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Donatello
(Donato di Niccolò di Betto Bardi) est un sculpteur né
à Florence ou aux environs vers 1386
(plus exactement entre 1382 et 1387), mort à Florence le 13 décembre
1466. Par son caractère, son génie fougueux, par l'importance
historique et la portée artistique de son oeuvre, il est une des
plus originales et des plus grandes figures du glorieux Quattrocento. Tant
que les historiens de l'art, obéissant aux préjugés
du néo-classicisme, virent dans la Renaissance![]() Le père de Donatello, Niccolò di Betto Bardi, était cardeur de laine et fort engagé dans la politique. A la suite de la révolte des « Ciompi », il fut exilé de Florence; il se réfugia successivement à Pise et à Lucques, fut même condamné à mort, puis gracié. Il transmit à son fils, à défaut de son goût pour la politique, son caractère ardent et passionné, mais c'est au service de l'art seul que furent consacrées les énergies de cette nature impétueuse. L'enfant fut placé en apprentissage chez un orfèvre (c'est de l'atelier des orfèvres que sortirent la plupart des grands artistes du XVe siècle); puis, s'il faut en croire Vasari, il travailla chez le peintre Lorenzo di Bicci (on le voit en 1434 chargé d'un carton de vitrail pour la cathédrale et inscrit dans la corporation des peintres de Saint-Luc) ; mais c'est à la sculpture qu'il voua exclusivement sa volonté et son génie. Si son âge l'empêcha de prendre part au concours fameux des portes du Baptistère (1401), il travailla du moins comme simple compagnon au service de Ghiberti à l'exécution de la première de ces portes. C'est deux ans après ce concours qu'il aurait fait avec l'un des concurrents, son ami Brunelleschi, le voyage de Rome et c'est là, au dire de quelques-uns de ses biographes, que son génie se serait éveillé au contact de l'Antiquité tout à coup révélée. Ce voyage, qu'un critique moderne, Hugo de Tschudi, a cru pouvoir mettre en doute, bien que la tradition en repose sur le témoignage d'un auteur contemporain, ne semble en tout cas avoir eu aucune influence immédiate sur le goût du jeune artiste. Toutes les oeuvres à date certaine de sa première manière sont d'un réalisme intransigeant et se rattacheraient plutôt au naturalisme de l'école bourguignonne alors très renommée et dont l'influence et les doctrines rayonnèrent au loin. C'est seulement plus tard que Donatello
alla chercher dans les modèles de l'Antiquité un contrepoids
et un principe modérateur. Il est pourtant une de ses oeuvres, l'Annonciation « Ce n'est pas un Christ, c'est un paysan que tu as mis sur la croix, lui répondit celui-ci. - Fais-en autant », aurait répondu Donatello piqué au vif.Brunellesco se mit à l'oeuvre et plusieurs mois après, un jour que Donatello revenait du marché, chargé de provisions, il aperçut, en entrant dans l'atelier, un crucifix si parfait que, saisi d'admiration, il laissa tomber par terre les oeufs, les fromages et les légumes dont il avait fait emplette, et s'écria : « Oui, il t'appartient de sculpter des Christs; à moi, des paysans! »Les premiers travaux de Donatello furent des statues commandées pour Santa Maria de' Fiori (qui fut pour les artistes florentins une source inépuisable de commandes), pour le Campanile et Or San Michele. Pour Or San Michele, il fit le Saint Pierre (1406-1410) et le Saint Marc (1411), dont les têtes, pleines de caractère et d'individualité, débordent de vie; pour le Campanile, le Saint Jean-Baptiste, première épreuve d'une figure qu'il devait par la suite reprendre si souvent et marquer si profondément de son empreinte; pour Santa Maria, les deux petites statues de Prophètes, placées des deux côtés du fronton de la seconde porte septentrionale (1406-1408). Dès 1412, il avait terminé
le Josué (exposé aujourd'hui à la cathédrale)
et pour lequel, cédant à ce besoin de réalisme dont
il fait bientôt donner tant d'autres preuves, il copia la figure
de Giannozo Manetti; vers 1415, le David Pour compléter la liste des travaux
accomplis par Donatello pour le Dôme pendant cette première
période de sa vie, il faut citer une autre statue de prophète,
désignée sous le nom du Pogge,
quoique très vraisemblablement elle ne représente en rien
le célèbre humaniste, et qui compte parmi les plus célèbres
des oeuvres du maître. Par l'expression sarcastique de la bouche
au large rictus, la vie intense de la figure creusée de plis et
pleine de pensée, le jet superbe des draperies étalées
sur les pieds (à la manière des gothiques de la fin du XIVe
siècle), l'oeuvre est en effet du plus grand caractère; elle
fut exécutée entre les années 1415 et 1425. C'est
dans la même période que Donatello avait sculpté le
lion De 1425 à 1433, Donatello travaille
en collaboration avec Michelozzo, qui, statuaire de second ordre, finit
par se vouer exclusivement et avec beaucoup plus de succès à
l'architecture. De cette collaboration sortirent le tombeau du pape Jean
XXIII (au Baptistère de Florence) qui devint avec son baldaquin
de marbre, son gisant de bronze et ses vertus théologales, le prototype
d'un grand nombre de monuments funéraires du XVe
siècle; le beau mausolée du cardinal C'est de la même époque que datent la dalle funéraire en bronze de l'évêque de Grossetto, Giovanni Pecci (Dôme de Sienne, 1426), un bas-relief destiné à la cuve baptismale de la même ville, Présentation à Hérode de la tête de saint Jean-Baptiste (1427), et le buste de vie si intense de Niccolo da Uzzano, mort en 1432 (terre cuite, Muzeo Nazionale). En 1432, se place un voyage à Rome, dont la statue tombale de Jean Crivelli de Milan dans l'église d'Aracoeli conserve seule le souvenir. Quand les Médicis furent exilés après la révolution de 1433, Michelozzo les accompagna à Venise et l'association des deux amis se disloqua. Donatello accepta de toutes parts des commandes et vécut, avec l'insouciance joyeuse qui le distinguait, un peu au jour le jour. C'est alors qu'il sculpta les bas-reliefs célèbres des rondes d'enfants destinés à la tribune de la cathédrale de Florence (14331440) et les enfants tenant les guirlandes de la sacristie ancienne. En 1437, l'Opera di Duomo lui offrit même 1900 florins d'or pour composer et exécuter en bronze les deux portes de la nouvelle sacristie. On ne saurait dire pourquoi il laissa échapper une aussi belle commande. Au retour des Médicis,
on lui confia l'exécution de huit médaillons en marbre incrustés
dans la cour de leur palais; il y copia des camées
et pierres antiques (Diomède Ces travaux étaient terminés
au moment où il fut appelé à Padoue
(1444) pour l'exécution de la statue
équestre du condottiere vénitien Erasme Gattamelata.
Commencée en 1444, cette statue ne fut terminée qu'en 1453;
elle est, avec le Colleone, le chef-d'oeuvre de la Renaissance « une rare vivacité le frémissement et le halètement du chevalC'est probablement pendant ses longues études pour le Gattametata qu'il fit la belle tête de cheval en bronze, donnée par Laurent de Médicis au comte Matalone à Naples et conservée aujourd'hui au musée de cette ville. Pendant qu'il travaillait à ce chef-d'oeuvre, Donatello reçut de l'administration du Santo (église Saint Antoine de Padoue) une commande encore plus importante : il s'agissait en effet d'une dizaine de statues et de vingt bas-reliefs de bronze pour l'exécution desquels il signait un double traité le 23 juin 1446. Les statues, Saint-Antoine de Padoue, Saint Louis de Toulouse, Saint François d'Assise, etc., qui décoraient-le maître-autel, le Crucifix et la Pietà (l'un et l'autre d'un réalisme implacable) sont dispersés dans l'église de Padoue et ne comptent pas parmi ses chefs-d'oeuvre. Dans la série de bas-reliefs de l'Histoire de saint Antoine de Padoue, au contraire, son génie se donne libre carrière; pour la fougue du sentiment dramatique, l'entente de la composition mouvementée et pathétique, jamais il ne s'éleva plus haut. Saint Antoine accordant la parole à un enfant pour proclamer l'innocence de sa mère; Saint Antoine découvrant une pierre à la place du coeur de l'avare et la Guérison d'un jeune homme, etc., abondent en épisodes d'une inoubliable intensité. Il y a prodigué, avec çà et là quelques réminiscences de statues antiques, la fantaisie la plus primesautière, la verve la plus audacieuse, les observations les plus saisissantes de gestes et de mouvements pris à même la vie. Pour le maître-autel,
il composa un grand et admirable bas-relief en stuc, la Mise au tombeau;
la douleur des apôtres Exemplum salutis publicae cives posuere.Il faut encore citer, parmi ses oeuvres, dont on ne saurait avoir la prétention d'épuiser la liste : le buste de Saint Jean-Baptiste en marbre et la statue de Saint Jérôme en bois du musée de Faënza; le bas-relief en marbre du Christ remettant les clefs à saint Pierre, aujourd'hui au South Kensington Museum; l'admirable petit bas-relief ou plaquette en bronze, Martyre de saint Sébastien, de la collection Edouard André; une série de Vierge avec l'enfant; le bas-relief en marbre du musée Wicar à Lille; le Festin d'Hérode; la plaquette du Louvre (collection His de la Salle), la Flagellation, et une suite nombreuse de bustes d'enfants ou de Saint Jean-Baptiste (collection Dreyfus, Goupil, etc.). A dater de 1457, Donatello, fatigué de ses pérégrinations, revint se fixer en Toscane; mais, au lieu de rentrer directement à Florence, sa ville natale, il va s'établir à Sienne où il reste jusqu'en 1461. Il y exécute les maquettes en cire de portes de bronze qu'il ne fit jamais, un Goliath disparu et un Saint Jean-Baptiste en bronze conservé à la cathédrale. Dans ses vieux jours, il n'eut d'autres ressources que la bienfaisance des Médicis. Son désintéressement et son insouciance avaient toujours été extrêmes. (Vasari raconte qu'il plaçait dans un sac, suspendu au milieu de l'atelier, l'argent qu'il touchait pour ses travaux chacun y puisait selon ses besoins). Cosme l'avait recommandé en mourant à son fils Pierre, qui lui fit don d'un petit domaine. Mais les soucis de cette exploitation, si modeste fut-elle, eurent vite rebuté le grand artiste et il retourna dans sa pauvre petite maison de la Via del Cocomero, où il passa ses derniers jours, atteint de paralysie et incapable de manier le ciseau. C'est là qu'il mourut. Florence lui fit des funérailles solennelles; tous les artistes, suivis d'une foule immense, escortèrent son cercueil qui était porté par des sculpteurs, des peintres et des orfèvres. Andrea della Robbia se glorifiait, de longues années plus tard, d'avoir été l'un des porteurs. (André Michel). |
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