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Le
cas
(du latin casus = chute) est une flexion
particulière subie par la désinence des noms
et des adjectifs dans certaines langues,
selon le rôle qu'ils sont appelés à jouer dans une phrase.
Autrement dit, les cas sont les différentes relations grammaticales caractérisées
par des formes désinentielles spéciales que les noms ou les prénoms,
ainsi que les adjectifs qui s'y rapportent, ont avec les autres mots d'une
même phrase.
Le sanscrit,
le grec, le latin,
l'allemand, le danois,
le suédois, le russe,
le polonais, le lituanien,
le tchèque, le hongrois, le finnois,
le saami (lapon), le mongol, l'arménien,
l'arabe ancien, le basque, ont des flexions
casuelles ou cas : le français,
l'italien, l'espagnol,
le portugais, l'anglais,
l'hébreu, l'arabe moderne, le copte,
le syriaque, le
chinois, le tibétain,
le birman, le siamois, en sont dépourvus.
Les cas, dont le
nombre varie selon les langues, ont reçu des dénominations qui expriment
l'emploi primitif et le rôle fondamental de chacun. Ainsi, le cas qui
indique ou nomme le sujet s'est appelé cas
nominatif
ou direct; celui qui sert à appeler (en latin
'vocare) se nomme vocatif.
Les autres, qui tous expriment des compléments,
ont reçu le nom commun de cas obliques; ce sont :
1° le
génitif,
marquant surtout, en grec, l'origine (en
grec génos), la cause, la matière, etc.; en latin,
surtout la propriété, et servant à compléter l'idée exprimée par
le mot qui suit ou précède;
2° le datif,
marquant attribution (en latin datio);
3° l'accusatif,
marquant l'objet immédiat, le complément direct d'une action;
4° l'ablatif,
exprimant l'idée de séparation (ablatio), d'origine, de cause,
de matière, d'instrument. Ce dernier cas est particulier au latin; le
génitif et le datif en tiennent lieu en grec et en
allemand.
Certaines langues ont
d'autres cas, parmi lesquels : l'instrumental,
le locatif, le causatif,
le circonférentiel et le narratif
(les deux derniers sont propres à l'arménien),
l'ergatif.
Les langues qui ont
des cas peuvent se permettre les inversions, puisque la pensée repose
sur la terminaison, et non sur la position des mots; elles en tirent plus
de grâce et de variété. De plus, n'ayant guère besoin de prépositions,
elles ont l'avantage de la brièveté. Mais, eu compensation, les langues
dépourvues de cas suivent l'ordre logique des idées, et, par conséquent,
sont plus claires et plus favorables à la déduction de la pensée.
L'origine
des cas.
L'origine des cas
en tant que formes et fonctions étant antérieure à tous les documents
écrits que nous possédons, on ne peut que faire des conjectures sur les
conditions de leur naissance. Bopp,
Schleicher,
Curtius
et toute la première école allemande de linguistique croyaient y voir
le résultat de la combinaison de thèmes, c.-à .-d. de formes nominales
invariables, avec des pronoms démonstratifs qui
auraient donné naissance aux finales ou
désinences
dites casuelles des différents cas. Mais les analyses par lesquelles on
a tenté de rendre compte de cette hypothèse sont très peu concluantes,
et le principe même de l'agglutination, en vertu duquel les combinaisons
dont il s'agit se seraient effectuées, est devenu douteux. Il paraît
beaucoup plus vraisemblable que les désinences casuelles ne sont généralement
que les variantes multiples d'une même finale diversement altérée par
l'évolution phonétique; elles se seraient fixées petit à petit aux
fonctions qui leur sont propres, et d'analogie les aurait étendues indéfiniment
à toutes les formations nominales et adjectives nouvelles.
Les désinences
casuelles, ou les signes phonétiques des fonctions des cas, ont subi avec
le temps des altérations qui en ont réduit le nombre en grec
et en latin en identifiant les formes autrefois
distinctes de différents cas. C'est ainsi que ces deux langues
ont perdu la forme de l'instrumental et du locatif, tandis que le grec
a perdu en outre celle de l'ablatif qui s'est
confondu, avant l'époque de la fixation grammaticale de cette langue,
avec le datif.
Le mouvement phonétique
auquel ces réductions sont dues, suspendu pendant toute la durée de la
civilisation du monde gréco-romain, reprit son cours à partir du Moyen-âge .
Quand les langues dérivées du latin prirent conscience d'elles-mêmes,
elles se trouvèrent réduites, au point de vue du système de la déclinaison,
à deux seuls cas, le cas sujet et le cas régime. Celui-ci même finit
par disparaître à son tour, et la construction dite analytique des langues
modernes se substitua par là complètement à la construction dite synthétique
des langues anciennes.
Ce changement si
profond, favorisé d'ailleurs par l'extension de l'emploi des prépositions,
n'eut d'autres causes que la nécessité créée par la disparition des
cas, de remplacer la construction libre d'autrefois dans laquelle le rôle
de chaque mot de la phrase était indiqué par
sa forme même, par celle d'aujourd'hui où l'absence d'une diversité
de forme correspondant à une diversité de fonction oblige à un arrangement
réglé d'avance, et en vertu duquel la fonction du mot est déterminée
par la place qu'il occupe dans la phrase relativement aux autres mots.
Ajoutons que dans toutes les langues d'origine indo-européenne
le sort des cas a été le même. Dans celles de ces langues où la déclinaison
s'est conservée, comme en allemand, le nombre en est considérablement
réduit; et l'anglais, si voisin de l'allemand
pour la partie anglo-saxonne du vocabulaire et de la grammaire,
n'a gardé que de faibles traces d'un seul cas, le génitif.
En résumé, le système casuel est un organisme archaïque du langage
qui tend de plus en plus à disparaître de tous les idiomes où il en
reste encore des vestiges. (P. Régnaud / P.). |
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