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L'histoire du Maroc
7 - Les chérifs hasani (depuis ca. 1664)
Aperçu
1- L'Antiquité
2 - La conquête musulmane
3 - Les Almoravides
4 - Les Almohades 5 - L'empire mérinide  6 - Les chérifs saadiens  7 - Les chérifs hasani
Après la mort de Maulay [Moulaï]-Ahmed-el-Abbas, dernier prince saadien, Er-Rechid, un des fils de Maulay-Ali-Chérif, le chef de la zaouïa de Sidjilmassa, dans l'oasis du Tafilalet, se fait proclamer sultan à Oudjda; il combat et tue son frère Maulay-Mohammed et s'empare ensuite du Tafilalet en 1665. C'est là le commencement de la dynastie des chérifs filali. En 1667, Er-Rechid s'empare de Taza et ensuite de Fès qui obéissait à un certain Ed-Dreïdi, puis il s'occupe de combattre un agitateur du nom de Ghilan, maure d'origine andalouse, qui avait réussi à établir sa domination dans toute la province d'Alkasar, dans celle de Tanger et aux environs de Tétouan et qui venait de conclure une sorte de pacte d'alliance avec lord Bellasis, le gouverneur anglais de Tanger. Ghilan, battu, s'embarque à Asilah et se réfugie à Alger. Au retour de cette campagne, le sultan soumet les Beni-Zeroual et toute la majeure partie des Djebala, puis il s'empare dans le centre de L'empire de la fameuse zaouïa de Dela qu'il détruit en en dispersant les marabouts, et, l'année suivante, il franchit l'Atlas pour ranger sous son autorité les Aït-Aïach. Rentré à Fès, il embellit cette ville; on lui doit notamment le grand pont sur l'oued Sebou et la kasba dite d'El-Khemis actuellement en ruine, mais qui avait été construite pour assurer la sécurité de la route de Fès à Mequinez. En 1670, Maulay-er-Rechid conquit le Sous et s'empara de Taroudant. Il mourut à Marrakech, en 1672, d'un accident de cheval. L'oeuvre de ce souverain est considérable, et avec lui commence réellement la période moderne de l'histoire du  Maroc; on voit déjà y figurer les tribus de nos jours. 

Er-Rechid, en détruisant l'autorité des marabouts et des petits chefs qui rendaient toute action gouvernementale impossible, avait étendu sa puissance d'Oudjda à l'oued Sous, préparant ainsi le grand règne de son frère Maulay-Ismaïl. A peine monté sur le trône, ce dernier eut à combattre plusieurs compétiteurs : son frère Maulay-el-Harran, qui se fit proclamer sultan au Tafilalet en étendant son autorité sur les régions sahariennes, puis son neveu Ahmed-ben-Mahrez qui était reconnu à Marrakech et dans les environs, enfin le fameux Ghilan, revenu d'Algérie, avait reparu dans le Rif, aidé par un corps de Turcs. Grâce à la vaillante énergie qui est le trait saillant de son caractère, Maulay-Ismaïl ne tara pas à venir à bout de toutes ces difficultés. Ghilan est tué à Fès en 1673; la ville est frappée d'une lourde imposition; les troupes de Ben-Mahrez sont défaites dans le Tadela et, après trois années de luttes acharnées, le nouveau sultan entre à Marrakech, tandis que Maulay-el-Harran était pris au Tafilalet et interné. Maulay-Ismaïl s'occupa alors avec une grande activité, devenue légendaire au Maroc, des affaires de son empire. Il embellit et transforma complètement Mequinez  dont il fit sa résidence favorite. Il s'appliqua à resserrer ses relations avec la France; l'ambassade qu'il envoya à Versailles sous la conduite de Ben-Aïssa pour demander à Louis XIV la main de la princesse de Conti est restée célèbre; il reçut en 1682 la mission du baron de Saint-Amand. Tout en maintenant un étroit blocus autour de la place de Tanger, il entretint de bonnes relations avec les marchands de Londres. Il organisa son armée d'une manière solide et nouvelle; ayant fait venir de grandes quantités de Soudanais, il créa de véritables colonies agricoles qui constituaient en même temps le personnel de sa garde. 

Ces cavaliers placés sous le patronage d'un saint commentateur du Coran, Sidi-el-Boukhari,  conservèrent par  la suite le titre d'Abid-Boukhari ou esclaves de Boukhari. A la fin de son règne, leur nombre atteignait  150 000; jamais le Maroc ne devait, retrouver semblable force militaire. Pour compléter l'organisation de sa domination, Maulay-Ismaïl fil élever sur tous les points stratégiques de son empire et le long de toutes les routes une série de kasba ou forts qui assuraient la tranquillité et dont on voit encore les ruines. Une expédition hasardeuse, qu'il conduisit lui-même jusqu'en Algérie, échoua sur les bords du Chélif de par la désertion des Arabes, mais un de ses neveux, Ahmed, réussit à mener ses troupes jusqu'au Soudan. Maulay-Ismaïl poursuivit avec la plus grande énergie la guerre contre les places que les chrétiens détenaient encore à cette époque, mais il ne put rien contre Ceuta après s'être emparé de la Mamoura. Enfin, en 1683, le Parlement anglais ayant résolu l'évacuation de Tanger, les troupes chérifiennes occupèrent la ville en 1684 dont les Anglais avaient détruit les principales fortifications ainsi que le môle, ouvrages qui leur avaient coûté, quelques années auparavant, tant de peines et tant d'argent. La joie des musulmans fut très grande, d'autant que, peu après, Larache et Asilah retombèrent aussi au pouvoir de Maulay-Ismaïl, dont la gloire se trouva portée comme à son apogée. Il ne demeurait plus entre les mains des chrétiens que Ceuta, Melilla et Mazagan.

Dégagée du fatras des racontars qui, longtemps, firent autorité sur ce prince et que nous ont légués les récits nombreux des esclaves ou des religieux qui se rendaient au Maroc, au XVIIIe siècle, y racheter des captifs, la vie de Maulay-Ismaïl est la plus grande page de l'histoire du Maroc. Dans la dynastie des Filali, il tient une place qui ne le cède en rien comme importance à l'oeuvre accomplie à celle d'El-Mansour, des chérifs saadiens. Il mourut à Mequinez le 22 mars 1727 à l'âge de quatre-vingts ans, après un règne de cinquante-sept ans. Si l'on en croit les récits populaires, Maulay-Ismaïl aurait eu 528 garçons et un nombre égal de filles; les prisons contenaient 25 000 captifs chrétiens et environ 30 000 criminels; le jour, tous ces prisonniers étaient employés aux immenses travaux que ce souverain ne cessa de faire entreprendre durant sa vie. A sa mort, il laissait le pays dans la plus grande prospérité et dans la tranquillité la plus parfaite; d'Oudjda jusqu'à l'oued Noun il en était ainsi. Maulay-Ismaïl, pour reprendre et développer l'oeuvre politique des Saadiens, n'avait cessé de combattre et de détruire les influences locales acquises par certains chefs et marabouts; pour augmenter son autorité religieuse, il favorisa la confrérie de Maulay-Taïeb et fut le premier à lui donner l'importance qu'elle conservera pendant les siècles suivants.

Son fils, Ahmed, surnommé El-Dehebi, à la suite de son expédition au Soudan, lui succéda, mais le mécontentement que provoqua la rapacité des nouveaux gouverneurs de province ne tarda pas à amener la rébellion dans l'empire. La garde noire elle-même se révolte; le pacha de Fès est massacré; Maulay-Abd-el-Malek en profite pour se faire proclamer à Marrakech, puis entrer à Mequinez, tandis qu'Ahmed est déchu. L'agitation est alors générale; Ahmed qui s'était réfugié au Tafilalet est rappelé; le pays se trouve partagé entre deux souverains. A sa mort, le Nord est disputé entre son fils Abou-Farés et Maulay-Abdallah, frère d'Ahmed, né d'une esclave anglaise. Abdallah l'emporte et, après six mois d'un siège assez rigoureux, s'empare de Fès. Sur ces entrefaites, une grande révolte des Berbères se déclare et ajoute encore à la confusion. Abdallah, se défiant de la fidélité de la garde noire, veut l'amoindrir, mais les chefs des Abid-Boukhari préviennent ses desseins en le déposant en septembre 1734 au profit de son frère Maulay-Ali. Ce dernier arrivait du Tafilalet, mais à soit tour il est chassé par la garde, qui reprend Maulay-Abdallah pour peu de temps, car des intrigues remettent bientôt en disgrâce ce dernier. Cette situation se prolonge; on voit successivement arriver Maulay-Mohammed qui, jusqu'alors, était assiégé dans Fès, puis à nouveau Maulay-Abdallah jusqu'au moment où Maulay-Mostadi, dont la mère passait pour avoir des relations avec le chef des Abid-Boukhari, se fait proclamer. L'empire se trouve à nouveau divisé; Mostadi, soutenu par les provinces des Beni-Hasan et par le Gharb, est battu par Maulay-Abdallah, qui regagne des partisans dans la garde et surtout dans la grande tribu des Oudaïa. Maulay-Abdallah, maître du pouvoir pour la sixième fois vers 1742, peut régner dans une paix relative, grâce à l'affaiblissement des Boukhari décimés dans cette suite de révolutions. Il mourut en 1757 à Fès. 

Son fils Sidi-Mohammed parut surtout s'attacher à développer et à définir les relations commerciales avec les pays d'Europe; le Danemark, la Suède, les États-Unis, la France passèrent des traités. Sous son règne put lieu l'affaire dite de Larache, au cours de laquelle une escadre française, commandée par Du Chaffaut et qui venait de bombarder Salé et Rabat, dont les corsaires avaient insulté le pavillon français, perdit 450 hommes dans la rivière du Kous. Le comte de Breugnon vint en 1767 racheter à la cour les captifs et signer. un traité de commerce qui servit de base, jusqu'au début du XXe siècle, aux relations de la France avec le Maroc. Breugnon laissa comme consul Chenier qui s'installa à Salé et qui, plus tard, devait être envoyé à Constantinople. Le sultan Sidi-Mohammed, le premier, autorisa l'exportation des grains, condamnée auparavant et maintes fois dans la suite par le fanatisme intransigeant de la cour chérifienne qui refusait, comme illicite et impure, la vente de céréales aux infidèles. C'est à ce souverain que l'on doit la fondation de Mogador, construite sur les plans de l'ingénieur français Cornut. Il entreprit le siège de Melilla, opération stérile à laquelle on raconte qu'il consacra une fortune; sous son règne, les Portugais évacuèrent la petite ville de Mazagan en 1769, dernier vestige de leurs anciennes possessions. En 1777, fut signé un traité avec la Hollande, qui mettait fin à des difficultés survenues entre les deux pays et au cours desquelles la flotte hollandaise avait brillé des bâtiments marocains à l'embouchure du Kous et du Sebou. 
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Rabat.
Rabat sur une ancienne gravure.

Le sultan Sidi-Mohammed licencia durant son règne la plus grande partie de la garde noire, et lorsqu'il mourut, le 11 avril 1790, il laissa une grande réputation de sagesse et de modération.  Le Triestin Petrobelli, le Toscan Petro Muti, le Gênois Chiappe furent parmi ses principaux ministres. 800 transfuges espagnols et portugais étaient distribués dans les places de l'empire, et Boisselin, fils d'un chapelier de Paris, commandait à Mogador une troupe de 250 transfuges français. D'une de ses femmes, fille d'un renégat irlandais, il eut Maulay-Yezid ; il employa aussi un juif de Marseille, et le caïd Driss, qui était son premier chambellan, était un transfuge mahonais. Au moment de sa fin, il se disposait à aller châtier son fils qui était entré en rébellion. Maulay-Yezid régna peu de temps. D'abord proclamé à Tétouan, puis à Rabat et à Salé, il se signala par son extrême cupidité; obéissant à ce sentiment, il fit piller les juiveries. Il était fanatique et signa en 1791, néanmoins, avec les Anglais, un traité qui leur accordait de très grands avantages. L'article III leur reconnaissait le droit d'aller, venir, vendre, résider, voyager, louer ou bâtir des maisons et magasins dans ses États. A la mort de Maulay-Yezid, la lutte s'engage entre ses frères; ce fut Moulay-Seliman qui l'emporta. Proclamé à Rabat et à Tanger, il se hâte d'affermir son pouvoir en ouvrant des relations avec les puissances étrangères et par un gouvernement empreint de justice et de douceur. 

En 1795, la République française décida de transférer le consulat de Salé à Tanger afin de mieux surveiller la politique des Anglais et des Espagnols. Plus tard, la bataille de Trafalgar porta un coup sensible à la situation de la France au Maroc et fit passer la suprématie relative, qu'elle y exerçait depuis Louis XIV, aux mains de l'Angleterre. Maulay-Seliman envoya cependant une ambassade à Saint-Cloud, dont le chef, Hadj-Driss-Errâni, dans une audience solennelle, le 6 septembre 1807, décerna à Napoléon le titre de sultan des sultans; mais une mission confiée peu après au capitaine Burel, pour faire sortir le chérif de sa neutralité bienveillante vis-à-vis des Anglais, échoua. Ce fut durant ce règne que se fonda, au Sud du Sous, le petit État indépendant de Sidi-Hécham. Le grand honneur de Maulay-Seliman fut de mettre fin à la piraterie qu'exerçaient ses populations maritimes; il prit même l'engagement, qu'il tint religieusement, de racheter les captifs qui seraient faits dans l'extrême Sud à la suite des naufrages. Les dernières années de son règne furent attristées par une grande révolte des Berbères du centre de l'empire. Les Aït-Iousi, les Beni-Meguiled, les Zaïan surprirent le camp impérial, le pillèrent, et le sultan lui-même ne dut le salut qu'au dévouement d'un berger qui, en le couvrant de son burnous, l'aida à fuir. Assiégé ensuite dans Mequinez, il voit Fès tomber aux mains de son neveu, Maulay-Brahim, que les intrigues et l'influence des chérifs d'Ouazzan y avaient fait reconnaître pour quelque temps. L'insurrection passe ensuite aux mains de Maulay-Saïd, prince énergique que Maulay-Seliman parvient néanmoins à exiler au Tafilalet. Avant de mourir, le 28 novembre 1822, le sultan avait désigné comme son héritier son neveu Maulay-Ahderraman. 

Les commencements du nouveau règne furent, comme d'habitude, au Maroc, assez troublés. En 1825, arriva à Fès une ambassade française, et, peu après, le sultan eut des difficultés avec l'Angleterre qui bloqua les côtes, puis avec les Autrichiens qui bombardèrent quelques ports, mais subirent un échec assez grave près de Larache. La prise d'Alger et l'occupation d'Oran devaient avoir un profond retentissement au Maroc et à la cour chérifienne en particulier. On sait que Maulay-Abderraman essaya alors de s'emparer de Tlemcen : il y était également poussé par l'orgueil fanatique de son entourage et par les intrigues étrangères. La mission du comte d'Auvray envoyée à cet effet à la cour de Fès pour faire renoncer le chérif à ses visées ne paraît pas avoir eu grand effet, car Abderraman n'en persista pas moins à charger son neveu Maulay-Ali de garder le royaume de Tlemcen, et il envoya lui-même des agents jusqu'à Médéa et à Miliana se faire reconnaître par les populations comme gouverneurs au nom du Makhzen marocain. Il fallut la mission spéciale de Mornay qui, en 1832, se rendit à Mequinez lui porter un ultimatum très net pour le faire renoncer à ses prétentions. Dans la suite, la cour chérifienne n'en devait pas moins aider de toute son influence Abd-el-Kader qui reçut même, dit-on, à Taza, un burnous d'investiture d'Abderraman. Ce fut, du reste, par la voie du Maroc qu'Abd-el-Kader tira tous ses approvisionnements et munitions durant sa lutte contre les Français en Algérie. On en eut les preuves les plus décisives, et le colonel de Larue fut envoyé à Mequinez afin de rappeler le sultan à l'observation de sa neutralité. La révolte des Oudaïa qui arriva sur ces entrefaites devait l'y forcer tout naturellement : mais, peu après, les difficultés augmentèrent le long de la frontière oranaise que les Marocains voulaient reculer à la Tafna. 

Le sultan avant concentré des troupes considérables à Oudjda, l'audace guerrière des populations ne cessa d'augmenter; la situation devint difficile jusqu'au moment où les agressions se multiplièrent. Le maréchal Bugeaud dut engager l'action, prendre Oudjda et enfin, le 14 août 1844, l'armée marocaine commandée par Sidi-Mohammed, fils d'Abderraman, fut complètement défaite à la bataille de l'Isly. Pendant ce temps, le prince de Joinville bombardait Tanger et Mogador. La paix fut ensuite conclue; la France obtenait du gouvernement marocain la mise hors la loi d'Abd-el-Kader et comme frontière celle qui était reconnue à l'époque de la domination turque. Vers 1850, des difficultés s'élevèrent à nouveau avec la cour de Fès, à la suite du refus du sultan d'admettre la correspondance directe entre lui et notre chargé d'affaires de France. Le bombardement de Salé en 1851 par une escadre française inspira au chérif une appréciation plus prudente des choses. Maulay-Abderraman mourut le 6 septembre 1859. Son fils, Sidi-Mohammed, lui succéda au moment de graves difficultés survenues avec l'Espagne. Les délimitations défectueuses des présides et, en particulier, du territoire de Ceuta, avaient amené une série d'incidents graves. Le gouvernement de Madrid résolut alors l'expédition dite de 1859 ou de Tétouan qui dura six mois, nécessita une armée d'environ 40 000 hommes, se termina par la prise de Tétouan et par le traité de l'Oued-Ras. On connaît l'action diplomatique toute-puissante à cette occasion de l'Angleterre, les engagements exigés du cabinet de Madrid avant le commencement de la campagne et enfin l'arrêt brusque de l'armée d'O'Donnel et de Prim sur le chemin de Tétouan à Tanger. Pendant cette expédition, la France avait prêté à l'Espagne un matériel de guerre assez considérable, et une escadre française avait bombardé les forts marocains de l'embouchure de la rivière de Tétouan. Par le traité qui mettait fin à cette guerre, l'Espagne obtenait de grandes satisfactions et entre autres le paiement d'une indemnité de 100 millions. Après cette rude défaite, le sultan Sidi-Mohammed régna en paix jusqu'en 1873 et, éclairé par l'expérience, résista aux intrigues des rivaux de la France qui le poussèrent en 1870 à profiter de la guerre franco-allemande pour semer la révolte dans la province d'Oran.

A sa mort, qui survint à Marrakech, un de ses fils, Maulay-el-Hasan, fut nommé en 1873 à l'exclusion de son frère aîné, Maulay-Othman. Très aimé par l'armée, il ne rencontra pas d'opposition violente dans sa famille ; il n'en fut pas de même dans le pays, et il lui fallut d'abord se transporter à l'extrémité orientale de son empire, à Oudjda, où un de ses caïds,  l-Hadj-Mohammed-ould-el-Bachir, lui causait de graves embarras avec les autorités algériennes. Durant la route, le sultan essuya une véritable défaite aux environs de Taza, de la part de la tribu des Ghyiâtsa. Rentré à Marrakech, Maulay-el-Hasan résolut d'asseoir son gouvernement dans la province du Sous; cette opération considérable et des plus difficiles nécessita deux expéditions. En somme, les premières années de ce règne furent consacrées de 1873 à 1888 à faire reconnaître, puis à consolider son autorité dans les régions accessibles de l'empire qu'il parcourait sans cesse et presque chaque année, de Maroc à Fès, de Fès à Oudjda, pour ensuite revenir au coeur de ses États. Par deux fois, il se rendit au Sous, tandis que, par une habile politique de rapprochement, puis d'alliance avec les marabouts du Tadela, il s'assurait le concours précieux et indépendant d'un chef tout-puissant, le caïd Mohammed-ou-Hammou, de la grande tribu des Zaïan. Vers la fin de 1887, Maulay-el-Hasan consacra les ressources que lui avaient données sa diplomatie intérieure et la domination des territoires qui lui étaient soumis pour entreprendre la lutte contre l'influence de la secte religieuse des Derkaoui, et il ne cessa aussi de combattre l'hégémonie berbère. 

L'expédition chez les Beni-Meguiled, au Sud de Mequinez, n'avait d'autre but; enfin et après la mort du chérif El-Arbi-el-Derkaoui dont la zaouïa était dans le Medaghara, sur la limite des oasis de Tafilalet, le sultan se rendit lui-même, à la tête d'une armée nombreuse, dans ces régions méridionales. Il tenta de développer son influence dans toutes les contrées sahariennes environnantes, mais des difficultés très graves survenues aux environs de Melilla avec le gouvernement espagnol le forcèrent à rentrer à Marrakech où il reçut l'ambassade du maréchal Martinez Campos. Il signa un traité qui mettait fin à ces difficultés et qui accordait à l'Espagne une indemnité de 20 millions de pesetas. Au printemps de 1894, Maulay-el-Hasan se mit en route pour gagner le Nord de son empire, mais il mourut en route entre Marrakech et Rabat, au campement de Dar-ould-Ziddou le 6 juin. Durant tout son règne, ce souverain, d'une activité infatigable, et qui, presque chaque année, prenait la tête de ses troupes pour quelque expédition, s'attacha d'autre part, grâce à sa diplomatie que secondèrent les jalousies des puissances occidentales, à maintenir la barrière qui ferme jusqu'au début du XXe siècle le Maghreb el-Acsa à l'activité européenne. Les traités de commerce qu'il signa témoignent de cette volonté par le peu de concession qu'il fit. En 1881, avait eu lieu à Madrid une conférence internationale pour les affaires du Maroc; aidé, conseillé, soutenu par la diplomatie anglaise, le gouvernement marocain rendit comme nul cet essai de modification à l'état de choses assez qui caractérise le Maroc. 

Le jeune Abd-el-Aziz, fils d'une Circassienne, a succédé en 1894 à son père à l'âge de quatorze ans, son règne verra la mise sous tutelle de son pays à partir de 1907, avec un protectorat de la France officiel à partir de 1912, puis  (pour la région de Tanger), de l'Espagne. Devenu colonie, de fait, le Maroc se soulève en 1926 dans le Rif, une rébellion qu'écrasera dans le sang le maréchal Pétain. Le sultan et futur roi Mohammed V contribuera ensuite, pendant la Seconde guerre mondiale à ranger le Maroc dans le camp de la France libre, contre le régime de Vichy. Des émeutes en 1952, durement réprimées viendront cependant rappeler les volontés d'indépendance du Maroc. Le sultan est déposé l'année suivante et exilé en Corse; on le remplace par Mohammed ben Arafa. Le Maroc obtient finalement son indépendance en 1956, autant de la France que de l'Espagne quelques mois plus tard. Mohammed V retrouve son trône mais meurt en 1961. Après une période de troubles, le roi Hassan II, son successeur verrouille le pays d'une main de fer. A sa mort, en 1999, son fils, Mohammed VI, lui succède. C'est l'actuel roi du Maroc. (H.-P. de la Martinière).

Chronologie de la dynastie des chérifs filali ou hasani :
Maulay-Chérif, fils d'Ali-el-Hasani, maître du Tafilalet, 1633 ; Mohammed, son fils, 1637; le même, à Fès, 1649; Maulay-er-Rechid, frère du précédent, 1664; Abou-Naser-Ismaïl, plus connu sous le nom de Maulay-Ismaïl, son frère, 1672; Ahmed-ed-Dehebi, son fils, 1727; Abdel-Malek, son frère, 1728; Abdallah, frère des précédents, 1729; Ali, son frère, 1735; Abdallah revient, 1736 ; Mohammed-ben-Ariba, leur frère, 1736; El-Mostadi, leur frère, 1738; Abdallah, pour la troisième fois, 1740; Mohammed, son fils, 1748; Maulay-Yezid, son fils, 1789; Maulay-Seliman, son frère, 1792; Maulay-Abderraman, son neveu, 1822; Sidi-Mohammed, son fils, 1859 ; Maulav-el-Hasan, son fils, 1873; Maulay-Abd-el-Aziz, son fils, 1894, etc.
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