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Reynolds
(Joshua). - Peintre anglais,
né à Plympton, près de Plymouth (Devonshire)
le 16 juillet 1723, mort à Londres le 28 février 1792. Bien
que les préférences de son père, un maître d'école,
fussent pour la médecine, il obtint assez aisément de céder
à ses goûts artistiques qui s'étaient développés
à la lecture du Traité de peinture de Richardson.
Envoyé à Londres, dans l'atelier de Thomas Hudson (1701-1779),
élève de Richardson et portraitiste en vogue, il y travailla
deux ans (1740-1742). De retour au pays natal, il y reçut de précieux
conseils de William Gandy, puis, en 1749, se lia avec le capitaine Keppel
de la marine royale, qui le prit sur son navire en partance pour une croisière
dans la Méditerranée. Après diverses escales, dont
une en particulier à Minorque, Reynolds débarqua en Italie,
où il séjourna trois ans, étudiant les maîtres
du passé, surtout à Rome et à Venise.
Rentré en Angleterre
et installé à Londres, au début de 1753, il conquit
rapidement la renommée et devint le portraitiste à la mode
de l'aristocratie. D'humeur égale, de caractère sociable,
de belles manières et de conversation agréable, il pratiqua
assidûment la vie mondaine et compta parmi ses amis, sans parler
de nobles personnages, des hommes tels que Johnson, Burke,
Goldsmith, Garrick, etc. En 1768, Joshua Reynolds
participa à la fondation de l'Académie royale de peinture,
dont il fut le premier président, mais dont il se sépara
en 1790. En 1781, il fit un voyage artistique en Flandre et aux Pays-Bas;
en 1782, il fut frappé de paralysie, partielle, perdit un oeil en
1789 et mourut à Londres trois ans après. Il avait été
anobli en 1768.
Lea production de Joshua Reynolds fut considérable;
on l'évalue à plus de sept cents tableaux, et on sait qu'il
peignit jusqu'à cent cinquante-six portraits
dans une année (1759). Ses prix étaient d'ailleurs élevés
et s'accrurent avec sa réputation ainsi, pour une effigie en buste,
le tarif monta, de 12 guinées en 1755, à 20 en 1758, à
25 en 1760, à 30 en 1770, à 50 en 1781. Administrateur soigneux
et avisé de son revenu, il laissa, à sa mort, une fortune
de plus de 100 000 guinées, sans compter une belle galerie de maîtres
anciens. Reynolds parlait et écrivait volontiers sur la théorie,
la technique et l'histoire de l'art. Aux banquets annuels de la Royal Academy
il prononça quinze discours, qui furent publiés, ainsi que
ses impressions de voyage et des notes à une traduction anglaise
de l'Art de peindre de Dufresnoy : au
total, la valeur de 2 vol. in-8.
-
Joshua
Reynolds, Lady Delme et ses enfants.
C'est à Joshua Reynolds que s'applique,
et très justement, la définition que Johnson proposait du
génie :
«
un ensemble de vastes facultés générales accidentellement
dirigées dans des voies particulières ».
En effet, ce sont des « accidents »
qui ont déterminé d'abord sa vocation (lecture d'un traité
de peinture), puis l'orientation de son effort artistique (rencontre d'un
mécène qui le mena en Italie,
à l'école de la Renaissance).
Quant aux
«
vastes facultés générales, dont parle Johnson, chez
Reynolds elles s'appellent la volonté tenace et raisonnée,
l'intelligence pénétrante et généralisatrice
».
Lui-même affirmait volontiers qu'il
aurait apporté à devenir le plus grand médecin de
son temps une résolution égale à celle qu'il avait
déployée pour en devenir le premier peintre. Assidu et méthodique,
il le fut en tout, dans l'exercice de son art, comme dans l'administration
de sa fortune et l'ordonnance de sa vie. Tout jeune, il s'était
acharné à l'étude d'un traité de perspective;
plus tard, dans l'atelier d'Hudson et en Italie,
il s'appliqua à la copie des tableaux au point de tromper les connaisseurs
: enfin, sa vie entière ne fut qu'une poursuite incessante du mieux.
«
Jamais, dit-il quelque part, je ne me lassai de changer et d'essayer différentes
méthodes et différents moyens [...]. J'ai essayé tous
les effets des couleurs et, en essayant chaque couleur à son tour,
j'ai fait voir à chaque couleur que je pouvais me passer d'elle.
»
Persuadé que la peinture
des grands coloristes tient sa beauté de quelques secrets de technique,
il s'efforça de les découvrir en décomposant des couches
de peinture détachées de tableaux de Titien.
Lui-même a résumé sa méthode d'analyse empirique
et d'exploitation savante des maîtres anciens dans cette phrase :
«
L'étude consiste véritablement dans l'art d'apprendre à
voir la nature et peut être appelée l'art d'employer l'esprit
des autres ».
Etant donné son tempérament,
Joshua Reynolds devait être et fut, en effet, un admirable portraitiste,
surtout de la femme et de l'enfant; scrutateur pénétrant,
non seulement des apparences physiques, mais encore de la personnalité
morale, aussi habile à analyser les caractères dominateurs
qu'à en fixer l'image synthétique; étonnant enfin
pour l'art de composer une figure dans une attitude et dans un cadre analogues
à sa nature, à sa condition, à, son histoire. Son
art fut complexe, raffiné et, dans une certaine mesure, conventionnel.
Son oeuvre ne fut jamais le fruit spontané d'une observation directe
et naïve de la nature, mais le résultat laborieux d'une savante
combinaison des données de la réalité avec, les indications
de l'expérience des maîtres et le parti pris d'une conception
personnelle.
Avant tout, Joshua Reynolds fut un coloriste
et, à ce titre, il s'impose parmi les maîtres. La recherche
passionnée d'effets séduisants et rares l'entraîna
à des expériences de technique hasardeuses : il multiplia
les glacis et imagina les combinaisons les plus diverses, couleurs minérales
et couleurs végétales, couleurs à la cire, vernis
variés, etc. Il triompha souvent, mais aux dépens de la durée
de ses peintures, dont la plupart perdirent de bonne heure les glacis qui
les avivaient et semblent vouées à une ruine certaine. En
somme, Reynolds tient le premier rang parmi les peintres anglais et une
des premières places dans la série des maîtres de tous
les pays et de tous les temps. (Fr. Benoît). |
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