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Trophonios
(personnage de la mythologie grecque)
était le fils d'un roi de Thèbes,
ou d'Orchomène, selon le sentiment
de plusieurs, et, selon les poètes, fils d'Apollon.
Il se rendit célèbre pendant sa vie par plusieurs temples
qu'il fit bâtir en l'honneur des dieux, et particulièrement
d'Apollon, son prétendu père. Il fit ces ouvrages conjointement
avec son frère Agamède, architecte
fameux. Entre les divers édifices que les deux frères élevèrent,
on distinguait le temple de Poseidon à
Mantinée, et celui d'Apollon à
Delphes.
On rapporte qu'après
ce dernier ouvrage, les deux frères ayant demandé à
Apollon la récompense de leurs travaux, le dieu leur répondit
que dans huit jour ils seraient satisfaits; qu'ils eussent cependant à
se réjouir et à faire bonne chère. Ils suivirent cet
avis; mais, au bout du terme, ils moururent. Quelques auteurs racontent
différemment leur mort : ils disent que le roi Hyreus, les ayant
employés pour lui bâtir un fort propre à renfermer
ses trésors à Lébadée, ville de Béotie,
les fit secrètement mourir tous deux, après qu'ils eurent
achevé l'ouvrage, de peur qu'ils ne découvrissent le lieu
où il mettait ses richesses, ou qu'ils ne les enlevassent eux-mêmes
: il fit ensuite courir le bruit que la terre s'était entrouverte
sous leurs pas, et les avait engloutis tout vivants.
Plusieurs années
après, les Béotiens, étant affligés d'une grande
sécheresse, consultèrent Apollon, qui leur répondit
qu'il faillait avoir recours à Trophonios, dont le tombeau était
à Lébadée. Ou chercha ce tombeau, qui avait toujours
été ignoré. Des députés s'y rendirent
en cérémonie, et y apprirent les moyens de faire cesser la
sécheresse. Les Béotiens, pénétrés de
reconnaissance, firent construire au même endroit un temple en l'honneur
de Trophonios; Praxitèle fit sa statue.
C'est alors, racontait-on,
que Trophonios commença d'être révéré
comme un dieu. En fait, Trophonios avait sans doute été,
à l'origine, identifié avec Zeus
Chthonios (souterrain), et détaché ensuite de la personnalité
du dieu suprême pour devenir un
héros
du monde infernal. Il rendait des oracles au sein de la Terre;
son sanctuaire était à Lébadée où il
formait avec Déméter et Persephoné
un groupe dont le culte était administré par Hercyna nymphe
du ruisseau qui coulait aux portes de la ville, elle-même divinité
chtonienne,
identique à Orcina (Orcus = enfer).
Zeus
(dit Jupiter) Trophonios.
Pour d'autres, Trophonios ne serait autre
qu'un Hermès souterrain, celui qui dispose
des trésors enfouis et qui en fait part aux humains. L'oracle
de Lébadée passait pour être une émanation de
celui d'Apollon à Delphes;
il était en grand renom dès les guerres médiques.
On le consultait de préférence dans les cas de maladie; ce
qui fit que Trophonios et Hercyna furent confondus avec Asclepios
et Hygie. (J.-A. Hild).
Le côté mystérieux
de ce culte ne fut pas sans susciter les railleries des comiques et même
les censures des philosophes; cependant la croyance fut la plus forte,
et la Descente chez Trophornios fit partie des pratiques les plus
habituelles de la dévotion jusque sous l'empire romain .
On en peut voir le cérémonial détaillé chez
Pausanias
(Voyage de la Grèce, IX, 39
et 40) :
" Pour ce
qui regarde l'oracle de Trophonios, dit cet auteur, voici les cérémonies
que l'on observe pour le consulter. Il faut que le consultant fasse d'abord
une retraite d'un certain nombre de jours, dans une petite chapelle dédiée
au bon Génie et à la bonne Fortune. Là il pratique
diverses sortes d'expiations, s'abstient d'eaux chaudes, se lave souvent
dans le fleuve Hercinas, et ne vit que des chairs des victimes. Il offre
de fréquents sacrifices à Trophonios et à ses enfants,
à Apollon, à Cronos, à Zeus surnommé Roi, à
Héra Hénioque, c'est-à-dire conductrice de chariots,
et enfin à une certaine Déméter européenne,
nourrice de Trophonios, à ce qu'on prétend. L'aruspice est
présent et observe les entrailles des victimes. II juge par là
si Trophonios est disposé à écouter favorablement
le consultant. Cependant, de toutes les victimes qu'on immole à
Trophonios, il n'y a qu'un certain bélier, qu'il sacrifie la nuit
même qu'il doit descendre dans l'antre de Trophonios, qui fasse connaître
clairement la volonté du dieu. Les autres victimes ne sont pas décisives;
et, quand leurs entrailles seraient toutes favorables, on n'en pourrait
tirer aucun bon augure, si celles du bélier ne l'étaient
pas. Lorsqu'il arrive que toutes les victimes s'accordent à présager
un bon succès, le consultant est conduit, la nuit, par des prêtres,
sur le bord du fleuve Hercinas. Là deux enfants de treize ans lui
frottent tout le corps d'huile, et le baignent dans l'eau du fleuve. On
le mène ensuite à la source de ce même fleuve, où
on lui fait boire de l'eau d'une fontaine appelée Léthé,
qui a la vertu de lui faire oublier tout ce qu'il savait auparavant : puis,
d'une autre fontaine nommée Mnémosine, qui a la propriété
de lui faire retenir tout ce qu'il verra dans l'antre; après quoi
on lui montre une statue qu'on prétend avoir été faite
par Dédale, et que les prêtres ne font voir qu'à ceux
qui sont sur le point de consulter l'oracle. Le consultant, après
avoir regardé avec dévotion ce simulacre, s'avance vers le
lieu de l'oracle, revêtu d'une tunique de lin, ceint de bandelettes,
ayant à ses pieds des souliers communs, et à la façon
du peuple. L'oracle est situé sur une montagne, derrière
un bois. Au milieu d'une enceinte de marbre blanc, qui s'élève
à la hauteur de deux coudées, et dont le pourtour est orné
d'obélisques d'airain, il y a une caverne qui n'a pas été
creusée par la nature, mais par l'art, et avec de certaines proportions.
Elle a la forme d'un four : sa largeur est d'environ quatre coudées;
elle en a huit de profondeur. On n'y descend pas par des degrés,
mais par le moyen d'une petite échelle. Lorsqu'on est descendu,
on trouve au fond une ouverture fort étroite, qui conduit à
une autre caverne. Le consultant se couche à terre, tenant en main
des gâteaux faits avec du miel. Il passe ses pieds par cette ouverture,
et aussitôt il se sent emporté dans l'autre caverne par une
force secrète. Etant ainsi entré dans le sanctuaire de Trophonios,
l'avenir lui est dévoilé, tantôt par le moyen d'un
songe, tantôt par le secours d'une voix qui se fait entendre; puis
il s'en retourne par la même ouverture, comme il y était entré,
c'est-à-dire les pieds les premiers. On dit que, de tous ceux qui
sont entrés dans l'antre de Trophonios, il n'y a qu'un seul homme
qui n'en soit pas sorti : c'était un espion du roi Démétrius,
qui venait examiner s'il n'y avait pas quelque chose à piller dans
le temple de Trophonios. Le cadavre de ce malheureux fut jeté dehors
par une autre ouverture que celle de l'antre sacré. Le consultant
n'est pas plutôt sorti de la caverne, que les prêtres le font
asseoir sur un trône qu'on appelle de Mnémosine, puis ils
lui demandent ce qu'il a vu ou entendu. Ils le transportent ensuite dans
cette même chapelle du bon Génie et de la Fortune, où
il a d'abord demeuré. Là il reste pendant quelque temps immobile
de frayeur et d'étonnement, ne connaissant ni lui-même ni
les autres; enfin ses esprits lui reviennent peu à peu, et il commence
à reprendre sa situation naturelle. Je n'en parle pas par ouï-dire;
j'ai vu ce que j'avance, et, qui plus est, je l'ai éprouvé
moi-même, étant allé, comme les autres, consulter l'oracle
de Trophonios."
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