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L'accusatif
L'accusatif est le troisième cas oblique des langues grecque, latine, allemande, où il correspond, par rapport à la syntaxe, à ce que l'onappele en français' complément ou régime direct. D'où cette règle commune aux trois idiomes : Tout verbe actif gouverne l'accusatif.  Mais, outre le complément des verbes actifs, on met à l'accusatif le nom de l'état ou de l'action exprimé par beaucoup de verbes neutres, surtout lorsque ce nom est lié à un adjectif qualificatif, déterminatif, démonstratif, conjonctif; et il a une signification analogue à celle du verbe quand il n'a pas le même radical. C'est ainsi que l'on dit en latin : pugnare pugnam (combattre un combat), vitami vixit felicem (il a vécu une vie heureuse). On lit dans Plaute : mirum somniavi samnium (j'ai songé un songe étonnant); ce qui revient à ces deux locutions de Bossuet et de Voltaire : dormez votre sommeil; il songea un beau songe. Au reste, on trouve plusieurs exemples de cette construction avec des verbes actifs praeclara facinora facere (faire des exploits brillants); cantilenam eamdem canere, chanter toujours la même chanson. De pugnare pugnam, on a passé à une alliance de mots plus hardie : vincere bellum (terminer une guerre par la victoire). De là vincere, coronari Olympia (remporter les couronnes Olympiques).  Il faut rattacher à ces faits et à ces observations l'emploi de l'accusatif d'un adjectif neutre pour rendre l'expression du regard : torva tuens, transversa tuentes.

L'accusatif se met directement, en grec et en latin, après les verbes neutres qui expriment le mouvement, lorsqu'ils sont accompagnés du nom de la route que l'on suit, ou même de celui du but où l'on se dirige; ainsi, en latin : abi viam tuam; itque reditque viam; conscendere navem; proficiscitur Athenas; redire domum; ego rus ibo. L'accusatif est encore d'usage après certains verbes neutres qui, neutres par le sens, éveillent néanmoins dans l'esprit l'idée du sens transitif. Il en est ainsi dans ces expressions latines : Horrere bellum (redouter la guerre); erubescere deos (rougir devant, craindre les dieux); jura fidemque supplicis erubuit (il rougit de violer, il respecta les droits de Priam suppliant). 

On donnait aussi l'accusatif pour complément aux verbes, même passifs, exprimant les signes matériels et violents par lesquels se manifestaient chez les Anciens l'affliction et le désespoir, comme plangere funera, pour dire pleurer (defiere) une mort. Au reste, pleurer la mort est une locution déjà hardie en français : car pleurer est un verbe neutre intransitif, et ce n'est que par exception qu'on lui donne quelquefois ainsi un complément direct. L'accusatif se mettait encore, soit après les verbes passifs, soit après les verbes neutres, pour désigner la partie du sujet à laquelle se rapporte spécialement l'état exprimé par le verbe : fractus membra, colla tumentem, suffunditur ora rubore. Quelques adjectifs suivaient la même construction : nuda pedes, flava comas.

Dans les trois langues grecque, latine, allemande, l'accusatif sert encore à déterminer la mesure, la distance, la durée, le temps, l'âge. Quoique la langue anglaise n'ait pas de cas, on peut, par analogie, regarder comme une sorte d'accusatif les noms employés sans préposition après les adjectifs qui indiquent la mesure : twenty feet high = haut [de] vingt pieds. Il en est de même en italien. On trouve, en latin et en allemand, l'accusatif avec quelques interjections. On l'explique par l'ellipse d'un verbe. Proh! Deûm hominumque fidem! - O fortunatos nimium agricolas! - O mich unglücklichen!

Rien de plus fréquent dans la langue grecque que d'employer deux accusatifs pour exprimer l'objet direct et l'objet indirect de l'action, particulièrement avec les verbes signifiant obliger ou désobliger, bien ou mal traiter en paroles, en action, interroger, demander, enlever, dépouiller, vêtir, instruire, cacher, etc. Dans ces verbes, on peut considérer le 1ercomplément comme incorporé au verbe, et ne faisant plus avec lui qu'un seul et même mot, dont le 2e accusatif est le complément direct. De même, en latin, bene dicere et male dicere ont fini par prendre, dans la langue des derniers siècles de l'Empire, un sens actif, et ont gouverné l'accusatif. La langue latine faisait un fréquent usage des deux accusatifs, surtout lorsque le nom de chose était un déterminatif neutre, comme aliquid, nihil , hoc, illud, multum, multa, pauca

On trouve, en allemand, des exemples de cette syntaxe avec les verbes fragen (interroger), lehren (enseigner), nennen (nommer), heissen (appeler, ordonner). En grec et en latin, les verbes qui, à l'actif, prenaient deux compléments à l'accusatif, gardaient à la voix passive celui qui représentait le nom de la chose : docentur pueri grammaticam. De là chez les poètes latins : exuvias indulus, trajectus lora.

Un des rôles essentiels de l'accusatif dans les langues anciennes était de servir de sujet aux propositions subordonnées complétives qui étaient à l'infinitif, particulièrement, du moins en grec, lorsque le sujet des deux propositions n'était pas le même. Ainsi : tradunt Homerum caecum fuisse. Ce sujet se mettait également à l'accusatif, lorsque l'infinitif servait lui-même de sujet à toute une phrase : errare hominem nihil mirum est; malos cives cognosci reipublicae utile est.

En grec l'accusatif sert de sujet à certaines propositions circonstancielles ne renfermant d'autre verbe qu'un participe, et qui habituellement se mettent au génitif dans cette langue et à l'ablatif en latin; il est dit alors accusatif absolu. Cela se présente particulièrement lorsque le participe appartient à un verbe essentiellement ou accidentellement impersonnel, ou au verbe substantif accompagné d'un adjectif rentre, et que le sujet est lui-même indéterminé ou marqué par un infinitif.

Enfin, l'accusatif sert de complément indirect à des noms, à des adjectifs, à des verbes, en grec, en latin, et en allemand, à l'aide d'un certain nombre de prépositions. (P.).

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