 |
La Henriade
est un poème de Voltaire, en l'honneur
de Henri IV, roi
de
France .
Le sujet est le siège de Paris, commencé
par Henri III, que la Ligue
en avait chassé, et par Henri de Navarre ,
et achevé par ce dernier. Le lieu de la scène ne s'étend
pas plus loin que de Paris à Ivry (Eure).
Les événements sont : un voyage de Henri de Navarre en Angleterre
pour demander des secours contre la Ligue à la reine
Élisabeth;
les vicissitudes du siège, la détresse des assiégés
et leur fanatisme ;
l'envoi par eux d'un dominicain, Jacques
Clément, qui vient assassiner Henri III dans son camp; Henri de
Navarre reconnu roi sous le nom de Henri IV par
l'armée, et repoussé par la Ligue parce qu'il est calviniste;
enfin Paris réduit à toute extrémité, et l'abjuration
du roi, qui détermine enfin les révoltés à
se soumettre.
Le poème est en dix chants et en
vers alexandrins. Voltaire
a cherché à jeter de la variété dans cette
action, d'abord par des récits historiques, qui sont comme l'avant-scène
de son poème, et qu'Henri fait à la reine Élisabeth,
tels que les guerres civiles entre les catholiques et les protestants,
les massacres de la St Barthélemy (chants 1, 2, 3); ensuite par
du merveilleux : il fait intervenir, comme soutien des ligueurs, la Discorde ,
qui va chercher la Politique au Vatican,
soulève la Sorbonne et les Seize
contre le parlement de Paris (chant 4), et pousse Jacques Clément
à l'assassinat de Henri III (chant 5); St Louis descendant du ciel
pour arrêter la fureur de Henri IV au moment où il va faire
brider Paris, et le transportant ensuite en esprit au ciel ,
aux enfers ,
où il lui fait voir, dans le palais des Destins, les souverains
qui lui succéderont, et les grands hommes que la France doit produire
(chants 6, 7).
Les contemporains de Voltaire, surtout
lors de la première publication de la Henriade, en 1725,
la saluèrent d'épopée;
mais ce poème est bien loin de mériter un aussi beau titre
: son plan manque d'unité, et l'action de grandeur, d'intérêt,
de mouvement; le développement des faits n'a pas assez d'ampleur;
les caractères sont trop peu variés, les personnages trop
peu agissants. Il y a de belles descriptions, d'heureux épisodes,
des portraits pleins de vigueur, mais il régie dans l'ensemble une
froideur qui permet difficilement de suivre le poète sans interruption
jusqu'au bout. Point de ces tableaux de moeurs locales, point de ces scènes
de la nature champêtre, qui, dans Homère
et dans Virgile, délassent le lecteur
animé des passions ou ému des dangers de leurs personnages
:
"
II n'y a pas seulement, disait plaisamment Delille,
d'herbe pour nourrir les chevaux, ni d'eau pour les désaltérer.
"
Voltaire commença la Henriade à
vingt ans, sans savoir, ainsi qu'il le dit lui-même, ce que c'était
qu'un poème épique. Quant au sujet, il était mal choisi
: l'époque de la Ligue, trop récente pour avoir la perspective
et le lointain poétique, était aussi trop connue, avec ses
intrigues et son fanatisme grossier, avec le cynisme de ses moeurs pour
qu'on y pût aisément trouver des tableaux épiques.
Au fond, la Henriade n'est qu'une thèse morale
contre le fanatisme et en faveur de la tolérance. Le véritable
merveilleux de l'épopée ne pouvait y trouver place. Le christianisme
admet que les anges et les démons, substances incorporelles, ont
quelquefois revêtu des formes palpables, et ont eu commerce avec
les hommes, ceux-là pour les aider au bien, ceux-ci pour les pousser
au mal : dédaignant ou craignant d'employer ce merveilleux fourni
par la religion, Voltaire eut recours à de froides allégories
: il personnifia, il fit agir et parler la Discorde, le Fanatisme, la Politique,
la Vérité, c.-à-d. de pures abstractions. Malgré
les efforts de Voltaire, l'épopée
manque donc encore à la France. Mais la Henriade sera toujours
un chef-d'oeuvre de versification noble élégante et pure.
(B.).
 |
En
bibliothèque. - Le sujet choisi
par Voltaire avait été déjà traité avant
lui; un auteur de la fin du XVIe siècle, Chillac, écrivit
une LiIiade françoise, poème dont Henri IV est le
héros. On a de Sébastien Garnier une Henriade, publiée
à Blois en 1593, et qu'on eut la bizarre
idée de réimprimer en 1770. L'Henricias de Quillet,
poème latin en 12 chants, est aujourd'hui perdu. Un Enrico
de J. Malmignati (Venise, 1623, in-8°) paraît avoir été
mis à contribution par Voltaire pour quelques détails (cf.
le Magasin encyclopédique, 5e année, t. 1er). Un nommé
Aillaud n'a pas craint, au XVIIIe siècle, de refaire et de défigurer
la Henriade, qui a été en outre parodiée, presque
vers par vers, par Monbron, sous le titre de la Henriade travestie,
aux dépens du public, Berlin, 1758, in-12. II existe un Commentaire
sur la Henriade par La Beaumelle et Fréron, Paris, 1775, 2 vol.
in-8°.
En
librairie. - Voltaire, La
Henriade (prés. Danièle Thomas), Monhélios, 2002.
- Jean-François Dettori, La Henriade de Voltaire, Monhélios,
2001. - Paul Mironneau, Henri IV et Voltaire, RMN (Beaux livres),
2001. |
|
|