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Après
la mort de Maulay [Moulaï]-Ahmed-el-Abbas, dernier prince saadien,
Er-Rechid, un des fils de Maulay-Ali-Chérif, le chef de la zaouïa
de Sidjilmassa, dans l'oasis du Tafilalet, se fait proclamer sultan à
Oudjda; il combat et tue son frère Maulay-Mohammed et s'empare ensuite
du Tafilalet en 1665.
C'est là le commencement de la dynastie des chérifs filali.
En 1667,
Er-Rechid s'empare de Taza et ensuite de Fès
qui obéissait à un certain Ed-Dreïdi, puis il s'occupe
de combattre un agitateur du nom de Ghilan, maure d'origine andalouse,
qui avait réussi à établir sa domination dans toute
la province d'Alkasar, dans celle de Tanger et aux environs de Tétouan
et qui venait de conclure une sorte de pacte d'alliance avec lord Bellasis,
le gouverneur anglais de Tanger. Ghilan, battu, s'embarque à Asilah
et se réfugie à Alger. Au retour
de cette campagne, le sultan soumet les Beni-Zeroual et toute la majeure
partie des Djebala, puis il s'empare dans le centre de L'empire de la fameuse
zaouïa de Dela qu'il détruit en en dispersant les marabouts,
et, l'année suivante, il franchit l'Atlas pour ranger sous son autorité
les Aït-Aïach. Rentré à Fès, il embellit
cette ville; on lui doit notamment le grand pont sur l'oued Sebou et la
kasba dite d'El-Khemis actuellement en ruine, mais qui avait été
construite pour assurer la sécurité de la route de Fès
à Mequinez. En 1670,
Maulay-er-Rechid conquit le Sous et s'empara de Taroudant. Il mourut à
Marrakech, en 1672,
d'un accident de cheval. L'oeuvre de ce souverain est considérable,
et avec lui commence réellement la période moderne de l'histoire
du Maroc; on voit déjà y figurer les tribus de nos
jours.
Er-Rechid, en détruisant
l'autorité des marabouts et des petits chefs qui rendaient toute
action gouvernementale impossible, avait étendu sa puissance d'Oudjda
à l'oued Sous, préparant ainsi le grand règne de son
frère Maulay-Ismaïl. A peine monté sur le trône,
ce dernier eut à combattre plusieurs compétiteurs : son frère
Maulay-el-Harran, qui se fit proclamer sultan au Tafilalet en étendant
son autorité sur les régions sahariennes, puis son neveu
Ahmed-ben-Mahrez qui était reconnu à Marrakech et dans les
environs, enfin le fameux Ghilan, revenu d'Algérie, avait reparu
dans le Rif, aidé par un corps de Turcs .
Grâce à la vaillante énergie qui est le trait saillant
de son caractère, Maulay-Ismaïl ne tara pas à venir
à bout de toutes ces difficultés. Ghilan est tué à
Fès
en 1673;
la ville est frappée d'une lourde imposition; les troupes de Ben-Mahrez
sont défaites dans le Tadela et, après trois années
de luttes acharnées, le nouveau sultan entre à Marrakech,
tandis que Maulay-el-Harran était pris au Tafilalet et interné.
Maulay-Ismaïl s'occupa alors avec une grande activité, devenue
légendaire au Maroc, des affaires de son empire. Il embellit et
transforma complètement Mequinez dont il fit sa résidence
favorite. Il s'appliqua à resserrer ses relations avec la France;
l'ambassade qu'il envoya à Versailles
sous la conduite de Ben-Aïssa pour demander à Louis
XIV la main de la princesse de Conti
est restée célèbre; il reçut en 1682
la mission du baron de Saint-Amand. Tout en maintenant un étroit
blocus autour de la place de Tanger, il entretint de bonnes relations avec
les marchands de Londres. Il organisa son
armée d'une manière solide et nouvelle; ayant fait venir
de grandes quantités de Soudanais, il créa de véritables
colonies agricoles qui constituaient en même temps le personnel de
sa garde.
Ces cavaliers placés
sous le patronage d'un saint commentateur du Coran ,
Sidi-el-Boukhari, conservèrent par la suite le titre
d'Abid-Boukhari ou esclaves de Boukhari. A la fin de son règne,
leur nombre atteignait 150 000; jamais le Maroc ne devait, retrouver
semblable force militaire. Pour compléter l'organisation de sa domination,
Maulay-Ismaïl fil élever sur tous les points stratégiques
de son empire et le long de toutes les routes une série de kasba
ou forts qui assuraient la tranquillité et dont on voit encore les
ruines. Une expédition hasardeuse, qu'il conduisit lui-même
jusqu'en Algérie ,
échoua sur les bords du Chélif de par la désertion
des Arabes, mais un de ses neveux, Ahmed, réussit à mener
ses troupes jusqu'au Soudan. Maulay-Ismaïl poursuivit avec la plus
grande énergie la guerre contre les places que les chrétiens
détenaient encore à cette époque, mais il ne put rien
contre Ceuta
après s'être emparé de la Mamoura. Enfin, en 1683,
le Parlement anglais ayant résolu l'évacuation de Tanger,
les troupes chérifiennes occupèrent la ville en 1684
dont les Anglais avaient détruit les principales fortifications
ainsi que le môle, ouvrages qui leur avaient coûté,
quelques années auparavant, tant de peines et tant d'argent. La
joie des musulmans fut très grande, d'autant que, peu après,
Larache
et Asilah retombèrent aussi au pouvoir de Maulay-Ismaïl, dont
la gloire se trouva portée comme à son apogée. Il
ne demeurait plus entre les mains des chrétiens que Ceuta, Melilla
et Mazagan.
Dégagée
du fatras des racontars qui, longtemps, firent autorité sur ce prince
et que nous ont légués les récits nombreux des esclaves
ou des religieux qui se rendaient au Maroc, au XVIIIe
siècle, y racheter des captifs,
la vie de Maulay-Ismaïl est la plus grande page de l'histoire du Maroc.
Dans la dynastie des Filali, il tient une place qui ne le cède en
rien comme importance à l'oeuvre accomplie à celle d'El-Mansour,
des chérifs saadiens .
Il mourut à Mequinez le 22 mars 1727
à l'âge de quatre-vingts ans, après un règne
de cinquante-sept ans. Si l'on en croit les récits populaires, Maulay-Ismaïl
aurait eu 528 garçons et un nombre égal de filles; les prisons
contenaient 25 000 captifs chrétiens et environ 30 000 criminels;
le jour, tous ces prisonniers étaient employés aux immenses
travaux que ce souverain ne cessa de faire entreprendre durant sa vie.
A sa mort, il laissait le pays dans la plus grande prospérité
et dans la tranquillité la plus parfaite; d'Oudjda jusqu'à
l'oued Noun il en était ainsi. Maulay-Ismaïl, pour reprendre
et développer l'oeuvre politique des Saadiens, n'avait cessé
de combattre et de détruire les influences locales acquises par
certains chefs et marabouts; pour augmenter son autorité religieuse,
il favorisa la confrérie de Maulay-Taïeb et fut le premier
à lui donner l'importance qu'elle conservera pendant les siècles
suivants.
Son fils, Ahmed,
surnommé El-Dehebi, à la suite de son expédition au
Soudan, lui succéda, mais le mécontentement que provoqua
la rapacité des nouveaux gouverneurs de province ne tarda pas à
amener la rébellion dans l'empire. La garde noire elle-même
se révolte; le pacha de Fès est
massacré; Maulay-Abd-el-Malek en profite pour se faire proclamer
à Marrakech, puis entrer à Mequinez, tandis qu'Ahmed est
déchu. L'agitation est alors générale; Ahmed qui s'était
réfugié au Tafilalet est rappelé; le pays se trouve
partagé entre deux souverains. A sa mort, le Nord est disputé
entre son fils Abou-Farés et Maulay-Abdallah, frère d'Ahmed,
né d'une esclave anglaise. Abdallah l'emporte et, après six
mois d'un siège assez rigoureux, s'empare de Fès. Sur ces
entrefaites, une grande révolte des Berbères se déclare
et ajoute encore à la confusion. Abdallah, se défiant de
la fidélité de la garde noire, veut l'amoindrir, mais les
chefs des Abid-Boukhari préviennent ses desseins en le déposant
en septembre 1734
au profit de son frère Maulay-Ali. Ce dernier arrivait du Tafilalet,
mais à soit tour il est chassé par la garde, qui reprend
Maulay-Abdallah pour peu de temps, car des intrigues remettent bientôt
en disgrâce ce dernier. Cette situation se prolonge; on voit successivement
arriver Maulay-Mohammed qui, jusqu'alors, était assiégé
dans Fès, puis à nouveau Maulay-Abdallah jusqu'au moment
où Maulay-Mostadi, dont la mère passait pour avoir des relations
avec le chef des Abid-Boukhari, se fait proclamer. L'empire se trouve à
nouveau divisé; Mostadi, soutenu par les provinces des Beni-Hasan
et par le Gharb, est battu par Maulay-Abdallah, qui regagne des partisans
dans la garde et surtout dans la grande tribu des Oudaïa. Maulay-Abdallah,
maître du pouvoir pour la sixième fois vers 1742,
peut régner dans une paix relative, grâce à l'affaiblissement
des Boukhari décimés dans cette suite de révolutions.
Il mourut en 1757
à Fès.
Son fils Sidi-Mohammed
parut surtout s'attacher à développer et à définir
les relations commerciales avec les pays d'Europe ;
le Danemark, la Suède, les États-Unis ,
la France passèrent des traités. Sous son règne put
lieu l'affaire dite de Larache, au cours de laquelle une escadre française,
commandée par Du Chaffaut et qui venait de bombarder Salé
et Rabat, dont les corsaires avaient insulté le pavillon français,
perdit 450 hommes dans la rivière du Kous. Le comte de Breugnon
vint en 1767
racheter à la cour les captifs et signer. un traité de commerce
qui servit de base, jusqu'au début du XXe
siècle, aux relations de la France
avec le Maroc. Breugnon laissa comme consul Chenier qui s'installa à
Salé et qui, plus tard, devait être envoyé à
Constantinople.
Le sultan Sidi-Mohammed, le premier, autorisa l'exportation des grains,
condamnée auparavant et maintes fois dans la suite par le fanatisme
intransigeant de la cour chérifienne qui refusait, comme illicite
et impure, la vente de céréales aux infidèles. C'est
à ce souverain que l'on doit la fondation de Mogador, construite
sur les plans de l'ingénieur français Cornut. Il entreprit
le siège de Melilla, opération stérile à laquelle
on raconte qu'il consacra une fortune; sous son règne, les Portugais
évacuèrent la petite ville de Mazagan en 1769,
dernier vestige de leurs anciennes possessions. En 1777,
fut signé un traité avec la Hollande, qui mettait fin à
des difficultés survenues entre les deux pays et au cours desquelles
la flotte hollandaise avait brillé des bâtiments marocains
à l'embouchure du Kous et du Sebou.
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Rabat
sur une ancienne gravure.
Le sultan Sidi-Mohammed
licencia durant son règne la plus grande partie de la garde noire,
et lorsqu'il mourut, le 11 avril 1790,
il laissa une grande réputation de sagesse et de modération.
Le Triestin Petrobelli, le Toscan Petro Muti, le Gênois Chiappe furent
parmi ses principaux ministres. 800 transfuges espagnols et portugais étaient
distribués dans les places de l'empire, et Boisselin, fils d'un
chapelier de Paris, commandait à Mogador une troupe de 250 transfuges
français. D'une de ses femmes, fille d'un renégat irlandais,
il eut Maulay-Yezid ; il employa aussi un juif
de Marseille, et le caïd Driss, qui était son premier chambellan,
était un transfuge mahonais. Au moment de sa fin, il se disposait
à aller châtier son fils qui était entré en
rébellion. Maulay-Yezid régna peu de temps. D'abord proclamé
à Tétouan, puis à Rabat et à Salé, il
se signala par son extrême cupidité; obéissant à
ce sentiment, il fit piller les juiveries. Il était fanatique et
signa en 1791,
néanmoins, avec les Anglais, un traité qui leur accordait
de très grands avantages. L'article III leur reconnaissait le droit
d'aller, venir, vendre, résider, voyager, louer ou bâtir des
maisons et magasins dans ses États. A la mort de Maulay-Yezid, la
lutte s'engage entre ses frères; ce fut Moulay-Seliman qui l'emporta.
Proclamé à Rabat et à Tanger, il se hâte d'affermir
son pouvoir en ouvrant des relations avec les puissances étrangères
et par un gouvernement empreint de justice et de douceur.
En 1795,
la République française décida de transférer
le consulat de Salé à Tanger afin de mieux surveiller la
politique des Anglais et des Espagnols. Plus tard, la bataille de Trafalgar
porta un coup sensible à la situation de la France au Maroc et fit
passer la suprématie relative, qu'elle y exerçait depuis
Louis
XIV, aux mains de l'Angleterre. Maulay-Seliman envoya cependant une
ambassade à Saint-Cloud, dont le chef, Hadj-Driss-Errâni,
dans une audience solennelle, le 6 septembre 1807,
décerna à Napoléon le titre
de sultan des sultans; mais une mission confiée peu après
au capitaine Burel, pour faire sortir le chérif de sa neutralité
bienveillante vis-à-vis des Anglais, échoua. Ce fut durant
ce règne que se fonda, au Sud du Sous, le petit État indépendant
de Sidi-Hécham. Le grand honneur de Maulay-Seliman fut de mettre
fin à la piraterie qu'exerçaient ses populations maritimes;
il prit même l'engagement, qu'il tint religieusement, de racheter
les captifs qui seraient faits dans l'extrême Sud à la suite
des naufrages. Les dernières années de son règne furent
attristées par une grande révolte des Berbères du
centre de l'empire. Les Aït-Iousi, les Beni-Meguiled, les Zaïan
surprirent le camp impérial, le pillèrent, et le sultan lui-même
ne dut le salut qu'au dévouement d'un berger qui, en le couvrant
de son burnous, l'aida à fuir. Assiégé ensuite dans
Mequinez, il voit Fès tomber aux mains
de son neveu, Maulay-Brahim, que les intrigues et l'influence des chérifs
d'Ouazzan y avaient fait reconnaître pour quelque temps. L'insurrection
passe ensuite aux mains de Maulay-Saïd, prince énergique que
Maulay-Seliman parvient néanmoins à exiler au Tafilalet.
Avant de mourir, le 28 novembre
1822,
le sultan avait désigné comme son héritier son neveu
Maulay-Ahderraman.
Les commencements
du nouveau règne furent, comme d'habitude, au Maroc, assez troublés.
En 1825,
arriva à Fès une ambassade française,
et, peu après, le sultan eut des difficultés avec l'Angleterre
qui bloqua les côtes, puis avec les Autrichiens qui bombardèrent
quelques ports, mais subirent un échec assez grave près de
Larache. La prise d'Alger et l'occupation d'Oran
devaient avoir un profond retentissement au Maroc et à la cour chérifienne
en particulier. On sait que Maulay-Abderraman essaya alors de s'emparer
de Tlemcen : il y était également poussé par l'orgueil
fanatique de son entourage et par les intrigues étrangères.
La mission du comte d'Auvray envoyée à cet effet à
la cour de Fès pour faire renoncer le chérif à ses
visées ne paraît pas avoir eu grand effet, car Abderraman
n'en persista pas moins à charger son neveu Maulay-Ali de garder
le royaume de Tlemcen, et il envoya lui-même des agents jusqu'à
Médéa et à Miliana se faire reconnaître par
les populations comme gouverneurs au nom du Makhzen marocain. Il fallut
la mission spéciale de Mornay qui, en 1832,
se rendit à Mequinez lui porter un ultimatum très net pour
le faire renoncer à ses prétentions. Dans la suite, la cour
chérifienne n'en devait pas moins aider de toute son influence Abd-el-Kader
qui reçut même, dit-on, à Taza, un burnous d'investiture
d'Abderraman. Ce fut, du reste, par la voie du Maroc qu'Abd-el-Kader tira
tous ses approvisionnements et munitions durant sa lutte contre les Français
en Algérie .
On en eut les preuves les plus décisives, et le colonel de Larue
fut envoyé à Mequinez afin de rappeler le sultan à
l'observation de sa neutralité. La révolte des Oudaïa
qui arriva sur ces entrefaites devait l'y forcer tout naturellement : mais,
peu après, les difficultés augmentèrent le long de
la frontière oranaise que les Marocains voulaient reculer à
la Tafna.
Le sultan avant concentré
des troupes considérables à Oudjda, l'audace guerrière
des populations ne cessa d'augmenter; la situation devint difficile jusqu'au
moment où les agressions se multiplièrent. Le maréchal
Bugeaud dut engager l'action, prendre Oudjda et enfin, le 14 août
1844,
l'armée marocaine commandée par Sidi-Mohammed, fils d'Abderraman,
fut complètement défaite à la bataille de l'Isly.
Pendant ce temps, le prince de Joinville bombardait Tanger et Mogador.
La paix fut ensuite conclue; la France obtenait du gouvernement marocain
la mise hors la loi d'Abd-el-Kader et comme frontière celle qui
était reconnue à l'époque de la domination turque.
Vers 1850,
des difficultés s'élevèrent à nouveau avec
la cour de Fès, à la suite du refus
du sultan d'admettre la correspondance directe entre lui et notre chargé
d'affaires de France. Le bombardement de Salé en 1851
par une escadre française inspira au chérif une appréciation
plus prudente des choses. Maulay-Abderraman mourut le 6 septembre 1859.
Son fils, Sidi-Mohammed, lui succéda au moment de graves difficultés
survenues avec l'Espagne. Les délimitations défectueuses
des présides et, en particulier, du territoire de Ceuta ,
avaient amené une série d'incidents graves. Le gouvernement
de Madrid résolut alors l'expédition
dite de 1859
ou de Tétouan qui dura six mois, nécessita une armée
d'environ 40 000 hommes, se termina par la prise de Tétouan et par
le traité de l'Oued-Ras. On connaît l'action diplomatique
toute-puissante à cette occasion de l'Angleterre, les engagements
exigés du cabinet de Madrid avant le commencement de la campagne
et enfin l'arrêt brusque de l'armée d'O'Donnel et de Prim
sur le chemin de Tétouan à Tanger. Pendant cette expédition,
la France avait prêté à l'Espagne un matériel
de guerre assez considérable, et une escadre française avait
bombardé les forts marocains de l'embouchure de la rivière
de Tétouan. Par le traité qui mettait fin à cette
guerre, l'Espagne obtenait de grandes satisfactions et entre autres le
paiement d'une indemnité de 100 millions. Après cette rude
défaite, le sultan Sidi-Mohammed régna en paix jusqu'en 1873
et, éclairé par l'expérience, résista aux intrigues
des rivaux de la France qui le poussèrent en 1870
à profiter de la guerre franco-allemande pour semer la révolte
dans la province d'Oran.
A sa mort, qui survint
à Marrakech, un de ses fils, Maulay-el-Hasan, fut nommé en
1873
à l'exclusion de son frère aîné, Maulay-Othman.
Très aimé par l'armée, il ne rencontra pas d'opposition
violente dans sa famille ; il n'en fut pas de même dans le pays,
et il lui fallut d'abord se transporter à l'extrémité
orientale de son empire, à Oudjda, où un de ses caïds,
l-Hadj-Mohammed-ould-el-Bachir, lui causait de graves embarras avec les
autorités algériennes. Durant la route, le sultan essuya
une véritable défaite aux environs de Taza, de la part de
la tribu des Ghyiâtsa. Rentré à Marrakech, Maulay-el-Hasan
résolut d'asseoir son gouvernement dans la province du Sous; cette
opération considérable et des plus difficiles nécessita
deux expéditions. En somme, les premières années de
ce règne furent consacrées de 1873
à 1888
à faire reconnaître, puis à consolider son autorité
dans les régions accessibles de l'empire qu'il parcourait sans cesse
et presque chaque année, de Maroc à Fès,
de Fès à Oudjda, pour ensuite revenir au coeur de ses États.
Par deux fois, il se rendit au Sous, tandis que, par une habile politique
de rapprochement, puis d'alliance avec les marabouts du Tadela, il s'assurait
le concours précieux et indépendant d'un chef tout-puissant,
le caïd Mohammed-ou-Hammou, de la grande tribu des Zaïan. Vers
la fin de 1887,
Maulay-el-Hasan consacra les ressources que lui avaient données
sa diplomatie intérieure et la domination des territoires qui lui
étaient soumis pour entreprendre la lutte contre l'influence de
la secte religieuse des Derkaoui, et il ne cessa aussi de combattre l'hégémonie
berbère.
L'expédition
chez les Beni-Meguiled, au Sud de Mequinez, n'avait d'autre but; enfin
et après la mort du chérif El-Arbi-el-Derkaoui dont la zaouïa
était dans le Medaghara, sur la limite des oasis de Tafilalet, le
sultan se rendit lui-même, à la tête d'une armée
nombreuse, dans ces régions méridionales. Il tenta de développer
son influence dans toutes les contrées sahariennes environnantes,
mais des difficultés très graves survenues aux environs de
Melilla avec le gouvernement espagnol le forcèrent à rentrer
à Marrakech où il reçut l'ambassade du maréchal
Martinez Campos. Il signa un traité qui mettait fin à ces
difficultés et qui accordait à l'Espagne une indemnité
de 20 millions de pesetas. Au printemps de 1894,
Maulay-el-Hasan se mit en route pour gagner le Nord de son empire, mais
il mourut en route entre Marrakech et Rabat, au campement de Dar-ould-Ziddou
le 6 juin. Durant tout son règne, ce souverain, d'une activité
infatigable, et qui, presque chaque année, prenait la tête
de ses troupes pour quelque expédition, s'attacha d'autre part,
grâce à sa diplomatie que secondèrent les jalousies
des puissances occidentales, à maintenir la barrière qui
ferme jusqu'au début du XXe
siècle le Maghreb el-Acsa à
l'activité européenne. Les traités de commerce qu'il
signa témoignent de cette volonté par le peu de concession
qu'il fit. En 1881,
avait eu lieu à Madrid une conférence
internationale pour les affaires du Maroc; aidé, conseillé,
soutenu par la diplomatie anglaise, le gouvernement marocain rendit comme
nul cet essai de modification à l'état de choses assez qui
caractérise le Maroc.
Le jeune Abd-el-Aziz,
fils d'une Circassienne ,
a succédé en 1894
à son père à l'âge de quatorze ans, son règne
verra la mise sous tutelle de son pays à partir de 1907,
avec un protectorat de la France officiel à partir de 1912,
puis (pour la région de Tanger), de l'Espagne. Devenu colonie,
de fait, le Maroc se soulève en 1926
dans le Rif, une rébellion qu'écrasera dans le sang le maréchal
Pétain. Le sultan et futur roi Mohammed V contribuera ensuite, pendant
la Seconde guerre mondiale à ranger le Maroc dans le camp de la
France libre, contre le régime de Vichy. Des émeutes en 1952,
durement réprimées viendront cependant rappeler les volontés
d'indépendance du Maroc. Le sultan est déposé l'année
suivante et exilé en Corse ;
on le remplace par Mohammed ben Arafa. Le Maroc obtient finalement son
indépendance en 1956,
autant de la France que de l'Espagne quelques mois plus tard. Mohammed
V retrouve son trône mais meurt en 1961. Après une période
de troubles, le roi Hassan II, son successeur verrouille le pays d'une
main de fer. A sa mort, en 1999,
son fils, Mohammed VI, lui succède. C'est l'actuel roi du Maroc.
(H.-P.
de la Martinière).
Chronologie
de la dynastie des chérifs filali ou hasani :
Maulay-Chérif,
fils d'Ali-el-Hasani, maître du Tafilalet, 1633 ; Mohammed,
son fils, 1637; le même, à Fès, 1649;
Maulay-er-Rechid, frère du précédent, 1664;
Abou-Naser-Ismaïl, plus connu sous le nom de Maulay-Ismaïl, son
frère, 1672; Ahmed-ed-Dehebi, son fils, 1727; Abdel-Malek,
son frère,
1728; Abdallah, frère des précédents,
1729;
Ali, son frère, 1735; Abdallah revient, 1736 ; Mohammed-ben-Ariba,
leur frère, 1736; El-Mostadi, leur frère, 1738;
Abdallah, pour la troisième fois, 1740; Mohammed, son fils,
1748;
Maulay-Yezid, son fils, 1789; Maulay-Seliman, son frère,
1792;
Maulay-Abderraman, son neveu, 1822; Sidi-Mohammed, son fils, 1859
; Maulav-el-Hasan, son fils, 1873; Maulay-Abd-el-Aziz, son fils,
1894,
etc.
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