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L'Angleterre pendant la Renaissance Les Tudor. La Réforme religieuse |
![]() | La dynastie des Tudor occupa le trône d'Angleterre de 1485 à 1603. Dans cet intervalle s'accomplissent deux révolutions d'une importance capitale : d'une part, l'Angleterre devient la première des puissances protestantes![]() ![]() ![]() Henri VII (1485-1509) Proclamé à la romaine, sur la lande de Bosworth, le fondateur de la dynastie Tudor, Henry de Richmond, ne semblait pas avoir plus de chances de rester roi que de titres à le devenir. Il était le petit-fils d'un Gallois, Owen Tudor, qui, en dépit de généalogies forgées après coup, était, en tout état de cause, de très mince noblesse. Catherine de France, veuve de Henri V, l'avait distingué parmi les serviteurs de sa maison et l'avait épousé secrètement. De cette union deux fils étaient nés, dont l'aîné, Edmond, devint tuteur, puis mari de la plus riche orpheline du royaume, Marguerite Beaufort, fille du duc de Somerset, tué à Saint-Albans, descendant contesté de Jean de Gand. De là les prétentions de Henri de Richmond, fils posthume d'Edmond Tudor, à la couronne d'Angleterre : si fragiles qu'elles fussent, elles avaient suffi pour inquiéter Édouard IV et Richard IIl. Pourchassé, traqué, Richmond avait dû fuir en Bretagne Les premiers actes du nouveau roi dénotaient une rare prudence il convoqua le Parlement, annonça son intention d'épouser la fille aînée d'Édouard IV, Elisabeth, et fit connaître, avec les noms de ses ministres, l'organisation des services publics. L'Angleterre, déconcertée par les rapides tragédies des dernières années, était disposée à accorder un large crédit de patiente soumission au roi qu'elle jugerait capable de rétablir l'ordre et la sécurité. Lors de la réunion du Parlement, le nouveau chancelier, Alcoock, développa ce thème : « Va de l'avant et règne! » Telle était bien la volonté du premier Tudor, qui sut choisir ses agents de tout ordre, les tenir en haleine, les opposer les uns aux autres. L'aristocratie avait été, pendant la guerre des Deux Roses, affaiblie dans sa richesse et dans son sang. L'abolition du droit de maintenance, qui permettait aux grands de s'entourer d'un très grand nombre de serviteurs, la priva d'une force matérielle dangereuse pour la couronne; mais elle conserva toutefois sa puissance terrienne. Les Tudor firent du principal organe du gouvernement, le Conseil privé, un formidable instrument de domination; mais la représentation nationale ne fut pas aussi docile, aussi efficace qu'on l'a prétendu. En comparant les comptes rendus des sept Parlements de Henri VII avec ceux des règnes précédents, on constate au contraire que les députés des comtés et des bourgs s'efforcèrent de sauvegarder leurs privilèges, leurs traditions, et les intérêts de leurs commettants. Il est vrai que les Anglais de cette époque ne considéraient pas comme si enviable la mission de siéger à Westminster. Quand un magistrat, un riche marchand honoré du titre de lord-maire, un vétéran, croyait avoir bien mérité du roi et de la patrie, sa suprême ambition était d'être, par grâce spéciale, dispensé d'être nommé membre de la Chambre des communes. Si l'on tient compte de cet état d'esprit, on comprend que Henri VII se soit passé aussi aisément, dans les dernières années de sa vie, de convoquer le Parlement ; l'opinion publique ne l'exigeait pas, et le roi avait bien d'autres ressources que les subsides votés par les Communes. « Tu dépenses, donc tu es riche. Tu ne dépenses pas, donc tu thésaurises. Paie. »Le chancelier qui lui succéda, William Warham, se fit un renom sans pareil par les décisions auxquelles il s'arrêta dans les procès entre particuliers; mais les finances tombèrent aux mains de Dudley et d'Empson, dont l'esprit fiscal et les exigences exaspérèrent la nation. Pendant tout son règne, le premier des Tudor eut à se garder contre les complots des nombreux prétendants, dus à l'initiative d'imposteurs ou de rebelles. Ce fut d'abord lord Lovel, qui, soutenu par la duchesse de Bourgogne On fait honneur à Henri VII d'une singulière finesse en matière diplomatique; il aurait créé la politique de bascule, imaginé I'équilibre européen. Or, malgré toute son astuce, le premier Tudor n'eut pas à enregistrer que des succès. Il ne put empêcher le mariage de Charles VIII avec Anne de Bretagne, et, s'il soutira un subside au roi de France Henri VIII (1509-1547) succède à Henri VII. Grand, beau, magnifique, il est une sorte de François ler anglais. Il gouverne despotiquement. Sollicité par la France Le roi et le parlement rejettent l'obédience de Rome ![]() Sceau de Henri VIII. An début du règne, la faveur de Wolsey avait fait écarter l'examen de la question; mais la disgrâce de ce fastueux archevêque, le choix de Thomas Cromwell comme chancelier d'Angleterre attestèrent la volonté d'Henri VIII de n'accepter aucune remontrance. La nation applaudit. Le Parlement réformateur (1529) avait déjà ouvert une enquête sur l'état des monastères dans le royaume. Des abus extraordinaires avaient été révélés. En 1531 le roi se proclama chef de l'Eglise anglicane; en 1533, Thomas Cranmer est nommé archevêque de Canterbury. Son premier acte est de bénir le mariage d'Henri VIII avec Anne de Boleyn. En 1534, le schisme est consommé; le bill de succession est voté, la couronne est assurée aux enfants d'Anne de Boleyn au préjudice de Marie, fille de Catherine d'Aragon. Les biens ecclésiastiques sont saisis par le roi, les monastères sont vidés, leurs immenses richesses sont divisées en trois parts. L'Eglise nouvelle d'Angleterre en obtient une, l'autre est donnée aux collèges, aux universités, aux établissements de bienfaisance, la troisième, et non la moindre, est distribuée aux courtisans, aux grands seigneurs. C'est ainsi qu'aujourd'hui encore tant d'abbayes en ruines sont enclavées dans les parcs des lords d'Angleterre. Cette spoliation fut accompagnée de violences dans plus d'un cas. Plusieurs abbés trop récalcitrants montèrent sur l'échafaud, la plupart se soumirent, on leur attribua des pensions viagères; les derniers titulaires vivaient encore du temps de Jacques ler, plus de cinquante ans après. Dans le Nord une insurrection formidable éclata : c'est le fameux pèlerinage Édouard VI (1547-1553); la tyrannie protestante La mort de Henri VIII n'étonna personne, mais prit tout le monde au dépourvu, sauf le subtil Seymour, comte de Hertford, oncle maternel du jeune Édouard, fils de Jane Seymour, morte en couches (1529). Cet ambitieux, dont la coterie dominait dans le conseil privé depuis la chute des Howard et qui était admirablement servi tant par son sang-froid que par son audace, se fit reconnaître comme protecteur de tous les royaumes et domaines de Sa Majesté Royale, devint duc de Somerset, traita le roi de France Le Protecteur ne fut pas plus heureux dans sa politique sociale. Se proposant de supprimer la mendicité, il obtint du Parlement des dispositions draconiennes : les vagabonds seraient marqués au fer rouge et livrés comme esclaves aux fermiers pour deux ans, en cas de récidive pour la vie. Mais le brigandage prit la place de la mendicité, cependant que les émissions de monnaie d'un titre bas provoquaient dans les villes la hausse du prix des denrées. Somerset devint impopulaire; l'impopularité tourna en mépris quand il laissa condamner à mort son propre frère l'amiral Seymour, sous l'inculpation, d'ailleurs justifiée, de piraterie, et quelques mois d'effervescence religieuse suffirent à ruiner complètement son pouvoir. Le Parlement, convoqué au début du règne, avait supprimé les vieilles lois de persécution contre les hérétiques, condamné le culte des images, autorisé le mariage des prêtres et imposé un Livre de prières, Book of common Prayer L'affaire du Norfolk fut la plus grave : elle entraîna la démission du Protecteur et l'avènement au pouvoir de John Dudley, comte de Warwick, fils de cet agent de Henry VIl qui avait été décapité avec Empson. Warwick prit nettement le parti de la Réforme. Pendant qu'une guerre sauvage était faite aux images, aux manuscrits, aux vitraux même, Cranmer acheva d'élaborer le second Livre de prières, voté en 1552 et suivi de l'Acte des Quarante-deux articles où étaient résumées les doctrines de l'Église anglicane L'ambitieux Dudley ne s'était pas contenté de devenir comte de Warwick : il se conféra le titre de duc de Northumberland et visa plus haut encore, car il maria l'un de ses fils à la gracieuse Jane Grey, petite-nièce de Henry VIII, qu'il obligea le Conseil à reconnaître comme future souveraine, après avoir fait écarter les deux soeurs du roi, Marie et Elisabeth. Quand se termina la lente et triste agonie d'Édouard, il se crut décidément le maître; il comptait sur l'appui des protestants, qui voyaient dans l'avènement de Marie Tudor le signal d'une réaction catholique. Marie Tudor (1554-1558); la réaction catholique Marie Tudor, fille de Catherine d'Aragon et de Henri VIII, avait alors trente-six ans. Mûrie par une sévère expérience, elle échappa aux pièges des ministres, arbora son pavillon dans un vieux château de Suffolk, région catholique, et, ayant en quelques jours constitue une armée, elle fit à Londres une entrée triomphale, accueillie avec joie par les catholiques et les anglicans (3 août 1555). Ses premiers actes furent empreints de modération, et elle proclama une amnistie générale, mais elle ne persista pas dans cette politique modérée, et elle poursuivit le rétablissement du catholicisme dans des conditions maladroites et violentes. L'abrogation de la législation ecclésiastique, votée sous le règne précédent, provoqua un mouvement insurrectionnel. Le Kent Peu après elle épousa le prince des Asturies Elisabeth, fille de Henri VIII et d'Anne Boleyn, née en 1533, fut élue par le parlement à la mort de sa soeur. Son père l'avait d'abord déclarée illégitime et incapable de régner : mais il avait révoqué cet arrêt par son testament, et Élisabeth fut reconnue sans contestation en 1558. Vivant jusque-là dans une profonde retraite, elle s'était livrée avec ardeur à l'étude et avait acquis de grandes connaissances : elle parlait et écrivait, non seulement le français et l'italien, mais aussi le latin et le grec. Sa dignité dans le malheur lui avait inspiré la sympathie et l'admiration. A peine montée sur le trône, elle rétablit la religion protestante Le règne d'Elisabeth vit fit fleurir l'agriculture, le commerce, la marine, les lettres, tandis que la souveraine portait l'économie dans les finances; mais elle marqua aussi son règne par son acharnement contre le Catholicisme et par sa conduite barbare envers la reine d'Écosse, Marie Stuart. Irritée contre cette princesse, qui avait eu, il est vrai, l'imprudence de prendre le titre de reine d'Angleterre, mais dont le plus grand tort était d'être catholique et de l'emporter sur elle en beauté, elle excita des troubles dans ses États. l'attira en Angleterre où elle la retint prisonnière, l'impliqua dans une accusation d'attentat contre sa personne et la fit enfin décapiter (1587). Philippe II, roi d'Espagne Cette lutte d'Elisabeth Tudor avec Marie Stuart et Philippe II a sans doute un intérêt dramatique exceptionnel; mais si l'on met de côté les noms de ces princes on s'aperçoit que le véritable effort du règne d'Elisabeth Ire n'a pas consisté à tendre des pièges à l'infortunée reine d'Ecosse
Elisabeth a disloqué l'empire colonial d'Espagne La main de cette reine fut demandée par plusieurs souverains, et le Parlement la pressa plus d'une fois de faire un choix, mais elle ne voulut jamais se marier. Elle eut cependant plusieurs favoris : les plus célèbres sont Dudley, comte de Leicester, et Robert, comte d'Essex. Ce dernier s'étant révolté, elle le fit condamner à mort (1601); mais à peine la sentence était-elle exécutée qu'elle en conçut une vive douleur; elle mourut peu après, en 1603. Elle désigna pour son successeur Jacques, roi d'Écosse, fils de Marie Stuart. Élisabeth avait gouverné avec un despotisme presque absolu et convoqué très rarement le Parlement. Avec quelques-unes des qualités d'un grand souverain, elle avait eu aussi les faiblesses de beaucoup de puissants et de tous ceux qui singent la puissance : grossiéreté, vanité, jalousie, fausseté. (Louis Bougier / HGP). |
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