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Email

Le mot émail paraît venir du mot grec smagdos employé dans le Bas-Empire et dans les actes du XIVe et du XVe siècle pour désigner des tables ou des vases ornés d'émail. Smagdos a été traduit en italien par smalto, en latin par esmaltum qui est devenu esmail en français. L'émail est à proprement parler une composition de verre calciné, de sel et de différents minéraux. Il y a trois manières d'employer les émaux sur les métaux, d'où dérivent trois classes d'émaux : les émaux incrustés ou cloisonnés, les émaux translucides sur ciselure en relief, et les émaux peints. Voici en quoi consiste l'art des émaux incrustés. Après avoir déterminé le trait de l'objet à représenter, au moyen de petites cloisons d'or posant sur une feuille de métal, on remplit les interstices formés par ces cloisons de matières coloriées vitrifiables, que l'on expose à l'ardeur d'un feu tempéré, de telle  sorte qu'il vitrifie l'émail sans faire fondre le métal qui le contient. 

Il y a une autre émaillerie par incrustation, la champlevée. Au lieu du dessin déterminé par les cloisons, l'artiste dessinait l'objet sur une plaque métallique, et creusait les intervalles laissés par les traits, de manière que l'on pût mettre dans ces cavités la matière vitrifiable.

On peint en émail en appliquant des couleurs sur de l'émail avec la pointe d'un pinceau, comme pour la miniature ordinaire, en se servant pour détremper les couleurs d'huile d'aspic. L'émail est ordinairement appliqué sur une plaque de métal; le cuivre a l'inconvénient de s'écailler, l'argent de jaunir les blancs; l'or doit être préféré. La plaque convenablement préparée, on y applique dessus et dessous un émail blanc pilé en poudre fine. On dessiné sur ce fond le sujet soit avec du rouge brun, composé de vitriol et de salpêtre, soit avec de la rouille de fer. On applique alors les couleurs vitreuses qui sont plus fusibles au feu que l'émail. Elles s'amalgament avec le fond et forment ainsi des tableaux inaltérables. L'artiste peut retoucher son ouvrage aussi souvent qu'il veut, mais il est obligé d'exposer chaque fois le tableau au feu. La plus grande difficulté de cette peinture est le changement de ton auquel la plupart des couleurs sont exposées par la fusion. 

En 1827, Mortelèque a imaginé de substituer des tables de lave aux plaques de métal pour étendre l'émail. Cet émail s'incruste dans toutes les petites cavités de la lave, de façon qu'on ne peut l'enlever par écailles comme cela a lieu sur la terre cuite. La peinture en émail sur lave supporte, sans s'altérer, les feux de recuisson; elle est la seule durable pour la décoration monumentale à l'extérieur.

L'Asie a été le berceau de l'émaillerie. De l'Inde, l'art de faire des émaux cloisonnés passa dans l'Asie inférieure, puis de l'Asie en Égypte. Le Musée du Louvre à Paris possède deux bijoux égyptiens décorés au moyen de ce procédé : un petit épervier et un bracelet. On ne sait si les Grecs ont pratiqué cet art; parmi les ornements et bijoux qui ont été découverts en Grèce, il n'y a pas d'émaux.  Peut-être le goût des grandes choses, traitées avec tant de délicatesse dans ce pays, fit-il rejeter un art imparfait alors, et qui ne pouvait supporter la comparaison avec les pierres gravées. 

Quant aux Romains, ils avaient perdu tout souvenir des bijoux émaillés avant le siècle d'Auguste, et Pline n'en touche pas un mot. C'est alors qu'apparut dans la Gaule celtique la champlevée; mais cette industrie fut bientôt abandonnée, car elle n'était plus en usage du temps de Clovis. L'émaillerie, délaissée pendant quelque temps en Europe, était toujours en faveur en Orient, et c'est là que les Byzantins en reprirent le secret : au IXe siècle, elle avait un haut degré de perfection à Constantinople, et c'est à cette époque que les Grecs commencèrent à faire le commerce de leurs émaux avec l'Occident. En 1069, Didier, abbé du Mont-Cassin, qui devint pape sous Ie nom de Victor III, fit venir des émailleurs de Constantinople, et établit sous leur direction, dans son monastère, des écoles d'où sortirent vraisemblablement les artistes qui répandirent en Italie la pratique de cet art. 

Les émailleurs italiens ne fabriquèrent que des émaux cloisonnés jusqu'à la fin du XIIIe siècle; mais, dès la fin du Xe, des artistes grecs, attirés en Allemagne par les empereurs de la maison de Saxe, avaient fait connaître l'émaillerie sur ciselure en relief, et ce fut plus tard de la Lotharingie (Lorraine) que Suger fit venir des émailleurs pour la décoration de l'église de Saint-Denis. On pense que c'est d'après les modèles laissés par ces artisans que se forma l'école de Limoges, dont les productions firent oublier celles des Allemands et des Italiens (les Limosin). Au XIVe siècle, l'adoption des émaux translucides fit passer le goùt de l'émaillerie par incrustation; puis, un siècle après, la découverte de la peinture en couleurs vitrifiées sur émail ruina les procédés antérieurs. Le plus intéressant de tous les vieux émaux par son antiquité comme par son exécution est la pala d'oro, retable de l'autel de Saint-Marc de Venise

Depuis que les émailleurs sont devenus des peintres, leur art a produit un très grand nombre d'ouvrages. Ceux de la Renaissance sont particulièrement remarquables pour le dessin et le clair-obscur. Les artistes français les plus célèbres dans les siècles suivants sont : Jean Toutin orfèvre de Châteaudun (1650); Gribelin, Dubié, Morlière, Vauquer (1670); Pierre Chartier, de Blois, peintre de fleurs très habile; Jean Petitot, mort en 1691, dont les portraits sont des chefs-d'oeuvre, et son beau-frère Bordier. La peinture sur émail tomba en décadence et fut abandonnée dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Elle s'est relevée de nos jours. La peinture en émail sur lave, inventée par Mortelèque, a été employée à l'ornementation des édifices :,on peut citer, à Paris, l'autel de l'église Sainte-Élisabeth par Abel de Pujol, une peinture de Perlet dans l'église Saint-Leu, les médaillons de Perrin, d'Orsel et d'Etex qui ornent les cours du palais des Beaux-Arts. D'autres essais ont été faits par Jolivet au porche de l'église Saint-Vincent de Paul. (A19).



En bibliothèque - Labarte, Recherches sur la peinture en émail dans l'antiquité et au moyen âge, 1865, in-4°.
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Dictionnaire Architecture, arts plastiques et arts divers
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