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La Révolution française
Les clubs pendant la Révolution
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L'usage des clubs, initié en Angleterre, était passé en France sous le règne de Louis XVI. Mais, tandis que les Anglais avaient des clubs pour vivre entre hommes, en France ces sociétés ne se substituèrent pas aux salons, n'ôtèrent pas aux femmes le droit de présider à la conversation, et elles furent presque uniquement politiques. Dès 1782, il s'établit, rue Saint-Nicaise, à Paris,un club politique, dont les statuts, par une précaution dérisoire, interdisaient de parler de la religion et de l'autorité. En 1785, le duc d'Orléans forma, au Palais-Royal, le club de Boston ou des Américains. Il y eut aussi, au Palais-Royal, le club des Arcades, et, rue de Chartres, le club des Etrangers. En province, les sociétés politiques furent nombreuses, à la veille de la Révolution, surtout en Bretagne et en Dauphiné. Il existe, aux archives du Tarn, le registre de la Société littéraire de Castres, fondée en 1783, où on recevait les rares journaux qui se publiaient alors et où on s'entretenait des nouvelles de l'Europe. C'était si bien une société politique qu'elle fut comme le noyau du club des Jacobins de Castres, dont les délibérations sont dans le même volume et forment la suite des procès-verbaux de la Société littéraire. La police, fit en 1787, une tentative pour fermer tous les clubs à Paris. Il en existait pourtant encore au moins deux au commencement de 1789
1° Le club ou société des Colons : 
« Cette société, formée par des Américains, tient ses assemblées au premier étage des bâtiments neufs du Palais-Royal, au-dessus du café de Valois. Elle a ses statuts, ainsi que les autres sociétés de ce genre, et des commissaires pour les faire observer. La contribution annuelle est de 96 livres : mais, pour y être admis, il faut prouver qu'on est possesseur d'une habitation aux Iles. » (Thiéry, Guide des Amateurs et des Etrangers voyageurs à Paris, t. I, p. 287.) -
 
2° Le Club : 
« Ce club a son entrée par la rue de Beaujolais et ses salles d'assemblée sur le jardin du Palais-Royal. Il est composé de gens de considération, de caractère et de moeurs irréprochables, parmi lesquels on ne peut être admis sans avoir été présenté par quelqu'un de cette société, et sans avoir l'adoption générale de tous les membres qui la composent. Cette société est la première et la seule qui se soit toujours maintenue sans les ressources du jeu. Elle s'est conservée jusqu'à ce jour dans sa pureté primitive. » (Ibid., p. 283).
A ces clubs, il faut joindre la société des Amis des Noirs, fondée en 1788 par Brissot et aussi les différentes loges maçonniques où plusieurs des futurs orateurs de la Révolution s'exerçaient déjà à la parole politique. Certains salons ressemblaient à des clubs. Ainsi Bergasse réunissait chez le banquier Kornmann, sous prétexte d'étudier le magnétisme, des économistes et des politiciens, qui y discutaient les avantages comparés de la Monarchie et de la République.

Au moment de la réunion des Etats généraux, d'autres clubs furent fondés, mais ils avaient un caractère plus ou moins clandestin. Un certain nombre de députés semblent s'être réunis, dès le mois d'avril 1789, chez Adrien du Port, au Marais. Alexandre de Lameth raconte, dans son Histoire de l'Assemblée constituante (I, 35), qu'en mai 1789 des nobles et des parlementaires, qui avaient depuis deux ans l'habitude de s'assembler pour parler politique, louèrent à Viroflay, au bout de l'avenue de Versailles, une maison où ils tinrent une sorte de club qu'on appelait club de Viroflay. Clermont-Tonnerre était l'un d'eux. Ils soutenaient la politique de Necker. C'est peut-être l'origine du futur club des Impartiaux.

On signale aussi, dès le début de la Révolution, l'influence d'un club de Valois fondé au Palais-Royal par le duc d'Orléans et qui était peut-être l'ancien club des Américains transformé. Il est aussi question, mais d'une façon vague, d'un club de Montrouge, également fondé par le duc d'Orléans, et dont auraient fait partie Mirabeau, Sieyès, Sillery et Choderlos de Laclos. Mais le plus important de tous ces clubs fut le célèbre club des Jacobins, auquel nous consacrerons un article spécial. Disons seulement ici qu'il s'appela, sous sa première forme, le club breton, fondé à Versailles, pendant la querelle des trois ordres, par les députés de la Bretagne qui avaient pris l'habitude de se réunir, pour se concerter, au café Amaury, 44, rue de la Pompe. A ces réunions furent bientôt admis un grand nombre de députés patriotes. C'est dans ce club, qui siégeait à huis clos, que furent préparés, dit-on, les actes les plus importants de l'Assemblée, la journée du 17 juin 1789, le serment du Jeu de paume, la résistance à la déclaration royale le 23 juin, les mesures de précaution contre le coup d'Etat médité par la cour en juillet 1789, enfin les décrets de la nuit du 4 août. Quand l'Assemblée constituante se transporta à Paris en octobre 1789, le club breton cessa ses séances et ses membres fondèrent, à la fin de la même année, au couvent des Jacobins Saint-Honoré, la société des Amis de la Constitution, qui devint, le 22 septembre 1792, la société des Jacobins, Amis de la liberté et de L'égalité.

Le plus important des clubs après les Jacobins fut celui des Cordeliers, fondé après la suppression des districts à la fin de l'année 1790. Les Jacobins étaient d'abord des constitutionnels, des monarchistes libéraux, plus tard ils furent des républicains formalistes : les Cordeliers représentèrent des tendances plus démocratiques, socialistes, irréligieuses, enthousiastes.

Deux autres sociétés suivirent une politique autre que celle des Jacobins et auront un article à part : c'est la Société de 1789 et celle des Feuillants.

Voici la liste des principaux clubs ou sociétés populaires qui existaient en 1791 et en 1792, alors que les Jacobins n'avaient pas encore absorbé en eux la plupart des réunions politiques : société de la section de la Bibliothèque, rue de la Michodière, n° 5; société de la section des Thermes de Julien; société des Indigents, rue Jacob : société de la section de Sainte-Geneviève, rue Galande, n° 72 ; société de l'Egalité, section de Notre-Dame, rue de la Licorne; société fraternelle du Palais-Cardinal, aux Minimes; société des Elèves de la Constitution, rue Mézières, n° 2 ; société des Nomophiles, rue Saint-Antoine ; société fraternelle de l'un et l'autre sexe, aux Jacobins Saint-Honoré; société des Défenseurs de la Patrie; club des Impartiaux, plus tard club monarchique; cercle social; société fraternelle des Halles; club de la Sainte-Chapelle, etc.

Presque toutes ces sociétés disparurent en 1793. A cette époque on voit naître la société des Femmes républicaines et révolutionnaires, le club Massiac, le club électoral ou de l'Evêché, le club central des Sociétés populaires, la société de Lazowski.

Sous le Directoire, des royalistes déguisés se réunirent à Clichy. Le club des Jacobins avait été fermé : mais ses membres se réunirent ailleurs et formèrent successivement la société du Panthéon, la société des Jacobins du Manège, la société de la rue du Bac, dont nous parlerons à l'article Jacobins.

Outre les innombrables succursales du club des Jacobins en province, il se forma, dans presque toutes les grandes villes, en 1792 et en 1793, une société rivale, plus modérée, mais qui fut partout bientôt vaincue et détruite par les Jacobins, notamment à Bordeaux, à Lyon, à Marseille. Citons aussi la société des Jeu de paume, fondée à Versailles, par Gilbert Romme, pour honorer le souvenir du serment patriotique du 20 juin 1789. Dans toutes les villes conquises ou occupées momentanément par les armées de la République, il s'établit des sociétés populaires sur le modèle des Jacobins de Paris. Enfin des Anglais libéraux organisèrent à Londres une société des Amis de la Révolution qui envoya aux Français, de 1790 à 1792, plus d'un témoignage de sympathie.

Il est bon de dire maintenant dans quelles conditions légales s'exerça l'activité des clubs. Ils semblèrent d'abord s'autoriser de l'article 2 de la Déclaration des droits, voté le 20 août 1789

« Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la sûreté, la résistance à l'oppression. » 
Le 1er décembre 1789, le comité de constitution, à propos de l'organisation des municipalités, proposa un article qui interdisait aux citoyens de se réunir au nombre de plus de trente pour exprimer leurs voeux politiques. Mirabeau et Adrien du Port firent ajourner cet article, fini fut remplacé par l'article 62 de la loi municipale du 14 décembre 1789 : 
« Les citoyens actifs ont le droit de se réunir paisiblement et sans armes en assemblées particulières, polir rédiger des adresses et pétitions, soit au corps municipal, soit aux administrations de département et de district, soit au Corps législatif, soit au roi, sous la condition de donner avis aux officiers municipaux du temps et du lieu de ces assemblées et de ne pouvoir députer que dix citoyens pour apporter et présenter ces pétitions et adresses. » 
Ces conditions, assez étroites, limitaient les sociétés populaires aux seuls citoyens actifs et restreignaient le champ de leurs délibérations. Mais la formule était assez élastique pour qu'on pût l'étendre sans la briser. 

Les mots de sociétés ou de clubs ne figurent dans les textes de lois que longtemps après. On lit dans le décret du 19 juillet 1791, relatif à la police municipale et correctionnelle, titre Ier, aricle 14 : 

« Ceux qui voudront former des sociétés et clubs seront tenus, à peine de 200 livres d'amende, de faire préalablement au greffe de la municipalité la déclaration des lieux et jours de leur réunion; et, en cas de récidive, ils seront condamnés à 300 livres d'amende. L'amende sera poursuivie contre les président, secrétaires ou commissaires de ces clubs ou sociétés. » 
Le législateur n'eut d'abord qu'à s'applaudir d'avoir autorisé ces sociétés populaires, qui accréditèrent l'ordre nouveau. Mais bientôt leurs ingérences amenèrent des dispositions restrictives. Le 1er mai 1790, il fut interdit aux sociétés populaires de s'immiscer dans les affaires qui intéressaient la discipline militaire. Le 10 mai suivant, il fut défendu aux membres de ces sociétés de faire des pétitions en leur nom collectif. Le 19 septembre, toute correspondance fut prohibée entre les clubs et l'armée. Pendant la dernière année de sa carrière, l'Assemblée constituante lutta contre les clubs et essaya de les faire rentrer dans la légalité. La veille de sa séparation, le 29 septembre 1791, sur le rapport de Le Chapelier, elle rendit un décret qui interdisait aux clubs, sous des peines sévères : 
1° de se mêler des actes de l'autorité; 

2° de faire des pétitions. 

Ce décret resta lettre morte, et les clubs se développèrent librement sous la Législative, malgré les réclamations de M. de Jaucourt dans la séance du 1er juillet 1792. Sommé de faire exécuter la loi du 29 septembre 1791, le ministre de la justice Duranthon se borna à dire que l'exécution de cette loi ne le regardait pas tant que les procureurs généraux syndics des départements n'auraient déféré personne aux tribunaux.

Sous la Convention, et particulièrement en l'an II, les sociétés populaires devinrent de véritables corps de l'Etat et jouèrent un rôle officiel. Plus d'une fois les représentants en mission prirent soin de procéder eux-mêmes à leur épuration ou leur demandèrent de contrôler, d'épurer ou de désigner des fonctionnaires. Dans certaines circonstances critiques, ils réunirent provisoirement, en vue d'une action combinée, le département, le district, la commune et la société populaire. La Convention protégea ouvertement les clubs. En juin 1793, les autorités constituées de Toulouse avant fait arrêter plusieurs membres de la société populaire de cette ville, la Convention les fit mettre en liberté (13 juin) et décréta : 

« Il est fait défense aux autorités constituées de troubler les citoyens dans le droit qu'ils ont de se réunir en sociétés populaires. »
Le 25 juillet 1793, nouveau décret sur le même objet :
« Toute autorité, tout individu qui se permettraient, sous quelque prétexte que ce soit, de porter obstacle à la réunion ou d'employer quelques moyens pour dissoudre les sociétés populaires, seront poursuivis comme coupables d'attentat contre la liberté, et punis comme tels. » 
Suivaient des peines très sévères : dix années de fers contre les fonctionnaires publics, cinq années contre les particuliers qui se seraient rendus coupables de ces délits.

Le 9 brumaire an ll, les clubs de femmes furent interdits par un décret dont l'article 2 ordonnait que toutes les séances des sociétés populaires fussent publiques.
Lors de la réaction thermidorienne, le club des Jacobins de Paris fut fermé le 24 brumaire an III -11 novembre 1794. L'article 361 de la Constitution de l'an III porta qu'aucune assemblée de citoyens ne pourrait se qualifier de société populaire. Le 6 fructidor an III, sur le rapport de ses comités de salut public, de sûreté générale et de législation, la Convention décréta :

« Toute société connue sous le nom de club ou de société populaire est dissoute. En conséquence, les salles où lesdites assemblées tiennent leurs séances seront fermées sur-le-champ et les clefs en seront déposées, ainsi que les registres et papiers, dans le secrétariat des maisons communes. »
Mais l'article 362 de la Constitution de l'an III autorisait implicitement des « sociétés particulières s'occupant de questions politiques », à condition que leurs séances ne fussent pas publiques et qu'elles n'eussent ni correspondance ni affiliation avec d'autres sociétés, etc. Les Jacobins essayèrent de se reconstituer au Panthéon. Le 9 vendémiaire an IV, un message du Directoire exécutif invita les conseils « à statuer d'une manière positive sur la nature des sociétés ou réunions politiques des citoyens. » Le conseil des Cinq-Cents nomma le lendemain une commission de cinq membres pour étudier la question. 

Le 9 ventôse suivant, le Directoire prit le parti de fermer tous les clubs par simple arrétés. Les conseils laissèrent. faire. La commission des Cinq fit son rapport, par la voix de Mailhe, le 8 germinal an IV. Les Cinq-Cents en ordonnèrent l'impression et l'ajournement au 23, puis au 27 germinal. A cette date, il y eut un troisième ajournement jusqu'à la décision à intervenir sur la manière de réprimer les délits résultant de l'abus de la liberté de la presse. Le 7 messidor an V, deux membres furent adjoints à la commission des Cinq; en ordonna la réimpression du rapport de Mailhe et du message du Directoire et on fixa l'ouverture du débat au 30 messidor suivant; mais, à cette date, il fut encore ajourné. La loi du 7 thermidor an V édicta : 
« Toute société particulière s'occupant de questions politiques est provisoirement défendue. »
Le coup d'Etat du 18 fructidor rétablit en parti l'influence jacobine et les clubs furent de nouveau autorisés par les articles 36 et 37 de la loi du 19 fructidor an V, qui sont ainsi conçus : 
« La loi du 7 thermidor dernier, relative aux sociétés particulières s'occupant de politique, est rapportée. Toute société particulière, s'occupant de questions politiques, dans laquelle il serait professé des principes contraires à la Constitution de l'an III, acceptée par le peuple français, sera fermée... » 
Aussitôt les Jacobins se reconstituèrent, d'abord au Manège, puis rue du Bac. Le Directoire les dispersa par arrêté du 26 thermidor an VII - 13 août 1799, et demanda instamment aux conseils de faire enfin une loi sur les clubs. Une nouvelle commission spéciale avait été nommée le 1er thermidor précédent; elle provoqua plusieurs discussions qui n'aboutirent pas. Un projet de loi, présenté le 16 thermidor, ne put être voté. Trois autres projets se produisirent : ils furent toits renvoyés à la commission (26 fructidor an VII) et la question n'était pas encore résolue quand eut lieu le coup d'État du 18 brumaire an VIII, qui ne laissa subsister ou revivre aucun club. (F.-A. Aulard).
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