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Les organes électriques

Les organes électriques se rencontrent chez certains Poissons; ils sont surtout bien développés chez une Raie très commune dans les mers du sud (Torpedo marmorata), chez une Anguille de l'Amérique du Sud (Gymnotus electricus) et chez un Siluroïde africain (Malopterurus electricus). Le Gymnote est de tous les trois celui qui possède la force électrique la plus puissante, puis vient le Maloptérure et en dernier lieu la Torpille. 

Les batteries électriques de ces Poissons sont situées dans des parties différentes du corps; c'est ainsi que chez la Torpille elles sont volumineuses et occupent toute l'épaisseur du corps de l'animal de chaque côté de la tête, entre les sacs branchiaux et le proptérygium. 

Torpedo marmorata (Torpille)
 Torpedo marmorata. E, organe électrique préparé;
S, crâne; Sp, évent; KK, branchies; Au, yeux.

Chez le Gymnote elles s'étendent dans toute la moitié ventrale de leur longue queue, à la place par conséquent où se trouve d'ordinaire la moitié ventrale du grand muscle latéral du tronc.
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Gymnotus electricus (Gymnote).
Gymnnotus electricus. Organe électrique représenté dans toute son étendue (A) et en coupe (B). H, peau; Fl, nageoire; DM, DM', moitié dorsale du grand muscle latéral du tronc vu en coupe transversale et en coupe longitudinale; VM, VM', moitié ventrale du même muscle; E, organe électrique vu en coupe (E) et de côté (E'); WS, WS', colonne vertébrale vue de côté avec les nerfs qui la traversent et vue en coupe; LH, extrémité de la cavité viscérale; Sep, cloison fibreuse sagittale qui partage en deux moitiés égales l'organe électrique et les muscles du tronc; A, anus.

Chez le Maloptérure enfin ces organes occupent presque toute l'étendue du corps, entre la peau et les muscles; ils sont surtout très développés sur les côtés et entourent l'animal tout entier.

Des décharges électriques beaucoup plus faibles sont produites par les Poissons, que l'on appelait jadis pseudo-électriques, mais dont la faculté de donner des commotions électriques a été démontrée d'une manière positive par l'expérience. A ce groupe appartiennent toutes les Raies autres que la Torpille, les différentes espèces de Mormyrus et les Gyrnnarchus. Chez tous ces animaux les organes électriques sont situés de chaque côté de l'extrémité de la queue : ils présentent la même disposition métamérique que les segments musculaires situés en avant d'eux, de telle sorte que, chez les Mormyrus par exemple, il existe de chaque côté une rangée supérieure et une rangée inférieure d'organes électriques.

Les appareils électriques de tous les Poissons que nous venons de citer ont la même origine et la même signification physiologique. Tous sont des fibres musculaires transformées et leurs nerfs sont les homologues des plaques motrices et des muscles. Aussi est-on autorisé à les placer dans le même chapitre que le système musculaire.

La structure microscopique de ces organes est partout essentiellement la même. La charpente est formée par des lames de tissu fibreux disposées, les unes longitudinalement, les autres transversalement, de manière à constituer un réseau limitant des milliers d'alvéoles ou de loges polygonales ou plus ou moins arrondies. Ces dernières sont disposées, tantôt en séries parallèles à l'axe du corps (Gymnotus Malopterurus), tantôt en séries dorso-ventrales (Torpedo), et forment ainsi des colonnes prismatiques, comme on peut le voir sur la figure ci-dessous.
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Colonnes électriques de la Torpille.
 Colonnes électriques
de la Torpedo marmorata 
(à demi schématique).

De nombreux vaisseaux et nerfs sont contenus dans le tissu conjonctif intermédiaire aux alvéoles ou aux colonnes prismatiques. Les nerfs sont entourés de gaines très épaisses et ont une origine qui varie suivant l'espèce considérée. C'est ainsi que chez la Torpille ils proviennent tous du lobe électrique situé dans le voisinage de l'arrière-cerveau, sauf une seule branche qui vient du trijumeau. Chez tous les Poissons pseudo-électriques ainsi que chez le Gymnote, où ils pénètrent au nombre de plus de 200 dans l'organe électrique, ils tirent leur origine de la moelle épinière, et probablement ils ont des rapports étroits avec les cornes antérieures de la moelle, qui sont particulièrement développées chez ce dernier Poisson. Il est très remarquable que les nerfs électriques du Maloptérure sont fournis de chaque côté par une seule fibre nerveuse gigantesque, sortie d'une cellule nerveuse colossale, située dans le voisinage du deuxième nerf cervical, et qui s'étend jusqu'à l'extrémité de la queue en se ramifiant dans tout son parcours. Elle est entourée d'une gaine épaisse.

Si nous examinons la structure histologique des terminaisons périphériques des nerfs, nous verrons que cette structure est essentiellement la même dans les plaques électriques et dans les plaques motrices. Nous pouvons nous borner à une description sommaire, car la disposition est d'une façon générale identique chez tous les Poissons électriques.

Le nerf, contenu dans la cloison des loges, diminue graduellement d'épaisseur; sa gaine épaisse finit par disparaître ainsi que son enveloppe de myéline; il se renfle brusquement en massue et se divise ensuite en un grand nombre de fibres primitives qui présentent des arborisations de plus en plus fines, mais sans s'anastomoser entre elles, de sorte qu'il n'y a jamais formation d'un véritable réseau nerveux. Chez la Torpille les terminaisons nerveuses sont situées sur la face ventrale de ce que l'on appelle la lame électrique; chez le Gymnote, sur la face postérieure qui regarde la queue. Enfin chez le Maloptérure, de même que chez le Gymnote, le nerf arrive en arrière dans la lame électrique, la perfore et s'étale sur la face antérieure qui regarde la tête. Il est nécessaire de se rappeler cette différence dans la disposition des nerfs électriques pour se rendre compte de la direction du courant électrique.
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Loges de l'organe électrique.
Coupe à travers les loges de l'organe électrique. Fort grossissement (à demi schématique). BG, charpente conjonctive (parois des loges); EP, plaques électriques N, nerf qui pénètre dans les cloisons; NN, fibres nerveuses terminales sur la face postérieure ou inférieure de chaque loge; C, tissu gélatineux. La flèche indique la direction postéro-antérieure ou ventro-dorsale.

La lame électrique à l'état frais représente un disque homogène, transparent, entouré d'une membrane particulière, et dans lequel se trouvent des cellules étoilées munies de longs prolongements. Ses deux faces offrent, des saillies irrégulières, séparées par des sinus plus ou moins profonds et qui donnent à l'ensemble un aspect lobé.

Ces disques, comme nous l'avons indiqué plus haut, doivent être considérés comme de la substance musculaire transformée, et comme ils sont intimement unis avec la plaque nerveuse, il en résulte que la lamelle électrique n'est pas une formation homogène (comme on le croyait jadis), mais qu'elle est formée par deux sortes d'éléments. Elle ne remplit pas complètement l'alvéole; il reste toujours au-dessus (Torpille) ou en avant d'elle (Gymnote, Maloptérure), entre elle et la paroi de l'alvéole suivante, un espace rempli par du tissu gélatineux ou parfois seulement par un liquide. 

La face sur laquelle s'étalent les terminaisons nerveuses est, au moment d'une décharge, électro-négative, la face opposée électro-positive. La disposition précisément inverse des parties qui la constituent chez le Gymnote et le Maloptérure explique pourquoi le courant électrique ne se dirige pas dans le même sens chez ces Poissons, mais a, au contraire, une direction opposée. C'est ainsi que chez le Maloptérure le courant est dirigé de la tête vers la queue, et chez le Gymnote de la queue vers la tête. Chez la Torpille le courant est dirigé de la face inférieure vers la face supérieure.

Les expériences ont montré que les poissons électriques ne sont pas influencés par les commotions électriques; mais cette proposition n'est pas absolue, car les muscles et leurs nerfs fraîchement préparés, ainsi que les nerfs électriques sont excités par le courant électrique. (R. Wiedersheim).



Carlo Matteucci, Essai Sur Les Phénomènes Électriques Des Animaux (1840), Ulan Press, 2011.




Page sur Les poissons électriques : de la légende à l'électricité animale (site Ampère et l'histoire de l'électricité).

Page sur les Poissons électriques (site Strange Stuff and funky things).

Article sur La découverte de neurotransmetteur dans les poissons électriques (site Apteronote.com).

Page sur les Poissons électriques de l'Aquarium de la Porte dorée
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