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Grandeur
et décadence des Martiens
L'aspect singulier
et la disposition géométrique des canaux, qui semblent dressés
à la règle et au compas, ont conduit quelques personnes à
considérer ces canaux comme l'oeuvre d'êtres intelligents,
habitants de la planète. Cette supposition n'avait, estimait-on
à l'époque, rien d'impossible.
«
L'hypothèse d'une origine intelligente de ces tracés se présente
d'elle-même à notre esprit, note Flammarion, sans que nous
puissions nous y opposer. Quelque téméraire qu'elle soit,
nous sommes forcés de la prendre en considération. Tout aussitôt,
il est vrai, les objections abondent. Est-il vraisemblable que les habitants
d'une planète construisent des oeuvres aussi gigantesques que celles-là?
Des canaux de cent kilomètres de largeur? Y pense-t-on? et dans
quel but?
Eh
bien (circonstance assez curieuse), dans l'hypothèse d'une origine
humaine de ces tracés, on pourrait en trouver l'explication dans
l'état de la planète elle-même. D'une part, les matériaux
sont beaucoup moins lourds sur cette planète que sur la nôtre.
D'autre part, la théorie cosmogonique donne à ce monde voisin
un âge beaucoup plus ancien que celui du globe où nous vivons.
Il est naturel d'en conclure qu'il a été habité plus
tôt que la Terre, et que son humanité, quelle qu'elle soit,
doit être plus avancée que la nôtre. Tandis que le percement
des Alpes, l'isthme de Suez, l'isthme de Panama, le tunnel sous-marin entre
la France et l'Angleterre paraissent des entreprises colossales à
la science et à l'industrie de notre époque, ce ne seront
plus là que des jeux d'enfants pour l'humanité de l'avenir.
Lorsqu'on songe aux progrès réalisés dans notre seul
dix-neuvième siècle, chemins de fer, télégraphes,
applications de l'électricité, photographie, téléphone,
etc., on se demande quel serait notre éblouissement si nous pouvions
voir d'ici les progrès matériels et sociaux que le vingtième,
le vingt et unième siècle et leurs successeurs réservent
à l'humanité de l'avenir. L'esprit le moins optimiste prévoit
le jour où la navigation aérienne sera le mode ordinaire
de circulation; où les prétendues frontières des peuples
seront effacées pour toujours; où l'hydre infâme de
la guerre et l'inqualifiable folie des armées permanentes seront
anéanties devant l'essor glorieux de l'humanité pensante
dans la lumière et dans la liberté! N'est-il pas logique
d'admettre que, plus ancienne que nous, l'humanité de Mars est aussi
plus perfectionnée, et que dans l'unité féconde des
peuples, les travaux de la paix ont pu atteindre des développements
considérables? »
Le point de vue de Flammarion
(plus largement développé dans Mars et ses conditions
d'habitabilité, 1892) est
sans doute quelque peu suspect. L'astronome, qui croit aux tables tournantes,
et défend depuis toujours l'idée que «
la
vie est partout dans l'univers», n'est sans assurément
pas l'autorité dont le jugement est le plus fiable quand
il s'agit de parler de vie extraterrestre. Reste qu'il est loin d'être
le seul à s'interroger. Des esprits beaucoup moins portés
à l'ésotérisme (et d'autres, il est vrai, qui le sont
bien davantage, tels V. Considérant,
le vieux phalanstérien, qui voulait reconnaître dans ce réseau
une sorte de cadastre de cultures collectives sur un globe «
arrivé à la période d'harmonie ») envisageaient
désormais très sérieusement, dans un même
élan, la présence sur Mars de... Martiens. Le débat
s'engagea donc entre astronomes.
La fièvre
martienne
Proctor,
dans un article du Times, suggéra l'idée que :
«
les habitants de Mars doivent être engagés en de vastes travaux
d'ingénieurs, attendu que ces lignes sont tracées dans toutes
les directions et gardent entre elles une distance constante et significative.
»
A la séance de la Société
Royale astronomique de Londres du 14 avril
1882,
M. Green, l'habile observateur de Mars, signalant cette interprétation
de Proctor, ajouta qu'il n'avait aucunement l'intention d'introduire un
sujet de plaisanterie dans une matière scientifique aussi importante,
mais que de tels aspects géographiques méritaient la plus
grave attention et qu'il est du plus haut intérêt de les vérifier.
Maunder, de l'Observatoire de Greenwich, fit remarquer que ce qu'il y avait
de plus étrange, c'est que ces canaux paraissaient changer de place
et étaient tantôt visibles et tantôt invisibles. Pour
plusieurs observateurs, ce ne n'étaient pas des canaux proprement
dits, mais plutôt des bordures de districts plus ou moins foncés;
les dessins de Mars obtenus à Greenwich pendant l'opposition de
1881
concordaient mieux avec ceux de Milan de 1879
qu'avec ceux de 1881; sans doute la
différence était-elle due à l'atmosphère, qui
n'aurait pas permis de distinguer en Angleterre les détails observés
en Italie. Quant aux doublements des canaux arrivés sous les yeux
de Schiaparelli, si cet effet n'étaient pas dû à l'objectif
de sa lunette, nos doctes savants étaient bien obligés d'avouer
qu'un tel phénomène était bien fait pour les surprendre
et les confondre. Le caractère passager de
la gémination (puisque les apparences et les dimensions des canaux
changeaient d'une saison et même, d'une semaine à l'autre)
était plus que troublant. Peut-être s'agissait-il d'un travail
intermittent, provoqué par les besoins de l'agriculture et produisant
des irrigations sur une grande échelle...
-
Nouvelles
vocations
L'engouement
suscité par les dernières nouvelles de Mars éveille
à cette époque les vocations de nombreux astronomes. On citera
parmi les plus marquants, Eugène Antoniadi à l'observatoire
de Meudon, et William Pickering à l'observatoire de la Jamaïque.
Ce même engouement explique aussi la création à cette
époque de plusieurs observatoires privés. Camille Flammarion,
grâce à un mécène fonde ainsi un observatoire
à Juvisy, près de Paris, en 1882. Il est suivi de peu par
Georges Fournier, qui pourra lui aussi disposer d'un observatoire grâce
au mécène Jarry-Desloges. Aux États-Unis, Percival
Lowell, ancien diplomate fortuné, fonde de son côté,
en 1894, un observatoire martien à Flagstaff (Arizona), que rejoindront
bientôt E. C. Slipher et C. Tombaugh. A la génération
suivante, les astronomes qui apporteront les principales contributions
à l'étude de la planète seront Kuiper, Menzel, Lyot,
Dollfus, Camichel, Maggini, ou encore le vieux Tikhov, bercé dès
l'enfance par ce que P. Rousseau appelait le "Roman des Martiens". |
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Pour d'autres, cependant,
l'intervention d'êtres intelligents qui expliquerait très
bien les dispositions géométriques n'était pas nécessaire.
Après tout, cette nature géométrique est manifestée
dans plusieurs autres occasions où l'on ne peut avoir aucune idée
d'un travail artificiel : les sphéroïdes parfaits que nous
offrent les corps célestes, les anneaux
circulaires de Saturne
n'ont pas été construits au tour et ce n'est pas avec des
compas qu'Iris
décrit les arcs-en-ciel
si réguliers et si bien colorés.
On
se souvient aussi que Kepler, arguant de la forme
qu'il supposait nécessairement d'origine artificielle, des cratères
lunaires avait usé, dans le Songe (1634),
du même raisonnement pour justifier de l'existence de créature
intelligentes sur la Lune .
La gémination
pouvait provenir, selon certains, d'effets lumineux dans l'atmosphère
de Mars ou d'illusions optiques produites par des vapeurs, ou par la fatigue
rétinienne, ou de doubles crevasses formées sur le globe
de Mars, ou de crevasses simples dont les images sont reproduites sur des
nuages ou sur des vapeurs ou dont les deux bords montraient deux lignes
parallèles.
Pas de Martiens intelligents,
mais pourquoi pas une vie végétale? D'après Percival
Lowell, qui avait longuement étudié la planète
Mars pendant l'année 1894
dans son observatoire d'Arizona, les différences d'aspects constatés
sur la planète Mars étaient bien dues à l'eau, mais
indirectement, et provenaient ainsi plutôt de la végétation
qu'elle produisait. A son avis, les mers martiennes étaient probablement
un moyen terme entre nos mers terrestres et les mers de la Lune. Dans son
ouvrage, Mars, publié l'année suivante, il expliquait
que l'eau seule pouvait donner par son absence des espaces arides comme
ceux que nous apercevons sur la Lune, des régions fertiles dans
les parties humides que nous trouvons sur la Terre et probablement aussi
sur Mars dans les provinces inondées. Lowell décrivit les
intersection des anaux comme des oasis. Il y avait même une sorte
d'explication de la gémination, en admettant que les deux rives
du canal soient couvertes d'une végétation luxuriante; mais
alors comment en expliquer le caractère passager sans admettre que
cette végétation soit éphémère?
L'histoire géologique
des planètes
D'autres, enfin,
préféraient renoncer à ces explications, et se tournaient
plutôt vers des phénomènes géologiques analogues
à ceux qui auraient pu affecter la Terre
dans un lointain passé, ou bien qui l'affecteront supposément
dans le futur. Une perspective qui n'est certes pas nouvelle, mais qui
s'installe désormais dans une perspective qui est toujours la sienne
aujourd'hui.
On se demande ainsi
déjà si Mars est un astre où la vie commence ou si
c'est au contraire une planète déjà morte : la seconde
hypothèse paraît à certains la plus vraisemblable.
«
La distance du Soleil à cette planète, écrit par exemple
Barré, lui assure une quantité de chaleur fécondante
bien moindre que celle de la Terre, et son faible volume a dû la
faire vieillir plus vite. Les espaces célestes auront sans doute
enlevé la plus grande partie de son atmosphère faiblement
attirée par la petite masse de Mars. Le noyau central est peut-être
déjà éteint, et le système de craquelure des
canaux peut résulter de l'hydratation de ce noyau ou de la transformation
de l'ancienne écorce solide, formée seule de roches hydratées,
mais dont l'eau constitutive tend à se séparer. L'étude
de Mars nous ferait alors prévoir ce que deviendra la Terre à
sa période géologique sexénaire ou septénaire
avant son dessèchement total. »
Vers la même époque,
de Villenoisy écartait lui aussi l'origine technologique des canaux,
et plaçait des des limites à la présence d'une hypothétique
végétation. Pour lui, ce que l'on voyait, c'était
le réseau polyédrique de la planète, que les géologues
de son temps croyaient pouvoir être aussi la clé de la tectonique
terrestre :
«
Si les canaux avaient été creusés par des êtres
intelligents, comme ils mesurent jusqu'à 5 000 kilomètres
de long et 300 kilomètres de large, on verrait aisément au
télescope d'autres travaux d'une importance analogue. Le caractère
dominant des canaux est la distribution géométrique des lignes,
leur groupement autour de certains centres analogues aux étoiles
d'éclatement d'une glace brisée. Leur réseau est très
semblable à ceux qu'ont obtenus MM. Daubrée
et Stanislas Meunier dans leurs essais de géologie expérimentale
où ils recherchaient le mécanisme des fractures de l'écorce
terrestre. Si une couche homogène enveloppait l'astre et s'était
ensuite contractée, ou si le noyau central s'était dilaté,
il se serait produit un semblable réseau de fissures. Les failles
résultantes, qui ne sont autre chose que les canaux de Mars; se
seraient ouvertes suivant des grands cercles qui sont les lignes de moindre
résistance. La vérification est assez difficile à
faire sur la carte de M. Schiaparelli; cependant
les canaux dirigés suivant les méridiens en paraissent une
preuve; tandis que d'autres ne montrent que des probabilités ou
sont inexplicables. On peut cependant voir que tous les canaux semblent
appartenir à deux systèmes de brisures d'époques différentes;
les plus récents paraissent dévier vers les anciens centres
d'éclatement; les côtes elles-mêmes doivent tirer leur
origine des canaux disparus, car leur tracé obéit précisément
aux mêmes lois. La grande rigueur avec laquelle ces lois ont pu s'appliquer
sur le sol de Mars montre bien l'homogénéité des couches
extérieures.
Les
continents doivent être d'un niveau sensiblement égal et presque
sans montagnes. Schiaparelli en a cependant découvert quelques-unes,
grâce à leur calotte neigeuse. Celle qui est située
par 268° de longitude, et par 16° de latitude boréale vient
à l'appui de l'hypothèse précédente; le canal
Amenthes cesse justement en ce point de suivre les contours d'un grand
cercle, cette courbe n'étant plus celle de moindre résistance.
Les régions nuageuses que l'on a cru reconnaître fournissent
aussi des indices sur là distribution des montagnes. Elles se trouvent
au-dessus des îles de la mer Australe, dont les côtes n'ont
pas un contour rectiligne, mais bien arrondi, comme si des massifs montagneux
en avaient dirigé la rupture et y servaient de condensateur à
l'humidité atmosphérique. C'est aussi dans ces régions
que se déposent les amas de neige. Le grand phénomène
de l'inondation annuelle ne suppose pas un sol aride, mais bien le contraire.
Si l'atmosphère martienne est assez humide pour qu'on puisse le
constater au spectroscope, assez voisine, dans toute sa masse, de son point
de saturation pour déposer des neiges abondantes aux pôles
et sur les hauteurs, presque sans formation préalable de nuages,
l'eau doit se condenser à peu près partout, en abondance
et en toute saison, dès que la température le permet. Si
l'on tient compte aussi de la fonte rapide d'une masse de neige capable
de créer des mers temporaires, on voit que la surface des terres
doit être soumise à un lavage presque perpétuel. Vers
la fin de l'époque quaternaire, des circonstances analogues ont
existé sur notre globe, mais en raccourci. Elles ont provoqué
des dépôts d'argile limoneuse, qui, sous les divers noms de
loess, lehm, terre à brique, forment une immense nappe jaune rougeâtre
sur la plupart des régions septentrionales et centrales de l'Europe
et de l'Asie.
L'eau
pluviale, s'emparant de l'acide carbonique libre de l'atmosphère,
dissolvait le carbonate de chaux des couches superficielles de formation
récente et ne laissait qu'un résidu rougeâtre d'argile
ferrugineuse. Or les continents de Mars, qui, d'après la théorie,
doivent subir le même phénomène, présentent
justement la même coloration. Si l'atmosphère martienne renferme
de l'acide carbonique libre, la phénomène de la formation
du loess il pu être plus intense qu'il ne l'a été chez
nous, car l'eau s'y trouve en quantité bien supérieure. C'est
une masse suffisante pour créer des mers temporaires, qui est transportée
dans le courant de l'année, sous forme de vapeur, d'un pôle
à l'autre, avant de s'écouler par les canaux au moment de
la fonte des neiges. Ces canaux doivent être le siège de courants
torrentueux, changeant de sens avec les saisons, lorsque la pente du sol
le permet, ou, dans le cas contraire, se desséchant, à la
fin du printemps. Là est peut-être la cause de la gémination
de certains canaux. La baisse des eaux doit à la longue les combler
lorsque l'alternance des courants ne les entretient pas libres. Les bancs
de sable et de vase émergent alors et rejettent les eaux le long
de chaque berge. Si cette explication est la bonne, les canaux susceptibles
de gémination doivent être parmi ceux qui semblent appelés
à disparaître les premiers; il en sera de même pour
ceux qui sont peu distincts, à certaines époques, correspondant
probablement à la saison chaude et sèche. Une partie au moins
des divers aspects des lignes nommées canaux s'explique si on les
considère comme des canaux naturels, assez peu profonds pour se
trouver parfois à sec ou accidentellement obstrués. Une autre
hypothèse peut être également présentée.
Les cours d'eau terrestres, d'une importance suffisante, modifient la couche
atmosphérique qui les recouvre et y créent une véritable
rivière aérienne, épousant toutes les sinuosités
du lit fluvial. L'humidité, qui se condense dans cette zone, la
rend parfois visible, et l'observateur, placé dans des conditions
favorables, aurait l'illusion de deux rivières parallèles
et d'égale largeur.
Une
troisième explication repose sur la différence d'éclairement
de hautes parois verticales. Peut-être aussi la présence momentanée
de l'eau ou la diminution d'une humidité excessive provoque-t-elle
sur deux étroits périmètres des phénomènes
d'un caractère encore indéterminé, je n'ose pas dire
une végétation temporaire, car on touche alors le problème
délicat et hypothétique de la vie dans les astres. Sans doute,
la vie se rencontre à peu près partout sur la Terre, dès
que la température ne dissocie pas les éléments chimiques
indispensables à la composition de la cellule, et les milieux réellement
morts sont extrêmement rares. Nous avons le droit de nous demander
s'il en est de même dans les astres. La matière
vivante, qui s'adapte à tous les milieux de notre planète,
avec une si merveilleuse souplesse, a-t-elle eu le temps d'évoluer
sur les autres mondes, parallèlement avec les phénomènes
d'ordre purement minéralogique et d'y rendre possible l'existence
d'un animal raisonnable (car c'est toujours à un être humain
que l'on songe), ou en a-t-elle déjà disparu? C'est là
une question fort délicate sur laquelle nous ne pouvons nous prononcer.
Le sol de Mars ne nous semble pas apte à faire vivre des organismes
terrestres supérieurs : plus un être s'élève
dans le règne animal ou dans le règne végétal,
plus il s'adapte au milieu dans lequel il se trouve et se montre sensible
à ses modifications; son existence est donc subordonnée à
celle d'un régime d'une stabilité suffisante. Sur la planète
Mars, la condensation rapide de la vapeur d'eau, qui surcharge une atmosphère
mince et peu dense, doit provoquer des appels d'air bien supérieurs
à nos vents de tempête les plus violents, des alternatives
de sécheresse et d'humidité, de chaleur et de froid extrêmes
: des organismes appropriés à un milieu fixe ne pourraient
y vivre. Les êtres seuls des derniers degrés de l'échelle
animale pourraient supporter de semblables vicissitudes; mais leur existence
même serait compromise par les remaniements perpétuels que
doit subir le sol à cause des inondations et des vents violents.
Les roches dures elles-mêmes doivent être désagrégées
depuis des siècles par les changements climatiques, puis dispersés
par les rafales et par les inondations. La vie ne paraît donc possible
que dans les parties profondes des mers permanentes. »
Climax
Ainsi donc pas de
Martiens, peut-être pas de végétation, mais pas question
cependant, pour les astronomes, d'abandonner les canaux. Ils en
comptent 400 en 1900. Bientôt,
et pour la première fois un élément objectif va s'ajouter
au dossier : en 1905, C. O. Lampland
obtient la première photo des présumés canaux. On
en distingue 38. De quoi pousser à l'inflation: en 1909,
on n'hésitait pas à en dénombre un millier. Entre-temps,
Lowell publie son fameux ouvrage Mars et ses canaux (1906),
qui semble marquer un retour en force des Martiens :
«
Ces canaux ne sont pas de vrais canaux [...]. Non, ce sont des bandes de
végétation qui poussent tout autour du vrai canal, lequel
est au milieu et invisible. A chaque printemps martien, quand la calotte
polaire fond, ce sont les canaux qui recueillent les eaux et qui font reverdir
la flore.
Vous
m'objectez que Mars est renflé à l'équateur et que,
par suite, l'eau devrait être entraînée par sa pente
naturelle, qui est de l'équateur aux pôles et non des pôles
à l'équateur. Eh bien, si l'eau va dans un sens contraire
à la pesanteur, c'est qu'elle est aspirée par des pompes
super puissantes, qui la répandent partout grâce au réseau
des canaux.
Pourquoi
cette gigantesque irrigation? demandera-t-on. Évidemment parce que
Mars est une planète terriblement desséchée, et que
cette quête et cette distribution des eaux polaires sont, pour les
Martiens, le seul moyen d'éviter la mort par la soif et par la faim.
» (Lowell, cité par Pierre Rousseau, L'Astronomie,
1959).
L'ouvrage a installé durablement dans
l'esprit du grand public le thème des Martiens, qui n'est plus de
l'ordre de la littérature fantastique, comme il l'était par
exemple encore en 1898, lorsque H.
G. Wells avait publié la Guerre des Mondes. Pourtant,
pour les astronomes
Puis le soufflet est retombé, presque
brutalement. Car, dans le même temps, le perfectionnement des
observations ouvre de nouvelles pistes, et permet à des voix
nouvelles de commencer à se faire entendre. Eugène Antoniadi,
en particulier, profite des oppositions de 1909
et de 1911, et de la qualité
des observations permises par la Grande lunette de l'observatoire de Meudon,
pour montrer que l'on on y regarde de près, aucun canal n'est observable
sur Mars. Ce que l'on a vu jusque là, explique-t-il, ce n'était
que des illusions d'optique. On repère aussi sur la surface de la
planète des traces de cratères, que dans lesquels le naturaliste
Alfred
Wallace, par exemple, propose en 1907
de voir des impacts de météorites, semblables à ceux
qui ont creusé les cratères lunaires. Désormais, les
"océans" commencent à ressembler dangereusement à
de la terre ferme! En 1912, Svante
Arrhenius, explique les grandes variations
d'aspects des formation martiennes non plus en invoquant directement la
circulation des eaux à grande échelle, ni en invoquant une
quelconque végétation : pour lui, les changements de couleur
et d'albédo
sont explicables par de simples réactions chimiques qui affectent
le sol, selon les conditions saisonnières, peut-être, il est
vrai, encore en relation avec la fusion des glaces des calottes polaires. |
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