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Le Thé
Les Théiers
Le ThĂ© (botanique), Thea, Lin., du nom populaire thèh dans le Fou-kian (Chine) est la boisson obtenue Ă  partir de des feuilles du ThĂ©ier, un genre de plante de  la famille des ThĂ©acĂ©es (dans la classe des DicotylĂ©dones), composĂ© d'arbrisseaux de 2,3 m de hauteur, pourvus de feuilles coriaces persistantes. Les fleurs, solitaires ou groupĂ©es par 2-3, sont situĂ©es Ă  l'aisselle des feuilles. Le calice est formĂ© de sĂ©pales imbriquĂ©s au nombre de 5-6 ou davantage. La corolle comprend 5-6 pĂ©tales concrescents entre eux par leur base et parfois unis aussi aux Ă©tamines externes. Les Ă©tamines, en nombre indĂ©fini, possèdent des anthères extrorses; les Ă©tamines situĂ©es au centre de la fleur sont libres, tandis que celles qui occupent la pĂ©riphĂ©rie sont concrescentes par leur filet en un tube. L'ovaire renferme 3-5 loges, 4-6 ovulĂ©es on plus rarement 2 ovulĂ©es. Le fruit est une capsule ligneuse. Les graines, ovales ou sphĂ©riques, ne contiennent pas d'albumen; l'embryon possède d'Ă©pais cotylĂ©dons

Le genre Thé comprend une dizaine d'espèces dont la plus importante est le Thé de Chine (Camellia sinensis, Thea sinensis L., Camellia Thea Link.) qui vit à l'état sauvage dans l'Assam et la province de Cachar. Le Thé de Chine offre deux variétés : le Thé vert (Theaviridis L.) et le Thé de Bohée (T. Bohea L.), qui sont cultivées avec lui en Inde, en Chine, au Japon, en Amérique du Sud, etc. Sous le climat de Paris, les Thés exigent la serre pendant l'hiver

Les graines contiennent une huile d'une saveur amère qui excite la salivation et provoque des nausĂ©es. On assure que les Chinois s'en servaient pour la cuisine et l'Ă©clairage. Le bois de l'arbuste est dur, fibreux, d'un vert pâle; il est sans usage. 

Suivant de nombreux auteurs, cet arbre est originaire de l'Assam, dans le Nord de l'Inde; il a Ă©tĂ© trouvĂ© Ă  l'Ă©tat sauvage, au dĂ©but du XIXe s., dans la vallĂ©e de Cachar, Ă  l'Est de Silhet. Suivant d'autres auteurs, il est originaire de Chine oĂą sa culture est pratiquĂ©e depuis la plus haute antiquitĂ© ; de lĂ  il aurait Ă©tĂ© introduit de bonne heure au Japon, puis en Assam, Ă  Java, au BrĂ©sil (1812), en Inde et au NĂ©pal, au Sri Lanka (1840), Ă  l'Ă®le de la RĂ©union et Ă  l'Ă®le Maurice (1858), aux Açores, Ă  Madère avant le commencement du XIXe siècle, etc.  Quoi qu'il en soit, ses produits n'ont Ă©tĂ© connus en Europe que vers 1602 ; la Compagnie des Indes hollandaises les importa pour la première fois Ă  Londres en 1652. L'usage du thĂ© s'est ensuite rapidement rĂ©pandu dans le monde entier.

Culture du thĂ©. 
ConfinĂ©e dans l'extrĂŞme Asie, la culture du thĂ© a longtemps Ă©tĂ© un mystère pour les EuropĂ©ens; c'est au commencement du XVIIIe siècle que ce mystère fut Ă©clairci par la publication de l'ouvrage du voyageur hollandais Kaempfer (Amaenitates exoticae, 1712) qui avait rĂ©sidĂ© au Japon. Plus tard les Lettres curieuses et Ă©difiantes des jĂ©suites, la Description gĂ©nĂ©rale, etc., du P. Du HaldĂ©, 1735; le Rapport Ă  la Compagnie des Indes, de Bruce, 1839; la Description gĂ©nĂ©rale, etc., de Davis, 1811, firent connaĂ®tre les procĂ©dĂ©s très perfectionnĂ©s suivis par les Chinois des diverses parties de la Chine. 

L'arbuste Ă  thĂ© croĂ®t spontanĂ©ment dans plusieurs contrĂ©es de la Chine et du Japon. Dans ce dernier pays on ne le plante que sur les lisières des champs de riz ou de blĂ©. L'ensemencement se fait très simplement : de distance en distance on creuse des trous; dans chacun d'eux on dĂ©pose 6 Ă  12 graines (le contenu d'un fruit); il en lève 2 ou 3 environ. Le jeune plant est en gĂ©nĂ©ral abandonnĂ© Ă  lui-mĂŞme jusqu'Ă  la troisième annĂ©e, oĂą l'on peut commencer Ă  rĂ©colter les feuilles. Quelques cultivateurs seulement prennent soin de sarcler, dĂ©biner et de fumer la terre chaque annĂ©e. A 7 ans l'arbuste a environ 1,60 m; on le recèpe alors pour maintenir l'abondance et la qualitĂ© du produit en feuilles. 

On en fait aussi de vĂ©ritables plantations avec choix raisonnĂ© du sol et de l'exposition. Le ThĂ© paraĂ®t s'accommoder de sols assez variĂ©s et d'expositions diverses; mais la qualitĂ© de la feuille se ressent de ces conditions. En gĂ©nĂ©ral les plantations de thĂ© rĂ©ussissent dans des terres un peu lĂ©gères, sablonneuses, mais non pierreuses, humectĂ©es sans ĂŞtre humides; la grande sĂ©cheresse leur est aussi funeste que la grande humiditĂ©; un soleil ardent leur nuit aussi bien que le sĂ©jour habituel Ă  l'ombre. 
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Plantation de thé au Kenya.
Une plantation de Thé au Kenya. Source : The World Factbook.

Le climat. 
Le thé est cultivé dans des pays très divers au point de vue du climat. Il peut croître en réalité sous toutes les latitudes, à toute exposition et à toute altitude, des neiges aux tropiques; mais la richesse de ses feuilles en arôme et en goût est subordonnée à des conditions un peu spéciales. En Chine, au Japon et en Inde, les contrées les plus favorables ont, en été, une température moyenne qui ne dépasse pas 26° C, la température la plus basse dans ces régions oscillant entre 6° et 12°. En Chine comme au Japon, les plantations sont surtout florissantes entre 25° et 33°de latitude Nord. L'altitude semble avoir cependant une certaine influence sur la végétation et sur la qualité des produits; les arbustes ont une grande vigueur dans les plaines, mais ils n'y donnent que des feuilles grossières, de qualité très secondaire; ceux des coteaux, et, encore plus, des plateaux élevés, ont des feuilles plus petites, mais donnant des thés très aromatiques; les meilleures sortes chinoises sont récoltées sur les montagnes du Fo-King. Dans la région de Darjeeling, les meilleures plantations sont entre 800 et 1600 m, et on en trouve même jusqu'à 2300 m. En Indonésie et au Sri Lanka (latitude, 6° à 9°), les plantations sont situées entre 300 et 1900 m ; elles sont surtout fructueuses aux hautes altitudes. En résumé, l'arbre à thé peut supporter momentanément des températures extrêmes, sans trop en souffrir, les températures moyennes favorables étant celles comprises entre 14°C et 25°C. Les sécheresses prolongées au delà de deux mois lui sont très défavorables, et l'on peut admettre en principe qu'il lui faut, pour prospérer, au moins 1,75 m d'eau par année, la répartition des pluies ayant lieu sur presque tous les mois (Chine : 2 m à 2,50 m ; Darjeeling : 1,80 m à 3,30 m, etc.). L'emplacement choisi doit être ouvert à l'air et à la lumière et bien abrité contre les grands vents; il est souvent utile, à cet effet, de recourir à des rideaux d'arbres de protection, plantés en lignes, de distance en distance et en bordure des champs (Albizzia stipulata, Eucalyptus robusta, E. amygdalina, Casuarina equisetifolia, Grevillea robusta, etc.).

Le sol.
La terre affectĂ©e aux plantations de thĂ© est soigneusement prĂ©parĂ©e par des labours, parfaitement sarclĂ©e deux fois par an ; l'ensemencement a lieu au mois de fĂ©vrier, après les pluies; il se fait dans des petits trous espacĂ©s de 1,50 m Ă  2 mètres, et oĂą l'on dĂ©pose 6 Ă  10 graines et une poignĂ©e de fumier de ferme mĂŞlĂ© de cendres pulvĂ©risĂ©es. Parfois aussi on ensemence sur couche pour repiquer. On multiplie aussi par la segmentation et la transplantation des vieilles souches et par la mĂ©thode des boutures. Sur les terrains en pente, on dispose dans les plantations des rigoles d'irrigation; sur les plateaux, l'arrosage Ă  bras d'homme ou par les machines est une nĂ©cessitĂ©. Le sol doit ĂŞtre entretenu dans un bon Ă©tat de fumure. Une fois crĂ©Ă©, le plant dure, ordinairement de 30 Ă  40 ans. L'effeuillage rĂ©pĂ©tĂ© qui constitue la rĂ©colte empĂŞche l'arbuste de s'Ă©lever rapidement; mais en outre les cultivateurs retranchent souvent les branches supĂ©rieures. Après 30 ou 40 ans, on rabat l'arbuste au niveau du sol pour en obtenir des rejets jeunes et vigoureux. 

Au Japon on fait habituellement rois rĂ©coltes de feuilles. La première a lieu Ă  la fin de fĂ©vrier ou au commencement de mars; elle donne le ficki-tsja (thĂ© pilĂ© ou en poudre) que l'on pulvĂ©rise et que l'on fait tremper dans l'eau chaude. La seconde rĂ©colte a lieu un mois plus tard; on en fait le too-tsja (thĂ© chinois) que l'on prĂ©pare en infusion, comme cela se pratique en Chine. La troisième rĂ©colte se fait en juin; elle fournit le ban-tsja (thĂ© commun) destinĂ© Ă  la consommation populaire. Quelques cultivateurs, prĂ©fèrent ne pratiquer que la seconde et la troisième, rĂ©colte et s'abstenir, de celle de fĂ©vrier; il en est mĂŞme qui rĂ©coltent une fois seulement en juin. En Chine on fait gĂ©nĂ©ralement trois rĂ©coltes : la première au commencement d'avril, la seconde en mai et la troisième vers la fin de juin. Les feuilles tendres et dĂ©licates de la première rĂ©colte donnent les thĂ©s les plus estimĂ©s. Dans le Fou-kien et le Kiang-si la rĂ©colte commence le 5 avril au jour nommĂ© chin-ming, et le thĂ© recueilli dans cette journĂ©e est en très grande rĂ©putation. La cueillette doit en tout cas se faire, par un beau jour de soleil et dans la matinĂ©e, lorsque la rosĂ©e perle sur les feuilles. 

On distingue deux variĂ©tĂ©s :  le thĂ© vert Ă  feuilles lancĂ©olĂ©es, planes, trois fois aussi longues que larges; le thĂ©  bou Ă  feuilles, elliptiques et oblongues, un peu rugueuses, deux fois aussi longues que larges. On a cru longtemps que la première variĂ©tĂ© donnait les thĂ©s verts du commerce et la seconde les thĂ©s noirs; en fait la diffĂ©rence entre ces deux sortes de thĂ©s est uniquement due Ă  des procĂ©dĂ©s spĂ©ciaux de prĂ©paration. Quoi qu'il en soit, la rĂ©colte ne se fait pas de mĂŞme pour prĂ©parer l'une ou l'autre sorte. Pour les thĂ©s verts, le cueilleur plus soigneux tient d'une main l'arbuste et dĂ©tache les feuilles, une Ă  une en laissant tout le pĂ©tiole sur la plante. Il jette sa cueillette, dans une corbeille suspendue Ă  sa ceinture. Pour les thĂ©s noirs, on cueille avec les deux mains en employant le pouce et l'index et en enlevant une portion du pĂ©tiole avec la feuille; les feuilles, rĂ©unies d'abord dans la paume de la main, sont ensuite jetĂ©es dans un panier placĂ© auprès de l'arbuste. Les jeunes feuilles sont toujours les plus estimĂ©es et que les vieilles de l'annĂ©e donnent un thĂ© infĂ©rieur; quant Ă  celles des annĂ©es prĂ©cĂ©dentes, on ne les cueille mĂŞme pas. La cueillette marche avec une grande rapiditĂ©; on  ne voit que des mains voltigeant de droite Ă  gauche, se vidant et s'emplissant tour Ă  tour; on n'entend qu'un frĂ´lement continu qui rappelle le battement monotone d'une pendule. Un arbuste de bonne venue donne en moyenne 1,5 kilogramme Ă  2 kilogrammes de feuilles par an. Chaque cueilleur peut rĂ©colter 7 Ă  8 kilogrammes par jour. 

PrĂ©paration des thĂ©s du commerce. 
Un grande partie de la prĂ©paration des thĂ©s a Ă©tĂ© mĂ©canisĂ©e de longue date. On ici ne dĂ©crira que les modes de prĂ©parations traditionnels pratiquĂ©s en Chine. La base, des procĂ©dĂ©s de prĂ©paration est une torrĂ©faction  mĂ©thodique des feuilles. Cette torrĂ©faction a lieu sous des espèces de hangars abritant des fourneaux en maçonnerie  Ă©levĂ©s Ă  1 mètre au-dessus du sol, rĂ©unis plusieurs en une seule construction. Chaque fourneau est un trou rond sur lequel est fixĂ©e une bassine de fonte (diamètre 6,70 m; profondeur, 0,20 m), circulaire, très Ă©vasĂ©e, très inclinĂ©e sur le devant et Ă  bords relevĂ©s sur le derrière et les cĂ´tĂ©s. L'ouvrier se tient devant la bassine et règle l'opĂ©ration. La torrĂ©faction doit commencer le jour mĂŞme oĂą la feuille est cueillie; autrement celle-ci s'Ă©chauffe, noircit et perd son arĂ´me.

La prĂ©paration des thĂ©s verts. 
On se rappelle qu'elle a pour matière première les feuilles cueillies sans pĂ©tiole. AussitĂ´t qu'elles sont rĂ©coltĂ©es, on les rĂ©partit Ă  raison de 1,5 kilogramme dans les bassines chauffĂ©es au rouge; l'ouvrier les remue sans cesse tant avec ses mains qu'avec deux petites fourchettes de bambous longues de 0,32 m. Au bout de 3 minutes elles sont devenues flexibles, on les retire en les versant dans des mannes, ou corbeilles creuses. LĂ  un autre ouvrier les reçoit, les Ă©vente, les vanne et enfin les Ă©tale sur une table couverte de nattes oĂą des hommes, des femmes, des enfants mĂŞme, les frottent vivement entre leurs mains, les doigts serrĂ©s les uns contre les autres et les pouces Ă©tendus. 

Les feuilles se ramassent ainsi en paquets coniques qui sont placĂ©s sur des châssis et exposĂ©s 8 Ă  10 minutes au soleil. Puis on dĂ©roule les feuilles et on recommence trois fois l'opĂ©ration de l'enroulement en paquets coniques. Ensuite on torrĂ©fie de nouveau les feuilles dĂ©roulĂ©es jusqu'au moment oĂą elles vont brĂ»ler. Alors on les jette (Ă  raison de 8 ou 10 kg par sac) dans des sacs de toile Ă©paisse (longueur, 1,30 m; circonfĂ©rence, 0,65 m). On foule ces sacs fortement en tous sens avec les pieds et les bras. Le thĂ© se rĂ©duit peu Ă  peu et on resserre le sac sur la masse. Quand la rĂ©duction est arrivĂ©e au tiers, le sac est liĂ© fortement Ă  ce niveau, le reste de la toile est retournĂ© dessus et liĂ© lui-mĂŞme solidement. 

Le thĂ© est ainsi comme en un double sac. Alors un homme, suspendu par les deux mains Ă  une traverse de bambou, saute Ă  pieds joints sur ce sac bien fermĂ© et Ă©tendu Ă  terre. Il ne l'abandonne que lorsque, rĂ©duit et resserrĂ© peu Ă  peu, il est devenu dur comme un caillou. Le lendemain les feuilles sont encore retirĂ©es de ce sac, passĂ©es au feu jusqu'Ă  ĂŞtre entièrement recoquillĂ©es; puis on les emballe dans des caisses ou des paniers de bambou et on les garde 5 Ă  6 mois. Après ce dĂ©lai; n'extrait le thĂ© des caisses ou paniers, on l'Ă©tend dans de grandes corbeilles Ă  l'air pour ramollir la feuille. On torrĂ©fie encore une fois Ă  la bassine pendant une heure avec une agitation continuelle. 

On  passe ensuite au crible sur un triple tamis qui sĂ©pare trois qualitĂ©s : le gros, le moyen et le fin. On introduit ensuite chaque qualitĂ© de thĂ© dans une machine Ă  vanner toute spĂ©ciale, qui sĂ©pare les pellicules et poussières des feuilles les plus jeunes et des feuilles phis lourdes et moins dĂ©licates. Il en sort cinq qualitĂ©s distinctes inĂ©galement estimĂ©es. Après ce vannage, un laborieux triage Ă  la main enlève encore les dĂ©bris de toutes sortes que chaque qualitĂ© peut renfermer. Enfin toute cette sĂ©rie de triage se rĂ©pète trois fois, et dans la dernière torrĂ©faction, on ajoute aux thĂ©s une poudre colorante composĂ© d'acco ou sulfate de chaux 75% et 25% de younglin ou indigo pulvĂ©risĂ© et finement tamisĂ©. C'est ce qui donne aux thĂ©s verts leur coloration. On termine en emballant  le thĂ© tout chaud dans des caisses oĂą on le tasse Ă©nergiquement et oĂą oĂą l'enferme avec soin.

La prĂ©paration des thĂ©s noirs. 
La prĂ©paration des thĂ©s  noirs est assez diffĂ©rente. Les feuilles sont d'abord exposĂ©es 2 heures au soleil sur des claies de bambou. Puis les ouvriers les pĂ©trissent pour les enrouler en masses sphĂ©riques, les dĂ©roulent ensuite, les Ă©tendent de nouveau sur des claies. Cette double opĂ©ration se rĂ©pète 3 et 4 fois. Le thĂ© devient noir et souple comme de la peau. Alors on procède Ă  la torrĂ©faction en bassine. Un nouvel enroulement la suit et on alterne jusqu'Ă  3 ou 4 fois la torrĂ©faction et l'enroulement. Les feuilles sont ensuite sĂ©chĂ©es de nouveau, sur un tamis oĂą on les Ă©tend et que chauffe au-dessous un brasier de feu de bois sans odeur ni fumĂ©e. Le lendemain on procède Ă  un triage minutieux, puis on sèche de nouveau au tamis, on vanne, on Ă©tend et on recommence ainsi jusqu'Ă  3 fois. Tout est fini quand les feuilles bien crispĂ©es se brisent Ă  la moindre pression. Alors on emballe le thĂ© noir comme cela se fait pour le thĂ© vert. Certaines plantes aromatiques (fleurs de l'olivier odorant, camellia sasangua, oranger,  jasmin d'Arabie, anis Ă©toilĂ©, du magnolia, etc) sont souvent ajoutĂ©es pour parfumer les thĂ©s noirs. 

Les thés verts, moins torréfiés que les thés noirs, s'altèrent plus facilement avec le temps; une faut pourtant les employer qu'au bout d'un an, afin de leur laisser perdre leur odeur herbacée et leur goût styptique. Les thés noirs se perfectionnent en vieillissant, mais ne peuvent être mis en usage qu'après 15 ou 16 mois.

Les thés du commerce.
On distingue dans le commerce un grand nombre de sortes de thés. On ne mentionnera ici que les plus importantes.

ThĂ©s verts. 
Le plus généralement estimé est celui qu'on nomme hyson ou he-chun (heureuse fleur du printemps); il provient de la première récolte de l'année. Il est lourd, très sec, facile à briser; la feuille est longue, étroite, charnue, bien tournée en spirale; il s'altère facilement à l'air. On doit le faire infuser longtemps.

Le thĂ© poudre-Ă -canon ou chou-tcha (thĂ© perlĂ©) est du hyson soigneusement triĂ©; il est plus parfumĂ© et a plus de force; il est un peu plus vert que le hyson; il est formĂ© des jeunes feuilles les mieux enroulĂ©es en grains. 

L'impérial est un hyson trié en grains plus gros; il est d'un vert argenté. Comme les précédents il doit infuser longtemps; mais il a toujours moins de force, parce qu'il est composé de feuilles plus grandes. Le tonkay ou tun-ke (croissant au bord du ruisseau) provient de la dernière récolte d'été; il est formé de larges feuilles jaunâtres, mal roulées. C'est un thé commun et à bas prix. On le mélange souvent avec des thés verts plus précieux.

Thés noirs
Le thĂ© perlĂ© noir, fait avec les bourgeons ou feuilles très jeunes est le plus fin, le plus parfumĂ© et le plus cher. ImmĂ©diatement après lui vient le pekoe, pekoe Ă  pointes blanches ou pak-ho (duvet blanc); il vient des provinces septentrionales de la Chine et est très recherchĂ© en France et en Russie; en Angleterre on ne l'emploie que mĂŞlĂ© Ă  d'autres thĂ©s noirs. Il a la feuille allongĂ©e, d'un noir argentĂ©, avec un lĂ©ger duvet blanchĂ tre et soyeux. C'est une première rĂ©colte de l'annĂ©e; on y mĂŞle quelques fleurs d'olivier odorant. Comme on le torrĂ©fie assez lĂ©gèrement, il s'altère facilement, surtout Ă  l'humiditĂ©; son infusion a une saveur qui rappelle la noisette fraĂ®che. 

Le pekoe d'Assam (Inde) est très semblable au pekoe de Chine pour l'aspect; mais il donne une infusion beaucoup moins parfumĂ©e. L'orange pekoe est très menu, noir foncĂ© mĂŞlĂ© de jaune orangĂ©. Il a une odeur agrĂ©able, due Ă  des plantes aromatiques qu'on y ajoute. On le mĂŞle ordinairement avec le souchong, et il donne alors une boisson agrĂ©able, mais excitante; Ă  Londres on le vend, mĂŞlĂ© avec du congo, sous le nom de howka mixture. 

Le congo, congou ou koong-roo (travail assidu) est très estimé en Chine et très recherché en Angleterre; c'est le thé de famille des Russes. Il se cueille sur des arbustes de 6 ans immédiatement après la récolte déminée au pekoé; il est noir grisâtre; ses feuilles sont minces, courtes et petites. Son infusion est très parfumée, avec une légère amertume très agréable. C'est la variété la plus abondante, subdivisée elle-même en Blackleaf (feuilles noires), dont la variété Ningtchou a alimenté traditionnellement la Russie, et Redleaf (feuilles rouges), dont la meilleure variété est le Kaisow-Congou;

Le souchong ou seaou-chung (sorte petite et rare) est un thĂ© prĂ©parĂ© avec les petites feuilles de la deuxième rĂ©colte et qui fournit la variĂ©tĂ© aromatique du Padre Souchong ou thĂ© de caravane; Pouchong toujours parfumĂ©. C'est le plus fort des thĂ©s noirs; sa feuille est un peu plus large que celle du congo. 

On estime encore plus en Chine le pouchong dont l'arĂ´me est très fin, la force très faible; il faut en mettre plus que de toute autre sorte pour faire une bonne infusion. 

Le bohea, bouhia ou woo-e est le plus commun des thĂ©s noirs; les feuilles de thĂ© y sont mĂŞlĂ©es avec toutes sortes de feuilles. Il est faible et peu savoureux; il laisse un sĂ©diment noir dans l'infusion. On applique parfois ce nom Ă  la gĂ©nĂ©ralitĂ© des thĂ©s noirs. 

Les résidus (dust ou fannings) sont consommés dans le pays on mélangés dans une certaine proportion avec le congou;

Le thĂ© japonais est infĂ©rieur aux bons thĂ©s de Chine, ne se garde qu'un an en bonne qualitĂ© et a un arĂ´me particulier très accentuĂ©; on distingue celui qui a Ă©tĂ© sĂ©chĂ© Ă  la bassine (Panfired Japans), dans des corbeilles de bambou (Basket fired) ou au soleil (Sundried) ; les noms des cinq sortes chinoises sont aussi appliquĂ©s Ă  des thĂ©s japonais, mais ils sont rarement achetĂ©s au dehors. 

Les thĂ©s de l'Inde sont d'un arĂ´me moins fin que ceux de Chine, mais plus forts; les meilleurs viennent de l'Assam, de la rĂ©gion de Darjeeling; les variĂ©tĂ©s les plus apprĂ©ciĂ©es sont Flowery et Orange; le broken Pekoe est fait avec les feuilles cassĂ©es et de qualitĂ© infĂ©rieure. 

Les thés de Ceylan (Sri Lanka) et de Java valent ceux de l'Assam.

Il existe aussi, en dehors des thĂ©s noirs et verts, des sortes intermĂ©diaires jaune foncĂ© ou mĂ©langĂ©es de feuilles noires et jaunes, produits de fermentation incomplète ; les plus connues sont l'Oolong (dragon vert), venu par FoutchĂ©ou et TaĂŻwan, et le thĂ© jaune de caravane. 
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Des thés sans Thé

Le thé véritable est souvent remplacé par des feuilles sèches de diverses plantes. Parfois, le nom de thé est donné simplement par analogie avec le véritable thé, mais parfois aussi on a affaire à de véritables contrefaçons, qui ont pu avaoir, dans le passé une importance non négligeable.

Thé des Appalaches. - On donne ce nom à une infusion de feuilles du Houx émétique, en usage dans l'Amérique du Nord.

Thé Bourbon.-Infusion usitée aux îles Mascareignes et préparée avec les feuilles d'Angrec odorant (Angraecum fragrans). Elles sont aromatiques et livrées au commerce sous les noms de Faham ou Thé de l'île de la réunion (anc. Bourbon).

ThĂ© d'Europe. - Infusion de feuilles de VĂ©ronique ou  de Sauge.

Thé du Mexique. - Infusion théiforme en usage en Europe méridionale, au Mexique, aux Antilles et préparée avec les feuilles de l'Ansérine fausse-ambroisie (Chenopodium ambrosioides).

Thé du Paraguay. - Infusion que l'on prépare au Paraguay avec les feuilles d'une espèce de Houx qui y croit, c'est le Maté.

Thé du Pérou. - Infusion célèbre comme condiment nutritif et réconfortant, que l'on prépare au Pérou avec les feuilles du Coca. Ces feuilles sont employées aussi comme masticatoire.

Thé du Harrar. Infusion préparée en Arabie et en Ethiopie avec du Celastrus edulis ou qat.

ThĂ© du  Canada ou ThĂ© de montagnes, prĂ©parĂ© avec de la Gaultheria procumbens.

Autres plantes utilisĂ©es : Salix Japonica ou Kava-ya-nagi (Japon), Teucrium thea ou Cayche-baong (Cochinchine), Rhododendron chrysanthum (thĂ© des Tatars), Smilax glycyphylla (thĂ© d'Australie), Leptospermum thea (thĂ© des Ă®les de la PolynĂ©sie et du Pacifique), Calycanthus praecox ou Chimonanthus fragrans (Chine, Japon),  Lycium barbareum ou Kuke (Japon et Chine); Gynostemma cissoĂŻdes (Japon; thĂ© d'Amacha); Desmodium oldhami ou FujĂ© (Japon); Gaultheria fragrans (NĂ©pal), etc.

Autrefois, il n'était pas rare, même en Chine, que certaines livraisons, surtout de thé avariés et de thé communs, soient falsifiées par addition de feuilles appartenant à quelques-unes de ces plantes, ou encore à l'Ardisia crispa, arbrisseau de la famille des Myrsinées; la reconnaissance des fraudes était d'ailleurs facile. On falsifiait encore les thés avariés avec l'iris de Florence, la badiane ou anis étoilé, etc.; enfin, les thés verts avariés étaient souvent transformés en thés noirs par addition d'une terre spéciale du Japon; les ports de Canton et de Foutchéou-fou vaient, paraît-il, la spécialité de l'expédition de tels thés contrefaits.

Constitution chimique du thé, Théine
ÉtudiĂ©e d'abord par Davy, Frank, Brande, la constitution chimique du thĂ© a Ă©tĂ© dĂ©terminĂ©e surtout par PĂ©ligot. Le thĂ© du commerce contient entre, autres composants une hile essentielle spĂ©ciale (thĂ© vert, 79%; thĂ© noir, 0,60%) qui lui donne son parfum : un premier composant azotĂ©, nommĂ© la thĂ©ine (thĂ© vert de 2,34 Ă  3%; thĂ© noir, 2,93 %), qui est identique Ă  la cafĂ©ine; un second composant azotĂ©, que PĂ©ligot a trouvĂ© identique Ă  la casĂ©ine du lait des animaux. 

Le thé est une des substances végétales les plus riches en matière azotée; cela tendrait à faire penser que c'est une substance nourrissante. Péligot a constaté que l'infusion de thé contient encore environ 1 de matière azotée pour 100 parties en poids, Ce qui est bien reconnu en outre, c'est que le thé est une boisson stimulante analogue au café, mais moins active; cette action est due à la caféine ou théine qu'elle contient.

Usage et influence du thĂ©. 
La boisson connue sous le nom de thé, et si chère aux Anglais et aux Russes,
est une infusion faite avec certaines prĂ©cautions. Deux vases doivent ĂŞtre rĂ©servĂ©s exclusivement Ă  cet usage; si l'on veut un arĂ´me exquis : une bouilloire pour chauffer l'eau, une thĂ©ière en argent, ou en mĂ©tal pour faire l'infusion. Il faut Ă©chauffer prĂ©alablement, en y passant de l'eau bouillante;  la thĂ©ière et les tasses. Il importe de verser dans la thĂ©ière, sur les  feuilles, de l'eau vraiment bouillante et de ne remplir d'abord ce vase qu'Ă  moitiĂ©; on le referme et on laisse infuser 6 Ă  8 minutes. Après ce temps, on ajoute le reste de l'eau bouillante et on laisse encore infuser 2 minutes. Il faut environ 8 grammes de feuilles de thĂ© pour 2 tasses, 12 g pour 4 tasses, 30 g pour 12 tasses. Une forte cuillerĂ©e Ă  cafĂ© de feuilles de thĂ© noir et de thĂ© vert mĂ©langĂ©s pèse Ă  peu près 4 grammes. Il faut augmenter la dose pour les thĂ©s noirs seuls, la diminuer pour les thĂ©s verts, qui sont plus lourds. Quand on fait deux infusions successives avec les mĂŞmes feuilles, il faut Ă©viter de vider complètement la thĂ©ière, mais la remplir de nouveau quand elle est Ă  moitiĂ©. 

L'usage du thé exerce sur la santé une influence qu'il importe de signaler, et qui diffère selon qu'il s'agit du thé noir ou du thé vert. Le thé noir est un excitant salutaire, dont les effets se manifestent pendant plusieurs heures. Le thé vert a une influence moins
Ă©vidente de ce point de vue. 

Le thé, en général, favorise notablement la digestion. Les thés verts sont légèrement diurétiques.

L'origine de la consommation du thĂ© en Europe. 
L'usage du thĂ© en Chine et au Japon remonte Ă  une Ă©poque inconnue; de lĂ  il s'est rĂ©pandu en Inde, en Iran, en Asie centrale, en Arabie. Les EuropĂ©ens l'ignorèrent entièrement jusqu'au XVIIe siècle; Piton de Tournefort ne cite mĂŞme pas la plante dans ses ouvrages de botanique. Dans leurs relations avec les Chinois et les Japonais, les Hollandais apprirent que ces peuples tiraient leur boisson ordinaire des feuilles d'un arbuste. Ils eurent l'idĂ©e d'Ă©changer cette denrĂ©e contre de la sauge, et en 1602 la première importation de thĂ© en Europe fut faite de cette façon, Ă  raison de 1,5 kg de thĂ© contre un demi-kilogramme de sauge. Ce thĂ© fut vendu Ă  Paris. La sauge n'eut aucun succès en Chine; on sait ce qu'il advint au contraire du thĂ© en Europe. 

Au milieu du XVIIe siècle c'Ă©tait dĂ©jĂ  une marchandise importante dans le commerce de long cours; les Hollandais l'exploitaient seuls. Une certaine polĂ©mique s'Ă©tablit pendant ce siècle pour et contre ce nouvel usage; le public trancha la question en faveur de la boisson chinoise. C'est vers le milieu du XVIIe siècle que commença l'introduction du thĂ© en Angleterre, et en 1660 le parlement frappa la vente dans les tavernes d'un droit de 8 pence par gallon; ce droit fut aboli en 1689 par Guillaume Ill et Marie, et remplacĂ© par une taxe, sur le commerce du thĂ©, de 5 shillings par gallon. C'est en 1669 que la cĂ©lèbre Compagnie des Indes avait importĂ© Ă  Londres sa première cargaison de thĂ©. On assure, du reste, que de 1652 Ă  1700 il ne fut pas importĂ© Ă  Londres plus de 90,500 kilogrammes de thĂ©. C'est par les Hollandais et les Anglais que son usage se rĂ©pandit peu Ă  peu dans l'Europe occidentale. 

On ne sait au juste à quelle époque ce même usage prit naissance chez les Russes, dont les rapports intimes avec la Chine remontent au XVIe siècle et se développèrent surtout au temps de Pierre le Grand. Le thé a été l'occasion d'une mesure féconde en conséquences dans l'histoire du monde moderne. On se rappelle que la révolte des colonies anglaises de l'Amérique, devenues depuis les Etats-Unis, eut pour cause immé diate l'établissement, sans le consentement des colons, de taxes sur le timbre, sur le thé, le verre et le papier. (A.-F / W. Russell / J.-P. Langlois).

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