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Théosophie,
Théosophisme (du grec théos, Dieu,
et sophia, science). Ce nom désigne la sagesse ou science qui vient
de Dieu, celle qui a Dieu pour auteur, non celle qui se rapporte à Dieu
et dont Dieu est l'objet (et est la théologie). En effet, écrit P. Lobstein,
quelque variés que soient les essais et les systèmes théosophiques qui
ont paru dans l'histoire, ils ont tous la prétention de procéder d'une
inspiration immédiate, d'une illumination directe de la divinité. Ce
qui caractérise la théosophie, c'est moins l'objet de la connaissance
que la méthode appliquée à l'acquisition de cette connaissance, les
formes dont on la revêt, les procédés par lesquels on s'en empare. Elle
substitue à la réflexion l'intuition, à la méthode scientifique l'inspiration
immédiate. Le théosophe n'est véritablement ni un chercheur ni un savant;
c'est un illuminé, un voyant. Il ne puise pas les éléments de son système
dans l'observation de la nature ou dans l'histoire, mais dans une révélation
spéciale de la divinité.
A cet égard, la théosophie, qui est une
variété de l'Illuminisme se rapproche
du mysticisme; mais elle en diffère par
l'étendue à laquelle elle prétend, c.-à -d. par sa prétention à s'élever
à une vue d'ensemble des choses finies dans leur relation avec l'infini,
à faire rentrer dans la sphère de sa connaissance l'universalité des
êtres, et à éclairer d'un jour divin cette connaissance; tandis que
le mysticisme n'aspire pas tout d'abord et nécessairement à embrasser
dans une vaste synthèse la nature et l'esprit, Dieu et le monde; il se
propose principalement d'établir le rapport religieux de l'individu avec
Dieu, l'union de l'âme et de Dieu.
Un trait commun à beaucoup de théosophes,
c'est qu'ils cherchent à pénétrer les secrets de la nature. Mais, comme
le dit Weber (Histoire de la philosophie européenne; Paris, 1872,
pp. 269-70), la théosophie n'étudie point la nature pour la nature, mais
pour y découvrir I'Être mystérieux que la nature cache en même temps
qu'elle le révèle. Or, pour le découvrir il faut une clef de sésame,
un instrument non moins mystérieux que les études théosophiques. La
théosophie est donc à la recherche des doctrines secrètes. Ce qui s'offre
à elle sous cette forme, elle le saisit avec avidité...
On ne peut y voir qu'un syncrétisme où
se trouvent confondus l'enthousiasme et l'observation de la nature, la
tradition et le raisonnement, l'alchimie et
la théologie, la métaphysique et la médecine. Le langage théosophie
est ordinairement symbolique. Elle ne se contente pas de sonder le grand
mystère; il ne lui suffit pas de connaître la nature; elle veut aussi
et surtout régner sur elle, la dominer, l'assujettir. De même qu'elle
prétend arriver à la connaissance des choses par une doctrine secrète,
elle se flatte de parvenir à se les assujettir par un art secret, par
des formules, des pratiques mystérieuses. C'est dire qu'elle passe Ã
la magie et à la théurgie.
La magie se base sur ce principe que le monde est une hiérarchie de forces
divines, un système d'agents échelonnés en une série ascendante et
descendante, dans laquelle les agents supérieurs commandent et les agents
inférieurs obéissent. Pour que le théosophe puisse gouverner la nature
et la transformer au gré de ses désirs, il faut qu'il s'assimile les
forces supérieures dont relève la sphère sublunaire. Comme au point
de vue d'Aristote et de Ptolémée,
ces forces supérieures sont les puissances célestes, les agents sidéraux,
l'astrologie joue un rôle capital dans les
élucubrations théosophiques ( Occultisme).
Les religions de L'Orient ont eu leurs
théosophes. L'Inde, l'Arabie, la Perse surtout ont donné naissance Ã
des systèmes de spéculation théosophique, dont quelques-uns n'ont pas
été sans influence sur la pensée chrétienne.
Sous plus d'un rapport, le néoplatonisme est une théosophie et une théurgie
autant qu'une philosophie; et l'on a pu,
non sans raison, ranger Plotin et surtout Jamblique
et Proclus parmi les théosophes. Les systèmes
gnostiques relèvent, eux aussi, de la théosophie plutôt que de la théologie
proprement dite. De toutes les théosophies, la plus importante est peut-être
la Cabbalejuive. Son influence fut immense :
on en retrouve la trace pendant tout le Moyen âge; lors de la Renaissance,
elle s'exerça d'une manière plus sensible encore, et elle trouva des
adeptes parmi les érudits et les philosophes les plus éminents de cette
époque.
On compte, parmi les théosophes, de grands
esprits, dupes de leur imagination : les uns, moins savants et plus portés
vers les idées religieuses, comme Théophraste Bombast, dit Paracelse,
Jacob Boehme, Gichtel, Saint-Martin, Scheiblet;
d'autres, plus instruits et plus portés à la discussion, comme Cornelius
Agrippa de Nettesheim (De Vanitate scientiaium), Valentin Weigel,
Robert Fludd, Mercurius
Van Helmont, Jean-Baptiste Van Helmont, Jean-Amos
Comenski, dit Comenius (Synopsis physices ad lumen divinum reformatae).
D'autres noms à rattacher à la théosophie peuvent encore être cités
: Pic de la Mirandole, Reuschlin (De Verbo
mirifico, De Arte cabalistica), Jérôme Cardan,
Antoinette Bourignon, Oetinger, Pasqualis Martinez, Emmanuel
Swedenborg, Franz von Baader, Schelling,
etc. Les thématiques qu'ils ont mis en oeuvre seront souvent récupérées
plus tard par divers mouvements ésotériques et autres sectes.
Ajoutons que dans une acception différente
on a donné le nom de théosophisme à la doctrine de quelques Cartésiens
qui se rapprochent le plus de Malebranche,
et qui attribuent à l'action directe de Dieu nos sentiments, nos pensées
et nos volitions. Cette doctrine ne doit pas
être confondue avec la théosophie. (E.-H. Vollet / R.).
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En
bibliothèque - Tholuck. Soufimus
sive theosophia Persarum pantheistica; Berlin, 1821. - Frank, la
Kabbale ou Philosophie religieuse des Hébreux; Paris, 1843, in-8;
1818. - Du même, Paracelse et l'alchimie au XVIe siècle; Paris,
1855, in-12. - Fürst, Die Jüdische, Religionsphilosophie der Mittelalters;
Leipzig. 1845. - Rocholl, Beiträge zur einer Geschichte deutschen Théosophie,
mit besonderer Rucksicht ouf Molitor's Philosophie
der Geschichte, 1856. - A. Prost, les Sciences et les Arts occultes
au XVIe siècle; Paris, 1881, 2 vol. in-8. |
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