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Parmi les faits
les plus importants qu'une application du microscope à l'étude
des minéraux permet de constater, figure
la présence, au sein des cristaux bien individualisés,
de substances étrangères contenues à l'état
d'inclusion. Loin de pouvoir être considéré
comme un milieu homogène, un cristal pourvu de formes précises
se montre toujours, quand on le soumet à cette analyse, chargé
de matières étrangères qui peuvent se présenter
sous les divers états gazeux, liquide, vitreux ou cristallin. On
conçoit dès lors le puissant intérêt qui s'attache
à déterminer leur nature, ces inclusions n'étant autres
que des témoins du milieu où le cristal qui les contient
a pris naissance et pouvant le plus souvent fournir des données
précieuses sur les conditions qui ont présidé à
sa formation. C'est également cette analyse, en particulier la spécification
des espèces minérales enclavées, qui seule à
permis de donner à la recherche de l'ordre dans lequel s'était
effectuée la consolidation des minéraux dans les roches,
un grand caractère de précision. Il est bien clair, par exemple,
que dans tout minéral les éléments cristallins enclavés
sont plus anciens que celui qui les contient et devient leur hôte.
Inclusions
cristallines.
Ces inclusions cristallines sont toujours
à l'état de microlithes, c.-à-d. de cristaux microscopiques
déjà spécifiés, mais inégalement développés
dans tous les sens et dont la détermination exige l'emploi des fort
grossissements. Le plus souvent, dans les minéraux polychroïques
tels que le mica et l'amphibole,
ces inclusions cristallines se signalent par un remarquable développement
d'auréoles brunes douées d'un polychroïsme plus intense
que celui du minéral encaissant : de ce nombre sont surtout celles
fournies par le zircon, le sphène et l'apatite.
Quand à leur agencement, il peut être irrégulier ou
bien affecter une remarquable symétrie par rapport aux formes extérieures
du cristal encaissant; dans ce cas, leur disposition par zones concentriques
est en rapport avec les diverses phases d'accroissement du cristal. La
leucite est, de tous les minéraux de seconde consolidation des roches,
celui qui offre le plus remarquable exemple de cette régularité
dans la disposition des inclusions cristallines. Leur nombre peut être
aussi considérable; dans le grenat par exemple et surtout la staurotide,
il devient tel qu'on ne peut obtenir avec exactitude la composition de
ces minéraux.
Inclusions
vitreuses.
Les inclusions vitreuses sont de forme
irrégulière, à contours arrondis d'une grande netteté
et sans pénombre, en raison de la grande différence qui s'introduit
entre l'indice de réfraction du cristal et celui de l'inclusion;
quand elles contiennent les bulles de gaz, ces dernières sont à
bords fortement ombrés, immobiles et de petite taille. Toutes devenant
les restes de la matière amorphe au sein de laquelle les cristaux
ont pris naissance, sont nécessairement isotropes, c.-à-d.
sans action sur la lumière polarisée. C'est ce caractère
qui permet de les spécifier des microlithes quand, par exception,
elles abandonnent leurs contours irréguliers pour prendre des formes
précises reproduisant exactement celle du minéral enveloppant
en constituant de la sorte ce qu'on appelle un cristal négatif.
On les remarqué marqués de coloration claire dans les roches
porphyriques acides des séries ancienne et récente (rhyolithes),
tandis qu'elles deviennent brunes, violacées ou rougeâtres
dans celles basiques du type des basaltes et des mélaphyres. Souvent
aussi dans de pareilles roches et surtout dans les laves modernes la matière
amorphe de ces inclusions ayant subi un commencement d'individualisation,
on y voit apparaître des cristallites de coloration plus foncée,
implantés sur les bords ou plus fréquemment concentrés
au milieu; si bien que ces essais de cristaux apparaissent entourés
d'un liséré limpide. C'est de préférence dans
les inclusions amorphes, privées de bulle de gaz, que ces phénomènes
de dévitrification s'observent.
Inclusions
gazeuses.
Quant aux inclusions gazeuses, avec des
formes nettement arrondies, plus rarement polyédriques, toutes se
signalent par la netteté de leur contour toujours limité
par une large bande noire, produite par la grande différence de
réfrangibilité entre le gaz de l'inclusion et la substance
qui l'entoure, pénombre qui s'accentue quand ces cavités
produites par retrait sont vides. Leur distribution dans un cristal est
tantôt irrégulière, tantôt concentrique aux zones
d'accroissement; souvent aussi on les remarque disposées par files
alignées. Le gaz, qu'elles contiennent presque toujours sous faible
pression, consiste généralement en un mélange d'azote
et d'oxygène avec traces d'acide carbonique, offrant presque exactement
la composition de l'air dans les minéraux formés par voie
de sublimation. Très fréquentes aussi sont celles qui ne
sont constituées que par de l'acide carbonique, ou des hydrocarbures
ou même de l'hydrogène. Habituellement
de petite taille, elles rachètent souvent par leur nombre immense
cette faible dimension. Dans la leucite et l'haüyne par exemple, il
n'est pas rare de pouvoir en constater plusieurs millions dans un centième
de millimètre carré.
Inclusions
liquides.
Les inclusions liquides, de beaucoup les
plus intéressantes et les mieux étudiées, peuvent
affecter les mêmes formes que celles remplies par des matières
vitreuses, mais leurs contours sont masqués par une pénombre
plus accentuée. Fréquemment aussi on y observe une bulle
de gaz à bords fortement ombrés, mais cette bulle devient
mobile et reste toujours unique. Un simple mouvement de la lame mince contenant
le cristal examiné permet de constater le déplacement de
cette bulle mobile ou libelle, qui devient soumise à une trépidation
constante quand sa dimension se trouve inférieure à 2 mm
de diamètre. Cette trépidation des libelles, tout à
fait semblable à ces mouvements dits mouvements browniens
Indépendamment de cette mobilité
caractéristique des libelles, l'action de la chaleur a pour effet
tantôt d'augmenter progressivement leur volume aux dépens
du liquide qui se vaporise et l'inclusion liquide peut de la sorte se transformer
temporairement en un pore à gaz; ou bien se réduire notablement
et finir même par disparaître par suite de la dilatation progressive
du liquide et de sa vaporisation finale. Parmi les divers procédés
employés pour parvenir à déterminer la nature de ces
liquides après avoir réduit en petits fragments le minéral
qui contient de pareilles inclusions (analyse spectrale, essais chimiques),
cette action de la chaleur est celui qui peut fournir les meilleurs résultats.
Dans ce sens, Vogelsand a imaginé d'ingénieux appareils qui
ont permis de reconnaître que, parmi ces liquides, les uns possédaient
la transparence, la réfrangibilité et la dilatabilité
de l'eau, alors que d'autres, légèrement jaunâtres
ou brunâtres, moins réfringents, beaucoup plus dilatables
et très volatils, étaient carburés. Dans le premier
cas, ces liquides sont ou de l'eau pure ou des dissolutions salines
aqueuses, dans le second des hydrocarbures
et surtout de l'acide carbonique condensé. Ces inclusions d'acide
carbonique liquide qu'on sait être très répandues dans
un grand nombre de minéraux, se reconnaissent aisément aux
caractères suivants : extrême mobilité de la libelle,
sa disparition très rapide sous l'action de la chaleur, cette inclusion
se résolvant complètement en vapeur à une température
de 30 à 31°C. Il est bien clair que, sous cette forme condensée,
l'acide carbonique doit être soumis, dans ces cavités, à
une très forte pression; elle se traduit clairement par l'éclatement
des cristaux de quartz qui les contiennent nombreuses quand on les soumet
à l'action du feu. Ceux du Canada en renferment
à ce point et d'assez grande dimension, pour que la chaleur de la
main suffise à elle seule pour provoquer cet éclatement;
mais l'expérience devient dangereuse, l'explosion qui en résulte
ayant de plus pour effet la projection de petits fragments de quartz
éclaté.
Dans les inclusions aqueuses, la présence
de certains cristaux flottant dans le liquide permet aisément de
déterminer leur nature. Beaucoup d'entre elles, par exemple, renferment
des trémies creuses ou des cristaux cubiques de chlorure de sodium;
avec ce chlorure - dont l'existence peut encore
être démontrée par le précipité blanc,
soluble dans l'ammoniaque, que donne avec le nitrate
d'argent la liqueur obtenue par le lavage des
cristaux à inclusions, préalablement réduits en poudre
-, on peut encore constater dans ces solutions la présence de sulfates
et de carbonates alcalins; ou plus rarement celle de cristaux de fluorure
de calcium et de fluorures alcalins. C'est ensuite
à titre exceptionnel qu'on y reconnaît des rhomboèdres
de carbonate de chaux ou de petits cristaux prismés tabulaires de
barytine.
Un grand nombre de minéraux renferment
de pareilles inclusions liquides; leur présence a de même
été constatée dans certains minerais (blende,
cassitérite, etc.). Dans le
sel gemme, des inclusions d'acide carbonique liquide assez grosses pour
être discernables à l'oeil nu ont été observées,
mais c'est de beaucoup le quartz qui se trouve le plus riche en éléments
de ce genre. Elles y affectent la forme de traînées tortueuses
et abondent au point de troubler parfois sa transparence en lui donnant
un aspect laiteux. Sorby, qui a fait de ces inclusions à bulle mobile
l'objet d'études suivies, a calculé qu'un centimètre
cube de quartz de granite pouvait en contenir plus de 60 millions. Il y
en a même où ces éléments, parvenus à
réduire leur section à 3 millionièmes de millimètre,
forment le vingtième de la masse. (Ch. Vélain). |
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