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Antoon Van Dyck est un peintre et graveur, un des grands maîtres de l'art, le plus illustre peintre de l'école flamande après Rubens, né à Anvers le 22 mars 1599, mort à Blackfriars, près de Londres, le 9 décembre 1641. Son père était un négociant très aisé, qui n'eut pas moins de douze enfants; Antoine fut le septième. Après avoir passé quelque temps chez Van Balen, où il entra comme apprenti à l'âge de dix ans, Van Dyck fut reçu par Rubens en qualité d'élève et prit part aux nombreux travaux que le maître faisait exécuter dans son atelier. A l'âge de dix-neuf ans, le jeune artiste demanda son admission dans la guilde (gilde) de Saint-Luc. II débuta publiquement et sous son nom, par un Portement de Croix, pour l'église des Dominicains d'Anvers, oeuvre médiocre, dont les contemporains n'ont pas parlé. Cette peinture, qui témoignait d'une certaine pratique de métier, exécutée, Rubens associa Van Dyck à la décoration colossale de l'église des Jésuites. Le traité, passé le 29 mars 1620, entre le maître et le supérieur de la maison professe de la Société de Jésus, fait mention de la collaboration de l'élève, dans deux articles où il est dit qu'il devra prendre la plus large part à l'exécution des peintures, sous la direction et d'après les esquisses de Rubens. Dès cette époque, intervient dans la vie de Van Dyck un illustre amateur anglais, le comte d'Arundel, qui aura sur le développement de sa carrière une influence considérable. Devinant le premier le génie du peintre, il le pressa instamment de se rendre à la cour de Charles Ier. Il y réussit et Van Dyck, à la fin de l'année 1620, partit pour Londres, avec une pension de cent livres par an. On croit qu'à ce premier voyage il fit le portrait du roi, qui se trouve dans la grande galerie du château de Windsor. Au mois de mars 1621, Van Dyck était de retour à Anvers. Pendant cette période, il exécuta pour Ferdinand de Bouschot, nommé récemment baron de Saventheim, un Saint Martin, inspiré d'une oeuvre de Rubens, et il noua dans ce village ce gracieux roman de la vingtième année, qui a donné lieu, chez quelques-uns de ses biographes, à des récits d'une si étrange fantaisie. II devint amoureux d'une jeune fille de bonne maison, Isabelle Van Ophem; mais le père refusa de la lui donner en mariage. Éconduit, le jeune homme chercha dans les voyages un dérivatif à sa douleur. La passion qu'il avait pour Isabelle était partagée par la jeune fille. Elle ne se maria pas, et, toute sa vie, garda à son fiancé un souvenir de tendresse et d'admiration. Au mois d'octobre, Van Dyck partit pour l'Italie, en compagnie du chevalier Vanni, que Rubens lui avait donné pour mentor. Avant de quitter son maître, Van Dyck lui fit gracieusement hommage du portrait d'Isabelle Brandt et reçut en échange un cheval blanc pour faire le voyage. Il s'arrêta à Gênes, y noua avec les frères de Wael, artistes flamands, une amitié qui dura longtemps et qu'il témoigna par plusieurs portraits très originaux de ses compatriotes. Il exécuta dans cette ville quelques tableaux et portraits de personnages appartenant aux grandes familles de la ville. De là, il gagna Rome par Civittà Vecchia. Van Dyck s'y lia avec le sculpteur flamand François Duquesnoy, dont il a fait un très beau portrait, et avec Paul Bril, qui initiait l'école romaine à l'art du paysage interprété comme genre spécial, et commençait cette génération de grands paysagistes, Claude Lorrain, Nicolas Poussin, qui ont immortalisé l'art du XVIIe siècle et produit tant de chefs-d'oeuvre. Van Dyck - Autoportrait. Musée du Louvre. Après avoir étudié dans la ville éternelle les oeuvres des grands maîtres, le peintre partit pour Florence, où il passa plusieurs semaines, occupées par la visite des précieuses galeries d'art. Il y peignit Laurent de Médicis, régent et tuteur du souverain, le prince Ferdinand II, âgé de douze ans. L'école vénitienne, dont il avait admiré, chez Rubens et à Gênes, des oeuvres superbes de coloris, l'attirait vivement. Passant par Bologne, dont l'école emphatique lui plut médiocrement, il se rendit à Venise et y employa un assez long temps à étudier les magistrales compositions de Titien, de Véronèse, de Palma, de Giorgione, etc. Les historiens du maître qui ont analysé son oeuvre, Guiffrey entre autres, déclarent que ce séjour à Venise apporta dans sa manière une modification complète. « Là, il apprit l'art d'élever une physionomie individuelle à la hauteur d'un type, en accusant ses caractères dominants, ses traits distinctifs. »Titien lui révéla le secret des puissantes colorations, des contrastes énergiques, des draperies luxueuses et des chairs éclatantes. Rubens, reconnaissant de la protection des Gonzague, avait conseillé à son cher élève de s'arrêter à Mantoue. Vincent était mort en 1612, mais son second fils, Fernand, continuait brillamment les traditions de mécénat de la famille. Il fit à Van Dyck un excellent accueil et lui commanda son portrait. Au commencement de 1620, Van Dyck était de retour à Rome; il y resta huit mois, fort recherché des grands amateurs, des personnages de la cour pontificale et des nobles étrangers. Sa distinction, son élégance et sa courtoisie lui valurent, dès le premier jour, le surnom gracieux et flatteur d'Il pittore cavalieresco. Sa production, pendant cette période, fut considérable. Deux de ses plus belles oeuvres, le portrait du Cardinal Barberini et celui du Cardinal Guido Bentivoglio, du palais Pitti, en sont datées. Au mois d'octobre, Van Dyck quitta Rome pour se rendre à Gênes, où l'appelaient les nombreux amis qu'il s'y était faits. En route, il rencontra la femme de son premier protecteur, lady Arundel, qui l'emmena à Milan et à Turin. Dans cette dernière ville, il peint le duc de Savoie, Charles-Emmanuel, ses fils, Victor-Amédée et Thomas de Carignan, plusieurs petits princes et princesses. Le deuxième séjour de Van Dyck à Gênes fut de six mois, plus fécond encore que le premier. Une invitation du roi de Sicile, Emmanuel Philibert de Savoie, grand prieur de Castille, l'appela à Palerme; il y resta peu, chassé par une épidémie de peste, dont une des premières victimes fut le vice-roi, et il regagna en toute hâte Gênes, qu'on peut considérer comme son port d'attache pendant cette campagne de quatre années de voyage en Italie. - Van Dyck - Le Prince Charles Louis et le Prince Rupert (1635). Les trois séjours de Van Dyck à Gênes ont fait des galeries de cette ville les plus riches en oeuvres du maître. A ces années 1622, 1624 et 1625, appartiennent en effet les beaux portraits d'Antoine Jules de Brignole et de sa femme Pauline Adorno, de la marquise Jeronima de Brignole, du peintre Jean Van de Wael et de sa femme, des deux de Wael réunis, de la Famille Lomellini, d'Antonio de Zuniga, du Marquis Agostino Spinola, de la Marquise avec sa petite fille, de Don Livio Odescalchi, la Vierge à la Grenade, Octavie aux pieds de Coriolan, le Jeune Tobie, le Christ en Croix du Palazzo Reale, la Mère entre ses deux fils du palais Durazzo, la Vierge de la Confrérie du Rosaire de Palerme, l'Éducation de Bacchus, etc. Au mois de janvier 1626, Van Dyck était de retour à Anvers, après s'être arrêté quelques semaines à Aix-en-Provence, où il fit pour son maître le portrait de Peiresc, et à Paris, ou il visita la galerie du palais du Luxembourg. Ce long voyage, l'étude sévère des grands maîtres, le succès avaient fortifié le tempérament génial du jeune maître et lui avaient donné confiance en lui-même. Il avait l'ambition justifiée de faire consacrer son talent par ses compatriotes et d'entrer en concurrence avec Rubens par des travaux importants. A peine arrivé, il entreprend pour les Dominicaines d'Anvers le Christ en croix entre sainte Catherine et saint Dominique, en témoignage de reconnaissance filiale pour les bons soins donnés à son père par les religieuses, pendant sa dernière maladie. En 1625, Nicolas Rockox, premier bourgmestre d'Anvers, lui commande son portrait. On attribue à cette période la Vierge et l'Enfant Jésus avec la Madeleine, le Roi Davidet saint Baptiste, du Louvre, le Martyre de saint Sébastien de la pinacothèque de Munich, la Crucifixion de l'église de Termonde. En 1626, l'archiduchesse Isabelle, gouvernante des Pays-Bas, veuve de l'archiduc Albert, lui fait faire son portrait, qui rend l'artiste populaire à la cour, et la ville de Bruxelles lui commande un grand tableau, représentant le Conseil échevinal et ne comptant pas moins de vingt figures, pour faire pendant, dans l'hôtel de ville, au Jugement de Cambyse de Rubens. Ces tableaux ont été détruits dans l'incendie de 1695. Van Dyck - Mary Hill (Lady Killigrew, 1638). Tate Gallery. Vers la fin de 1627, Van Dyck, n'obtenant pas dans son pays toutes les commandes qu'il désire et ne s'étant pas fait la situation à laquelle il aspirait, se décide à répondre aux nouvelles instances du comte d'Arundel et se rend en Angleterre. Il peint les portraits de son protecteur et obtient des commandes de divers amateurs. Il veut être présenté au roi, mais les approches de la cour sont gardées avec soin par les deux peintres en titre de Charles Ier. Après quelques mois de démarches inutiles, en dépit des efforts de ses amis, le jeune maître n'a pu arriver à ses fins; il se décourage et retourne à Anvers. On croit qu'à ce moment, avant de regagner sa ville natale, il fit le voyage de Paris, pour tâcher d'obtenir la commande de la décoration de la grande galerie de Louvre et qu'il échoua devant la résistance opposée par les peintres français, qui s'étaient coalisés pour ne pas laisser renouveler au profit d'un autre artiste étranger l'incident de la galerie du palais du Luxembourg. De 1628 à 1632, Van Dyck exécuta d'importantes oeuvres : le Saint Augustin en extase de l'église de ce nom, à Anvers; le Crucifiement de Saint-Michel de Gand et celui de la cathédrale de Malines; le Mariage mystique de sainte Rosalie avec la Vierge, du musée du Belvédère, la Suzanne et le Christ mort de la Pinacothèque de Munich; la célèbre Érection de croix de la cathédrale de Courtrai. La plupart des Saintes Familles, des Christ en croix, des Pietà appartiennent à cette époque très féconde, Les grands portraits sont également très nombreux : ceux de Charles Scribanius (Belvédère), du Comte Palatin du Rhin et de Neuburg, du Duc de Croy et de sa femme Geneviève d'Urfé; le célèbre portrait d'Homme inconnu, de la Pinacothèque de Munich; les deux merveilleux portraits en pied de Philippe Le Roy, seigneur de Ravels, et de sa femme; le portrait équestre de François de Moncade, marquis d'Aytona. La réputation de Van Dyck comme portraitiste franchit les frontières de Flandre. Le stathouder Frédéric-Henri de Nassau, prince d'Orange, l'appela à La Haye en 1630, pour le peindre, lui et sa femme, le prince lui commanda en même temps un tableau, le Jardin d'amour, tiré du Pastor Fido de Guarini. Au commencement de 1632, Van Dyck est à Londres, attaché à la maison royale. Il a réalisé son rêve d'ambition. Ses amis dévoués ont ardemment plaidé pour lui auprès de Charles ler, doué d'un goût très vif pour les arts. Le tableau les Amours de Renaud et d'Armide que le roi avait commandé au peintre flamand en 1629, par l'intermédiaire de sir Endymion Porter, lui avait beaucoup plu, et le portrait de Nicolas Lanière, peintre et musicien de la cour, exécuté à la fin de l'année 1631, n'avait pas modifié cette excellente impression. Van Dyck est nommé principal peintre de Leurs Majestés, avec une pension de 200 livres; il est logé pendant l'hiver à Blackfriars, dans une maison princière, où il reçoit dans son atelier et à sa table toute la cour et toute la ville. Le roi l'y visite souvent, prenant un vif plaisir à le voir travailler et à causer avec lui. L'été, il habite une dépendance du château royal d'Elthom, dans le comté de Kew. Il est nommé chevalier le 5 juillet 1632 et reçoit une chaîne d'or. La famille royale ne cessa d'employer le jeune maître. D'après le catalogue de l'oeuvre de Van Dyck, dressé par Guiffrey, il n'a pas été peint moins de vingt-trois portraits authentiques de Charles ler, à cheval, à pied, à mi-corps, seul ou avec sa femme et ses enfants; vingt portraits de la reine, de toutes formes; huit ou dix de leurs enfants, réunis au fur et à mesure de leur naissance. Les grandes familles se le disputent : on connaît dix portraits de Strafford, sept du comte d'Arundel, quatre du duc et de la duchesse de Richmond, sept du comte et de la comtesse de Pembroke, un très célèbre de Kenelm Digby. D'après Waagen (Treasures of art in Great Britain), les châteaux et les collections de l'Angleterre contiennent trois cent cinquante toiles attribuées à Van Dyck. Dans ce nombre, il y a évidemment beaucoup de portraits exécutés en répétition, ou d'après des esquisses, par ses nombreux élèves, à l'imitation de l'atelier de Rubens; mais le nombre des oeuvres d'une authenticité incontestable est assez considérable pour que Van Dyck soit tenu, sans réserve, pour un des génies artistiques les plus féconds. Un Cheval Gris, par A. Van Dyck. Au cours de l'année 1634, Van Dyck fit dans son pays natal un voyage qui fut un vrai triomphe. Le 18 octobre, la corporation anversoise de Saint-Luc le nomme, par acclamation, son doyen. La reine mère, Marie de Médicis, le visite dans son atelier. Les commandes princières l'assaillent : il fait les portraits de Gaston d'Orléans, de sa femme, de la soeur de celle-ci, Henriette de Lorraine, veuve du prince de Phalsbourg et Lixen, de Thomas de Carignan, frère du duc de Savoie, gouverneur intérimaire des Pays-Bas, du Cardinal infant don Fernand, frère cadet de Philippe IV, de César-Alexandre Scaglia, etc. Il peint, entre temps, pour les Récollets d'Anvers, le Christ pleuré par les anges. Van Dyck est de retour en Angleterre au commencement de l'année 1635 et reprend avec plus d'acharnement encore sa vie de travail et de plaisir. Vers 1639, il épouse Marie Ruthven, qui descendait des Stuarts par son aïeule, Dorothée Methven, petite-fille de John Stuart, comte d'Athol. La jeune fille est sans fortune, mais elle lui apporte une superbe beauté et une alliance avec l'aristocratie du royaume. L'insuccès d'un projet de décoration pour Whitehall, les événements politiques qui menacent la royauté, son mauvais état de santé, décident Van Dyck à entreprendre un voyage sur le continent; d'ailleurs il veut montrer à sa jeune femme les Flandres et la Hollande. Espérait-il en outre trouver des travaux à la cour de Louis XIII? Ce nouveau voyage dura près d'un an. Quand le maître revint à Londres, il était fort malade de la poitrine. Le roi promit 300 livres sterling à qui prolongerait la vie de son peintre favori. Le 4 du même mois, Van Dyck faisait son testament et, le 9, il mourait, âgé seulement de quarante-deux ans, dans sa maison de Blackfriars. Le roi ordonna qu'il lui fût fait des funérailles solennelles; on l'inhuma dans le choeur de la cathédrale, près du tombeau de Jean de Gand. Le monument qu'on lui éleva a été détruit dans le grand incendie de Londres. La descendance de Van Dyck se bornait à une fille, née huit jours avant sa mort et dont la descendance s'est éteinte en 1825, et à une autre, nommée Marie-Thérèse, dont la mère est restée inconnue et qui était en âge de se marier en 1631. Van Dyck - Lamentation du Christ (1638). Anvers. L'oeuvre peint de Van Dyck comprend, d'après le catalogue de Smith, huit cent quarante-quatre tableaux; d'après celui qu'a dressé Guiffrey, quinze cents. Le musée du Louvre possède de Van Dyck, comme tableaux : la Vierge et l'Enfant Jésus, la Vierge aux donateurs, le Christ pleuré par la Vierge et les anges, Saint Sébastien secouru par les anges, Vénus demandant à Vulcain des armes pour Enée, Renaud et Armide, le portrait de Charles Ier, roi d'Angleterre, les portraits des Enfants de Charles Ier, les portraits de Charles-Louis, duc de Bavière, et de Robert, duc de Cumberland, le portrait d'Isabelle-Claire-Eugénie d'Autriche, souveraine des Pays-Bas, le portrait de François de Moncade, marquis d'Aytona, le portrait en buste du mérite personnage, les portraits de Jean Grasset Richardot et de son fils, le portrait du Duc de Richmond, le portrait du peintre, les portraits d'un homme et d'un enfant, d'une dame et sa fille, et trois portraits d'homme. Comme Rembrandt, Van Dyck est un des maîtres de la gravure. Son Iconographie, dont la première édition fut publiée, sans titre et sans date, à Anvers, de 1632 à 1641, en trois séries, et la seconde, en 1645, avec le titre Icones principum, constitue un des monuments les plus précieux de cet art. (Marius Vachon). |
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