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On appelle archégone
l'organe femelle des Mousses (Bryophytes)
et des Cryptogames vasculaires (Ptéridophytes).
D'une manière générale, l'archégone offre la
forme d'un petit vase à col plus ou moins long, dont le centre est
occupé par l'oosphère destinée
à devenir l'oeuf après fécondation.
Ce mot est
dû à Bischoff, qui s'en est servi le premier en 1835 pour
désigner l'organe producteur du fruit des
Cryptogames supérieurs et plus particulièrement des Bryophytes.
Après lui d'autres botanistes, étudiant les organes reproducteurs
des Cryptogames vasculaires, n'ont pas hésité à appliquer
ce terme aux organes femelles, en faisant le correspondant du terme anthéridie
qui désigne les organes mâles de toutes ces plantes. Bischoff
essaya de réagir contre l'extension, qu'il pensait trop générale
et peu fondée, de ce mot à toutes les Cryptogames supérieures
et par la suite Hy, revenant au sens étymologique et à l'opinion
de Bischoff, en a restreint l'application aux seules Bryophytes. Hy ne
pensait pas qu'il y ait d'homologie entre les organes femelles des Bryophytes
d'une part et ceux des Ptéridophytes (Cryptogames vasculaires) de
l'autre. Il a établi, à ce point de vue, une distinction
originelle profonde entre ces deux groupes de végétaux
et ne pouvait admettre que le même terme puisse servir dans les deux
cas. Mais quelques particularités morphologiques dif férentes
qui existent effectivement entre les archégones des deux divisions
des Cryptogames supérieures, il faut bien reconnaître que,
dans l'un et l'autre cas, l'identité de la fonction et du processus
général de développement autorise suffisamment l'emploi
de ce terme, du reste consacré par l'usage.
Les Mousses et les
Hépatiques sont les seules Thallophytes
qui possèdent des archégones. Chez les Mousses, on les rencontre
au sommet des rameaux, au centre d'un involucre
formé par les feuilles les plus supérieures.
Ils sont mélangés à des poils articulés appelés
paraphyses. Certains Funaires, les Sphaignes,
le Bryum pyriforme, le Mnium cuspidatum sont hermaphrodites,
c.-à-d. qu'à côté des archégones, l'involucre
renferme des anthéridies. Dans les
Polytries, les involucres, ne contenant que des anthéridies ou des
archégones, sont monoïques.
L'archégone a la forme d'une sorte de bouteille, à long col,
portée sur un court pédicelle. La paroi ventrale de cette
bouteille est formée par deux assises de cellules; la paroi du col
par une seule. L'intérieur est occupé par une rangée
longitudinale de cellules dont l'inférieure, arrondie et remplissant
presque toute la cavité du ventre, est l'oosphère; les autres,
appelées cellules de canal, occupent d'abord l'intérieur
du col et disparaissant par gélification, laissant à leur
place un vide qui est le canal du col. L'archégone dérive
d'une seule cellule superficielle et terminale de la tige
ou d'un rameau, c'est ce qui l'a fait regarder par Hy comme de nature axile,
tandis que pour d'autres auteurs il a eu la valeur d'un simple poil, d'une
paraphyse. Cette cellule fait d'abord fortement saillie au-dessus de la
surface de ses voisines et bientôt se divise en deux par une cloison
transversale : l'inférieure ou cellule basilaire donnera le pédicelle,
la supérieure est l'origine de l'archégone.
On voit successivement apparaître
dans cette dernière cellule trois cloisons tangentielles qui
séparent une cellule centrale et trois cellules périphériques
: les cellules périphériques forment les parois du ventre
et le col de l'archégone; la centrale produit l'oosphère
et les cellules de canal. Pour cela il se produit dans cette cellule centrale
plusieurs divisions par suite de la formation de cloisons transversales
: un premier cloisonnement donne deux cellules dont la supérieure,
par deux bipartitions verticales successives en croix, forme les quatre
cellules terminales du col; l'autre se divise encore en deux, sa portion
inférieure est le point de départ de l'oosphère et
de la cellule ventrale du canal, sa portion supérieure produit la
rangée de cellules de canal. C'est lorsque l'organe est complètement
développé que se fait la destruction, par gélification,
des cellules de canal. Le mucilage qui
en provient s'insinue entre les cellules terminales du col et s'épanche
à son extrémité en une petite gouttelette à
laquelle adhèrent tous les anthérozoïdes
qui viennent la toucher. De là ils nagent dans le filet mucilagineux
qui remplit le canal et parviennent ainsi à l'oosphère pour
la féconder.
Archégone
des Mousses.
A,
extrémité d'un rameau dont la cellule terminale subit plusieurs
divisions pour former l'archégone.
B,
la même cellule en coupe transversale montrant les trois cellules
périphériques détachées de la centrale par
les cloisons 1. 2, 3 (d'après Hy).
C.
Fleur d'un Bryum montrant en a les archégones, en b les anthéridies,
en p les paraphyses (d'après Schimper). |
Chez les Hépatiques
les organes sexués se rencontrent parfois sur la même plante;
tantôt, au contraire, ils sont portés par des plantes différentes.
Les archégones des Marchantia sont enfoncés dans la face
supérieure d'un support particulier, le chapeau; dans les Riccia,
ils sont situés dans des cryptes à
la face supérieure du thalle; dans
les Jungermanes ils naissent sur la face dorsale des branches
ou à l'extrémité des rameaux. Comme chez les Mousses,
ils sont formés, à la suite d'une division multiple d'une
cellule périphérique, d'un renflement inférieur ou
ventre, renfermant l'oosphère, surmonté d'un col tubuleux.
Dans toutes les Ptéridophytes,
les organes sexués sont portés sur une forme spéciale
de ces plantes, le prothalle. Chez les Filicophytes (Fougères),
les archégones sont situés, soit à la face inférieure
et sur la partie renflée, en coussinet, du prothalle vert et rampant
à la surface du sol comme dans les Pteris, les Polypodes, les Osmondes,
etc.; soit sur les bords du prothalle
formé d'une seule assise de cellules, dans les Hyménophyllées;
soit à la face supérieure du prothalle massif, dépourvu
de chlorophylle et souterrain, dans les
Ophioglossées. Ils ont été
découverts dans ces végétaux par Leszczyc-Suminski
en 1846. Il dérivent tous d'une cellule superficielle du prothalle.
Cette cellule fait d'abord saillie en dehors, puis se divise en trois par
deux cloisons transversales parallèles à la surface du prothalle.
A.
- Archégone de Marchantia. - o, oosphère; cc, cellules
de canal gélifiées; p, paroi du ventre formée de deux
assises de cellules.
B.
- Archégone de Sélaginelle. - o, oosphère;
c, canal dans lequel se trouve le mucilage qui vient former une goutte
à son orifice m; pr. massif du prothalle. |
La cellule inférieure, basilaire,
représente le support; la supérieure se divise en quatre
par deux cloisons verticales en croix et
chacune de ces quatre parties forme une série de cellules superposées
dont l'ensemble constitue le col de l'archégone. Quant à
la cellule moyenne ou centrale, elle se divise en deux portions: l'une
plus grande, inférieure, devient l'oosphère; l'autre plus
petite, supérieure, s'accroît en haut, entre les cellules
du col, son noyau se divise un certain nombre de fois; enfin elle se gélifie,
donnant un mucilage qui écarte les cellules du col et s'échappe
au dehors sous forme de gouttelette. Cette goutte de mucilage retient au
passage les anthérozoïdes nageant dans l'eau qui baigne la
surface du prothalle et leur permet de pénétrer dans le canal
du col et par là jusqu'à l'oosphère. Donc chez les
Filicinées, l'archégone, plus ou moins enfoncé dans
le prothalle et non entouré d'une paroi propre, comme dans les Muscinées,
est uniquement constitué par une oosphère surmontée
d'un col plus ou moins long.
Archégone
des Fougères.
A.
Archégone en voie de développement : a, cellule du canal;
c, cellule de l'oosphère; b, cellule basilaire; 1, 2, 3, 4, cellules
du col.
B.
Archégone développé: c. col avec le canal occupé
par la cellule du canal; o, oosphère; b, cellule basilaire. |
Dans les Equisétacées, les
prothalles, ordinairement unisexués, sont plus ou moins lobés
et portent les archégones vers le sommet de leurs lobes.
Ces archégones sont semblables à ceux des Fougères
avec cette différence que le mucilage provenant de la gélification
des cellules de canal ne s'épanche pas tout de suite au dehors :
l'ouverture du canal est produite par l'écartement et le renversement
en dehors des quatre cellules terminales du col.
Chez les Lycopodes,
le prothalle femelle reste petit, jaunâtre, souterrain, comme dans
les Ophioglosses et présente, à
sa face supérieure, des archégones dont un seul est ordinairement
fécondé. Chez les Sélaginelles et les Isotes, les
archégones naissent à la surface du prothalle qui s'est développé
dans la macrospore. Comme dans les Fougères, ils sont formés
d'une cavité, ou ventre, contenant l'oosphère, et d'un col
qui ne fait pas saillie au-dessus de la surface du prothalle. On voit donc,
en résumé, que si l'archégone des Ptéridophytes
diffère de celui des Bryophytes par
l'absence d'enveloppe propre, il lui est cependant analogue par l'origine,
une cellule superficielle, par le mode de formation de l'oosphère,
par la constitution du col. Enfin il n'est peut-être pas sans intérêt
de rappeler ici l'analogie très grande qu'offre l'archégone
des Ptéridophytes avec le corpuscule ou appareil femelle des Gymnospermes.
(Paul Maury). |
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