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Le tir à l'arc

Il n'est peut-être pas de jeu qui ait été plus populaire et qui soit plus oublié que le tir à l'arc, souvent remplacé par le tir au fusil. L'arc est l'arme de jet avec laquelle on lance des flèches; il est formé d'une tige de bois ou de métal que l'on courbe avec effort au moyen d'une corde fixée à ses deux extrémités. Les archers sont munis, outre de leur arc et de leur carquois, qu'ils portent à la ceinture, d'un gant de cuir qui garantit trois doigts seulement et d'un brassard qu'ils bouclent autour de leur bras gauche, à l'endroit où la corde vient frapper quand elle, se détend violemment. Les sociétés de tir à l'arc tiennent à leur disposition des cibles circulaires, marquées de zones colorées, qui valent différents points pour les tireurs qui les atteignent, depuis 1, à la couronne excentrique, jusqu'à, 9, au centre.

Ordinairement, pour ne pas fatiguer le manche de l'arc, ou le détend en relâchant la corde, quand on a fini de s'en servir. Ensuite, pour le remettre en état, on le tient légèrement incliné, de la main droite et de la main gauche. On fait ployer le manche en appuyant dessus avec la main gauche et en tirant, de la main droite, le milieu vers soi. L'arc étant plié; on tire: adroitement, sans lâcher le manche, l'oeillet de la corde vers l'endroit où il doit s'accrocher. Dans un arc de grandeur moyenne (environ 4 pieds de long), la corde doit être tenndues à 6 pouces de distance du milieu du manche.

Pour tendre  l'arc, on le tient verticalement de la main gauche : au milieu du manche, de la main droite; on engage le milieu de la corde dans l'encoche qui se trouve à l''extrémité de la flèche, au-dessous des plumes; on éloigne, de toute sa force, la corde du manche qu'on replie avec effort: et, tenant la flèche horizontalement à la hauteur de l'épaule, on incline un peu la tête à droite et en avant, on ferme l'oeil gauche et on vise le but. Quand on lâche la corde, le trait est projeté par elle, dans la direction de l'objet visé.

Quand l'arc était encore une arme.
Arme formée par une tige flexible que maintient courbée une corde fixée à ses extrémités et fortement tendue. Elle sert à lancer des flèches. L'arc est l'une des armes de jet les plus anciennes et les plus ingénieuses. 

Epoque préhistorique
On ne sait pas quels peuples ont inventé l'arc; on ne sait pas jusqu'à quelle époque il remonte. Dès qu'on voit cependant la pointe de flèche apparaître, c'est que l'arc existe. Or, la pointe de flèche en silex remonte au Paléolithique. Elle a toutefois été précédée par la pointe de javelot on plutôt de sagaie, par la pointe de lance et par la harpon. C'est certainement après l'introduction en Europe de l'industrie de la pierre polie, des animaux domestiques, etc., que l'usage de l'arc comme arme de chasse et de guerre y est devenu très général et très commun. Il est à croire ainsi que c'est d'une région particulière, d'une région de l'Asie probablement, qu'il s'est répandu dans une grande partie du globe. On l'a retrouvé dans toute l'Amérique, dans toute l'Afrique. Tous les peuples l'ont connu, sauf en Océanie, et c'est là une particularité distinctive vraiment curieuse. Les Papous de la Nouvelle-Guinée, de la Nouvelle-Irlande, etc., en avaient appris l'usage, de leurs voisins Malais sans doute. Mais les Néo-Calédoniens, pas plus que les Australiens, ne le possédaient. Il n'avait été introduit que dans une petite partie de l'Australie du Nord, dans le voisinage du cap York. On a pu en conclure avec raison que, dès une époque fort ancienne, les Mélanésiens sont restés isolés des autres peuples.

Antiquité.
Les mythologies donnent l'arc comme attribut à plusieurs de ses divinités; la Bible cite l'arc d'Esaü; les monuments de l'Assyrie et de la Chaldée, et les bas-reliefs et les peintures de Thèbes au temps des Pharaons, nous montrent des guerriers, fantassins et cavaliers, armés de l'arc, des flèches et du carquois. Ce fut toujours l'arme préférée des Scythes, des Perses, des Parthes, des Huns et de toutes les populations orientales. Les Crétois sont cités parmi les peuples de l'Antiquité classique comme les plus adroits au maniement de cette arme. L'arc des archers de l'armée de Xerxès pouvait se bander des deux côtés. Les Grecs s'en servaient dès les temps archaïques (Homère : l'Iliade, l'Odyssée...), mais l'abandonnèrent plus tard pour des armes plus pesantes; les archers, dans leurs armées, n'étaient que des troupes auxiliaires. Du temps d'Alexandre, l'arc des Indiens était en roseau et d'une taille égale à celle de l'archer. Celui des Grecs, après qu'ils l'eurent perfectionné, était recourbé à ses deux extrémités. 

Archer perse.
Archer perse.
Archers assyriens.
Archers assyriens (Palais de Darius, à Suse).
L'arc dont se servaient également  les Etrusques et les populations italiques ne fut pas en faveur chez les Romains; ils ne semblent pas avoir eu d'archers avant l'époque des guerres puniques; encore étaient-ils rangés parmi les auxiliaires, c.-à-d. les troupes de nationalité étrangère. Cette arme servait aussi à la chasse et aux exercices du gymnase; on voit représentés sur des vases grecs des éphèbes tirant un coq placé comme but sur un tôt le colonne. La forme de l'arc était variée; il était tantôt droit, tantôt cintré; la plupart da temps il formait les sinuosités de la lettre grecque sigma (S) ; les Grecs l'appelaient l'arc scythe. Il était en bois ou en cornes d'antilope on de chèvre sauvage reliées à la base; les extrémités étaient garnies de crochets ou de boutons de métal destinés à retenir la corde, formée on d'un nerf de boeuf on d'une lanière de cuir ou de crins de cheval tressés. Il fallait beaucoup de vigueur pour bander l'arc et, quand les bras n'y suffisaient pas, on employait le genou. César parle de nombreux guerriers armés de l'arc parmi les troupes gauloises
Ephèbes tirant à l'arc.
Ephèbes tirant un coq, 
d'après un vase peint du musée de Naples.
Archer phrygien.
Archer phrygien, 
d'après un marbre grec.

Moyen âge
L'arc était, au Moyen âge comme dans l'Antiquité, une arme de chasse et de guerre. On distinguait deux espèces d'arcs  :

 1° L'arc simplement composé d'une longue verge de bois d'if, de frêne ou d'aubépine, plus épaisse au milieu qu'aux deux extrémités et qui, tendue, se courbait en forme de croissant. Cet arc était quelquefois très long; les traités de vénerie de 1328 et de 1388 parlent d'arcs pour la chasse qui ont deux mètres de longueur. 

2° L'arc turquois ou sarrasin, ainsi appelé à cause de son origine orientale, et qui n'apparaît en Occident qu'après les croisades, vers la fin du XIIIe siècle. II était formé de plusieurs pièces rapportées et se composait de deux contre-courbes en accolade, retroussées à l'une de leurs extrémités et fixées par l'autre bout à un manche commun qui formait la poignée ou le centre de l'arc. Cette arme qui n'avait guère que 1,50 m de long était généralement faite de nerfs collés ensemble sur une âme de bois d'if; les fanons de baleine et la corne de buffle servaient aussi à fabriquer des arcs turquois d'une force extraordinaire. 

La corde des arcs, au Moyen âge, était en soie ou en chanvre tissé de soie, parce que, comme le dit un texte,
"la soye est si forte qu'elle dure plus sans rompre, qu'elle ne fait de nulle autre chose [...] et quand bien assemblée, elle est si singlant qu'elle envoie une sayette ou bougon plus loing ".
Tandis que l'arc normand n'a que trois pieds (à peu près 1 m) de long, et l'arc allemand ou italien 1 m et demi, l'arc anglais a souvent près de 2 m, car il est d'une longueur égale à la taille de l'homme qui doit le manier, et la flèche qu'il tire est égale à la demi-longueur de l'arc.
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Archer du Moyen âge.
Archer médiéval, composé
par Gaston Phoebus en 1380.

Chez les Francs, les Germains, les Goths, l'arc était peu estimé et ne paraît guère avoir été utilisé que comme arme de chasse, et nous voyons plus tard les Allemands ne faire que très peu de cas des armes de jet, au moins jusqu'à l'adoption de l'arbalète. Sous la dynastie capétienne, l'usage de l'arc commence à se répandre en France et la tapisserie de Bayeux nous montre les Normands pourvus de cette arme, de même, du reste, que les Anglo-Saxons, leurs adversaires. C'est surtout chez ces derniers que l'arc devient ensuite en grande faveur, et au XIVe siècle, le grand arc (long bow), des Anglais, est devenu une arme des plus redoutables et l'agent principal des nombreuses défaites françaises durant la guerre de Cent ans

Archers du XVe siècle.
Archers du XVIe siècle
(d'après les toiles peintes de la ville de Reims).
Archer du temps de Charles VII.
Archer des compagnies d'ordonnance
de Charles VII.
A la suite des sanglantes défaites françaises de Crécy et de Poitiers, le tir de l'arc, déjà en faveur dans les provinces du nord de la France depuis Philippe-Auguste, est imposé  dans tout le royaume; mais si cette arme figure parfois sur les champs de bataille, elle n'y acquiert jamais de prépondérance. Comme elle est surtout une arme de gens de pied, c-à-d. de manants, la noblesse la tient systématiquement à l'écart et fait tout pour entraver son essor. 

Les Temps modernes.
L'arc subsiste néanmoins en France jusqu'au jour où l'arquebuse vient la remplacer. Les derniers des gens de guerre qui portent l'arc réglementairement dans les armées françaises sont les archers à cheval des compagnies d'ordonnance sous Louis XII (1514). Chez les Anglais, l'usage de l'arc se continue beaucoup plus tard, jusque vers le milieu du XVIIe siècle, car on voit encore figurer cette arme dans les troupes de Buckingham devant l'île de Ré, en 1627, lors du siège de la Rochelle. En Europe, les Russes et les Turcs font usage de l'arc beaucoup plus tard encore. Berwick, dans ses mémoires, rapporte qu'au siège de Bude, défendu par les Turcs, en 1686, contre le duc de Lorraine, 

"les chrétiens se logèrent malgré la grêle de balles, de flèches, etc..."
Dans la poursuite des Russes après Friedland en 1807, les Français, dit Thiers, trouvèrent en face d'eux des Asiatiques qui les reçurent à coups de flèches, ce qui divertit beaucoup les soldats de Napoléon. A Paris même, du reste, on put voir camper, en 1814, sur les hauteurs de Montmartre, des Kalmouks armés de l'arc et du carquois.

L'arc était encore en usage à une époque récente chez plusieurs populations  : Lapons, Inuit, Kamtchadales, Mongols, Patagons. Il subsiste en Afrique, chez les Pygmées et les Bochimans, dans certaines régions d'Amazonie, ainsi qu'en Nouvelle-Guinée. (E. Fernique / E.B.).

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