 |
On désigne
sous le nom d' Organon ou Organum (du grec organon,
instrument) l'ensemble des traités logiques d'Aristote.
On ne sait au juste ni quand, ni par qui, ce mot d'organon a été
employé précisément dans ce sens; Aristote s'en sert
bien dans quelques passages, mais sans y attacher d'autre sens que le sens
figuré qu'il comporte habituellement :
"La science
est l'instrument du l'intelligence",
"Les moyens
(organa) de nous procurer des syllogismes sont au nombre de quatre, etc."
Plus tard, on voit ses interprètes
discuter la question de savoir si la logique est une partie réelle
de la philosophie, ou si elle en est seulement l'instrument. Mais il résulterait
des recherches érudites auxquelles s'est livré Barthélemy
Saint-Hilaire, dans son livre De la Logique d'Aristote, que c'est
du Ve au VIe
siècle que s'est introduit l'usage d'appeler la logique péripatéticienne
l'Organicon, et Organon la réunion des écrits
qui la contiennent.
Sans entrer dans les détails et
dans l'appréciation de la doctrine, nous ferons remarquer que tel
est l'enchaînement des différentes parties de l'Organon,
que la pensée de les réunir a dû se présenter
tout naturellement aux successeurs d'
Aristote, l'Organon, tel que nous
le possédons, embrassant la théorie complète du raisonnement
démonstratif, depuis ses éléments, les formes générales
de la pensée (Catégories), et les mots dans leurs
rapports avec la pensée (Traité de l'Interprétation),
jusqu'à la formation définitive des arguments par l'invention
du moyen terme (Topiques), et jusqu'à la réfutation
des arguments sophistiques. (B-E.).
La logique selon
Aristote.
L'objet propre de la logique,
telle que l'a conçue Aristote, est la démonstration; il s'agit
donc pour lui de rechercher, d'analyser les éléments de la
démonstration. Mais il y a plus;
la forme de la démonstration se résout dans la forme syllogistique;
la logique pure a donc pour objet principal l'étude du syllogisme.
Aristote est, en effet, l'inventeur du syllogisme.
"On ne peut,
dit Aristote, conclure rien de particulier si l'on ne tire cette conclusion
de quelque chose de plus général qu'elle. "
Mais Aristote ne s'est pas arrêté
là; il a parcouru une à une toutes les formes ordinaires
du raisonnement, et il a montré que toutes peuvent se ramener a
la forme syllogistique. Il n'a rien omis, pas même cette quatrième
figure qu'on attribuait faussement à Galien,
sur le témoignage d'Averroès;
pas même les syllogismes hypothétiques dont on a fait longtemps
honneur à ses disciples Théophraste
et Eudème. Aussi, en terminant l'Organon,
a-t-il pu se vanter à juste titre d'avoir inventé et édifié
une science qui n'avait pas de précédents. Il demande en
cet endroit à la postérité "de l'indulgence pour les
lacunes de son ouvrage et de la reconnaissance pour toutes les découvertes
qu'il a faites."
On peut voir d'un seul coup d'oeil combien
grande a été l'entreprise d'Aristote. Dans les six ouvrages
distincts dont l'ensemble constitue l'Organon, les Catégories,
l'Hermeneia, les Premiers analytiques, les Derniers analytiques,
les Topiques et la Réfutation des sophistes, Aristote
s'est proposé de faire une théorie
de la démonstration; c'est dans ce but qu'il recherche, qu'il analyse
tous les éléments de la démonstration.
Tous ces
divers traités "forment dans leur ensemble, dit A.
Franck, un système complet, dont toutes les parties s'enchaînent
et s'appellent mutuellement dans l'ordre même selon lequel elles
sont généralement disposées. Après les lois
générales ou les formes de la pensée, on est naturellement
amené à parler des lois et des formes générales
de expression. Or, tout ce que l'homme peut exprimer et concevoir est nécessairement
vrai ou probable on faux; de là résultent les trois parties
suivantes : d'abord les formes de la vérité ou les règles
et les lois de la démonstration; ensuite, les formes de la probabilité
et de l'erreur ou les règles de la dialectique et de la sophistique
qui, réunies, forment l'art de la discussion. Les deux premières
parties sont purement auxiliaires; elles ne représentent, par leur
caractère théorique et spéculatif, qu'une sorte d'introduction
ou les prolégomènes indispensables d'une science dont le
but est évidemment pratique. La science elle-même que, dans
la suite, on a appelée la logique et qu'Aristote désigne
toujours sous le nom de méthode est exclusivement renfermée
dans les trois dernières parties."
La composition de
l'Organon.
L'Organon d'Aristote comprend :
a) Le traité des Catégories ,
ou Prae licamenta, comme les appelèrent ensuite certains
interprètes latins. Dans ce livre, Aristote réduit à
dix le nombre des concepts, ou, pour mieux dire, les prédicats possibles
les plus généraux d'un sujet, à savoir : la substance,
la quantité, la qualité,
le lieu, le temps, le site, l'habitus ou mode d'être dans le vêtement
ou dans les armes, l'action et la passion, et ensuite il entre dans des
explications sur la signification, le sens, l'importance
et la division de chacun d'eux.
b) Le traité Peri Hermenias,
seu de Interpretatione ou Traité de l'Interprétation,
où, après quelques considérations sur le nom, le verbe
et la proposition en général, il traite des différentes
espèces, formes et propriétés
de la proposition.
c) Le traité qui des Analytiques ,
comprend deux parties :
Première partie : Les
Premiers analytiques, où il traite longuement, et avec une profondeur
vraiment analytique, des éléments ou principes, de l'essence,
des propriétés, des figures, des
espèces et des effets du syllogisme, et à ce propos aussi,
de l'induction, de l'analogie,
de l'enthymème et d'autres espèces d'argumentation.
Deuxième partie : Les Analytiques
postérieurs, où il traite de la démonstration,
considérée dans ses principes,
dans son essence, dans ses espèces, dans ses effets, etc., et aussi
de la définition.
d) Les huit livres Topicorum, où
Aristote expose le concept de la dialectique
comme art de disputer sur les différences qui la séparent
de la science logique; il recherche et il expose la nature et les conditions
du syllogisme probable, par opposition au syllogisme démonstratif,
et il termine en signalant et en discutant les lieux d'où l'on peut
tirer des arguments probables, des raisons et des preuves plus ou moins
fortes, tantôt pour affirmer ou nier quelque thèse, tantôt
pour résoudre quelque problème.
e) Enfin, le traité des deux livres
Réfutation des Sophismes (Elenchorum), destinés
à exposer les sophismes, ou la nature, les espèces, l'origine,
et les argumentations sophistiques.
Analyse de l'oeuvre.
Après avoir énuméré
les catégories et fixé leur
signification au moyen d'exemples, Aristote remarque que ces catégories
sont des représentations simples, qu'elles répondent à
des concepts incomplexes, qui, entant que tels, n'ont ni vérité
ni fausseté, parce que la vérité et la fausseté
n'existent pas, tant qu'il n'y a pas complexité d'idées au
moyen de l'affirmation et de la négation. Les catégories
sont les éléments possibles pour l'affirmation et la négation,
résultat de la complexion, c'est-à-dire, de leur comparaison;
mais, considérées dans leur état incomplexe, dans
leur état naturel de représentation
simple d'un objet, elles ne possèdent ni vérité ni
fausseté.
Dans ce même traité, et dès
ses premières pages, commence à se révéler
clairement le principe qui informe la conception logico-métaphysique
d'Aristote, par opposition à la conception de son maître.
Pour Platon, l'idée représente et
constitue la substance, l'essence véritable des choses; elle est
une réalité objective qui existe en elle-même, essence
indépendante, antérieure et supérieure aux individus,
lesquels sont des imitations et comme des participations imparfaites de
l'idée ou essence universelle. Aristote enseigne tout le contraire
: pour lui, la substance universelle, spécifique, idéale,
est seulement substance dans un sens relatif, et le nom, la notion de substance,
dans le sens propre, principal et absolu convient seulement à la
substance individuelle. Pour Platon, la première substance est l'idée,
c'est-à-dire, la substance universelle, et les individus sont de
pures substances secondaires; pour Aristote, les individus
constituent les substances premières, les espèces et les
genres constituent les substances secondes.
Dans l'analyse
et dans le développement de la nature, des propriétés
et des effets de la démonstration, dans les Analytiques Postérieurs,
Aristote combat les sceptiques qui niaient
l'existence et la possibilité de la science,
et il réfute les prétentions de certains qui enseignaient
que toute proposition est démontrable : s'il en était ainsi,
la science serait impossible, car il serait nécessaire de procéder
in infinitum, dans la série des preuves des prémisses de
toute démonstration. Il y a donc
quelque chose d'indémontrable, dit Aristote, quelque chose qui n'a
nul besoin d'être démontré, parce qu'il est évident
par lui-même. Tel est le principe
de contradiction; tels sont les principes ou axiomes qui servent de
base à toute démonstration et aux différentes sciences.
Les principes et axiomes sont ce qu'il y a de
premier, de plus fondamental, de plus évident, si on les considère
en eux-mêmes et dans l'ordre intelligible; mais, considérés
par rapport à nous, ou dans leurs rapports avec le processus de
la connaissance humaine, ce qu'il y a de premier et de plus évident,
ce sont les objets singuliers que nous percevons par les sens.
(Z. Gonzalez / B.E.). |
|