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Arrhenius

Svante August Arrhenius est un physicien et chimiste, né le 19 février 1859 à Wijk (Suède), mort à Stockholm le 2 octobre 1927. Il a étudié à partir de 1876 les mathématiques, la physique et la chimie à l'université d'Upsala, et travaille à partir de 1881 sur la théorie des électrolytes comme assistant d'E. Edlund. Il montrera dans sa thèse (1884), comme l'avait suggéré Berzélius, l'existence du lien entre l'affinité chimique et l'électricité. Il occupe à partir de 1895 un poste de professeur de physique à l'université de Stockholm, dont il sera le recteur entre 1897 et 1905. 
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Arrhenius.
Svante Arrhenius (1859-1927).

Svante Arrhenius a reçu le prix Nobel de chimie en 1903 pour sa théorie ionique. On doit à Arrhénius d'avoir attiré l'attention sur le rôle du CO2 atmosphérique dans l'effet de serre. Son nom reste également attaché à la théorie de la panspermie qu'il n'a pas inventée, mais a aidé à promouvoir, et selon laquelle la vie sur Terre aurait pu être apportée à travers l'espace par des germes se déplaçant, expliquait-il, sous l'effet de la pression de radiation. Une théorie qui déplace le problème de l'origine du vivant, mais le laisse ininterrogé.

Auteur de plusieurs ouvrages d'électrochimie et de chimie, il a aussi écrit des livres destinés au grand public, tels que L'Évolution des mondes (Världarnas utveckling,1906) et Le Destin des étoiles (Stjärnornas Öden, 1915).

La cosmogonie d'Arrhénius

Au temps d'Arrhenius, la conception de Laplace sur l'origine des mondes, si séduisante dans sa majestueuse simplicité, n'était plus, en effet, plus entièrement acceptable. Si, dans son ensemble, elle rendait compte de l'origine du système solaire, dans ses détails, elle se trouvait parfois en défaut; et, si elle expliquait comment est né le mécanisme dont notre Terre fait partie, du moins était-elle muette en ce qui concerne l'évolution des mondes.

De plus, il faut , en ce début de XXe siècle, dans une théorie cosmogonique bien équilibrée, faire intervenir les découvertes récentes faites dans l'ordre des sciences astronomiques et physiques. Laplace ne pouvait en tenir compte, puisqu'il les ignorait : la spectroscopie, la radioactivité, les ondes électriques, les théories électroniques de la matière inconnues à son époque. Arrhenius a eu le mérite de coordonner tous ces éléments dans une heureuse conception. Sa théorie ne laisse dans l'ombre aucun point essentiel; il va même jusqu'à expliquer le transport de la vie d'un monde à l'autre. Voici de quelle manière.

Le savant suédois conçoit, dans l'univers, l'intervention générale de deux forces nécessaires : la première est la gravitation universelle ou attraction universelle, découverte et formulée par Newton; la seconde est la pression de radiation, dont l'existence, démontrée en 1873 et 1876 par Maxwell et Bartoli, fut constatée réellement par les classiques expériences de Lebedev. La valeur de cette pression est de quatre miligrammes-force par mètre carré, à la surface de la Terre, pour des rayons solaires tombant normalement sur une surface noircie.

Si la première force, la gravitation, est indispensable pour expliquer les mouvements des sphères qui remplissent le ciel, la seconde ne paraît pas moins nécessaire pour expliquer le mécanisme de leur évolution.

Cette répulsion radiante fait que les astres perdent continuellement de la matière : l'atmosphère « coronale » du Soleil est, sans aucun doute, constituée de celle manière. Il y a ainsi, autour des astres incandescents, soleils ou étoiles, une émission continuelle de « poussières cosmiques », électrisées négativement.

Mais, si les astres perdent de la matière, ils en reçoivent aussi : comètes et étoiles filantes sillonnent le ciel. Parfois, des « météorites », véritables fragments minéraux, débris de corps célestes entrés en collision, tombent sur la terre; l'espace est donc sillonné d'éléments matériels errants : les uns de dimensions microscopiques, les autres plus importants.

En outre, les corps radioactifs qui existent sur la terre - et peut-être même tous les corps qui en constituent l'écorce minérale - perdent sans cesse de l'hélium, qui se dégage dans l'atmosphère, s'élance vers ses couches supérieures et s'y diffuse dans l'espace interplanétaire.

Ces molécules gazeuses vont donc errer dans l'espace, très éloignées les unes des autres, et, par conséquent, constituant des amas gazeux froids : la température d'un gaz dépend, en effet, de ses chocs moléculaires, et ceux-ci sont d'autant moins fréquents que les molécules constitutives en sont plus rares. On évalue à 200 degrés au-dessous de zéro la température de ces amas gazeux.

Que des grains adventifs de poussières cosmiques électrisées viennent à s'introduire dans ce milieu gazeux raréfié, au cours de leur voyage interastral, aussitôt, ces grains s'entourent des gaz qu'ils rencontrent. Les poussières électrisées rendent la masse gazeuse luminescente, d'autant mieux que la température est plus basse. Alors, l'amas gazeux raréfié devient visible, comme une tache laiteuse, sur le fond du ciel noir : c'est une nébuleuse qui a pris naissance, premier stade de la formation d'un monde. Nous pouvons analyser au spectroscope la lumière de ces astres devenus visibles et constater ainsi qu'ils ne renferment que de l'hydrogène, de l'hélium et un élément inconnu sur la terre, auquel on a donné le nom de nébulium (en fait un élément qui n'existe pas). On a ainsi la confirmation de la présence de l'hydrogène et de l'hélium dans les espaces célestes: ce sont les seuls corps restant gazeux aux basses températures.

Ces nébuleuses ont un rôle préservateur : elles arrêtent au passage les radiations catorifiques émises par les innombrables étoiles du ciel ; sans cela, celui-ci nous apparaîtrait comme une voûte de feu, et la vie serait détruite dans tout l'univers.

Elles se condensent peu à peu, car chaque grain matériel adventif tombe sur le centre de gravité de la masse totale: plus la condensation s'avance, plus la température s'élève. Alors, commence l'ère stellaire : une étoile est née; issue d'un milieu en incessant mouvement, elle prend elle-même un mouvement de rotation, et son refroidissement continuera ainsi.

Cette rotation va en s'accélérant quand les dimensions diminuent par contraction, car cette contraction amoindrit la valeur du moment d'inertie. La force centrifuge augmente donc, en même temps, assez pour qu'un anneau équatorial se puisse détacher de l'étoile centrale. Plus lard, il se rompra, par suite de la dissymétrie née du rayonnement, et la mafière s'agglomérera en une planète dont nous comprenons ainsi la naissance. Laplace avait eu cette conception du mode de formation des planètes, mais il prenait comme point de départ la nébuleuse déjà portée à haute température : Arrhenius nous fait aller plus avant dans leur passé, par sa conception de la nébuleuse froide.

Les poussières cosmiques peuvent voyager à travers l'espace, chassées par la pression de radiation. Arrhenius a calculé qu'un grain de poussière de 0,00016 m subissait une répulsion dix fois plus intense que la force de l'attraction. On peut dès lors calculer le temps qu'une telle particule mettra à aller du soleil à la terre: on trouve 56 heures environ. Or, l'astronome italien Ricco a constaté qu'il s'écoule 54 heures entre l'apparition d'une grande tache solaire et l'apparition d'une aurore boréale, formée précisément par l'arrivée des poussières électriques dans les couches supérieures de l'atmosphère terrestre.

Les étoiles, formées par la condensation des nébuleuses, ont donc d'abord une atmosphère d'hélium et d'hydrogène. Alors, commence dans l'astre nouveau l'évolution créatrice, sous l'influence des énormes pressions existant à son intérieur. L'hélium et l'hydrogène, qui sont les derniers termes des transformations de la matière par dégradation, sont sans doute les premiers termes des transformations par intégration. La formation de ces agrégats complexes de la matière, que nous appelons des corps simples ou éléments, se poursuit donc dans l'intérieur des étoiles, sous l'influence des pressions formidables qui y règnent. Arrhenius pense qu'il doit régner au centre du soleil une température de plus de 6 millions de degrés, et qu'il s'y est formé des composés endothermiques, des explosifs auprès desquels la nitroglycérine ne serait qu'un jouet d'enfants.

Ainsi nous avons vu une manière, pour une nébuleuse, de prendre naissance par agglomération de molécules gazeuses autour des grains de poussière
chassés par la radiation. Mais il y en a une autre, et c'est ici qu'éclate le génie d'Arrhenius, car celle seconde manière n'est autre que la résurrection des mondes.

Notre étoile, née, va évoluer; elle va se mouvoir, se refroidir; elle verra « mourir » autour d'elle ses planètes concomitantes, à mesure que ses rayons ne seront plus assez chauds pour leur fournir la vie. Elle finira donc par se recouvrir à son tour d'une croûte opaque, à peine crevée de temps en temps par les éruptions dues à l'énergie renfermée sous son écorce, et elle errera dans les cieux.

En errant ainsi, ou bien ce système rencontrera une autre nébuleuse: ses globes solides y deviendront tout de suite des centres de condensation, et ce sera autant de gagné pour la formation d'un monde nouveau; ou bien le soleil mort heurtera un autre soleil mort.
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La rencontre deux soleils.

Alors, un choc terrible aura lieu. La quantité de chaleur résultant de l'énergie cinétique du choc suffirait, à elle seule , pour volatiliser instantanément toute la matière constitutive de ces deux mondes en confit, mais y a plus : ces deux mondes superficiellement  éteints, sont des obus chargés, chargés de ces explosifs dont nous parlions tout à l'heure, qui sont accumulés à leur centre et que le bris instantané
de leurs enveloppes va brusquement mettre en liberté, en leur faisant dégager d'un seul coup toute la chaleur qu'ils avaient, au cours de millions de siècles, absorbée pour se former. Aussi tous les éléments se dissocient-ils, et ainsi a lieu, sans doute, cette « désagrégation atomique » qui transforme toute la matière existante en ses termes ultimes : l'hélium et l'hydrogène.

Ce choc est généralement oblique; aussi deux jets gazeux incandescents s'échappent en spirale de ce système : une nébuleuse spirale, analogue à celle des Chiens de chasse », a pris naissance, avec, en sa masse, un ou plusieurs centres de condensation provenant des parties des corps heurtés, agglomérés en premier lieu. Et alors, un monde nouveau est né.
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Un nouveau monde...

Ce n'est pas un rêve de l'esprit assure Arrhénius : nous voyons ces phénomènes se produire dans le ciel sous nos yeux. Quand une « étoile nouvelle », une nova, pour employer le langage (les astronomes, apparaît dans l'espace sombre, comme la nova de Persée qui fut observée en 1901, c'est un cataclysme de ce genre qui s'est produit, selon Arrhenius.

Ainsi les mondes évoluent, perdant de la matière, les astres peuplent l'espace des produits de leur désagrégation. Cette matière, ces atomes d'hélium et d'hydrogène se condensent sur les fragments d'astres éteints et sur les poussières; les nébuleuses naissent et se transforment en étoiles pour évoluer, se refroidir et mourir, tandis qu'au cours de leur évolution, la naissance des éléments chimiques n'a lieu qu'après la naissance des étoiles, constituant à la fois un perfectionnement et une décadence, car elle marque un pas vers le processus final.

Plus tard, encore, arrive la vie organique, de durée éphémère, si l'on considère les immenses intervalles de temps que comporte l'évolution d'un monde. Puis le refroidissement final, la mort,... et enfin la résurrection par heurt ou par pénétration dans une autre nébuleuse, faite des atomes issus d'autres mondes, Ainsi se conçoit le cycle éternel par lequel l'Univers se renouvelle sans cesse.

Arrhenius n'a pas arrêté là sa grandiose conception; il a voulu montrer que la vie elle-même se renouvelait à travers l'espace et le temps et que, tout comme les poussières cosmiques, les germes vivants pouvaient voyager à travers le ciel et porter la vie d'un monde à l'autre.

Les germes vivants, en effet, du moins les germes « élémentaires » comme certaines spores, ont à peu près la densité de l'eau et un diamètre approchant de ce diamètre « critique » à partir duquel la pression de radiation, force répulsive, l'emporte sur la gravitation, force attractive. Ces grains, vu leur petitesse, mettent un temps énorme à tomber à travers l'atmosphère gazeuse, car la résistance de l'air à la chute est d'autant plus importante que les dimensions du corps qui tombe sont plus faibles.

De telles spores peuvent être enlevées, par un courant d'air ascendant, aux limites de l'atmosphère terrestre. Là, elles rencontrent les poussières électrisées qui y sont arrivées, qui les électrisent et les repoussent vers le ciel. Elles sont alors saisies par l'influence de la pression de radiation qui les lance dans l'espace et les y fait voyager; quelques spores même se « colleront » à des grains de poussières errantes et, dans ces conditions, ces spores ainsi transportées mettront 80 jours pour arriver à la distance de l'orbite de la planète Mars, 4 ans pour arriver à celle de Jupiter; elles seront, en 11 ans, arrivées à celle d'Uranus et, en 21 ans, à celle de Neptune. Elles mettraient plusieurs milliers d'années à atteindre le système de l'étoile Alpha (ou plutôt Proxima) du Centaure, la plus rapprochée de nous après le Soleil. Accolées à des grains de poussière rencontrés en route et qui, eux, subissent un peu plus l'action de l'attraction que celle de la répulsion, elles pourront pénétrer jusqu'au sol d'une planète, une fois qu'elles seront arrivées à son atmosphère, et y tomber très lentement à cause de la résistance de celle-ci à leur chute. Qu'un seul germe arrive ainsi sur un astre où les conditions de la vie sont possibles, il y apportera cette vie; les êtres qui naîtront commenceront leur lente évolution, et la vie organique aura pris possession de la planète.

Mais ces germes supporteront-ils les dures conditions de leur voyage transastral? Ils auront, ne l'oublions pas, à supporter des températures très basses, se rapprochant du zéro absolu (273 degrés au-dessous du zéro de nos thermomètres); ils auront à subir l'action microbicide des radiations ultra-violettes et celles du vide. Résisteront-ils à tant de causes de destruction?

A cela, affirme Arrhenius, l'expérience répond : « Oui». D'Arsonval, Mac Faydor, Paul Becquerel ont démontré par l'expérience que des grains et des germes ne perdaient pas leur pouvoir germinatif et pouvaient rester dans le vide à 200 degrés au-dessous de zéro pendant des jours et des mois, sans perdre ce pouvoir.

Quant aux effets d'une illumination excessive, le Dr Roux et Duclaux ont pu conserver dans le vide, pendant plusieurs mois, des spores du « charbon » soumises à l'éclairage constant d'une puissante lumière solaire, alors qu'elles auraient, dans l'air, péri en peu de temps. Le vide et le froid de l'espace intersidéral sont donc des causes de préservation. Il est vrai que Paul Becquerel a obtenu la mort rapide de spores sèches de l'aspergille par l'action prolongée des rayons ultra-violets. Mais il ne faut pas oublier que, dans ces expériences, la source lumineuse ultraviolette était, pour ainsi dire, en contact avec les germes, alors que, dans l'espace, elle est très éloignée, et l'intensité lumineuse varie en raison inverse du carré des distances.

La conception d'Arrhenius s'applique dès lors à la transmission de la vie; cette vie organique elle-même ne serait donc qu'un perpétue recommencement, comme la vie « cosmique» des mondes. (A. Berget).

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