopiens, contre le Nedjrân chrétien et le martyre de saint Arethas, que Théophane place le 24 octobre 523, précipita la chute du royaume sabéo-himyarite. Hellesthée, roi d'Aksoûm, envahit le Yémen, fit mettre à mort le roi Dhoû-Nouwas (Dimnus) et le remplaça par un chrétien nommé Esimph. Celui-ci, à la suite d'une émeute, fut remplacé par un certain Abram, fils d'un marchand chrétien d'Adulis. Le roi d'Aksoûm, après sa victoire, envoya une ambassade à Justinien pour lui demander un évêque et en reçut une mission d'ecclésiastiques, sous la conduite du paramonaire Jean, qui s'entreprirent à convertir l'Arabie méridionale (Procope). Nous trouvons, dans d'autres historiens ecclésiastiques, qu'un peu plus tard saint Gregentius de Milan fut envoyé au roi éthiopien Abraha afin de convertir les Juifs du Yémen.

Les relations des historiens et des géographes arabes sur l'antiquité yéménite sont entremêlées de légendes et de récits fabuleux au milieu desquels il est difficile de percevoir la vérité. Seul, le géographe Hamdâni, dans son livre intitulé Description de la péninsule arabique, donne des renseignements qui présentent un caractère de certitude. Il décrit la province du Yémen en détail et note les ruines qui subsistaient de son temps. Edrisi donne aussi une description du palais des rois himyarites à Sanaa, qui concorde assez avec la description qu'en fait Strabon, Le Coran raconte la légende arabe de la reine de Saba, mais sans la nommer. Les commentateurs, cherchant à lui donner un nom, prirent le nom de la plus ancienne reine de leurs listes chronologiques, Balkis.

L'Arabie, plus peut-être que les autres nations, a ses mythes et ses légendes : l'histoire de ses origines ne nous est parvenue qu'escortée d'un nombre immense de traditions fabuleuses auxquelles les historiens musulmans ont accordé un crédit immérité. Aboulfeda donne à l'empire himyarite une durée de 2020 ans, avec une succession de 26 rois. Massoudi remonte plus loin encore, il nomme 39 rois qui régnèrent 3190 ans. Trois grandes périodes se distinguent dans l'histoire confuse du Yémen. Nous les appellerons période fabuleuse (pour laquelle les mythes et les légendes obscurcissent presque complètement l'histoire), période anté-islamique et période musulmane.

Période fabuleuse.
L'ancêtre des Arabes est Ad, fils d'Ous, fils d'Aram, fils de Sem, selon les uns, fils d'Amlik, fils de Hâmj (Cham de la Bible), selon les autres. Il s'établit au Yémen et vécut 1200 ans d'après quelques auteurs, 300 ans d'après d'autres. Parmi ses descendants, nous trouvons Shedîd, puis Sheddâd. Sous le règne de ce dernier, les Arabes formaient, dit-on, 1000 tribus de chacune plusieurs milliers d'hommes. Il soumit l'Irak et parcourut l'Inde en vainqueur. Il faut remarquer qu'Eusèbe donne en effet une liste de cinq rois arabes qui auraient successivement possédé les Etats babyloniens, 2000 ans avant notre ère. Un Sheddâd subjugua les Coptes et s'avança jusqu'à l'océan Atlantique. Les Arabes séjournèrent 200 ans en Afrique; leur capitale fut Aour ou Awar, située non loin de l'emplacement où s'éleva plus tard Alexandrie; ils en furent chassés par les Coptes aidés des Africains noirs. Ces guerres, racontées en détail par l'historien Makrizi, ont fait penser à l'invasion des Hyksos, repoussés par les princes de la Thébaïde et expulsés d'Avaris, leur dernière place. Les Adites ont laissé dans la légende arabe un souvenir égal à celui des Cyclopes. Ils furent détruits par Dieu pour n'avoir pas voulu écouter le prophète Iloud qu'il avait envoyé parmi eux pour combattre leur impiété. Une portion de survivants formèrent les seconds Adites, habitant la région de Saba. Leur premier roi fut Lokmân qui construisit la digue d'Al-Arîm appelée aussi Sadd-Mareb. Nous verrons plus loin que la construction de cette digue est attribuée aussi à un roi de la descendance de Joktàn. Les descendants de Lokmân régnèrent 1000 ans, puis les Adites furent dispersés par Yarob, fils de Kahtân. Les historiens musulmans confondent souvent les Adites avec les Amalécites, descendants d'Amlik, fils de Laoud, fils de Sem ou de Hâm. Expulsés de la Chaldée par les Nemrods, premiers princes assyriens, ils se seraient répandus en Arabie, auraient conquis l'Egypte et leurs débris auraient formé la population berbère (tradition rapportée par Procope et Moïse de Khoren).

L'identité de Joktàn et de Kahtân n'est pas certaine. Les traditions bibliques disent que Joktàn avait trois fils : Ouzal, Saba et Hasarmot. D'après les historiens arabes, Kahtân, lui, n'avait qu'un fils, Yarob, qui chassa les Adites du Yémen. Mais le véritable fondateur de l'empire himyarite, d'après Nowaïri, fut Saba ou Abdshams, fils de Yashob, fils de Yarob. Les enfants de Saba, Himyar et Kahtân, se partagèrent le royaume qui ne fut réuni qu'après quinze générations, entre les mains de Harith al-Raish qui fut le premier Tobba. Ce nom est donné par les Arabes à tous les rois de cette dynastie, comme celui de Pharaon était donné aux rois d'Egypte. Pendant les quinze générations précédentes, les rois himyarites avaient eu à lutter, pour la formation de leur empire, contre les vestiges des Adites et des Thamoûdites, qui avaient aussi habité le Yémen. Le premier Tobba fit de grandes conquêtes et pénétra jusqu'aux Indes. Son fils, Abraha Dhoûl-Manar conquit l'Afrique septentrionale, et Afrikis, fils d'Abraha, subjugua les Berbères, jusqu'à l'Océan et fonda Afrikia. Son frère, Al-Abd ibn Abraha Dhoûl-Azhar, est connu comme le conquérant des Blemmyes ou Pygmées. Les sujets de Dhoûl-Azhar, s'étant révoltés, donnèrent la couronne à Haddad ibn Sharhabil. La fameuse reine Balkis, reine de Saha, était fille de Haddad. La construction de la digue d'Al-Arîm lui est attribuée; quelques auteurs disent qu'elle ne fit que la réparer. Son successeur, qui était son cousin, Yasasin, surnommé Nashir al-Niam, s'avança jusqu'au Maghreb. Shamar-Yarash Aboû Karib, fils d'Afrikis, surnommé Dhoûl-Karnatn, l'homme aux deux cornes, conquit la Sogdiane jusqu'à Samarcande et envahit la Chine, mais il périt de soif avec toute son armée. Son fils Aboû-Malik abandonna les Sines pour se rendre au Maghreb où l'attirait l'appât des mines d'or et mourut en route. Quelques auteurs placent ici le gouvernement de deux frères de la descendance de Kahtân, Amran et Amroû surnommé Mozaikia, qui auraient usurpé le trône aux descendants de Himyar. Mais le véritable successeur d'Aboù-Malik fut Akrân dont le règne est marqué par la rupture de la digue.

A l'origine, le Yémen était une contrée sèche et aride, les eaux qui s'écoulaient des hauts plateaux se trouvant véhiculées jusqu'à la mer par quelques torrents. Un roi nommé Lokmân, selon les uns, ou la reine Balkis, selon les autres, avait entrepris de conserver ces eaux en établissant un barrage de pierre entre deux montagnes où coulait un de ces torrents. Pendant la sécheresse, on pratiquait des ouvertures dans ce barrage, afin d'arroser les terrains situés au-dessous. Dès lors une grande fertilité avait régné sur le Yémen, qui ne formait plus, aux dires des historiens arabes, qu'une immense forêt sous laquelle on pouvait voyager pendant des semaines sans voir le soleil. La construction et la ruine de cette digue tiennent donc une grande place dans l'histoire du Yémen. La rupture du barrage fut annoncée en songe, disent les légendes arabes, à Amrân, frère d'un chef nommé Amroû Mozaikia et à sa femme Dharifa al-Khair, qui s'étaient momentanément soustraits à la domination des rois à Mareb. Amroù quitta la contrée avec un grand nombre de familles yéménites et émigra vers le nord. La catastrophe arriva après son départ et la contrée se trouva transformée en un vaste désert. Cet événement frappa vivement l'imagination des Arabes et l'expression « fuir comme les Himyarites » devint proverbiale dans la langue arabe. Le Coran ne manque pas de s'emparer de cette légende pour faire de la catastrophe un exemple de la colère divine déchaînée. D'après les calculs de Silvestre de Sacy, la rupture de la digue eut lieu au commencement du IIe siècle ap. J.-C. C'est d'elle que date l'ère des Himyarites. Le voyageur Arnaud en a visité les ruines, en a dressé le plan et a publié sa relation de voyage en 1845 (Journal asiatique). Franz Praetorius a étudié en 1899 la grande inscription qui mentionne la catastrophe.

Epoque préislamique.
A partir du règne d'Akrân, de nombreux synchronismes entre les monarques perses et les princes de la péninsule permettent d'établir une chronologie approximative. Le successeur d'Akràn, Dhoô-Habshân, monta sur le trône vers l'an 140 ap. J.-C. et régna 53 ans. Ses successeurs furent : Tobba, autre fils d'Akràn Koulaikarb, fils de Tobba, Tobba Asad AboûKarib, contemporain du roi de Perse Ardashir Bâbek, Hasan fils d'Asad, tué par son frère Amroû qui lui succéda ; il était surnommé Dhoûl-Awad et était contemporain de Sapor 1er, fils d'Ardashîr Bâbek. Après lui nous trouvons quatre rois anonymes qui règnent dans l'espace d'un an et qui sont remplacés par leur soeur Al-Dhaa, vers l'an 272; Hormuz Ier, fils de Sapor Ier, régnait alors en Perse. Abd-Kilal, fils d'Amroû Dhoûl-Awad succéda à Al-Dhaa. Vers l'an 297, Tobba, fils de Hasan, monta sur le trône. Après lui nous trouvons Hârith, fils d'Amroû, suivant Aboulfeda, Mourthid, Wakia, fils de Mourthid, et, en 370, Abraha, fils de Sabbah, appelé aussi Ibrahîm, contemporain de Sapor II Dhoûl-Aktâf. En 399, Sahban, fils de Mouhrith, monta sur le trône en même temps que Yezddegird ler; il régna jusqu'en 440 et fut remplacé par Sabbah, fils d'Abraha, contemporain de Yezddegird II. Ses successeurs furent Hasan, fils d'Amroû (455), Dhoû-Shanâtir (478) et Dhoû-Nouwâs (480), contemporain de Firoûz, fils de Yezddegird et de Kosaî, fils de Kilâb. Ce roi, converti au judaïsme que Tobba, fils de Hasan, avait introduit au Yémen, persécuta les chrétiens du Nedjrân et fut cause de l'invasion éthiopienne. Les Ethiopiens occupèrent le pays pacifiquement vers 529; leur premier roi fut Dhoû-Djeden auquel succédèrent Arnat ou Arîat, contemporain de Kobad et Abraha. Ce dernier avait construit à Sanaa un temple chrétien appelé Kalis dans lequel les Arabes voyaient un signe de domination étrangère. Un Arabe de La Mecque ayant été déposer des ordures dans ce temple, Abraha jura de venger le sacrilège et marcha contre La Mecque en 571, l'année même de la naissance de Mohammed (Mahomet). Il fut vaincu à la bataille de l'Eléphant, qui marqua le commencement d'une ère dite ère de l'éléphant. Les deux derniers rois éthiopiens furent Yaksoûm et Masroûk. En 601, quelques aventuriers persans conquirent le Yémen et mirent fin à la domination éthiopienne. Khosroès (Kesra), roi de Perse, envoya au Yémen un vice-roi appelé Bâdhân. Lorsque Mohammed  envoya au roi de Perse un message pour le convier à embrasser l'islam, Khosroès écrivit à Bâdhân de s'emparer du prophète et de le mettre à mort. Mohammed ayant fait connaître au vice-roi un songe qu'il avait eu, et d'après lequel Khosroès aurait été tué par son fils, et cette nouvelle s'étant trouvée confirmée, Bâdhân se convertit à l'islam avec tous les Persans.

Epoque musulmane.
En l'an X de l'hégire, Mohammed(Mahomet) envoya deux émissaires pour convertir le Yémen : Maadh, fils de Djabal, et Aboû-Moûsa al-Acharî. Ali fut envoyé avec une armée vers les Madhidj, les Hamadân et les Nakha qui se soumirent. A la mort du gouverneur Bâdhân, Mohammed divisa le Yémen en sept gouvernements qu'il distribua à ses officiers. Le calife Aboû-Bekr renouvela le traité qui garantissait aux chrétiens du Nadjrân leur liberté civile et religieuse, moyennant redevance, et donna le gouvernement à Firoûz, gouverneur de Sanaa. Un des premiers actes du calife Omar fut d'exiler en Syrie les chrétiens du Nedjrân.

A partir de ce moment, et pendant trois siècles, les califes Omeyyades et Abbâsides se firent représenter au Yémen par des gouverneurs qui maintinrent la province dans une tranquillité et une dépendance relatives. Lorsque l'empire arabe commença à se démembrer et que les Tâhirides se rendirent indépendants au Khoraçan, les Asharites et les Akkites se révoltèrent au Yémen; le vizir Al-Fadl ibn Sahl proposa à Al-Mâmoûn d'envoyer dans cette contrée Mouhammad ibn Zyâd qui fonda Zabid, y établit son gouvernement et se déclara indépendant. Les Zyâdites régnèrent pendant deux siècles, de 204 à 409 de l'hégire (819-1018 J.-C.), ils eurent à lutter contre de petites dynasties qui s'étaient fondées de tous côtés, telles que les Yafourites à Sana et Djanad et les Karmathes à Zabid. Les princes Zyâdites furent : Mouhammad ibn Abd Allah ibn ziyâd (204- 819), Ibrahîm ibn Mouhammad (245), Ziyâd ibn Ibrahim (289), Aboûl Djish Ishâk ibn Ibrahim (291), Abd Allah ibn Ishâk (371= 981). A partir de cette date, l'autorité fut entre les mains des vizirs Roushd (371), Housâin ibn Salama (373) et Mardjân (402). Un esclave abyssin, appelé Nadjah, au service de ce dernier vizir, se révolta, s'empara de Zabid et y fonda la dynastie des Nadjâhides, de 412 à 553 (1021-1158 J.-C.). A la mort de Nadjah, Zabîd tomba au pouvoir des Soulaihides de Sana qui la gardèrent de 454 à 473, époque à laquelle Saïd Ahwal ibn Nadjah la reprit. Les autres princes nadjâhides furent Djayyâsh ibn Nadjah (482), Fâtik Ier, ibn Djayyâsh (498), Mansoûr ibn Fâtik (503), Fâtik Il ibn Mansoûr (517), Fâtik III ibn Mouhammad ibn Mansoûr (531-554). Leur pouvoir tomba sous les coups des vizirs, qui jouaient le rôle de « maires du palais ». Ils furent remplacés par les Mahdites (554 = 1159).

Pendant ce temps, une dynastie chiite s'était établie à Sana, celle des Soulaihides, ou Banoû Soulaih fondée par le Dâi (missionnaire) Ali ibn Mouhammad qui résidait primitivement à Masâr et qui s'empara successivement de Zabid, de Sana et de La Mecque. Il perdit Zabîd en 473, mais exerça sa souveraineté sur tout le Yémen. En 480, son fils Moukarram transféra le siège de son gouvernement de Sana à Dhoû-Djibla. Mansoûr Aboû-Himyar Sabâ succéda à Moûkarram en 484, et régna jusqu'en 492 (1098). Les Soulaihides furent alors remplacés par les Hamdanites, descendants des tribus de Hâshid et de Bâkil, qui régnèrent de 492 à 569 (1098-1173). Ils eurent 8 princes : Hâtim ibn Gashim (492). Abd Allah ibn Hâtim (502), Maan ibn Hâtim (504), Hishâm ibn Koubbaît (510), Hamâs, Hâtim ibn Hamâs, Hâtina ibn Ahmad (545), et Ali Wahid ibn Hâtim (556).

Les Mahdites s'étaient emparés de Zabid. Ali ibn Mahdi était un dévot qui se faisait passer pour prophète et qui avait fini par réunir assez de partisans pour vaincre les Nadjâhides (554). Ses successeurs, Mahdi ibn Ali (554) et Abd al-Nabî ibn Ali (558), occupèrent le pays jusqu'à la conquête ayyoûbite. Une dynastie indépendante s'était établie à Aden, celle des Zouraîtes, fondée par les princes Aboû Souoûd et Aboû Garât. Ils eurent une dizaine de princes qui gouvernèrent Aden depuis 533 jusqu'à 569 (1173), c.-à-d. jusqu'à la conquête ayyoûbite.

En 569 (1173), les princes de Sanaa, de Zabîd et d'Aden furent subjugués par le conquérant kurde Tourân Châh, fils d'Ayyoûb, et pendant un demi-siècle, le Yémen entier fut au pouvoir de cette illustre famille qui gouvernait l'Egypte, la Syrie et la Mésopotamie. A Mouazzam Tourân-Shah succéda Saïf al-Islâm Toughtigin (577), puis Mouizz ad-Din Ismâll (593), Nâsir Ayyoûb (598), Mouzaffar Soulaimân (611) Masoûd Yousouf (612). En 626 (1229), les Ayyoûbites (Les dynasties musulmanes au Moyen-âge) furent remplacés à Sana par les Rasoûlides, descendants d'un envoyé (rasoûl) du calife Abbâside, dont le fils Ali ibn Rasoûl fut gouverneur de La Mecque pour les Ayyoûbites. Ils eurent treize princes qui régnèrent sur tout le Yémen; du Hadramaut à La Mecque, depuis 626 jusqu'en 846 ; quelques princes rivaux régnèrent alors jusqu'en 855 et firent place aux Tâhirites qui occupèrent le Yémen jusqu'à l'avant-dernier sultan mameloûk d'Egypte, Kansoûh al-Goûri. Les princes tâhirites furent : Zafir Salah ad-Din Amir ler (Zabid) et Moudjahid Shams ad-Dîn Ali (Aden) (850 = 1446), Mansoûr Tâdj ad-Dîn Abd al Ouahhâb (883), Zafir Salah ad-Din Amir II (894-923).

En 923 (1517), les Turcs ottomans, qui s'étaient emparés de l'Egypte, entreprirent la conquête du Yémen. Sultan Sélim Ier, conquit La Mecque et le Sud de l'Arabie. Mais la domination turque ne dura qu'un siècle; en 1633, les Ottomans durent abandonner le Yémen en faveur des imams nationaux. Une dynastie d'imâms zaîdites chiites, ayant un pouvoir religieux plutôt que temporel, avait été fondée à Sada par Hâdi Yahya en 246 (860). Jusqu'en 680 (1284), nous trouvons 17 imâms. Leur autorité se trouva plus tard aux mains des imâms de Sanaa, dont la dynastie commença en 1000 (1591 J.-C.). Ils gouvernèrent le Yémen après l'expulsion des gouverneurs turcs en 1043 (1633). Voici la liste des imâms de Sana jusqu'en 1190 (1776) : 

Kâsim Mansoûr (1000); Mouavyad Mouhammad (1029) ; Moutawakkil Ismâil (1054); Madjid Mouhammad (1087); Mahdi Ahmad (1093); Hâdi Mouhammad (1093); Mahdi Mouhammad (1095); Nàsir Mouhammad (1126); Moutawakkil Kàsim (1128); Mansoûr Housain (1139) : Hàdi Madjid Mouhammad (1139) ; Mansoûr (restauré) (1140); Mahdi Abbâs (1160); Mansoür (1190). (GE).
L'installation des Britanniques à Aden, puis leur annexion d'une partir du pays en 1839 ont occasionné le retour des Turcs au début du XIXe siècle, qui retrouvent leur souveraineté dans la partie Nord du pays, notamment à Sanaa. Après la Première Guerre mondiale et le démantèlement de l'empire ottoman, le Nord du Yémen est revendiqué par l'Arabie Saoudite, nouvellement formée. Mais les accords de Taëf en 1934, au terme desquels l'Arabie peut conserver une portion du territoire yéménite, permettront toutefois que soit reconnue par son puissant voisin l'existence d'un nouvel Etat indépendant, le Yémen ou Yémen du Nord. La partie Sud du pays, reste quant à elle un protectorat de Royaume Uni jusqu'en 1967. A cette date, l'indépendance est accordée; il s'y met ensuite en place un régime qui rejoindra en 1970 le camp de l'Union soviétique. Au moment de la désagrégation de celle-ci, et avant même sa fin complète, les deux Yémen s'entendent pour engager un processus de réunification, qui aboutit en 1990. Un mouvement séparatiste est apparu dans le pays en 1994, mais il a été vite réprimé. En 2000, un accord sur le tracé définitif de la frontière entre les deux pays est enfin intervenu entre le Yémen et l'Arabie saoudite.

La guerre du Yémen.
Des combats dans le nord-ouest entre le gouvernement et les Houthis, une minorité musulmane chiite zeïdite, se sont poursuivis par intermittence de 2004 à 2010, puis de nouveau de 2014 à aujourd'hui. Le mouvement sécessionniste du sud a été revitalisé en 2007.

Les Houthis, officiellement connus sous le nom de mouvement Ansar Allah, sont un groupe politico-religieux chiite zeïdite originaire du nord du Yémen. Le mouvement Houthi a été fondé dans les années 1990 par Hussein Badreddin al-Houthi, un chef religieux zeïdite. La famille Houthi est une famille influente de la province de Saada, au nord du Yémen. Initialement, les Houthis étaient un groupe religieux cherchant à protéger et promouvoir les droits et l'identité culturelle des Zeïdites. Les Houthis se présentent comme un mouvement anti-impérialiste, critiquant fortement l'intervention étrangère au Yémen, notamment celle des États-Unis et de l'Arabie saoudite. Ils prônent le nationalisme yéménite et cherchent à restaurer ce qu'ils considèrent comme la souveraineté nationale du Yémen.Le groupe est entré en conflit avec le gouvernement central du Yémen sous le président Ali Abdullah Saleh à partir de 2004, après l'assassinat de Hussein Badreddin al-Houthi. Ces conflits, connus sous le nom de guerres de Saada, ont duré jusqu'en 2010. Les Houthis ont accusé le gouvernement d'ignorer les besoins et les droits de la communauté zaïdite, et se sont opposés à l'influence saoudienne et américaine au Yémen. 
Des rassemblements publics à Sanaa contre le président de l'époque, Ali Abdallah Saleh, inspirés par des manifestations similaires des Printemps arabes en Tunisie et en Égypte, ont lentement pris de l'ampleur à partir de fin janvier 2011. Ils étaient alimentés par des plaintes concernant le taux de chômage élevé, les mauvaises conditions économiques et la corruption. Le mois suivant, certaines manifestations ont entraîné des violences et les manifestations se sont propagées à d'autres grandes villes. 

En mars, l'opposition a durci ses exigences et s'est associée aux appels à l'éviction immédiate de Saleh. En avril 2011, le Conseil de coopération du Golfe (CCG), dans une tentative de médiation de la crise au Yémen, a proposé une Initiative pour un accord dans lequel le président démissionnerait en échange de l'immunité de poursuites. Le refus de Saleh de signer un tel accord a conduit à de nouvelles violences. Le Conseil de sécurité de l'ONU a adopté une résolution en octobre 2011 appelant à mettre fin à la violence et à conclure un accord de transfert de pouvoir.

En novembre 2011, Saleh a fini par signer l'Initiative du CCG pour se retirer et transférer certains de ses pouvoirs au vice-président Abd Rabuh Mansur Hadi. Suite à la victoire électorale incontestée de Hadi en février 2012, Saleh a officiellement transféré tous les pouvoirs présidentiels. En accord avec l'Initiative du CCG, le Yémen a lancé une conférence de dialogue national (CDN) en mars 2013 afin de discuter des principales questions constitutionnelles, politiques et sociales. Hadi a conclu la CDN en janvier 2014 et prévoyait de commencer à mettre en oeuvre les étapes suivantes du processus de transition, parmi lesquelles figuraient la rédaction d'une constitution, un référendum constitutionnel et des élections nationales.

Les Houthis, estimant que leurs griefs n'étaient pas pris en compte dans la CFN, se sont unis avec Saleh et ont étendu leur influence dans le nord-ouest du Yémen, ce qui a abouti à une offensive majeure contre des unités militaires et des tribus rivales et a permis à leurs forces d'envahir la capitale, Sanaa, en septembre. 2014. En janvier 2015, les Houthis ont encerclé le palais présidentiel, la résidence de Hadi et les principales installations gouvernementales, incitant Hadi et le cabinet à présenter leurs démissions. Hadi s'est enfui à Aden en février 2015 et a annulé sa démission. Il s'est ensuite enfui à Oman, puis a déménagé en Arabie saoudite et a demandé au Consel de Coopération du Golfe d'intervenir militairement au Yémen. En mars, l'Arabie saoudite a réuni une coalition de militaires arabes et a lancé des frappes aériennes contre les Houthis et les forces affiliées aux Houthis. 

Les combats au sol entre les forces alignées sur les Houthis et les groupes anti-houthis soutenus par la coalition dirigée par l'Arabie saoudite se sont poursuivis jusqu'en 2016. En 2016, l'ONU a négocié une cessation des hostilités de plusieurs mois qui a réduit les frappes aériennes et les combats, et a lancé des pourparlers de paix au Koweït. Cependant, les pourparlers se sont terminés sans accord. Le parti politique Houthis et Saleh a annoncé un Conseil politique suprême en août 2016 et un gouvernement de salut national, comprenant un premier ministre et un cabinet de plusieurs dizaines de membres, en novembre 2016, pour gouverner à Sanaa et contester davantage la légitimité du gouvernement de Hadi.

Cependant, au milieu des tensions croissantes entre les Houthis et Saleh, des affrontements sporadiques ont éclaté à la mi-2017 et se sont transformés en combats ouverts qui se sont terminés lorsque les forces houthies ont tué Saleh début décembre 2017. En décembre 2018, les gouvernements houthis et yéménite ont participé aux premiers pourparlers de paix négociés par l'ONU depuis 2016, acceptant un cessez-le-feu limité dans le gouvernorat d'Al Hudaydah et la création d'une mission de l'ONU pour surveiller l'accord. 

En avril 2019, le parlement du Yémen s'est réuni à Say'un pour la première fois depuis le début du conflit en 2014. En août 2019, des violences ont éclaté entre le gouvernement de Hadi et le Conseil de transition du Sud (CTS) pro-sécessionniste dans le sud du Yémen. En novembre 2019, le gouvernement de Hadi et le CTS ont signé un accord de partage du pouvoir pour mettre fin aux combats entre eux, et en décembre 2020, les signataires ont formé un nouveau cabinet. 

En 2020 et 2021, les combats ont continué avec des offensives majeures autour de Marib, une région riche en ressources et stratégiquement importante. L'administration Biden aux États-Unis a retiré la désignation de "terroristes" attribuée aux Houthis par l'administration précédente, tout en continuant à soutenir une solution diplomatique. En avril 2022, une trêve négociée par l'ONU a été instaurée, offrant un répit temporaire et permettant l'acheminement de l'aide humanitaire. Cependant, la trêve a été rompue à plusieurs reprises. Les négociations de paix n'ont pas réussi à établir un accord durable. La fragmentation du pouvoir et les intérêts divergents des différentes parties (Houthis, gouvernement Hadi, CTS, et diverses milices locales) continuent de poser des défis majeurs.

Le Yémen connaît aujourd'hui l'une des pires crises humanitaires au monde, avec des millions de personnes ayant besoin d'une aide urgente. La malnutrition, la maladie, le déplacement interne et la destruction des infrastructures ont dévasté le pays. L'ONU et diverses organisations humanitaires continuent d'appeler à une cessation des hostilités et à une augmentation de l'aide internationale.

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