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L'histoire du Royaume-Uni
L'Angleterre au Moyen-âge
II - Les Plantagenêts
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Aperçu

L'Angleterre antique

L'Angleterre médiévale
Haut Moyen-âge : Anglo-saxons et Normands
XIIe - XVe siècles : les Plantagenêts

Le XVIe siècle : les Tudor, la Réforme

Le XVIIe siècle : les Stuart, premières colonies
Le XVIIIe siècle : la conquête de la mer
Le XIXe siècle : la Fédération britannique

Le Royaume-Uni depuis 1900


L'histoire de l'Ecosse
L'histoire de l'Irlande
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Les premiers Plantagenêt

Les chartes et les parlements.
Le règne de Henri II (1155-1189) ouvre une nouvelle période de l'histoire d'Angleterre. Ce roi n'est pas un Normand. Sa mère, Mathilde, descendait des anciens rois saxons. Son père était Angevin et lui-même est né au Mans. C'est un prince cosmopolite, subtil entreprenant et ambitieux. Peu de souverains furent aussi puissants pendant le Moyen âge. L'Angleterre n'est qu'une faible partie de ses domaines. Il l'agrandit par l'annexion de l'Irlande, conquise par l'aventurier Richard Strongbow; il oblige Alexandre d'Ecosse à se reconnaître son homme-lige. Ses guerres avec Louis VII le Jeune, premier époux de sa femme Aliénor d'Aquitaine, et les révoltes de ses fils ont mêlé étroitement son histoire à celle de la France. Enfin, sa querelle dramatique avec Thomas Becket est comme un écho attardé de la querelle des investitures. Si importants que soient ces événements, ils ont peut-être eu moins d'action réelle sur le développement du peuple anglais que les efforts tenaces de Henri pour asseoir son autorité absolue. Son gouvernement est une monarchie fiscale. L'échiquier d'Angleterre, dont le trésorier Richard Fitz-Neal expliqua le mécanisme dans son fameux Dialogus de Scaccario, devient l'organe essentiel de l'Etat.
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Henri II et Thomas Becket.
Henri II et l'archevêque de Canterbury, Thomas Becket.
Miniature d'un manuscrit des lois de Henri II (British Musem).

L'ordre le plus minutieux est introduit dans l'administration des revenus royaux. On est frappé d'étonnement quand on examine dans le détail le jeu de ces rouages si compliqués en apparence, si simples en réalité. Quand ce roi maltôtier monta sur le trône le revenu royal n'était que de 22.000 livres sterling. Il le releva rapidement en reprenant les provinces du Nord perdues pendant les guerres civiles, du règne précédent. Il lève, sous le nom de scutage, un impôt de guerre sur tous les fiefs dont les titulaires ne se présentent pas à l'armée. Il peut ainsi équiper des armées mercenaires. Les comtes se révoltent, le roi écrase l'insurrection en 1174. Par les assises de Northampton (1176), il divise le territoire anglais en six circonscriptions ou circuits dont chacun est assigné à trois juges qui vont de comté en comté rendre la justice. Ce sept les itinérant justices, et cette organisation subsiste encore dans ses traits essentiels. Ranulf Glanville, justicier d'Angleterre, écrit le Liber de legibus Angliae, dans lequel il codifie les coutumes saxonnes et les lois normandes. Dans la dernière année du règne, le revenu régulier de la couronne monte à 48.000 livres sterling.

Richard Coeur de Lion,  Jean sans Terre et Henri III.
Henri II, ce roi des légistes est remplacé par un soldat. Dur, brutal, fourbe et prodigue, Richard Coeur de Lion mérite peu la réputation chevaleresque que lui ont faite ses malheurs mérités. C'est le moins Anglais des rois du Moyen âge. S'il fut rançonné assez durement par l'empereur d'Allemagne, à son retour de la croisade, il avait commencé par rançonner les ministres de son père et les siens propres. Ce fut lui qui imagina de se faire fabriquer un nouveau sceau et d'obliger tous ses sujets de faire sceller de nouveau leurs chartes, en payant, cela s'entend. Les Anglais se soumirent sans révolte à ses exigences. Ils payèrent sa rançon, payèrent à trois reprises le scutage. Tant à la fin qu'en 1198, le roi demandant de nouvelles sommes pour sa guerre en Normandie, les évêques refusèrent formellement de payer. Richard fit alors ingénieusement lever une nouvelle taxe foncière à laquelle il soumit tout le monde, sans coup férir. 

Jean sans Terre (1199-1216) avait été le favori de son père Henri II et de sa mère. Il se fit élire roi au détriment de son neveu Arthur de Bretagne. Il s'empare du jeune prince et le fait disparaître; a-t-il été cité pour ce fait devant la cour des Pairs, par le roi Philippe-Auguste; a-t-il refusé de comparaître; a-t-il été déclaré en état de forfaiture et condamné à mort comme on l'a répété pendant plus de sept cents ans? Cela semble douteux; en tous cas, il est certain qu'il perdit la Normandie et l'Anjou en 1203, le Maine et la Touraine en 1204, une grande partie du Poitou l'année suivante. Philippe-Auguste fut aidé, il est vrai, par la trahison, il le fut aussi par la force des choses. L'Angleterre se lassait de payer des armées pour garder des territoires d'où venaient sans cesse à la cour des intrus qu'il fallait pourvoir. 

La mort de l'archevêque de Canterbury en 1205, l'élection presque simultanée de deux rivaux et I'intervention d'Innocent III mettent aux prises le roi et le pape. Jean résiste énergiquement aux prétentions pontificales. Le royaume est mis en interdit, et, par une curieuse tentative, le roi organise un véritable schisme. Pendant cinq ans (1208-1213) l'Eglise anglicane est séparée en fait de l'Eglise romaine. Mais Innocent III donne à Philippe-Auguste la mission de conquérir l'Angleterre. Jean, menacé d'une croisade française, trahi par une partie de sa noblesse, fait sa soumission et se déclare vassal de Rome. Il prend l'offensive contre le roi de France et descend en Poitou, tandis que son allié, Othon IV, envahit la Flandre. La bataille de Bouvines (1214) rompt cette coalition. A son retour en Angleterre, Jean est attaqué par ses vassaux révoltés. Il est forcé de signer la Grande charte (Magna carta libertatum) dans la plaine de Runnimede, près de Windsor (15 juin 1215).

Cet acte est, sans contredit, un des plus importants de l'histoire constitutionnelle de l'Angleterre. Les rois précédents avaient, sans doute, à plusieurs reprises, accordé à leurs sujets des chartes garantissant les antiques libertés anglaises; mais aucun de ces documents n'avait l'ampleur et la précision de la grande charte. Les circonstances mêmes dans lesquelles le roi avait été contraint de la signer en faisaient un traité de paix solennel entre la royauté et la nation. Ce traité de paix ne fut pas exécuté. Les barons restèrent en armes, et appelèrent Louis le Lion, fils aîné de Philippe-Auguste. Malgré cette intervention Jean sans Terre maintint son autorité dans la plus grande partie de son royaume, parvint à ramener ses ennemis dans Londres, et fit une grande expédition dans le Nord où se trouvaient les domaines de ses principaux adversaires. ll mourut dans cette expédition (octobre 1216). 

Son fils, Henri III, avait neuf ans. Il eut un règne aussi long que troublé (1216-1272). Dans son enfance, ses ministres et ses tuteurs, qui réussissent à chasser les Français de Londres, ne peuvent se mettre d'accord. Les légats du pape draînent une partie des ressources du royaume au profit de la cour de Rome, la Grande charte est foulée aux pieds. Devenu majeur (1227), le jeune roi, par son despotisme incohérent et sa diplomatie aventureuse, se rend odieux à tout le monde. On lui reproche de s'entourer de Français et de Poitevins. L'Angleterre se lasse d'être traitée par les Latins en pays conquis. Louis IX, provoqué par Henri III, envahit le Poitou et gagne les victoires de Saintes et de Taillebourg. Ces défaites que ne compensent pas de médiocres chevauchées dans le pays de Galles, encouragent les barons à revendiquer l'exécution de la charte. Ils forment des parlements et mettent à leur tête Simon de Montfort, comte de Leicester, beau Frère de Henri III. Le Parlement d'Oxford (1258) réclame l'institution d'une régence. La bataille de Lewes fait tomber le roi entre les mains des rebelles et Simon de Montfort, régent du royaume, appelle à lui les chevaliers des comtés et les représentants des villes (janvier 1265). Il est battu et tué à Evesham, ses partisans sont traqués dans l'Angleterre.
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Henri III d'Angleterre.
Le roi d'Angleterre Henri III et la reine revienne de Gascogne 
(entre 1250 et 1259). - Manuscrit des Chroniques de frère Mathieu Paris.

Les dernières années de la vieillesse du roi Henri ont aussi été ensanglantées par des proscriptions, des assassinats; le bon plaisir et les exactions du roi et du légat contrastent avec la sage administration de Louis IX. Et cependant, malgré ces secousses et ces convulsions, l'Angleterre ne cesse de grandir. Elle commencé à exploiter les mines quasi-inépuisables de son territoire. Sa marine marchande entretient plus de relations avec la Normandie et la Gascogne que du temps de Henri II. La richesse matérielle s'accroît. Les défaillances sont passagères, les progrès sont constants et définitifs. La civilisation ne s'épanouit pas en Angleterre avec autant d'aisance et de noblesse qu'en France et qu'en Italie; mais le XIIIe siècle, de l'autre côté du détroit comme sur le continent, a laissé dans l'art des chefs-d'oeuvre qui attestent la vitalité de la société anglaise de ce temps.

La période de la guerre de Cent ans

Le siècle des trois Edouard.
Le siècle des trois Edouard (1272-1377) est un siècle de transition. L'unité de la nation anglaise s'achève : la guerre de Cent anss'amorce. Edouard ler (roi : 1272-1307), qui avait, le premier des fils de rois anglais, porté le titre de prince de Galles, était en Terre-Sainte quand son père mourut. Il ne revint prendre possession de la couronne qu'en 1274. La tranquillité de l'Angleterre pendant l'interrègne atteste la force nouvelle du principe de l'hérédité. Edouard ler fut un prince guerrier et législateur. Il a achevé la conquête du pays de Galles (1277-1283); imposé son arbitrage aux deux rivaux qui se disputent la couronne d'Ecosse, Bruce et Bailliol. Son protégé, Jean Bailliol, se tourne contre lui. Edouard envahit I'Ecosse, conquiert Berwick, gagne la grande victoire de Dunbar (1295) et prend pour lui la couronne. Mais il fait en même temps la guerre au roi de France en Gascogne et dans les Flandres. Sa noblesse lui refuse le service militaire hors du royaume. Sir William Wallace soulève les Ecossais, chasse les garnisons anglaises (Stirling, 1279). La France a trouvé un allié dont la fidélité sera séculaire. En vain Edouard, par la victoire de Falkirk, et après plusieurs expéditions, reprend possession de tout le royaume et fait subir à Wallace la mort des traîtres; Robert Bruce se révolte. Son frère Edouard, ses deux lieutenants Randolph et Douglas, l'aident à faire aux Anglais une guerre d'embuscades qui devient atroce. Edouard Ier lègue à son fils la tache ardue de réduire l'Ecosse ou de la désarmer. 
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Edouard I.
Edouard Ier devant le Parlement (vers 1278).

Le règne d'Edouard ler offre certaines ressemblances avec celui de Philippe IV au point de vue religieux. Comme son voisin et son ennemi, il entreprend de mettre un terme aux empiétements du clergé. Comme lui, il s'appuie sur la nation pour résister à l'Eglise. Edouard Ier est le véritable créateur du parlement anglais, qui devient, sous son règne, la réunion des trois ordres clergé, noblesse et communes. Le parlement qui se rassembla à Westminster, le 20 novembre 1295, peut être regardé comme le parlement modèle. Les deux Chambres, haute et basse, sont constituées définitivement. L'organisation judiciaire prend, sous son règne, la forme qu'elle a à peu près gardée jusqu'à l'époque contemporaine. La cour de la chancellerie (court of chancery), la cour des Common pleas, celle du banc du roi (king's Bench) et celle de l'échiquier se partagent les procès. La charge de grand-justicier est abolie; à sa place sont créés les chiefs-justices dont la liste s'est prolongée sans interruption jusqu'à l'époque contemporaine. Le roi et ses principaux ministres fondent à Oxford et à Cambridge des collèges qui florissent encore. Enfin, l'armée et la marine sont réorganisées. L'amirauté anglaise date aussi d'Edouard Ier. Toutes ces créations sont d'autant plus remarquables qu'Edouard était d'instinct un prince absolu; c'est par un effort continu de volonté qu'il s'astreignit lui-même à développer les institutions de son royaume en suivant la tradition. L'histoire détaillée de ce règne est fort dramatique à cause de cette lutte continuelle entre la passion et la raison.

Edouard II (1307-1321) est faible, couard, cruel; il n'a d'énergie que pour défendre ou venger ses favoris. L'indépendance de l'Ecosse est assurée par la victoire de Robert Bruce à Bannockburn (1314). La scandaleuse faveur du Gascon Gaveston, puis des deux Despensers, père et fils, soulève le mécontentement de toutes les classes de la nation. Le parlement de 1327 dépose Edouard II, qui est remplacé par son fils Edouard III et assassiné dans sa prison d'une manière atroce. C'est la reine Isabelle de France, fille de Philippe V, et son favori Mortimer, qui avaient fait tuer Edouard II. Ils gouvernent quelques années au nom du jeune Edouard III. Mais celui-ci se délivre de cette infâme tutelle, fait périr Mortimer, enferme Isabelle dans un couvent (1330). 

Sceau d'Edouard II Plantagenet.
Sceau d'Edouard II. - Les "Castilles" figurées sur le sceau rappellent que
le roi est fils d'une princesse castillane, Eléonore, fille de Ferdinand III.

Aussitôt libre, Edouard se tourne contre l'Ecosse, lui impose Edouard Balliol, le jeune roi David se retire à la cour de France et les Anglais expérimentent sur les Ecossais la supériorité de leur armement et de leur discipline. L'intervention du roi de France Philippe VI dans les affaires d'Ecosse, les intrigues des Flamands entraînent Edouard et l'Angleterre dans la guerre de Cent ans. Au moment où commence cette période, désastreuse surtout pour la France, l'Angleterre, couverte de villes populeuses et commerçantes, admirablement cultivée, est arririvée au terme de la grande lutte pour les chartes et les libertés. Elle a son parlement régulièrement convoqué par le roi, dès qu'une grosse dépense est nécessaire. Les classes commerçantes regorgent de richesses, dans les campagnes vivent à côté des nobles opulents de riches fermiers qui fournissent de laine les filatures de Flandre. La vie est large, joyeuse et libre dans tous les rangs de la société.

La Guerre de cent ans, côté anglais.
En France, on s'est habitué à considérer la longue série de guerres soutenues par les rois de France contre les rois anglais, depuis Philippe VI de Valois jusqu'à Charles VII, comme une seule et désastreuse crise de la seule histoire française. Si l'on se place au point de vue anglais, elle apparaît sous un autre jour. Ce n'est pas une guerre unique, mais deux grandes guerres d'un caractère bien différent et séparées par un long intervalle. La première occupe la seconde et la troisième partie du règne d'Edouard III. La seconde comprend le règne de Henri V et le commencement du règne de Henri VI. Dans l'intervalle de ces deux périodes d'expansion extérieure l'Angleterre est agitée par des guerres civiles et religieuses qui attestent la profonde révolution accomplie en cinquante ans. 
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Sceau d'Edouard III.
Grand sceau dont usa Edouard III de 1327 à 1340, jusqu'au jour où il
prit le titre de roi de France et d'Angleterre avec un écu écartelé (fleurs de lis et
léopards. On remarquera dans le champ, de chaque côté du trône, une fleur
de lis. C'est la première manifestation du prétendant au trône de France.

Edouard III remporte sur la flotte française la bataille de l'Ecluse (1340), prend le titre de roi de France, bat à Crécy (1345) son rival Philippe VI, et s'empare de Calais, ce pendant que sa femme Philippa de Hainaut, restée en Angleterre, arrêtait une invasion de David Bruce et faisait prisonnier cet allié de la France. La grande supériorité des armées anglaises consistait dans la forte organisation de leur infanterie composée d'archers fournis par les comtés de l'Ouest. L'incapacité militaire de la chevalerie française est prouvée une fois de plus par la défaite du roi Jean II, à Poitiers (1356). Tandis que le roi de France est envoyé prisonnier à Londres et que les provinces françaises du Nord sont désolées par la Jacquerie, les Anglais s'emparent de l'ancien domaine des Plantagenets, et le traité de Brétigny (1360) reconstitue la principauté d'Aquitaine, avec le droit reconnu à Edouard de l'ériger en royaume. Jusqu'à ce moment les Anglais ont toujours pris l'offensive. La guerre est dynastique en ce sens qu'Edouard III revendique la couronne de France; elle est populaire, en ce sens que les Anglais y apportent une passion farouche et font un énorme butin. Le traité marque le point culminant de la grandeur anglaise pendant cette première période. L'Ecosse, mise à feu et à sang par Édouard, dans cette expédition qu'on appela la Chandeleur brûlée (Burned Candlemas), paraissait définitivement domptée. La Bretagne était, par le traité de Guérande, laissée au comte de Montfort, protégé de l'Angleterre. Le prestige du nom anglais était énorme. Mais le prince de Galles, nommé gouverneur d'Aquitaine, se laisse entraîner à une guerre en Espagne, au profit du roi Pierre le Cruel, détrôné par Du Guesclin (1365-1360).

Les dépenses de cette guerre contraignent le prince anglais à lever de lourdes taxes sur les provinces de son gouvernement. Le mécontentement, excité par les manoeuvres habiles de Charles V, devient universel. Le prince Noir brûle Limoges révoltée (1370); mais les Français reprennent l'offensive et adoptent une nouvelle tactique; refusant toute bataille rangée, ils font aux Anglais une guerre d'escarmouches et de surprises qui les démoralise complètement. Le prince de Galles, épuisé et mourant, retourne en Angleterre. Du Guesclin et ses compagnons, en dépit des invasions de Robert Knolles et de Lancaster (1374), reprennent une à une les forteresses d'Aquitaine. L'irritation est profonde en Angleterre. Le Bon Parlement d'avril 1376 oblige le roi à se séparer de l'aimable Alice Perrers dont il subissait aveuglément l'influence. Le ministre Latimer est décrété d'accusation. Le Parlement décide même la question de successibilité à la couronne. L'Angleterre n'a pas seulement perdu ses possessions du continent, sauf quelques villes, elle a presque totalement perdu l'Irlande, et le brigandage sévit même dans le royaume. Il faut renouveler le statut de Winchester de 1285 qui ordonnait d'abattre arbres et buissons sur une bande de 200 pieds de chaque côté des routes. L'Angleterre souffre autant que la France des ravages des grandes compagnies (La criminalité au Moyen âge). 

Le règne de Richard II est aussi désastreux que celui de Charles VI. Wycliffe prêche des doctrines qui sont condamnées par la cour de Rome, mais protégées par le gouverment. Wat Tyler soulève les misérables du comté de Kent et s'empare de Londres. On ne peut se débarrasser de lui que par trahison. C'est la première explosion, en Angleterre, des haines sociales. La réaction s'étendit aux partisans de Wycliffe, les Lollards, qui sont persécutés. 
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Autographe de Richard II.
Autographe de Richard II.

Devenu majeur, Richard gouverne si mal que le parlement lui impose une commission à peu près analogue au gouvernement des Marmousets en France, à la même époque. Le Parlement Admirable (Wonderful Parliament) condamne les partisans du roi (1388) et oblige Richard à prendre un conseil dont il se débarrasse dès qu'il peut. Après la mort de la bonne reine Anne il épouse Isabelle de France (1396) et se débarrasse par trahison des chefs de l'opposition. Sa tyrannie provoque la révolte du duc Henri de Lancastre, son cousin, qui débarque à Ravenspur (juillet 1399), s'empare du roi, l'oblige à abdiquer et l'enferme au château de Pontefra. Richard y mourut quelques mois après (février 1400).
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Mariage de Richard II.
Le mariage de Richard II et d'Isabelle de France. - dans un camp situé entre la
ville française d'Ardres et la ville anglaise de Guines, Charles VI remet, le 30
octobre 1396, sa fille Isabelle au roi Richard II. (British Museum).

L'avènement de Henri de Lancastre (1399-1413) était une menace à l'adresse de la France; mais les difficultés intérieures furent telles que ce roi fut contraint de différer ses projets d'invasion. Il avait été élu régulièrement par le parlement; mais il fut considéré néanmoins comme ayant usurpé la couronne non seulement sur le roi Richard, mais encore sur ses cousins de la Marche et d'York; aussi des révoltes éclatent sur tous les points de l'île : le Gallois Owen GIyndwer, les Percy, les Mortimer, au Nord, se soulèvent, l'Écosse invente un faux Richard II. La bataille de Shrewsbury (1407) affermit la maison de Lancastre sur le trône, Percy est tué, et, pour faire diversion aux haines nationales, Henri IV songea à intervenir en France entre Armagnacs et Bourguignons. Il est en coquetterie réglée avec les deux partis, surtout avec celui de Bourgogne. Ses projets passent avec sa couronne à son fils aîné. 

Henri V de Lancastre n'a régné que neuf ans (1413-1422). Ce temps lui a suffi pour se classer parmi les grands conquérants. Energique, orthodoxe, il écrase une nouvelle insurrection du Nord, extermine les Lollards et réclame la couronne de France. Il s'empare de Harfleur le 25 octobre 1515, par la victoire d'Azincourt, gagnée sur les Armagnacs, par la prise de Caen (1417), de Rouen (1419), devient maître de la Normandie. L'assassinat de Jean sans Peur, à Montereau, lui donne tout le royaume. Le traité de Troyes (21 mai 1421) lui donne, avec la main de Catherine de France, la succession de Charles VI. Mais il meurt quelques années avant le vieux roi dément, laissant un fils âgé de quelques semaines. Il faut scinder le conseil de régence. Humfroi de Gloucester gouverne l'Angleterre tandis que le duc de Bedford fait face, en France, au roi de Bourges

Cette division du pouvoir affaiblit les forces anglaises juste au moment où se réveille en France le sentiment national. Les troupes de Jeanne d'Arc délivrent Orléans (1429), Charles VII est couronné dans Reims. La prise, le procès, l'exécution de la Pucelle, le couronnement à Paris du jeune Henri VI ne rendent pas la supériorité aux armes anglaises. Charles VII se réconcilie avec les Bourguignons (1435), rentre à Paris l'année suivante. La supériorité d'armement, de tactique et de direction passe du côté de la France. Gloucester resté seul, après la mort de Bedford, se brouille avec le cardinal de Beaufort, ce qui permet aux Français d'enlever la Gascogne (1442). Henri VI épouse Marguerite d'Anjou et renonce à presque toutes les provinces françaises pour obtenir une trêve. Mais la guerre recommence en 1448, les Français s'emparent de Rouen, reprennent Bordeaux révolté. 

La victoire de Castillon (1453) termine la guerre de Cent ans. La même année, Henri VI devenait fou et la naissance d'un prince de Galles, exaspérant l'ambition déçue du duc d'York, donnait le signal de la guerre des Deux Roses. Pendant ce long siècle de luttes extérieures et de luttes intestines, l'esprit politique de l'Angleterre et sa condition sociale avaient subi de profondes transformations. Les levées incessantes avaient épuisé la forte classe des hommes libres. Les gains immenses des expéditions en France avaient enrichi outre mesure les grands seigneurs et les bourgeois des villes. Une nouvelle féodalité s'était constituée, belliqueuse, oppressive et sanguinaire. L'Angleterre était mûre pour la guerre civile. De toutes ses conquêtes elle ne gardait plus sur le continent que la seule ville de Calais.

La guerre des Deux Roses 

La maison de Lancastre descendait de Jean de Gand, troisième fils d'Edouard III. Lorsque Henri IV avait déposé Richard II, la couronne, d'après les lois de succession, aurait dû être donnée au comte de la Marche, descendant de Lionel de Clarence, second fils du même Edouard. Après les défaites de la guerre de Cent ans, Richard d'York, descendant par sa mère, Anne Mortimer, de Lionel de Clarence, revendiqua les droits de sa succession. Il commence par se faire proclamer protecteur du royaume pendant la folie de Henri VI, fait arrêter et exécuter le favori du roi et de la reine Marguerite, Somerset (1454). Revenu à la santé, Henri VI essaie de secouer la tutelle, mais, à la bataille de Saint-Albans, il est fait prisonnier (1455). Ce fut la première bataille de la guerre des Deux Roses. Les partisans d'York prennent pour emblème une rose blanche, ceux de Lancastre arborent la rose rouge. Le vrai chef de la faction d'York est d'abord le duc d'York lui-même, puis Warwick, le faiseur de rois. 

La cause de Lancastre est soutenue avec une énergie désespérée par la Française Marguerite d'Anjou. Vaincu à Ludlow (1459) et forcé de s'enfuir à Calais, York reprend l'offensive, gagne la victoire de Northampton et se fait proclamer héritier présomptif; à la bataille de Wakefield il est écrasé par le nombre, tombe mort sur le champ de bataille; sa tête tranchée est exposée avec une couronne en papier à la porte de sa ville ducale. Mais son fils Edouard, comte de la Marche, est vainqueur à la Croix de Mortimer (1461); entré dans Londres, Henri VI est déposé. La bataille de Towton l'oblige à se réfugier en Écosse et le parlement, fidèle au parti victorieux, proclame Edouard IV roi d'Angleterre. Le mariage romanesque de ce jeune prince avec Elisabeth Wydeville irrite Warwick qui conspire avec le duc de Clarence, frère d'Édouard, se réconcilie avec Marguerite au traité d'Angers (1470).
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Bataille de Barnet.
Edouard IV défait à Barnet le comte de Warwick (1471). Cette victoire
sera suivie de celle de Tewkesbury sur le prince de galles. (Miniature du
manuscrit original de Philippes de Commynes; musée Dobrée, Nantes).

Edouard IV est forcé à son tour de se réfugier en Hollande. Le duc de Bourgogne lui donne le moyen de retourner dans ses Etats. Edouard débarque à Ravenspur comme avait fait Henri de Lancastre; Clarence revient à son frère, Warwick est tué à Barnet et la grande bataille de Tewksbury anéantit les dernières ressources de la Rose rouge. Le jeune prince de Galles, fait prisonnier, est égorgé par l'immonde Richard, duc de Gloucester. Henri VI est assassiné dans la tour de Londres. Edouard VI règne sans contestation mais non sans trouble jusqu'à sa mort (1483). Edouard est proclamé roi, mais Richard de Gloucester, nommé tuteur des jeunes princes et protecteur du royaume, se débarrasse d'abord des parents de la reine-mère, fait tuer lord Hastings, enferme ses pupilles à la Tour et les fait déclarer bâtards. Une tourbe ameutée par ses agents l'acclame roi. Il accepte la couronne et le parlement le reconnaît. Mais la tyrannie de Richard III est si odieuse que son complice Buckingham se révolte contre lui, et qu'un nouveau rival réclame le trône, Henri Tudor, duc de Richmond, descendant, par sa mère Marguerite, du premier duc de Lancastre. Buckingham est tué et Richmond se réfugie en France. Anne de Beaujeu lui donne des secours et, le 22 août 1485, à la bataille de Bosworth, il bat et tue Richard III. 

L'avènement de Henri Tudor met fin à la guerre des Deux-Roses. Il épouse Elisabeth, fille d'Édouard IV, et réunit ainsi les droits des deux maisons rivales. La longue série de batailles, de secousses dynastiques, avait trop  profondément ébranlé l'Angleterre pour que le besoin de repos ne fût impérieusement ressenti. La noblesse avait été décimée, le parlement déshonoré par ses palinodies et ses rares protestations ne rencontraient pas d'écho. La situation des classes agricoles, ruinées par les ravages des gens de guerre, était devenue légalement une véritable servitude. Des statuts du parlement avaient interdit aux ouvriers agricoles de quitter leur comté. L'habitude de l'illégalité et des juridictions exceptionnelles avait été prise. La torture, inconnue à l'ancienne loi anglaise, s'était sournoisement introduite dans les moeurs judiciaires. Pour l'Angleterre comme pour la France, l'Italie et l'Allemagne, la fin du XVe siècle a été une des époques les plus atroces qu'ait traversées l'Europe. (Louis Bougier).

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