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Les sunnites
forment la branche majoritaire de l'Islam (qualifiée
de façon abusive d'orthodoxe). La doctrine
sunnite pour l'essentiel celle dont il a été question à
la page consacrée à l'Islam. Elle est fort simple : un monothéisme
épuré, un livre révélé, « le Coran
», embrassant, comme la Bible
chez les Hébreux, toute l'organisation sociale et la vie spirituelle,
tels sont les fondements de l'Islam. Il n'y a de Dieu
que Dieu, et Mahomet (Mohammed) est son
prophète : voilà tout ce qu'il y a d'essentiel, d'obligatoire
pour le musulman, puisque l'assentiment de l'esprit à ces deux grands
principes suffit pour assurer à l'âme la possession du ciel.
En dehors de cette profession de foi, les pratiques du culte sont constituées
par quatre autres choses également fondamentales : les prières
quotidiennes, au nombre de cinq; le paiement de la zéhate (aumône
de purification des capitaux et de la fortune publique dans ses autres
branches); le jeûne du Ramadan;
le pèlerinage de La Mecque.
Personne, dans l'Islam,
n'ayant reçu le pouvoir de lier ou de délier sur la terre,
il n'y a chez les Sunnites ni sacrement, ni cérémonies
autres que la prière et les pèlerinages, pas de culte organisé.
Le croyant est son propre prêtre. Il peut, sans mosquée,
sans ministre de Dieu, communiquer directement avec le Créateur.
L'existence d'un pouvoir spirituel, dans l'Islam, est donc une innovation
contraire au dogme. Cependant, la nature de la société humaine
a fait que l'oeuvre du dernier des envoyés n'a pu garder intacte
sa formule dominante : l'égalité entre tous musulmans; car
l'Islam a vu se créer, sous forme de castes, non seulement une sorte
de clergé représenté par les oulémas,
mais aussi des ordres religieux, dirigés par les cheikhs
( = maîtres).
Au point de vue religieux,
l'Islam sunnite se développa suivant trois
grandes phases : il partit sa législation,
raisonna son dogme, et adopta une mystique.
Sur le premier point, les sources sur lesquelles s'appuie le droit
musulman sont le Coran, la Tradition, l'Idjma
(consentement universel des docteurs musulmans) et le raisonnement par
analogie (Qiyâs). L'ensemble des traditions prophétiques
constitue la Sunna. L'importance donnée à la
Sunna, acceptée comme complément du Coran et
comme le seul commentaire qu'on en doive donner, distingue les Sunnites
des Chiites, l'autre branche importante de l'Islam.
Les Chiites, au contraire des Sunnites, considèrent la Sunna
comme peu importante et croient que l'on peut commenter le texte du livre
sacré avec les moyens que l'humain peut puiser dans son intelligence.
Ce qui distingue encore les Sunnites des Chiites
est que les Sunnites reconnaissent comme légitimes les trois premiers
califes -Abou
Bekr, Omar et Osman, tandis que les Chiites les regardent comme des
usurpateurs et ne font commencer le califat qu'avec Ali,
fils d'Abou-Taleb, gendre du
Prophète
dont il avait épousé la fille Fatima.
Les dogmes religieux
de l'Islam sunnite n'ont subi aucune transformation depuis cette époque,
si ce n'est dans quelques principes de détail. De fait, personne
n'aurait osé y toucher sans s'exposer à se voir taxer d'hérésie;
mais il n'en fut pas de même des points de législation : quatre
écoles orthodoxes absorbèrent toutes les autres. Elles formèrent
les quatre rites : malékite, schafeïte,
hanéfite
et hanbalite. Les imams qui les fondèrent
sont reconnus comme les docteurs et les pères de la législation
musulmane.
Le rite malékite.
- Ce rite, doit son nom à Imam Malik. Il
est surtout implanté en Afrique
occidentale et septentrionale (notamment en Algérie),
ainsi qu'au Soudan et dans le golfe Arabo-persique.
Il rassemble environ le quart des musulmans. Sidi-Khelil, au XIVe
siècle de notre ère, a codifié la doctrine du rite
malékite dans son Mokhtaçar (précis), ouvrage
qui a donné lieu, à cause de la concision du texte et des
nombreuses abréviations que l'auteur y a fait figurer, à
des développements et à des commentaires nombreux.
Le rite schaféïte. -
Le rite schaféïte remonte à l'Imam Chafaï.
Il rassemble 15 % des musulmans, est pratiqué partout, mais prévaut
surtout en Somalie, en Egypte
et en Asie du Sud-Est (Indonésie,
Thaïlande,
Singapour, Philippines).
Le rite hanéfite. - Fondée
par l'Imam Abou Hanifeh, la tradition hanéfite
est la plus ouvertes aux idées modernes. On la rencontre principalement
en Turquie, en Irak (Kurdistan), au Nord
de l'Egypte, dans les Balkans,
en Inde
et au Pakistan.
La jurisprudence hanafite a été l'objet
de commentaires de la part des disciples de l'imam Abou Hanifeh. Quelques-uns
ont, sur plusieurs points, des opinions différentes, parfois préférées
à celles de leur maître. C'est le cas, par exemple, du savant
Tamourtachi, mort en 1596, qui écrivit le Tenouïr-el-Abçar,
au dernier quart de notre XVIe siècle.
Au commencement du XVIIe siècle,
Mohammed El Askafi, mort en 1677, a donné des explications
et des commentaires très étendus sur le texte du Tenouïr.
Son ouvrage est appelé Ed-Dorr El-Mokhtar; il constitue la
vraie doctrine hanafite et est le seul, avec ses commentaires Redd-El-Mahtar,
par le cheikh Ibn-Abidine, et le Redd, qui soit consulté
par les juristes musulmans pour l'appréciation des cas douteux.
Le rite hanbalite. - Cette branche
de l'islam sunnite est la plus conservatrice des quatre. Elle remonte
à l'Imam Ahmad Ibn Hanbel (855). les
hanbalites en Syrie et en Arabie Saoudite. C'est de ce courant qu'est issue
cette forme d'islamisme radical qu'est le wahhabbisme
ou salafisme (le dernier terme étant préféré
par ses adeptes actuels, le premier désignant plutôt au sein
du salafisme un courant particulier réprésenté notamment
par le pouvoir saoudien en Arabie).
Nul ne saurait s'écarter
des principes contenus dans ces divers Codes, sans porter atteinte aux
traditions islamiques. En cas de désaccord dans l'interprétation
des textes ou de difficultés dans leur application, on provoque
l'avis des jurisconsultes, qui prononcent des décisions dans le
même esprit et, par suite, conformes aux principes de la Sunna et
du Coran. Ces décisions s'appellent fataoua (fatwa).
Il y en a qui forment de véritables recueils de jurisprudence, établis
par demandes et par réponses.
Tous ces rites s'accordent pour reconnaître
que la prophétie a été terminée dans ce monde
avec Mohammed dont le prédécesseur
immédiat fut Jésus, et qu'il est
le sceau des prophètes; les Chiites,
au contraire, avec leur théorie des imams
cachés et du mahdi fatimide, rejettent
cette assertion sans laquelle, affirment leurs adversaires, il n'y a pas
d'Islam. Cela explique la haine réciproque des Chiites et des Sunnites;
les docteurs turcs qui appartiennent à l'orthodoxie sunnite ont
décidé à plusieurs reprises, à l'époque
de l'Empire ottoman, que le meurtre d'un
Persan chiite était plus méritoire que celui de soixante-dix
chrétiens. Malgré cela,
les doctrines chiites ont de bonne heure contaminé le Sunnisme,
et plus d'un auteur, prétendu sunnite très "orthodoxe", montre
quelquefois des tendances qui sont nettement alides ( = chiites). Aujourd'hui,
ce sont les Sunnites qui dominent démographiquement dans tout l'Islam;
et c'est principalement en Iran que l'antique chiisme est resté
dans toute sa pureté. (E. Blochet). |
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