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Histoire des arts décoratifs
Les arts à la Renaissance
Le style Renaissance
Le Moyen âge finit conventionnellement en 1453, lors de la prise de Constantinople par le Turc Mehemet II. A cette date commencent les Temps modernes, et à la période de l'art gothique ou ogival succède la période de la Renaissance et des Temps nouveaux. La Renaissance commence en Italie environ cinquante ans avant qu'elle passe les Alpes et vienne en France à la suite des guerres d'Italie et des expéditions des rois Charles VIII, Louis XII et François Ier. Les artistes grecs, gardiens de la grande tradition classique, forcés par l'invasion turque de venir demander un asile à l'Occident, révèlent au Moyen âge mourant l'Antiquité jusque-là méconnue ou travestie. Des horizons nouveaux s'ouvrent à l'esprit humain. La lutte de Luther contre la papauté, l'appel à l'affranchisement spirituel des consciences qui désormais ne relèvent plus que d'elles-mêmes, les grands voyages, la découverte de l'Amérique, l'invention de l'imprimerie, qui répand les sciences et lettres et crée une fraternité intellectuelle entre les peuples de l'Europe, tout cela contribue à créer un immense mouvement d'activité dans les esprits. Les cours qui se forment autour des rois sont des foyers de luxe. L'entrevue du Camp du Drap d'or montre les rois rivalisant de luxe la force brutale n'est plus l'idéal. L'influence des femmes s'y manifeste.
« On avait préparé pour les reines et les dames qu'elles menaient avec elles les principales maisons d'Ardres et de Guines : les deux rois, François Ier et Henri VIII, devaient camper sous des tentes et des pavillons. L'habitation du roi de France était un grand pavillon de charpente, en forme ovale, à trois étages, composé de chambres, salles et galeries. Celle du roi d'Angleterre consistait en quatre grands pavillons dont le moindre, dit Fleuranges, eût pu loger un grand prince et renfermait dans son enceinte une vaste cour, au milieu de laquelle s'élevait une fontaine qui par trois tuyaux versait de l'eau, du vin et de l'hypocras. Autour de ces deux bâtiments étaient répandues dans un grand espace les tentes, Les plus magnifiques que l'on eût jamais vues. Les principales étaient couvertes de drap d'or frisé dedans et dehors, les autres de toiles d'or et d'argent. Elles étaient ornées de devises et de pommes d'or, et attachées avec des cordons de soie et de fil d'or. Les princes et les gentilshommes que les rois avaient invités à la cérémonie cherchaient à se surpasser par la richesse de leurs équipages et la magnificence de leurs habits. « Plusieurs, dit Du Bellay, y portaient sur leurs épaules leurs bois, leurs moulins et leurs prés. » François alla un matin surprendre Henri encore couché. On échange des cadeaux. Il ôta de son col un riche collier et pria le roi de France qu'il voulùt bien le porter pour l'amour de lui. François, détachant de son habit un bracelet plus riche encore, l'attacha lui-mème au bras du roi d'Angleterre. »
Dans les joutes et les tournois où figurèrent trois cents chevaliers, les prix étaient décernés aux vainqueurs par un tribunal de reines et de princesses.

Les princes se piquent en outre d'arts et de belles-lettres. François Ier s'entoure d'artistes qu'il fait venir de l'étranger, Cellini, le Primatice. Holbein est appelé en Angleterre par Henri VIII. Les Médicis encouragent tous les arts, Guidobaldo protège la céramique. Ce ne sont partout que mécènes. L'idéal a, pour ainsi dire, changé du tout au tout. A une société qui ne pensait qu'à l'au-delà de la vie, succède un monde qui cherche son paradis ici-bas. C'est une adoration de la force, de la beauté et de l'esprit. Le culte de la forme pénètre partout, se manifeste en tout, jusque dans les moindres détails du costume et les objets les plus communs de la vie de tous les jours. Jamais il ne se répète, chaque chose est oeuvre originale. La machine ne s'est pas encore interposée entre l'esprit et la matière qu'il doit dompter. L'artiste reste seul en face du bloc de marbre ou de fer des entrailles duquel il fera sortir sa conception et la forme pensée. Partout dans ces villes de l'Italie, dans les palais de ces princes, ce ne sont que fêtes raffinées qui mettent à contribution tous les arts. La rue disparaît sous les fleurs, sous les tentures, an passage des cortèges de fêtes incessantes, entrées de rois, de princesses. Cet amour des splendeurs, de la vie débordante est-il la cause de la résurrection de l'Antiquité ou en est-il l'effet? Merveilleuse préparation des esprits! Le paganisme rentre triomphalement dans l'art d'où le christianisme l'avait banni. Plus de symbole, plus de sens caché! La forme, est aimée pour elle-même et l'art pour l'art est l'idéal. Singulier moment où un pape jure « par les dieux immortels ». Et quels hommes! L'universalité des arts et des sciences n'est pas trop large pour l'ampleur de ces génies. Le même artiste est architecte, sculpteur, peintre, orfèvre, musicien et poète. Jamais pareille floraison ne rayonne dans les oeuvres de l'esprit et, dans ce grand mouvement qui les emporte, les artistes savent conserver chacun la puissance de son originalité.

Les arts décoratifs à la Renaissance

Trois grandes périodes partagent la Renaissance. La première, timide encore et discrète, a pour expression le style Louis XII. La deuxième est le débordement de l'art enivré de lui-même : c'est l'invasion de l'art décoratif par la foule innombrable des dieux et demi-dieux du paganisme ressuscité. Après cette période viendra la réaction qui sera, en France, le style Henri II. Plus sobre, plus retenu, mais plus sévère aussi et un peu froid, sera ce style, dernière phase de la Renaissance.

L'ameublement.
L'ameublement, au XVIe siècle, est le triomphe du bois sculpté. Les cabinets à deux corps superposés, les dressoirs, les stalles, les lits sont ornés de sculptures de personnages mythologiques ou fantastiques. Le meuble a une façade architecturale; mais il rappelle le temple antique avec son fronton, ses colonnes, ses arcades, ses niches. Les lits affectent la forme de lits à quenouilles : le Musée de Cluny, à Paris, en possède un bel exemple dans une des salles du 1er étage. L'Allemagne, à Nuremberg, à Augsbourg, à Dresde, produit à cette époque les cabinets dits « Kunstschrank ». L'Italie, qui a vu naître la marqueterie au siècle précédent, recherche la polychromie des bois teints. Les stipi sont des cabinets italiens ornés d'incrustations de substances dures, marbres, etc.

L'orfèvrerie.
L'orfèvrerie de la Renaissance rompt violemment avec les traditions gothiques. Les pièces d'orfèvrerie, jusque-là architecturales de formes, ne ressemblent plus à de petits monuments à nervures, ogives, pinacles, fenestrages. La figure humaine, les allégories y prennent plus de place. Cette rupture ne se fait pas partout avec la même violence : l'Allemagne ne cédera qu'après un demi-siècle et conservera longtemps cet esprit gothique si ancré dans sa tradition artistique. C'est à la suite du voyage de Pierre Visher que l'art décoratif allemand s'italianise. L'amour des pièces compliquées de mécanismes, qui rappellent les nefs de l'époque ogivale, se montre dans les oeuvres du célèbre orfèvre W. Jamnitzer. Mais c'est l'Italien Benvenuto Cellini qui est la plus sincère et la plus complète expression de l'orfèvre de la Renaissance; il l'est avec les qualités caractéristiques et aussi les défauts. La France peut citer le talent élégant et plus sobre de Delaulne, dit Stephanus. Dans l'étain, le nom de Briot est aussi une gloire française. Les modèles de Théodor de Bry sont des merveilles de délicatesse et de souplesse de dessin. L'art du métal revendique le Lorrain Woeriot.

L'émaillerie.
L'émaillerie translucide sur relief, ou émaillerie de basse-taille, a succédé à l'émaillerie champlevée. L'Italien Caradosso y est renommé. Les descendants de Luca Della Robbia continuent d'appliquer à la décoration monumentale l'émaillerie des statues et bas-reliefs de terre cuite. L'un d'eux, appelé en France, contribue à l'ornementation du château de Madrid. Pendant ce temps se développe une émaillerie toute française, celle des émaux peints ou émaux des peintres. Limoges, qui a régné sur l'Europe par ses émaux champlevés, domine encore dans l'émaillerie peinte. Ses artistes sont les maîtres de cet art. C'est Léonard Limosin, directeur d'une manufacture royale établie par François Ier, puis Pierre Reymond, les Pénicaut, les Courtois et Suzanne de Court.

Le travail des métaux.
Le travail du fer, au XVIe siècle, est tout allemand ou tout italien. La grande serrurerie forgée est allemande avec Thomas Rucker, qui martèle des meubles de fer. L'Italie a deux centres célèbres d'armurerie, Venise et Milan. Les superbes armures de cette époque, moins sévères que celles du XVe siècle, sont des merveilles de ciselures, avec leurs riches arabesques. Les damasquines de Venise sont renommées. Cellini cisèle le grand bouclier ovale qui est au Musée de Turin. En France, Woeriot dessine des armes d'un beau style.

Le fer et le bronze fournissent également des portraits-médaillons. L'Allemagne et les Flandres rivalisent dans cet art avec l'Italie. La France cite le célèbre Dupré. A la vogue des médaillons de métal s'ajoute le développement de la céroplastie, qui modèle des portraits de cire pour lesquels on cite surtout le Ferrarais Alfonso Lombardi.

La glyptique.
A la glyptique de la Renaissance appartiennent les noms des Italiens Jacopo da Trezzo, Domenico de' Camei et Jean des Cornalines.

Les arts du verre.
Dans la verrerie, les vitraux sont devenus de véritables tableaux, ou bien ils se sont métamorphosés en grisailles simples, destinées à laisser pénétrer à l'intérieur des églises assez de jour pour permettre la lecture des livres pieux que multiplie l'imprimerie. Tandis que, pour la verrerie proprement dite, l'Allemagne produit surtout de grands vidercomes cylindriques décorés d'armoiries polychromes peintes en émail avec inscriptions, Venise multiplie les formes de son originale gobeleterie. Le travail du verre s'enrichit des ressources les plus diverses. Dans les coupes à pieds décorés de mufles de lions, dans les verres haut perchés sur leurs pieds à ailerons compliqués, le verre s'orne, dans sa substance même, de filets colorés formant des filigranes, des fleurs, des réseaux, des dentelles, qui sont comme emprisonnés dans la matière.

La céramique.
La céramique continue sa floraison en Italie : Pesaro et Urbino sont à la tête du mouvement. Les Médicis tentent, les premiers essais de fabrication d'une porcelaine européenne. En Allemagne et en France, la céramique cite les Hirschyogel et Bernard Palissy. Les rustiques figulines de ce dernier, ses corbeilles à jour, ses plats à reptiles sont baignés et comme imprégnés d'un émail gras et riche aux tons chauds marbrés et jaspés. Vers la fin du siècle, la faïence dite d'Oiron ou d'Henri II atteint à une élégance de forme et de décor que n'égale aucune autre céramique.

La gravure.
Les maîtres graveurs ornemanistes produisent d'innombrables modèles dans les genres les plus divers. Jamais l'imagination humaine ne se livre à de plus originales fantaisies. L'arabesque se prête à tous les caprices du dessin. Les grands peintres n'ont pas dédaigné de se faire décorateurs. Raphaël a peint des arabesques et fourni des cartons qu'on exécute en tapisserie. Le Primatice, Maître Roux, Nicolo dell' Abbate sont à la tête du foyer d'art établi à Fontainebleau par le roi François Ier. Le Primatice donne des cartons aux ateliers de tapisserie qui y sont installés. Mais les maîtres graveurs sont les véritables apôtres de l'art décoratif. Leur fécondité en fait de véritables « journalistes » d'ornements. A leur tête, en France, est Jacques Androuet Ducerceau, qui laisse des modèles dans tous les genres et pour toutes les branches d'art industriel. Les estampes de Boivin et surtout de Stephanus Delaulne inspirent les orfèvres français. Les Allemands Hopfer, Aldegrever, Virgilius Solis, Holbein, qui séjourne longtemps en Angleterre; Dieterlin, fantaisiste à outrance; le Liégeois Théodor de Bry, plus sobre et plus élégant aussi, sont à mentionner parmi les premiers de cette phalange serrée. Aux Pays-Bas, les Collaert et les Devriese se passent de père en fils les traditions de l'art ornemental. 

Le style Renaissance

Les caractéristiques du style Renaissance sont l'impression, les ensembles géométriques, les matières, les ornements.

L'impression.
L'impression est celle d'une vie débordante. La décoration est vivante. Tous les êtres de la vie animale et végétale sont mis à contribution. Dans l'arabesque, les trois règnes de la nature sont mêlés dans les fantaisies les plus capricieuses. Bien que le mot semble désigner une décoration d'origine arabe, la véritable arabesque date de la Renaissance. La découverte des bains de Titus, à Rome, lui donna naissance, et c'est sous le nom de grotesque qu'elle parut d'abord sous les pinceaux de Raphaël et de Jean d'Udine. Chaque oeuvre de style Renaissance est tout un monde grouillant, remuant, animé.

Les ensembles géométriques.
Les ensembles géométriques, dans le meuble, sont monumentaux. Les cabinets sont de véritables façades architecturales avec leurs deux corps superposés, et le tout coiffé d'un fronton plus ou moins fantaisiste qui rappelle le fronton des temples antiques. Les ordres architecturaux classiques, dorique, ionique, corinthien, composite et toscan, ramènent leurs colonnes et leurs entablements. Les ordres à colonnadess se supperposent. Architecturales encore sont les niches en forme de portiques, avec deux pieds droits surmontés d'une arcade romaine, sous laquelle s'abrite quelque personnage sculpté, allégorique ou mythologique. Les saillies des éléments composants sont accentuées, surtout dans les corniches qui couronnent les meubles. Cette recherche des formes architecturales classiques se manifeste jusque dans la forme des horloges basses, qui semblent de petits édifices, des sortes de pavillons surmontés d'un petit dôme. Mais hors de là, l'architecture ne domine plus dans l'art décoratif. Sa suprématie, qui a duré presque tout le Moyen âge, est définitivement déchue. L'orfèvrerie s'émancipe et abandonne la forme architecturale : c'est la figure humaine qui s'y répète à satiété.

Les matières.
Les matières employées ne présentent pas de caractéristique bien décidée. La sculpture du bois fournit tout le mobilier. L'émaillerie peinte limousine, la verrerie multicolore vénitienne sont de l'époque; mais cette dernière ne fait que continuer une vogue déjà séculaire. La tapisserie abandonne les saines traditions et rivalise avec la peinture. C'est dans les bordures qu'on exile et qu'on retrouve les derniers restes de la vraie décoration tissée. Dans l'orfèvrerie, on remarque une certaine recherche des coquilles rares que l'on adapte dans des montures de métal ciselé : nautiles, etc. Pour l'art du fer, nous avons cité la serrurerie allemande et l'armurerie italienne. La joaillerie affectionne les perles en poires, mais laisse dans le bijou la place principale à la ciselure.

Les ornements.
L'ornementation du style Renaissance est prodigue et touffue. Elle est surtout païenne. C'est l'essaim des dieux et des déesses de la mythologie qui est lâché partout dans l'art décoratif. Ce ne sont que termes, caryatides, naïades, faunes, satyres, chimères, Jupiters, Vénus, figures allégoriques. Ces personnages se placent debout dans des attitudes de mouvement, dans les niches pratiquées dans les panneaux; s'accoudent sur les rampants des frontons; se posent dans l'espace libre entre les tronçons de ces derniers, sortent des gaines et forment montants. Le nu est recherché. Dans les meubles, dans les lambris, dans les portes, des têtes sculptées tendent le cou. hors de médaillons ronds. Les frontons ont des rampants variés, le plus souvent interrompus au centre et laissant place à une statuette de bois ou de métal. Parfois les rampants affectent des formes de courbes, à enroulements de consoles vers l'axe du meuble. La sculpture découpe et fouille les surfaces, y taille des emblèmes, des initiales, des devises, mêlés et noyés dans les rinceaux fournis à développements fleuris ou feuillus. C'est l'F et la salamandre de François Ier, comme auparavant ç'avait été l'L et le porc épic de Louis XII, comme plus tard ce sera l'H au double C et le triple croissant de Henri II. (Paul Rouaix).

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Dictionnaire Architecture, arts plastiques et arts divers
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