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Histoire de l'art occidental
L'art de la Renaissance 
et des Temps modernes
Aperçu Antiquité Moyen âge De la Renaissance à 1900 L'art au XXe siècle
La Renaissance

L'état social et moral qui avait donné naissance à l'art déclinant de la fin du Moyen âge s'était profondément modifié au fil des siècles. Le vieil édifice théocratique commençait à craquer de toutes parts; l'élément laïque, l'unité monarchique et politique avaient fait des progrès décisifs; les nationalités s'étaient lentement constituées; de nouveaux continents avaient été découverts; les rapports sociaux, l'idéal des peuples et des individus s'étaient transformés; des procédés nouveaux, des vernis permettant d'employer la peinture à l'huile, étaient inventés et rapidement propagés; l'imprimerie  et la gravure faisaient leur apparition; une autre période commençait dans l'évolution de l'art occidental. Ce qui la caractérisa, ce fut lui retour aux formes de l'Antiquité classique et à la nature. 

C'est en Italie qu'il se fit d'abord sentir; les traditions de l'Antiquité ne s'y étaient, à vrai dire, jamais entiérement perdues, et il était naturel qu'elles eussent sur cette terre prédestinée par la nature et par l'histoire leur premier et éclatant triomphe (Eugène Müntz, les Précurseurs de la Renaissance, 1, vol. in-4; Paris, 1883). Tous les autres peuples, après les Italiens, avec un empressement et des succès inégaux, devaient revenir boire à la source sacrée; mais il en est pour qui l'initiation ne devait jamais être complète, et qui perdirent inutilement beaucoup d'efforts et de temps à la recherche du style italien et de la beauté classique. A partir du XVe siècle, les arts ne poursuivent plus, comme jadis, des voies parallèles et dans chaque pays leur histoire prend une allure et une direction différentes : art italien, art flamand, hollandais, allemand, français, espagnol, autant de chapitres nettement séparés de la grande histoire générale, où se réalisent, sous l'empire de conditions et d'idées quelquefois opposées, des idéaux divers. 

Partout la peinture, désormais affranchie de l'architecture, prend une place prépondérante : elle devient, aux mains des artistes, l'instrument le plus propre à exprimer toutes les nuances de l'inspiration personnelle. C'est qu'en effet, au-dessus du renouvellement général de la vie scientifique, sociale et littéraire, l'individu paraît; retrempé au contact des lettres anciennes et des nobles humanités, il entré dès lors en scène, avec la conscience croissante de sa valeur propre et de son émancipation, et il apporte dans l'oeuvre d'art un élément nouveau et dominant; au-dessus du style régnant, on voit désormais émerger a chaque époque la figure de quelque grand artiste qui est venu donner de la vie et de la beauté, de la légende et de l'histoire, une irterprétatlion personnelle et ne s'est en somme servi de la matière offerte que pour exprimer son propre coeur. 

De Donatello à Vinci, et de Vinci à Michel-Ange; de Quentin Matsys et Dürer à Rubens et à Rembrandt, chaque grand artiste crée un monde à l'image de son intime idéal. Les connaisseurs et les délicats ne lui demanderont plus désormais de leur fournir une représentation canonique et édifiante de telle ou telle scène sacrée, ils iront chercher dans l'oeuvre d'art une interprétation vivante et expressive, éloquente ou passionnée, manifestant une façon personnelle et persuasive de voir ou de rêver la vie. Le domaine de l'art s'élargit de plus en plus : il embrasse la légende antique en même temps que la légendé sacrée, et fait revivre sur les murs du Vatican les divinités de l'Olympe et les muses du Parnasse à côté de la Dispute du Saint-Sacrement. D'autre part, il s'empare de la nature entière; une scène de tabagie, une simple chaumière, un intérieur bourgeois, la réalité la plus humble et la plus frivole sont admis dans son giron, pourvu qu'un véritable artiste se laisse persuader de les peindre.

Les Temps modernes

Les artistes du Nord, et plus particulièrement de la Hollande, représentent dans l'art ce réalisme, auquel la tradition latine et l'élégance monarchique française furent longtemps rebelles. Quand la peinture hollandaise eut achevé sa belle floraison, et que d'autre part le déclin des écoles italiennes les eut réduites au faux académisme de la fin du XVIIe siècle, ce fut la France, la France de Louis XIV, de Louis XV et de Louis XVI qui donna le ton à l'Europe. Les artistes officiels furent alors des décorateurs au service du roi; ils créèrent pour la cour solennelle de Louis XIV un décor somptueux et de nobles ordonnances; peur la société galante du XVIIIe siècle, un décor sensuel et exquis. Mais, sur le fond de l'école, quelques grands artistes se détachent, un Puget, un Poussin, un Watteau, avec un relief bien individuel, tandis que les oeuvres des Lenain, des Valentin, des Chardin continuent, à côté de l'art de cour, une veine réaliste et indépendante. 

Après la chute de la monarchie, les bouleversements de Révolution et les guerres de l'empire, dans l'ébranlement des croyances officielles et la renouvellement de la société, les anciennes formes paraissent vides et froides aux générations remplies de vagues aspirations et de besoins nouveaux. Tandis que les uns essaient de remettre en honneur les fortes disciplines, les autres se lancent à l'aventure dans des voies non frayées, et, à mesure que la culture et l'éducation critique se développent, que l'érudition met à la portée de tous l'héritage de plus en plus chargé du passé, et que L'idéal collectif se morcelle, la part de la personnalité devient le plus en plus prépondérante. L'artiste, en effet, trouve de moins en moins dans la société au milieu de laquelle il vit, dans le public pour lequel il travaille, ces indications décisives, cet accord préalable de sentiments, d'idées et de goûts qui déterminèrent, aux grandes époques, la production des oeuvres d'art. La multitude infinie des formes créées jusqu'à lui, l'innombrable variété des goûts posent sur l'artiste jusqu'au seuil du XXe siècle et même jusqu'à nos jours; l'invention spontanée devient plus rare à mesure que les critiques et les théoriciens deviennent plus nombreux. C'est la rançon de notre culture; nous avons derrière nous trop de siècles et trop d'oeuvres. Au lieu de travailler pour ce public dont la collaboration silencieuse et efficace l'assistait autrefois, l'artiste se trouve jeté dans an monde divisé en coteries, souvent hostiles, d'amateurs, d'archéologues, d'esthètes et de curieux - ou bien sollicité par les commandes de spéculateurs ou de parvenus enrichis dont le mauvais goût spécial  encourage tous les genres les plus faciles.

De là des divergences douloureuses ou un éclectisme banal et stérilisant. C'est ainsi qu'on a vu l'art du XIXe siècle, travaillé par une sorte de curiosité inquiète, essayer tour à tour la résurrection des formes anciennes, tenter d'acclimater de nouveau, par une culture artificielle et de serre chaude, les espèces autrefois florissantes, il a participé du dilettantisme universel; il a été païen et mystique, classique et révolutionnaire, réaliste et symbolique. Tandis que les uns prétendaient faire vivre la beauté païenne ou la grandeur romaine, d'autres revenaient comme en pèlerinage au mysticisme chrétien et communiaient dans les chapelles du Moyen âge; ceux-là allaient demander aux bas-reliefs antiques, ceux-ci aux miniatures des livres d'heures ou des romans de chevalerie, d'autres encore aux maîtres de la Renaissance, et tantôt à ceux de Florence, tantôt à ceux de Venise, ou de Rome, leurs enseignements et leurs inspirations. Quelques-uns même ont rêvé de s'expatrier; ils ont poussé jusqu'à l'extrême Orient et se sont fait « un oeil japonais ». Tous ont trouvé des partisans et une clientèle - et bientôt des imitateurs. Au milieu de ces conflits d'idéals divers et dans cette confusion de toutes les traditions, la constitution des ateliers s'est profondément modifiée, et les méthodes techniques se sont généralement gâtées. 

Il est pourtant des aspirations qui, à travers tant d'imitations et d'emprunts du passé, ont trouvé dans l'art une expression nouvelle et vibrante. La peinture d'un Delacroix, par exemple, a traduit avec une éloquence émouvante et suggestive la fièvre de toute une génération; les paysagistes de l'école de Barbizon ont exprimé avec une sympathie plus pénétrante qu'en aucun temps le sentiment et l'amour de la nature, la vie profonde et sourde, l'aménité bienfaisante « des êtres qui ne pensent pas ». Dans les luttes acharnées qui ont divisé l'école française de peinture, quelques artistes se sont trempés, qui avaient rempli leur pensée et leur coeur des sentiments et des idées de leur temps et qui, longtemps méconnus, ont fini par s'imposent à l'admiration. Mais c'est beaucoup plus par la force et la valeur de leur propre personnalité que par la vertu de leurs doctrines d'art qu'ils ont conquis cette place éminente. Comme il n'est pas de système qui n'ait été tour à tour victorieux et vaincu, pas de principe qui n'ait été attaqué, pas d'école qui n'ait eu son déclin, l'oeuvre d'art ne saurait plus se réclamer désormais de sa fidélité à telle ou telle règle plus ou moins orthodoxe, à tel ou tel dogme plus ou moins officiel. Elle ne vaut que ce que vaut l'artiste qui l'a créée. On a dit que la vérité d'une doctrine se mesure au talent de ses défenseurs; cette pensée, contestable en morale et en philosophie, s'appliquerait fort bien aux oeuvres d'art : c'est la sincérité émue de l'artiste qui nous plaît en elles; c'est un écho de son coeur que nous y cherchons et qui en fait  le prix rare à nos yeux. (André Michel).

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