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Les désinences
On appelle désinences certaines lettres ou syllabes qui, dans les mots déclinables, servent à marquer le cas, et dans les verbes la personne. De là deux sortes de désinences : les désinences casuelles et les désinences personnelles. La notion de cas ou de personne n'est, d'ailleurs, pas la seule qu'elles puissent renfermer; une désinence casuelle peut aussi exprimer le genre et le nombre et les désinences personnelles, la voix et le temps. Les désinences casuelles ne sont autre chose que des suffixes d'une signification particulière. Elles proviennent par voie d'évolution phonétique d'une ou plusieurs formes primitives qui ont donné naissance à des variantes phonétiques ayant pris, comme toujours en pareil cas, des significations différentes. II est d'ailleurs évident que la signification casuelle s'y est attachée avant la constitution de la phrase, sans quoi elles eussent été inutiles et on ne les eût pas inventées, de sorte que le sens de ces terminaisons remonte peut-être, selon certains auteurs, à la période où le geste accompagnant le mot isolé lui donnait la valeur d'une proposition et y ajoutait une signification particulière qui est restée à la désinence. A mesure que des variantes se produisaient, chacune d'elles était affectée à l'expression d'un rapport particulier, qui restreignait d'autant la signification des anciennes formes, en la limitant par exemple à tel nombre on à tel genre, et c'est ainsi que certaines désinences sont arrivées à exprimer à la fois le cas, le genre et le nombre. 

Les désinences personnelles sont des suffixes d'une nature primitivement différente. Tandis que les désinences casuelles et les autres suffixes semblent n'avoir été à l'origine que la partie finale des premiers mots articulés modifiée par l'altération phonétique, les premières formes verbales ont dit être créées par agglutination. Les désinences de la 1re et de la 2e personne du singulier présentent encore une ressemblance singulière avec les pronoms correspondants. Il est vrai que les autres désinences résistent à l'analyse, et que des formes casuelles se rencontrent dans la conjugaison (la 2e personne du latin est mini et peut être les 3es personnes du singulier et du pluriel), mais ce sont là des faits récents ou isolés; la conjugaison ne peut avoir une pareille origine et il est impossible de considérer les désinences personnelles comme d'anciennes désinences casuelles détournées de leur signification primitive. Le verbe a dû âtre tout d'abord la réunion sous un seul accent d'un pronom qualifié et d'un adjectif qualifiant, placés suivant la règle constante des mots composés, de façon que le déterminé précédât le déterminant. Tel est bien l'ordre des éléments qui composent le verbe : 

1° le radical qui représente l'ancien adjectif;

2° la désinence ou l'ancien pronom.

Une ou plusieurs formes ainsi créées, elles se sont modifiées peu à peu et les variantes phonétiques ont donné naissance à des variantes significatives. Or, comme les formes primitives n'exprinaient, outre l'idée verbale, que l'idée de personne et pouvaient indifféremment, suivant le geste et l'intonation, exprimer les différents temps, les voix et les modes (par exemple : brillant moi, maintenant ou dans le passé ou dans l'avenir; avec le sens de « je brille », de « j'éclaire » ou de « je suis éclairé », avec affirmation ou avec doute, etc.); ces notions secondaires de temps, de voix et de mode se sont réparties entre les différentes variantes, et les désinences personnelles ont ainsi revêtu leur signification complexe. (Paul Giqueaux).
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