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Marie-Madeleine
de Vignerot, duchesse d'Aiguillon, fille de René de Vignerot,
seigneur de Pont-Courlay, et de Françoise du Plessis, soeur du cardinal,
morte le 1er avril 1675. Peu après
le traité d'Angoulême, Richelieu
fit nommer sa nièce dame d'atours de Marie
de Médicis et la maria à Antoine du Roure de Combalet,
qui mourut peu après. Mme de Combalet joua un rôle actif dans
les intrigues de la cour et fut très dévouée à
son frère. Cette affection, que les pamphlétaires contemporains
ont calomniée, attira à la jeune femme la haine de Marie
de Médicis.
Richelieu reconnaissant
essaya de marier sa nièce, d'abord au comte de Soissons, puis au
cardinal de Lorraine à qui il promit
en dot le duché de Bar. Cette négociation ayant échoué,
le cardinal fit créer sa nièce duchesse d'Aiguillon en 1638.
Lorsque son puissant protecteur eut disparu, Marie-Madeleine devint dévote;
ce fut la grande amie de saint Vincent de Paul, elle contribua aux bonnes
oeuvres de l'apôtre des Landes et employa une grande partie de sa
fortune au rachat des esclaves faits par les Algériens et à
la fondation du grand Hôtel-Dieu de Québec.
Elle prit part à la croisade contre les protestants et versa une
grosse somme pour la conversion des pasteurs huguenots. Elle légua
son duché à sa nièce, Thérèse de Vignerot,
avec substitution en faveur d'Armand-Louis d'Aiguillon. Fléchier
fit son oraison funèbre. |
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Emmanuel-Armand
de Vignerot du Plessis-Richelieu, duc d'Aiguillon), ministre des
affaires étrangères de Louis XV,
né le 31 juillet 1720, mort en 1782, fils du précédent.
Il porta d'abord du vivant de son père le titre de comte, puis de
duc d'Agénois. Il devint, en 1734, colonel du régiment de
Brie, et se maria en 1740 avec la fille du comte de Plélo. Brillant
cavalier, il plut à Mme de Châteauroux
au point d'exciter la jalousie de Louis XV qui lui fit ordonner d'aller
servir en Savoie sous les ordres du prince
de Conti, dans la guerre de la
succession d'Autriche. Il s'y comporta bravement et le 18 août
1744 se fit blesser à l'attaque du château Dauphin. Le prince
de Conti écrivit à Louis XV :
«
Cette journée est une des plus vives et des plus brillantes actions
qui se soient jamais passées. Les troupes y ont montré une
valeur au-dessus de l'humanité. La brigade de Poitou, MM. d'Agénois,
de Givry n'ont pas voulu être rafraîchis par d'autres. Le roi
de Sardaigne pleurait de rage, levant les bras au ciel, quand il a vu les
Français maîtres des retranchements et lui obligé de
se retirer. »
En 1746 il commande
une brigade sous es ordres de M. de Montal qui capitula dans Asti, le 10
mars. A la suite de la guerre le grand conseil de Gênes
décida, le 17 octobre 1748, que le duc d'Agénois et son père
le duc d'Aiguillon seraient inscrits au livre d'or de la noblesse avec
permission de joindre à leurs armes celles de la République.
Rentré à la cour et devenu duc d'Aiguillon par la mort de
son père, Emmanuel-Armand fut nommé gouverneur d'Alsace,
puis gouverneur de Bretagne. Sa politique tracassière et ses tendances
au pouvoir absolu excitèrent contre lui les états de la province
et le parlement de Rennes.
On l'accusa lors
du débarquement des Anglais à Saint-Cast de s'être
caché dans un moulin pendant que ses lieutenants repoussaient l'ennemi.
La Chalotais, procureur général
au Parlement, lança cette épigramme que le duc s'était
couvert non pas de gloire, mais de farine. Peut-être le duc d'Aiguillon
a-t-il prêté le flanc à ces méchants propos
en montant dans quelque moulin à vent en haut d'une colline pour
observer les mouvements de l'ennemi. Quoi qu'il en soit, sa réputation
de bravoure personnelle fut dès lors très contestée.
Désigné l'année suivante, en 1759, pour commander
l'expédition d'Ecosse, il fit manquer
par jalousie les opérations navales préliminaires en garant
trop longtemps dans le golfe du Morbihan les navires qui devaient, de concert
avec la flotte de Brest, tenir les Anglais
en échec pendant le passage. Il défendit très mal
la province dont il avait la garde contre les ennemis du dehors. Il se
crut néanmoins assez solide pour faire la guerre aux vieilles libertés
et supprimer les privilèges de la Bretagne.
Il était
parvenu d'abord à s'assurer la majorité dans les états
provinciaux qu'il avait tournés contre le parlement de Rennes. Mais
l'ordre du conseil du 12 octobre 1762, par lequel les droits des états
se trouvaient lésés, réunit les deux corps contre
le gouverneur. En juin et en novembre 1764, ils adressèrent au roi
des remontrances contre le duc d'Aiguillon, l'accusant de malversation
et d'infidélité. Les Bretons avaient pour eux Choiseul,
d'Aiguillon s'appuyait sur le parti dévot; il l'emporta auprès
du roi qui manda à Versailles le parlement de Rennes en corps, puis
fit arrêter La Chalotais (11 novembre 1765), comme coupable de complot
contre la monarchie.
La mort du Dauphin
n'enleva pas à d'Aiguillon la faveur royale; le 3 mars 4766, Louis
XV, en lit de justice, interdit au parlement de Paris de s'occuper de ce
qui s'était passé à Rennes. Cette lutte dura jusqu'en
1768 où l'opiniâtreté bretonne eut raison du gouverneur
qui demanda son rappel et revint à la cour. Il attribua à
Choiseul l'échec de ses projets, se mit à la tête du
parti contraire et mina la position du premier ministre tout en se défendant,
grâce aux procédés arbitraires du chancelier Maupeou,
contre les attaques du parlement de Paris qui avait repris la procédure.
La guerre entre le
conseil du roi et les parlements s'étend à Metz,
Bordeaux, Toulouse
et Besançon : d'Aiguillon semblait
fort compromis lorsque, le 24 décembre 1770, Louis XV, excité
par la Dubarry, renvoya Choiseul, et, quelques
mois après (juin 1771), appela d'Aiguillon au ministère des
affaires étrangères. C'est alors que se forme le triumvirat
Aiguillon-Maupeou et Terray. Tandis que le chancelier
prend à son compte la lutte contre les parlements et entreprend
de bouleverser et de réorganiser entièrement les corps judiciaires
de France, d'Aiguillon laisse les trois
puissances orientales se partager la Pologne.
Loin d'avoir pu songer à empêcher le démembrement,
le ministre des affaires étrangères et de la guerre fut accusé
d'avoir ignoré qu'il se préparât. La faute en serait
autant aux ambassadeurs de France à Vienne,
à Berlin et à Saint-Pétersbourg
qu'au ministre lui-même.
Vis-à-vis
de l'Espagne, d'Aiguillon, ennemi dans
les premiers temps du Pacte de famille,
renouvela cependant ce traité d'alliance. Il fut aussi contraint
de poursuivre officiellement à Rome les
négociations pour la suppression par le pape
de la compagnie de Jésus, dont il était
secrètement partisan. On lui a attribué la responsabilité
du coup d'Etat de 1772, par lequel Gustave III détruisit en Suède
le pouvoir de la diète. Les instructions de Vergennes ont été
rédigées dans les premiers mois de 1771, lorsque La Vrillière
était ministre des affaires étrangères; d'Aiguillon
n'y est pour rien.
En résumé,
son passage à la tête de la politique extérieure de
la France n'a eu ni les effets désastreux que lui reprochent ses
ennemis, ni les avantages que revendiquent ses partisans. Il ne tarda pas
à se brouiller avec Maupeou et fit tout son possible pour la renverser.
Après la mort de Louis XV, d'Aiguillon
espéra rester au gouvernement grâce à l'appui de Maurepas,
son oncle. Il empêcha le roi, par une intrigue ourdie de concert
avec Mme Adélaïde, de mettre Machault à la tête
des affaires. Mais il eut l'imprudence d'attaquer Marie-Antoinette qui
lui fit enlever ses portefeuilles des affaires étrangères
et de la guerre. Contraint de quitter, la cour, d'Aiguillon perdit toute
influence. Il employa ses dernières années à rassembler
des notes pour ses mémoires et mourut en 1782.
(Louis
Bougier). |
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Armand
de Vignerot du Plessis-Richelieu, duc d'Aiguillon, fils du précédent,
est né en 1750, et est mort le 4 mai 1800. Colonel de Royal-Pologne
cavalerie, il succéda à son père comme commandant
des chevau-légers de la garde du roi, se fit remarquer dans sa jeunesse
par un caractère exalté et romanesque qu'il tenait de son
aïeul, le comte de Plélo; élu en 1789 député
de la noblesse d'Agen (il avait parmi ses titres
celui de duc d'Agénois), il donna l'exemple de la fusion avec le
tiers état, le 25 juin. Fondateur du Club breton, membre dû
comité des recherches après le 14 juillet il eut le premier
l'idée des sacrifices de la nuit du 4 août. On l'accusa d'avoir,
avant la séance, réuni en un repas trop copieux les principaux
membres du côté gauche de l'assemblée. Il prit une
part active aux travaux de la Constituante et fut membre de plusieurs comités
importants. On prétendit l'avoir reconnu à Versailles, déguisé
en femme de la halle, dans la nuit du 5 au 6 octobre 1789; ce qui lui attira
d'étranges apostrophes de la part de la minorité. Secrétaire
de l'assemblée, 4 janvier 1790, il se prononce contre toutes les
mesures arbitraires parle contre la guerre lors des incidents de Nootka-Sand,
et lutte contre Mirabeau dans la question du
droit de paix et de guerre. Dans la séance du 7 décembre,
il défendit contre Cazalès la mémoire du duc d'Aiguillon
son père avec une hauteur d'éloquence qui fut très
applaudie, et dans la plupart des grandes questions constitutionnelles
vota avec le parti de Barnave.
A la suite du voyage
de Varennes et pendant la révision de la constitution, il se rapprocha
de la droite, ce qui lui aliéna ses amis sans lui ramener les sympathies
de la noblesse. Il reprit alors du service et fut désigné
au commencement de 1792 pour commander en chef à la place de Custine
l'armée des gorges de Porrentruy. On intercepta après le
10 août une lettre adressée par lui à Barnave et dans
laquelle il traitait la Législative d'assemblée usurpatrice.
Il dut émigrer et se réfugia à Londres.
Ruiné par les révoltes des colonies où il possédait
la plus grande partie de sa fortune, il vécut à l'écart
des coteries royalistes.
Il était rayé
en 1800 de la liste des émigrés et se préparait à
rentrer en France quand il mourut à Hambourg.
Le duc d'Aiguillon peut être pris comme l'un des plus complets modèles
du grand seigneur philosophe au XVIIIe
siècle. Plus âpre que brillant, il n'occupe qu'un rang secondaire
parmi les orateurs de la Révolution..
(GE). |