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De
la légende à l'histoire.
Le nom sous lequel le peuple
du Yémen est connu dans la Bible
est Saba ou Sheba. Ce nom se trouve dans la liste des fils
de Joktàn donnée dans la Genèse ,
comme d'ailleurs beaucoup de noms géographiques connus par les historiens
arabes ou par les inscriptions, tels sont Hazarmaveth (Hadramaut), Abimael,
Jobab, Jerah (Warah), Joktân (Kahtàn). Un autre passage de
la Genèse place Sheba et Dedân dans la généalogie
des Kouchites. Il n'apparaît comme royaume qu'au Livre des Rois
(X, 4) où il est question de la visite que fit la reine
de Saba à Salomon. Tous les autres
passages bibliques parlent de Saba au point de vue commercial, mentionnent
les factoreries et colonies sabéennes et les caravanes qui suivaient
la côte Ouest d'Arabie; on y trouve des allusions à leur commerce
de parfums, de myrrhe, d'encens, d'or, de pierres précieuses, d'ivoire
et d'ébène. Le Livre de Job
(VIe, 19) parle de brigands sabéens
sur les frontières Nord de l'Arabie. Les inscriptions d'Al-Ola,
publiées au XIXe siècle par
D.-H.
Müller, ont révélé l'existence de colonies
sabéennes dans l'Arabie septentrionale. Les inscriptions assyriennes
de Teglath Pilasar II (733 av. J.-C.) nous apprennent que Teima,
Saba et Haipa payaient à ce roi un tribut consistant en or, argent
et encens. On trouve également dans les annales de Sargon
que Shamsi, reine d'Arabie, et Itamara, de la terre de Saba, payaient tribut
d'or, d'épices ,
de chevaux et de chameaux.
Les plus anciennes
relations des historiens et géographes
grecs sur les peuples de l'Arabie méridionale ne remontent pas
au delà du IIIe siècle av.
J.-C. Strabon, au livre XV, dit, d'après
Eratosthène
(276-194), que l'Arabie méridionale, située vis-à-vis
de l'Ethiopie ,
est habitée par quatre grandes nations : les Minéens (Ma
în dans les inscriptions) sur la mer Rouge avec Karna pour capitale;
les Sabéens, capitale Mariaba (Mariab dans les inscriptions); les
Catabanes (Katabân dans les inscriptions), capitale Tamna, près
du détroit, et enfin, à l'Est les Chatramotites (du Hadramaut),
capitale Sabota. Les Catabanes, avec leur encens, et les Chatramotites,
avec leur myrrhe, entretenaient un grand commerce, les premiers avec Elana
ou Elath sur le golfe d'Aqaba, les seconds
avec les Gabéens (Gaba ân dans les inscriptions, Gebanites
de Pline). La notice d'Agatarchides (120 av..J.-C.)
rapportée par Strabon, quoique moins bien informée que celle
d'Eratosthène, donne encore de bons renseignements sur les Sabéens,
dont la capitale était Saba, et sur les Iles heureuses au milieu
du détroit. Artémidore (100
av. J.-C.), mentionné aussi par Strabon, parle de la prospérité
et du commerce des Sabéens et de leur capitale Mariaba.
Les récits
enthousiastes des voyageurs qui revenaient de la mer Rouge à Rome
décidèrent Auguste à envoyer
dans l'Arabie méridionale une expédition commandée
par Aelius Gallus (24 av. J.-C.). Nous en trouvons
une relation dans Strabon (XVI, 4, 22). Elle s'empara de la ville des Négranes
(Nedjràn), puis d'Asca, mais échoua devant Marsyaba (Mareb?),
appartenant aux Rhamanites gouvernés par Ilasarus, et revint par
mer. Un siècle plus tard (77 ap. J.-C.), nous lisons dans le Périple
de la mer Erythrée que Charibael de Zafar, souverain légitime
des deux nations, les Homérites et les Sabéens, envoyait
à Rome de fréquentes ambassades chargées de présents.
Il donne une nomenclature nombreuse des peuples et des villes que cette
province renfermait, où l'on reconnaît les noms modernes.
Il nomme Massala au lieu de Mareb comme capitale des Homérites et
confirme les assertions d'Hérodote et
de Strabon sur les richesses minérales
et végétales du Yémen.
Le récit de
Claude
Ptolémée, basé sur les expéditions navales
de Bérénice et de Myoshormos dans les ports arabes, donne
la description de 56 peuples, 170 villes, ports et bourgs, dont 5 villes
royales, 15 montagnes et quatre grandes rivières. Le Périple
de la mer Erythrée nous apprend qu'à cette époque
quelques parties de la côte africaine étaient placées
sous la suzeraineté des rois sabéens. Le district d'Azania
était administré au nom du monarque sabéen par le
gouverneur de Maphoritis (Maâfir) et exploité par une compagnie
sabéenne. Les différences entre les deux langues, himyarite
et éthiopienne, démontrent d'ailleurs que, si l'Abyssinie
fut, à l'origine, peuplée d'Arabes méridionaux, comme
on peut en conclure de la similitude des écritures, elle fut bien
souvent soumise à des influences étrangères; souvent
aussi s'élevèrent entre les deux peuples des difficultés
qui aboutirent à des prises d'armes, comme en témoigne l'inscription
d'Adulis (IIe
siècle) où le roi d'Ethiopie
annonce avoir fait la guerre en Arabie, de Leucocome à la terre
de Saba. Plus tard (IVe siècle),
dans l'inscription grecque d'Aksoûm,
le roi Aizanes s'intitule « roi des Aksoûmitains, des Homérites,
de Raidân et des Éthiopiens, Sabéens et de Silhen ».
L'introduction du
christianisme
au Yémen fut plutôt retardée par les tentatives des
Ethiopiens
pour s'emparer de cette province. D'après Philostorgius, les Homérites
furent convertis au christianisme sous Constantin
II par l'Indien Théophile qui bâtit des églises
à Zafar et à Aden. Un autre auteur place cet événement
sous Anastasius (491-518). Des missionnaires syriens auraient converti
le Nedjrân. L'expédition du roi himyarite Dhoû-Nouwâs,
qui avait embrassé le judaïsme ,
par haine de la religion des oppresseurs éthiopiens, contre le Nedjrân
chrétien et le martyre de saint Arethas, que Théophane
place le 24 octobre 523, précipita la chute du royaume sabéo-himyarite.
Hellesthée, roi d'Aksoûm, envahit le Yémen, fit mettre
à mort le roi Dhoû-Nouwas (Dimnus) et le remplaça par
un chrétien nommé Esimph. Celui-ci, à la suite d'une
émeute, fut remplacé par un certain Abram, fils d'un marchand
chrétien d'Adulis .
Le roi d'Aksoûm, après sa victoire, envoya une ambassade à
Justinien
pour lui demander un évêque et en reçut une mission
d'ecclésiastiques, sous la conduite du paramonaire Jean, qui s'entreprirent
à convertir l'Arabie méridionale (Procope).
Nous trouvons, dans d'autres historiens ecclésiastiques, qu'un peu
plus tard saint Gregentius de Milan fut envoyé
au roi éthiopien Abraha afin de convertir les Juifs du Yémen.
Les relations des
historiens et des géographes arabes sur l'antiquité yéménite
sont entremêlées de légendes et de récits fabuleux
au milieu desquels il est difficile de percevoir la vérité.
Seul, le géographe Hamdâni, dans son livre intitulé
Description
de la péninsule arabique ,
donne des renseignements qui présentent un caractère de certitude.
Il décrit la province du Yémen en détail et note les
ruines qui subsistaient de son temps. Edrisi donne
aussi une description du palais des rois himyarites à Sanaa,
qui concorde assez avec la description qu'en fait Strabon,
Le Coran
raconte la légende arabe de la reine de
Saba, mais sans la nommer. Les commentateurs, cherchant à lui
donner un nom, prirent le nom de la plus ancienne reine de leurs listes
chronologiques, Balkis.
L'Arabie, plus peut-être que les
autres nations, a ses mythes et ses légendes : l'histoire de ses
origines ne nous est parvenue qu'escortée d'un nombre immense de
traditions fabuleuses auxquelles les historiens musulmans ont accordé
un crédit immérité. Aboulfeda
donne à l'empire himyarite une durée de 2020 ans, avec une
succession de 26 rois. Massoudi remonte plus
loin encore, il nomme 39 rois qui régnèrent 3190 ans. Trois
grandes périodes se distinguent dans l'histoire confuse du Yémen.
Nous les appellerons période fabuleuse (pour laquelle les
mythes et les légendes obscurcissent presque complètement
l'histoire), période anté-islamique et période
musulmane.
Période
fabuleuse.
L'ancêtre des Arabes est Ad,
fils d'Ous, fils d'Aram, fils de Sem, selon les uns, fils d'Amlik, fils
de Hâmj (Cham de la Bible ),
selon les autres. Il s'établit au Yémen et vécut 1200
ans d'après quelques auteurs, 300 ans d'après d'autres. Parmi
ses descendants, nous trouvons Shedîd, puis Sheddâd. Sous le
règne de ce dernier, les Arabes formaient, dit-on, 1000 tribus de
chacune plusieurs milliers d'hommes. Il soumit l'Irak et parcourut l'Inde
en vainqueur. Il faut remarquer qu'Eusèbe
donne en effet une liste de cinq rois arabes qui auraient successivement
possédé les Etats babyloniens, 2000 ans avant notre ère.
Un Sheddâd subjugua les Coptes et s'avança jusqu'à
l'océan Atlantique .
Les Arabes séjournèrent 200 ans en Afrique ;
leur capitale fut Aour ou Awar, située non loin de l'emplacement
où s'éleva plus tard Alexandrie;
ils en furent chassés par les Coptes aidés des Africains
noirs. Ces guerres, racontées en détail par l'historien Makrizi,
ont fait penser à l'invasion des Hyksos, repoussés par les
princes de la Thébaïde et expulsés d'Avaris ,
leur dernière place. Les Adites ont laissé dans la légende
arabe un souvenir égal à celui des Cyclopes.
Ils furent détruits par Dieu pour n'avoir
pas voulu écouter le prophète Iloud qu'il avait envoyé
parmi eux pour combattre leur impiété. Une portion de survivants
formèrent les seconds Adites, habitant la région de Saba.
Leur premier roi fut Lokmân qui construisit la digue d'Al-Arîm
appelée aussi Sadd-Mareb. Nous verrons plus loin que la construction
de cette digue est attribuée aussi à un roi de la descendance
de Joktàn. Les descendants de Lokmân régnèrent
1000 ans, puis les Adites furent dispersés par Yarob, fils de Kahtân.
Les historiens musulmans confondent souvent les
Adites avec les Amalécites, descendants
d'Amlik, fils de Laoud, fils de Sem ou de Hâm. Expulsés de
la Chaldée
par les Nemrods, premiers princes assyriens, ils se seraient répandus
en Arabie, auraient conquis l'Egypte
et leurs débris auraient formé la population berbère
(tradition rapportée par Procope et Moïse
de Khoren).
L'identité
de Joktàn et de Kahtân n'est pas certaine. Les traditions
bibliques disent que Joktàn avait trois fils : Ouzal, Saba et Hasarmot.
D'après les historiens arabes, Kahtân, lui, n'avait qu'un
fils, Yarob, qui chassa les Adites du Yémen. Mais le véritable
fondateur de l'empire himyarite, d'après Nowaïri, fut Saba
ou Abdshams, fils de Yashob, fils de Yarob. Les enfants de Saba, Himyar
et Kahtân, se partagèrent le royaume qui ne fut réuni
qu'après quinze générations, entre les mains de Harith
al-Raish qui fut le premier Tobba. Ce nom est donné par les Arabes
à tous les rois de cette dynastie, comme celui de Pharaon était
donné aux rois d'Egypte .
Pendant les quinze générations précédentes,
les rois himyarites avaient eu à lutter, pour la formation de leur
empire, contre les vestiges des Adites et des Thamoûdites, qui avaient
aussi habité le Yémen. Le premier Tobba fit de grandes conquêtes
et pénétra jusqu'aux Indes. Son fils, Abraha Dhoûl-Manar
conquit l'Afrique septentrionale, et Afrikis, fils d'Abraha, subjugua les
Berbères, jusqu'à l'Océan et fonda Afrikia. Son frère,
Al-Abd ibn Abraha Dhoûl-Azhar, est connu comme le conquérant
des Blemmyes ou Pygmées. Les sujets de Dhoûl-Azhar, s'étant
révoltés, donnèrent la couronne à Haddad ibn
Sharhabil. La fameuse reine Balkis, reine de Saha, était fille de
Haddad. La construction de la digue d'Al-Arîm lui est attribuée;
quelques auteurs disent qu'elle ne fit que la réparer. Son successeur,
qui était son cousin, Yasasin, surnommé Nashir al-Niam, s'avança
jusqu'au Maghreb. Shamar-Yarash Aboû Karib, fils d'Afrikis, surnommé
Dhoûl-Karnatn, l'homme aux deux cornes, conquit la Sogdiane
jusqu'à Samarcande et envahit la
Chine ,
mais il périt de soif avec toute son armée. Son fils Aboû-Malik
abandonna les Sines pour se rendre au Maghreb où l'attirait l'appât
des mines d'or et mourut en route. Quelques auteurs placent ici le gouvernement
de deux frères de la descendance de Kahtân, Amran et Amroû
surnommé Mozaikia, qui auraient usurpé le trône aux
descendants de Himyar. Mais le véritable successeur d'Aboù-Malik
fut Akrân dont le règne est marqué par la rupture de
la digue.
A l'origine, le Yémen
était une contrée sèche et aride, les eaux qui s'écoulaient
des hauts plateaux se trouvant véhiculées jusqu'à
la mer par quelques torrents. Un roi nommé Lokmân, selon les
uns, ou la reine Balkis, selon les autres,
avait entrepris de conserver ces eaux en établissant un barrage
de pierre entre deux montagnes où coulait un de ces torrents. Pendant
la sécheresse, on pratiquait des ouvertures dans ce barrage, afin
d'arroser les terrains situés au-dessous. Dès lors une grande
fertilité avait régné sur le Yémen, qui ne
formait plus, aux dires des historiens arabes, qu'une immense forêt
sous laquelle on pouvait voyager pendant des semaines sans voir le soleil.
La construction et la ruine de cette digue tiennent donc une grande place
dans l'histoire du Yémen. La rupture du barrage fut annoncée
en songe, disent les légendes arabes, à Amrân, frère
d'un chef nommé Amroû Mozaikia et à sa femme Dharifa
al-Khair, qui s'étaient momentanément soustraits à
la domination des rois à Mareb. Amroù quitta la contrée
avec un grand nombre de familles yéménites et émigra
vers le nord. La catastrophe arriva après son départ et la
contrée se trouva transformée en un vaste désert.
Cet événement frappa vivement l'imagination des Arabes et
l'expression « fuir comme les Himyarites » devint proverbiale
dans la langue arabe. Le Coran
ne manque pas de s'emparer de cette légende pour faire de la catastrophe
un exemple de la colère divine déchaînée. D'après
les calculs de Silvestre de Sacy, la rupture de
la digue eut lieu au commencement du IIe
siècle ap. J.-C. C'est d'elle que date l'ère des Himyarites.
Le voyageur Arnaud en a visité les ruines,
en a dressé le plan et a publié sa relation de voyage
en 1845 (Journal asiatique). Franz Praetorius a étudié
en 1899 la grande inscription qui mentionne la catastrophe.
Epoque préislamique.
A partir du règne d'Akrân,
de nombreux synchronismes entre les monarques perses
et les princes de la péninsule permettent d'établir une chronologie
approximative. Le successeur d'Akràn, Dhoô-Habshân,
monta sur le trône vers l'an 140 ap. J.-C. et régna 53 ans.
Ses successeurs furent : Tobba, autre fils d'Akràn Koulaikarb, fils
de Tobba, Tobba Asad AboûKarib, contemporain du roi de Perse Ardashir
Bâbek, Hasan fils d'Asad, tué par son frère Amroû
qui lui succéda ; il était surnommé Dhoûl-Awad
et était contemporain de Sapor 1er,
fils d'Ardashîr Bâbek. Après lui nous trouvons quatre
rois anonymes qui règnent dans l'espace d'un an et qui sont remplacés
par leur soeur Al-Dhaa, vers l'an 272; Hormuz Ier, fils de Sapor Ier,
régnait alors en Perse. Abd-Kilal, fils d'Amroû Dhoûl-Awad
succéda à Al-Dhaa. Vers l'an 297, Tobba, fils de Hasan, monta
sur le trône. Après lui nous trouvons Hârith, fils d'Amroû,
suivant Aboulfeda, Mourthid, Wakia, fils de Mourthid, et, en 370, Abraha,
fils de Sabbah, appelé aussi Ibrahîm, contemporain de Sapor
II Dhoûl-Aktâf. En 399, Sahban, fils de Mouhrith, monta sur
le trône en même temps que Yezddegird
ler; il régna jusqu'en 440 et
fut remplacé par Sabbah, fils d'Abraha, contemporain de Yezddegird
II. Ses successeurs furent Hasan, fils d'Amroû (455), Dhoû-Shanâtir
(478) et Dhoû-Nouwâs (480), contemporain de Firoûz, fils
de Yezddegird et de Kosaî, fils de Kilâb. Ce roi, converti
au judaïsme
que Tobba, fils de Hasan, avait introduit au Yémen, persécuta
les chrétiens du Nedjrân
et fut cause de l'invasion éthiopienne. Les Ethiopiens
occupèrent le pays pacifiquement vers 529; leur premier roi fut
Dhoû-Djeden auquel succédèrent Arnat ou Arîat,
contemporain de Kobad et Abraha. Ce dernier avait construit à Sanaa
un temple chrétien appelé Kalis dans lequel les Arabes voyaient
un signe de domination étrangère. Un Arabe de La
Mecque ayant été déposer des ordures dans ce temple,
Abraha jura de venger le sacrilège et marcha contre La Mecque en
571, l'année même de la naissance de Mohammed
(Mahomet). Il fut vaincu à la bataille de l'Eléphant, qui
marqua le commencement d'une ère dite ère de l'éléphant.
Les deux derniers rois éthiopiens furent Yaksoûm et Masroûk.
En 601, quelques aventuriers persans conquirent le Yémen et mirent
fin à la domination éthiopienne. Khosroès
(Kesra), roi de Perse, envoya au Yémen un vice-roi appelé
Bâdhân. Lorsque Mohammed envoya au roi de Perse
un message pour le convier à embrasser l'islam ,
Khosroès écrivit à Bâdhân de s'emparer
du prophète et de le mettre à mort. Mohammed ayant fait connaître
au vice-roi un songe qu'il avait eu, et d'après lequel Khosroès
aurait été tué par son fils, et cette nouvelle s'étant
trouvée confirmée, Bâdhân se convertit à
l'islam avec tous les Persans.
Epoque musulmane.
En l'an X de l'hégire, Mohammed(Mahomet)
envoya deux émissaires pour convertir le Yémen : Maadh, fils
de Djabal, et Aboû-Moûsa al-Acharî. Ali fut envoyé
avec une armée vers les Madhidj, les Hamadân et les Nakha
qui se soumirent. A la mort du gouverneur Bâdhân, Mohammed
divisa le Yémen en sept gouvernements qu'il distribua à ses
officiers. Le calife Aboû-Bekr renouvela
le traité qui garantissait aux chrétiens
du Nadjrân leur liberté civile et religieuse, moyennant redevance,
et donna le gouvernement à Firoûz, gouverneur de Sanaa. Un
des premiers actes du calife Omar fut d'exiler en
Syrie les chrétiens du Nedjrân.
A partir de ce moment,
et pendant trois siècles, les califes
Omeyyades et Abbâsides se firent représenter
au Yémen par des gouverneurs qui maintinrent la province dans une
tranquillité et une dépendance relatives. Lorsque l'empire
arabe commença à se démembrer et que les Tâhirides
se rendirent indépendants au Khoraçan ,
les Asharites et les Akkites se révoltèrent au Yémen;
le vizir Al-Fadl ibn Sahl proposa à Al-Mâmoûn
d'envoyer dans cette contrée Mouhammad ibn Zyâd qui fonda
Zabid, y établit son gouvernement et se déclara indépendant.
Les Zyâdites régnèrent pendant deux siècles,
de 204 à 409 de l'hégire (819-1018 J.-C.), ils eurent à
lutter contre de petites dynasties qui s'étaient fondées
de tous côtés, telles que les Yafourites à Sana et
Djanad et les Karmathes à Zabid. Les
princes Zyâdites furent : Mouhammad ibn Abd Allah ibn ziyâd
(204- 819), Ibrahîm ibn Mouhammad (245), Ziyâd ibn Ibrahim
(289), Aboûl Djish Ishâk ibn Ibrahim (291), Abd Allah ibn Ishâk
(371= 981). A partir de cette date, l'autorité fut entre les mains
des vizirs Roushd (371), Housâin ibn Salama (373) et Mardjân
(402). Un esclave abyssin, appelé Nadjah, au service de ce dernier
vizir, se révolta, s'empara de Zabid et y fonda la dynastie des
Nadjâhides, de 412 à 553 (1021-1158 J.-C.). A la mort de Nadjah,
Zabîd tomba au pouvoir des Soulaihides de Sana qui la gardèrent
de 454 à 473, époque à laquelle Saïd Ahwal ibn
Nadjah la reprit. Les autres princes nadjâhides furent Djayyâsh
ibn Nadjah (482), Fâtik Ier, ibn
Djayyâsh (498), Mansoûr ibn Fâtik (503), Fâtik
Il ibn Mansoûr (517), Fâtik III ibn Mouhammad ibn Mansoûr
(531-554). Leur pouvoir tomba sous les coups des vizirs, qui jouaient le
rôle de « maires du palais ». Ils furent remplacés
par les Mahdites (554 = 1159).
Pendant ce temps,
une dynastie chiite s'était établie
à Sana ,
celle des Soulaihides, ou Banoû Soulaih fondée par le Dâi
(missionnaire) Ali ibn Mouhammad qui résidait primitivement à
Masâr et qui s'empara successivement de Zabid, de Sana et de La
Mecque. Il perdit Zabîd en 473, mais exerça sa souveraineté
sur tout le Yémen. En 480, son fils Moukarram transféra le
siège de son gouvernement de Sana à Dhoû-Djibla. Mansoûr
Aboû-Himyar Sabâ succéda à Moûkarram en
484, et régna jusqu'en 492 (1098). Les Soulaihides furent alors
remplacés par les Hamdanites, descendants des tribus de Hâshid
et de Bâkil, qui régnèrent de 492 à 569 (1098-1173).
Ils eurent 8 princes : Hâtim ibn Gashim (492). Abd Allah ibn Hâtim
(502), Maan ibn Hâtim (504), Hishâm ibn Koubbaît (510),
Hamâs, Hâtim ibn Hamâs, Hâtina ibn Ahmad (545),
et Ali Wahid ibn Hâtim (556).
Les Mahdites s'étaient
emparés de Zabid. Ali ibn Mahdi était un dévot qui
se faisait passer pour prophète et qui avait fini par réunir
assez de partisans pour vaincre les Nadjâhides (554). Ses successeurs,
Mahdi ibn Ali (554) et Abd al-Nabî ibn Ali (558), occupèrent
le pays jusqu'à la conquête ayyoûbite. Une dynastie
indépendante s'était établie à Aden, celle
des Zouraîtes, fondée par les princes Aboû Souoûd
et Aboû Garât. Ils eurent une dizaine de princes qui gouvernèrent
Aden depuis 533 jusqu'à 569 (1173), c.-à-d. jusqu'à
la conquête ayyoûbite.
En 569 (1173), les
princes de Sanaa ,
de Zabîd et d'Aden furent subjugués par le conquérant
kurde Tourân Châh, fils d'Ayyoûb, et pendant un demi-siècle,
le Yémen entier fut au pouvoir de cette illustre famille qui gouvernait
l'Egypte ,
la Syrie et la Mésopotamie. A Mouazzam Tourân-Shah succéda
Saïf al-Islâm Toughtigin (577), puis Mouizz ad-Din Ismâll
(593), Nâsir Ayyoûb (598), Mouzaffar Soulaimân (611)
Masoûd Yousouf (612). En 626 (1229), les Ayyoûbites ( Les
dynasties musulmanes au Moyen-âge) furent remplacés à
Sana par les Rasoûlides, descendants d'un envoyé (rasoûl)
du calife Abbâside, dont le fils Ali
ibn Rasoûl fut gouverneur de La Mecque
pour les Ayyoûbites. Ils eurent treize princes qui régnèrent
sur tout le Yémen; du Hadramaut à La Mecque, depuis 626 jusqu'en
846 ; quelques princes rivaux régnèrent alors jusqu'en 855
et firent place aux Tâhirites qui occupèrent le Yémen
jusqu'à l'avant-dernier sultan mameloûk d'Egypte ,
Kansoûh al-Goûri. Les princes tâhirites furent : Zafir
Salah ad-Din Amir ler (Zabid) et Moudjahid
Shams ad-Dîn Ali (Aden) (850 = 1446), Mansoûr Tâdj ad-Dîn
Abd al Ouahhâb (883), Zafir Salah ad-Din Amir II (894-923).
En 923 (1517), les
Turcs
ottomans, qui s'étaient emparés de l'Egypte ,
entreprirent la conquête du Yémen. Sultan Sélim
Ier, conquit La
Mecque et le Sud de l'Arabie. Mais la domination turque ne dura qu'un
siècle; en 1633, les Ottomans durent abandonner le Yémen
en faveur des imams nationaux. Une dynastie d'imâms
zaîdites chiites, ayant un pouvoir religieux
plutôt que temporel, avait été fondée à
Sada par Hâdi Yahya en 246 (860). Jusqu'en 680 (1284), nous trouvons
17 imâms. Leur autorité se trouva plus tard aux mains des
imâms de Sanaa ,
dont la dynastie commença en 1000 (1591 J.-C.). Ils gouvernèrent
le Yémen après l'expulsion des gouverneurs turcs en 1043
(1633). Voici la liste des imâms de Sana jusqu'en 1190 (1776) :
Kâsim
Mansoûr (1000); Mouavyad Mouhammad (1029) ; Moutawakkil Ismâil
(1054); Madjid Mouhammad (1087); Mahdi Ahmad (1093); Hâdi Mouhammad
(1093); Mahdi Mouhammad (1095); Nàsir Mouhammad (1126); Moutawakkil
Kàsim (1128); Mansoûr Housain (1139) : Hàdi Madjid
Mouhammad (1139) ; Mansoûr (restauré) (1140); Mahdi Abbâs
(1160); Mansoür (1190). (GE).
L'installation des Britanniques
à Aden, puis leur annexion d'une partir du pays en 1839 ont occasionné
le retour des Turcs au début
du XIXe siècle, qui retrouvent leur
souveraineté dans la partie Nord du pays, notamment à Sanaa.
Après la Première Guerre mondiale
et le démantèlement de l'empire ottoman, le Nord du Yémen
est revendiqué par l'Arabie Saoudite, nouvellement formée.
Mais les accords de Taëf en 1934, au terme desquels l'Arabie peut
conserver une portion du territoire yéménite, permettront
toutefois que soit reconnue par son puissant voisin l'existence d'un nouvel
Etat indépendant, le Yémen ou Yémen du Nord. La partie
Sud du pays, reste quant à elle un protectorat de Royaume Uni jusqu'en
1967. A cette date, l'indépendance est accordée; il s'y met
ensuite en place un régime qui rejoindra en 1970 le camp de l'Union
soviétique .
Au moment de la désagrégation de celle-ci, et avant même
sa fin complète, les deux Yémen s'entendent pour engager
un processus de réunification, qui aboutit en 1990. Un mouvement
séparatiste est apparu dans le pays en 1994, mais il a été
vite réprimé. En 2000, un accord sur le tracé définitif
de la frontière entre les deux pays est enfin intervenu entre le
Yémen et l'Arabie saoudite.
La guerre du Yémen.
Des combats dans
le nord-ouest entre le gouvernement et les Houthis, une minorité
musulmane chiite Zeïdite, se sont poursuivis par intermittence de
2004 à 2010, puis de nouveau de 2014 à aujourd'hui. Le mouvement
sécessionniste du sud a été revitalisé en 2007.
Des rassemblements
publics à Sanaa contre le président de l'époque, Ali
Abdallah Saleh, inspirés par des manifestations similaires des Printemps
arabes en Tunisie et en Égypte, ont lentement pris de l'ampleur
à partir de fin janvier 2011. Ils étaient alimentés
par des plaintes concernant le taux de chômage élevé,
les mauvaises conditions économiques et la corruption. Le mois suivant,
certaines manifestations ont entraîné des violences et les
manifestations se sont propagées à d'autres grandes villes.
En mars, l'opposition
a durci ses exigences et s'est associée aux appels à l'éviction
immédiate de Saleh. En avril 2011, le Conseil de coopération
du Golfe (CCG), dans une tentative de médiation de la crise au Yémen,
a proposé une Initiative pour un accord dans lequel le président
démissionnerait en échange de l'immunité de poursuites.
Le refus de Saleh de signer un tel accord a conduit à de nouvelles
violences. Le Conseil de sécurité de l'ONU a adopté
une résolution en octobre 2011 appelant à mettre fin à
la violence et à conclure un accord de transfert de pouvoir.
En novembre 2011,
Saleh a fini par signer l'Initiative du CCG pour se retirer et transférer
certains de ses pouvoirs au vice-président Abd Rabuh Mansur Hadi.
Suite à la victoire électorale incontestée de Hadi
en février 2012, Saleh a officiellement transféré
tous les pouvoirs présidentiels. En accord avec l'Initiative du
CCG, le Yémen a lancé une conférence de dialogue national
(CDN) en mars 2013 afin de discuter des principales questions constitutionnelles,
politiques et sociales. Hadi a conclu la CDN en janvier 2014 et prévoyait
de commencer à mettre en oeuvre les étapes suivantes du processus
de transition, parmi lesquelles figuraient la rédaction d'une constitution,
un référendum constitutionnel et des élections nationales.
Les Houthis, estimant
que leurs griefs n'étaient pas pris en compte dans la CFN, se sont
unis avec Saleh et ont étendu leur influence dans le nord-ouest
du Yémen, ce qui a abouti à une offensive majeure contre
des unités militaires et des tribus rivales et a permis à
leurs forces d'envahir la capitale, Sanaa, en septembre. 2014. En janvier
2015, les Houthis ont encerclé le palais présidentiel, la
résidence de Hadi et les principales installations gouvernementales,
incitant Hadi et le cabinet à présenter leurs démissions.
Hadi s'est enfui à Aden en février 2015 et a annulé
sa démission. Il s'est ensuite enfui à Oman, puis a déménagé
en Arabie saoudite et a demandé au Consel de Coopération
du Golfe d'intervenir militairement au Yémen. En mars, l'Arabie
saoudite a réuni une coalition de militaires arabes et a lancé
des frappes aériennes contre les Houthis et les forces affiliées
aux Houthis.
Les combats au sol
entre les forces alignées sur les Houthis et les groupes anti-houthis
soutenus par la coalition dirigée par l'Arabie saoudite se sont
poursuivis jusqu'en 2016. En 2016, l'ONU a négocié une cessation
des hostilités de plusieurs mois qui a réduit les frappes
aériennes et les combats, et a lancé des pourparlers de paix
au Koweït. Cependant, les pourparlers se sont terminés sans
accord. Le parti politique Houthis et Saleh a annoncé un Conseil
politique suprême en août 2016 et un gouvernement de salut
national, comprenant un premier ministre et un cabinet de plusieurs dizaines
de membres, en novembre 2016, pour gouverner à Sanaa et contester
davantage la légitimité du gouvernement de Hadi.
Cependant, au milieu
des tensions croissantes entre les Houthis et Saleh, des affrontements
sporadiques ont éclaté à la mi-2017 et se sont transformés
en combats ouverts qui se sont terminés lorsque les forces houthies
ont tué Saleh début décembre 2017. En décembre
2018, les gouvernements houthis et yéménite ont participé
aux premiers pourparlers de paix négociés par l'ONU depuis
2016, acceptant un cessez-le-feu limité dans le gouvernorat d'Al
Hudaydah et la création d'une mission de l'ONU pour surveiller l'accord.
En avril 2019, le
parlement du Yémen s'est réuni à Say'un pour la première
fois depuis le début du conflit en 2014. En août 2019, des
violences ont éclaté entre le gouvernement de Hadi et le
Conseil de transition du Sud (CTS) pro-sécessionniste dans le sud
du Yémen. En novembre 2019, le gouvernement de Hadi et le CTS ont
signé un accord de partage du pouvoir pour mettre fin aux combats
entre eux, et en décembre 2020, les signataires ont formé
un nouveau cabinet.
En 2020 et 2021,
les combats se sont poursuivis sur le terrain au Yémen alors que
les Houthis gagnaient du territoire et ont également mené
des attaques régulières de drones et de missiles contre des
cibles en Arabie saoudite. |
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