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De la littérature
arménienne antérieure à l'introduction du christianisme
en Arménie, nous n'avons que quelques
chants populaires cités par Moïse de Khorène. II ne reste rien de Mar-Apas,
que Valarsace, premier roi arsacide de l'Arménie,
chargea de recueillir dans les archives de Ninive
tout ce qui concernait la nation arménienne; ni de Lerubna, auteur d'une
histoire des rois Abgar et Sanadroug; ni du prêtre païen Olympe, qui
avait écrit, au temple d'Ani, un livre sur le culte des idoles; ni d'Ardite,
biographe de Saint Grégoire l'Illuminateur; ni de Corobute, qui composa
en grec l'histoire de Julien
l'Apostat, de Sapor, roi de Perse, de
Chosroès, roi d'Arménie, etc.
Ce qui subsiste de la littérature arménienne
ne date que du IVe siècle. Les oeuvres
dont elle se compose ont presque toutes un caractère religieux; l'histoire
même y est traitée, en général, au point de vue moral et ecclésiastique.
La littérature issue du christianisme commence avec Grégoire
l'Illuminateur, qui fonda de nombreuses écoles, et dont la mission
fut racontée, ainsi que la vie du roi Tiridate, par Agathange, que
devait continuer Faustus de Byzance.
Saint Jacques de Nisibis a laissé des homélies,
et le patriarche Nersès le Grand des écrits ascétiques. L'âge d'or
de cette littérature est le Ve siècle
: la traduction de la Bible,
exécutée avec un soin, une exactitude et une élégance admirables, en
est, le plus beau monument. Les traducteurs de la Bible, Saint Isaac
et Saint Mesrob, sont donc considérés comme les pères de cette littérature.
Viennent ensuite ceux de leurs élèves dont les écrits nous sont parvenus,
tels que : Mambré, dit Verzanogh (= le lecteur), dont on a des écrits
religieux et diverses traductions de classiques grecs;
Moïse de Khorène, son frère, le plus célèbre historien de l'Arménie;
David de Nerken, dit le Philosophe; auteur
d'une traduction d'Aristote et d'un traité
contre les Pyrrhoniens; Jeznig, qui réfuta
les croyances opposées au christianisme;
Lazare de Parbe, historien qui donne de précieux détails sur les premiers
développements de la littérature arménienne; Élisée, qui a raconté
les guerres religieuses de la Perse et de l'Arménie, etc.
Le VIIe
et le VIIIe siècle sont presque stériles;
les querelles théologiques et les guerres ont arrêté l'essor de la culture
arménienne : on ne peut guère citer qu'Ananie de Chirag, pour un grand
ouvrage sur les diverses branches des mathématiques.
Au IXe siècle, paraissent deux historiens
remarquables, le patriarche Jean VI, dit Jean Catholicos, et Thomas Arzrouni.
Le Xe siècle a produit : Léon Yéretz,
qui a écrit une Histoire de l'empire de Mahomet
et des califes; Étienne Assoghig, auteur
d'une histoire d'Arménie; et Saint Grégoire de Nareg, que le mérite
de ses élégies sacrées a fait comparer
par ses compatriotes à Tibulle et à Pindare.
Vers le XIe siècle, la science s'était
rêfugiée dans les couvents, particulièrement à Sanahim, à Halbat et
à Sévan. De là sortirent une foule d'écrivains, parmi lesquels on distingue
: Nersès Glaïetzi, dit Chenorhali (= le Gracieux), à la fois poète,
historien, orateur, théologien, philologue, le premier, dit-on, qui ait
employé la rime en poésie; Grégoire Makisdros, auteur d'un poème sur
l'Ancien Testament
et le Nouveau Testament,
de divers écrits de théologie et de philosophie,
et de traductions d'écrivains grecs et syriaques; Nersès de Lampron,
éloquent évêque de Tarse; Jean Sargavak (le Diacre), dont le Traité
de chronologie n'existe plus; Mathieu d'Edesse,
qui a écrit une histoire des princes Pacratides; Samuel d'Ani, dont on
a une Chronique universelle depuis l'origine du monde jusqu'Ã l'an
1179; Mekhitar Coche, auteur de 190 apologues,
que ses compatriotes mettent en parallèle avec ceux d'Ésope
et de Phèdre; Jean
Vanagan ou le Cénobite, qui a composé une Histoire de l'invasion des
Mongols dans l'Asie occidentale en 1236,
ouvrage aujourd'hui perdu; Vartan de Partzertpert, profond linguiste, qui
rédigea une Histoire universelle depuis l'origine du monde jusqu'Ã
l'an 1267; Guiragos de Candsag, dont on a une Histoire de l'an 300
à l'an 1260; Jean d'Erzinga, que les Arméniens appellent le dernier
des anciens docteurs de leur Église, et qui enseignait la grammaire et
l'éloquence au couvent de Tzortzor; Étienne Orpélian, qui a écrit l'histoire
de la province de Siounik, dont il fut archevêque, etc.
Au XIVe
siècle, les progrès des Turcs ottomans
en Asie et les querelles religieuses amenèrent une seconde décadence
des lettres. Le bon goût dépérit; l'arménien
vulgaire gagna dans le peuple au détriment de l'arménien littéral; deux
associations littéraires, les Frères Unis et les Datéviens, en ne traduisant
que des ouvrages latins très médiocres
et d'un style incorrect, bouleversèrent le système
grammatical de la langue par l'introduction des défauts de la basse
latinité. Cette période de déclin embrassa encore les XVe,
XVIe et XVIIe
siècles. A peine peut-on citer quelques noms : Thomas de Mezdop, qui écrivit
une Histoire de Tamerlan et des événements survenus après la
mort de ce conquérant jusqu'en 1447; Amirdolvat ou Amir-el-Doulat, médecin
d'Amasie, très versé dans la connaissance des langues;
Arakel, auteur d'une histoire de son temps (de 1601 Ã 1662), etc. (Il
faudra attendre le XVIIIe siècle pour
que la littérature arménienne connaisse son véritable âge d'or, sous
l'impulsion de Mékhitar de Sébaste.)
C'est du commencement du XVIIIe
siècle que date l'ère nouvelle de la littérature arménienne, si féconde
en résultats, grâce aux efforts de l'abbé Mékhitar de Sébaste et de
la société religieuse fondée par lui au couvent de Saint-Lazare de Venise
et appelée de son nom Mékhitariste. Ces Bénédictins
de l'Orient, depuis deux siècles et demi, travaillent avec succès Ã
la régénération intellectuelle de leurs compatriotes. Les anciens manuscrits
arméniens sont recherchés par eux dans tous les pays, achetés ou copiés,
déposés dans la bibliothèque de leur
couvent, déchiffrés, collationnés, et ensuite publiés soigneusement.
Les Mékhitaristes ont fortement contribué à faire connaître aux Européens
les richesses de leur littérature ancienne, en publiant des ouvrages intéressants,
des traductions en latin, en italien,
et en français. Mais leur principal
but étant l'instruction et l'éducation de leurs compatriotes, ils sont
devenus, pour ainsi dire, les pères de la littérature arménienne moderne;
le plus grand mérite de cette littérature consiste dans la pureté du
langage, à peu près égale à celle des meilleurs auteurs classiques
de l'Arménie ancienne, et en même temps dans l'appropriation du goût,
des idées, des termes scientifiques même des langues de l'Europe à la
leur. Enfin, c'est par l'impulsion et le bon exemple des Mékhitaristes
que la nation arménienne possédait à la fin du XIXe
siècle des imprimeries dans presque toutes les villes où il y avait des
Arméniens assez riches et assez éclairés; des journaux littéraires
et politiques en arménien paraissaeint à cette époque à Venise,
à Vienne, à Smyrne
(Izmir), Ã Constantinople (Istanbul), Ã Tiflis (Tbilissi), Ã Calcutta.
Parmi les Mékhitaristes nous citerons
: le P. Michel Tchamchian, dont l'Histoire d'Arménie résume tous les
travaux des historiens précédents jusqu'en 1784 ; le P. Indjidjian, auteur
d'une Géographie de l'Arménie ancienne et moderne, et d'un recueil
de mémoires intéressants sous la titre d'Antiquités de l'Arménie;
Zobrab et J.-B. Aucher, traducteurs de la Chronique d'Eusèbe.
(B.).
Au début du XXe
siècle, la littérature arménienne est florissante, avec des écrivains
tels qu'Avetik Isahakian et Hovhannes Tumanyan qui continuent de développer
la poésie et la prose arméniennes. Cependant, le génocide arménien
de 1915-1917, orchestré par l'Empire ottoman,
entraîne la mort de 1,5 million d'Arméniens et la destruction de nombreuses
oeuvres littéraires. Les écrivains survivants, comme Siamanto et Daniel
Varoujan, sont tués, et la communauté littéraire arménienne est décimée.
Après la Première
Guerre mondiale, une partie de l'Arménie devient une république soviétique.
La littérature arménienne entre dans une nouvelle phase, influencée
par l'idéologie soviétique. Des écrivains tels que Yeghishe Charents,
Aksel Bakunts et Paruyr Sevak émergent, apportant des contributions significatives
malgré la censure et la répression stalinienne. Charents, en particulier,
est un poète emblématique dont les œuvres reflètent les aspirations
et les luttes du peuple arménien. La diaspora, particulièrement aux États-Unis,
en France, et au Moyen-Orient, devient un centre important de la culture
et de la littérature arméniennes. La littérature de la diaspora traite
souvent des thèmes de l'exil, de la mémoire et de l'identité.
Avec l'indépendance
de l'Arménie en 1991 après la dissolution de l'Union
soviétique, la littérature arménienne entre dans une nouvelle ère
de liberté et d'exploration. Des écrivains contemporains tels que Hovhannes
Tekgyozyan, Narine Abgaryan et Hrant Matevosyan abordent des thèmes modernes
tout en revisitant l'histoire arménienne. Les écrivains de la diaspora
continuent également de jouer un rôle important dans le maintien et le
développement de la culture littéraire arménienne.
Les thèmes récurrents
dans la littérature arménienne sont le génocide, l'exil, la lutte pour
l'identité nationale, les souvenirs collectifs et individuels, ainsi que
les défis contemporains de la société arménienne. La poésie, le roman,
le théâtre et l'essai sont les principaux genres littéraires. Cette
littérature a reçu une reconnaissance internationale, en partie grâce
à des traductions en différentes langues. Les oeuvres d'écrivains comme
William Saroyan ont été particulièrement influentes à l'échelle mondiale.
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Annie Vernay-Nouri, Livres
d'Arménie : Collections de la Bibliothèque nationale de France,
BNF, 2007. - Copiés sur parchemin ou sur papier,
évangéliaires et recueils liturgiques
s'ouvrent sur de magnifiques frontispices et se parent de miniatures
aux couleurs vives illustrant les scènes de l'Ancien
Testament et du Nouveau Testament
ou la vie des saints. Le fonds arménien de la Bibliothèque nationale
de France est aujourd'hui riche de quelque 350 manuscrits et, pour les
XVIe et XVIIe siècles, de près de 70 % de la production de livres imprimés.
Pays à la géographie tourmentée ravagé par les invasions successives,
l'Arménie, premier Etat converti au christianisme,
s'est construite tout entière autour d'une religion et d'une langue. L'alphabet
arménien, inventé au Ve siècle pour lire et traduire la Bible,
déploie ici ses différents styles, tandis que dans les marges lettrines
et lettres ornementées prennent la forme de végétaux ou d'animaux
fantastiques. A partir du XVIe siècle, alors que se perpétue encore
la tradition manuscrite, les premières imprimeries, installées alors
en Europe, éditent, pour les marchands arméniens qui sillonnent le monde,
des livres de dévotion et de divertissement agrémentés de gravures.
L'impression de la Bible en arménien en 1666 à Amsterdam
constitue un événement éditorial, que renforce la parution de nombreux
ouvrages religieux mais aussi d'érudition et de littérature permettant,
tant en Orient qu'en Occident, une plus large diffusion du patrimoine culturel
arménien. La cinquantaine de pièces présentées, acquises dès le règne
de François Ier puis principalement sous celui
de Louis XV, témoignent de la constance de l'intérêt
et de la curiosité que suscitent depuis toujours l'Arménie et sa culture
en France. (couv.). |
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