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L'histoire de l'ameublement
L'art du meuble à la Renaissance
Aperçu
L'Antiquité
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La Renaissance
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Le XXe siècle
La France.
Les expéditions de Charles VIII et de Louis XII en Italie mirent ces monarques en présence des chefs-d'oeuvres de l'art antique que les Français connaissaient à peine, et les poussèrent à ramener en France les artistes qui avaient exécuté les merveilles dont étaient remplies les villes de Naples, de Rome, de Milan et Florence. Ces nouveaux venus arrivèrent avec des traditions différentes de celles suivies par les anciens artistes français. Ils s'attachaient à produire des oeuvres de virtuosité, portant le cachet de leur inspiration personnelle, tandis que les maîtres français respectaient les principes de la disposition architectonique dans la décoration des objets mobiliers. Il ne tarda pas à se crier un compromis à la suite duquel la production française s'appropria certains ornements imités de l'antique, dont la disposition répondait au goût nouveau, tout en restant fidèle aux vieilles conceptions de l'école française. L'adoption de cet élément exotique eut une heureuse influence sur l'ensemble de l'art français. Le XVIe siècle a été vraiment l'apogée de la sculpture appliquée à la décoration du mobilier en France contrée. Chaque province, chaque ville vit surgir des sculpteurs et des ornemanistes dont souvent le talent n'avait rien à envier aux artistes que l'on considère comme des chefs d'école. Cette multiplicité de centres industriels rend très difficile la classification des meubles de la Renaissance qui présentent souvent de nombreuses incertitudes d'attribution, tant à cause des migrations fréquentes qui étaient en usage dans les ateliers, qu'en raison de la situation topographique de certaines provinces qui les mettait en contact journalier avec les pays étrangers. 

On a pu cependant retrouver dans chaque centre un certain nombre de pièces qui ont permis de jeter les premiers jalons de cette classification. On connaît, dès maintenant, les principaux caractères des écoles de la Normandie, où Jean Goujon avait débuté, et de la Bretagne; ceux de la Picardie, de la Champagne et de la Lorraine. On a pu délimiter le style des écoles de la Touraine, restée fidèle aux artistes italiens établis à Amboise, sous Charles VIII; et de l'Île-de-France, dont les limites s'étendent depuis l'Orléanais jusqu'aux confins de la Normandie, et dont les ateliers s'inspirèrent de Jean Goujon, de Philibert Delorme, de Germain Pilon et de Ducerceau. On compte parmi les plus importantes celle de la Bourgogne, dont la meilleure période fut dirigée par l'architecte Hugues Sambin, et celle de Lyon à laquelle se rattachent deux rameaux dont l'un appartient à la Savoie et au Dauphiné et le second à la Bresse. L'école du Midi embrassait le cours du Rhône, depuis Valence jusqu'à Nîmes et Montpellier; celle de l'Auvergne semble avoir prédominé jusque dans le Poitou, et enfin celle de Toulouse comprenait tout l'espace situé entre les Pyrénées et les deux mers.

Les meubles que produisait  la France avec cette abondance inépuisable ne présentent pas de différences notables de forme avec ceux qui sont en usage dans nos habitations modernes. Les lits, les armoires, les buffets, les chaises, les tables que nos industriels répètent chaque jour, offrent les mêmes dispositions générales, mais ils avaient une ampleur, une solidité que nous ne connaissons plus. Le XVIe siècle se préoccupait moins du confortable que de l'effet artistique. Ayant à remplir de vastes salles et des galeries peintes à fresque ou revêtues de panneaux sculptés, il recherchait les meubles d'aspect monumental dont les profils et les ornements répondaient au style des édifices qu'ils décoraient. Cette tendance explique l'exécution large et vigoureuse de la plupart de ces pièces dont certaines ont été attribuées aux ciseaux des sculpteurs les plus célèbres. Les inventaires dressés après la mort de différents princes montrent dans quelles proportions s'était élevé le luxe des ameublements. Celui de la reine Catherine de Médicis, l'une des grandes curieuses de la Renaissance, à laquelle ne suffisaient pas les productions de l'art français, décrit les trésors de toute sorte qu'elle avait rassemblés dans son hôtel de Soissons à Paris. Au milieu des peintures, des émaux et des faïences de Palissy, on y voyait une suite de cabinets d'Allemagne avec des piliers aux angles et des ornements d'argent sur le devant des tiroirs. Les tables étaient également en marqueterie d'Allemagne et reposaient sur des châssis dorés. Les lits de velours noir brodé de perles avaient des colonnes de jais et d'ébène garnies d'argent; le surplus de l'ameublement des grands appartements était en bois d'ébène incrusté d'ivoire. Ces raretés étaient accompagnées de tentures de tapisserie pour lesquelles on dut s'adresser aux manufactures flamandes, jusqu'au moment où l'établissement des ateliers de Paris et de Fontainebleau fit revivre cette industrie qui avait disparu momentanément
de la France au XVe siècle.

Le meuble en bois sculpté, que l'on peut considérer comme la plus haute expression esthétique de l'ameublement, fut abandonné par la mode vers les premières années du XVIIe siècle. Bien que certaines armoires provenant du Midi, et dont les dates s'étendent jusqu'en 1625, présentent encore des lignes très heureuses dans la composition, on constate dans l'exécution de leurs figures une lourdeur et une exagération dénonçant la lassitude d'un art qui s'éteint sous l'indifférence générale. La faveur se portait vers les cabinets de fabrication allemande ou flamande dont le caractère était trop opposé aux traditions du goût français pour être admis chez nous autrement qu'à titre transitoire. Les industriels français ne tardèrent pas au reste à apprendre la sculpture en ébène chez les maîtres de la ville d'Anvers. A leur retour ils composèrent à leur tour ces grands cabinets couverts de bas-reliefs gravés dont la matière est plus précieuse que la composition artistique.

L'Allemagne.
L'Allemagne s'est montrée la rivale de la France dans la sculpture sur bois. Ce qui distingue les ouvrages d'outre-Rhin, c'est le caractère de solidité qui y est profondément empreint, tandis que les huchiers français s'attachaient davantage à l'élégance des formes. L'art allemand s'est plus profondément assimilé le style rude des premiers siècles du Moyen âge, et jusqu'à l'époque de la Renaissance il est resté fidèle à des traditions, à la fois réalistes et poétiques. Les collections germaniques, plus conservatrices que les françaises, possèdent toute une série de meubles datant d'une époque reculée, dont les les bois sont revêtus de peintures encore apparentes. Plus tard, nous rencontrons de nombreux ateliers établis en Souabe, d'où sont sortis des lits, des armoires et tout un mobilier en bois de chêne ou de tilleul, dont les encadrements sont formés par des bordures à entrelacs ajourés. L'abondance de ces pièces d'ameublement a permis à plusieurs musées de reconstituer des intérieurs dont tous les détails appartiennent à la même époque. 

A l'exemple des artistes français, l'Allemagne reçut les leçons de l'Italie, au moment de la Renaissance; mais les sculpteurs allemands semblent s'être moins pénétrés que les français des grâces de cette source nouvelle. Ils préférèrent s'adonner à la préciosité et mettre en usage les bois rares et les matières dures, genre dans lequel ils ont exécuté de véritables chefs-d'oeuvre d'habileté manuelle. Le dessinateur Wenderlin Dietterlin (1550-1599) exerça un influence néfaste sur l'industrie allemande à laquelle il présentait des modèles compliqués et d'une composition pesante. Ses gravures représentent de grandes armoires surchargées d'ornements d'architecture indépendants les uns des autres et se surmontant sans aucun bien commun qui vienne les réunir. De cette époque date l'abaissement de la production artistique qui s'éteignit à la suite des ravages exercés dans les contrées de l'Allemagne centrale pendant la guerre de Trente Ans.

Les Pays-Bas.
Les Pays-Bas étaient soumis, en raison de leur situation géographique, à la double influence de la France et de l'Allemagne qui touchaient ses frontières. La Flandre avait tout d'abord noué des relations plus étroites avec le premier de ces pays dont elle relevait; mais l'établissement de la grande maison de Bourgogne, eut pour résultat final de rattacher cette riche province aux possessions de l'empire d'Autriche. Sous le règne du duc Philippe le Hardi et de ses successeurs, les Pays-Bas jouirent d'une prospérité extraordinaire. Tous les arts y florissaient et la sculpture sur bois y produisit des oeuvres admirables. Sans rappeler les noms de Van Eyck et de Claux Sluter, qui ont créé cette admirable école du Nord, on voit se manifester chez les artistes brabançons une fécondité inépuisable. Ce qu'ils ont laissé de travaux de menuiserie est infini et en même temps on les voit appelés dans toutes les provinces de France pour y exécuter de grands travaux. Les princes bourguignons, les plus riches de l'Europe, s'entouraient d'un ameublement dont leurs inventaires racontent les merveilles aujourd'hui disparues, à l'exception des tentures de tapisserie sorties des ateliers d'Arras et de Bruxelles

La grande activité septentrionale semble avoir décru lorsque le style italien eut été introduit par les artistes qui étaient allés étudier à Rome et à Florence, et qui en avaient rapporté un style bâtard. Vredeman de Vriese (1565), le représentant le plus habile de l'ornementation décorative à Anvers, a laissé de grandes compositions dont le style banal ne saurait être comparé aux sculptures sur bois que produisaient les ateliers ouverts dans les diverses provinces françaises. II est cependant une branche de l'art dans laquelle la Flandre s'est particulièrement distinguée. C'est celle des cabinets et des armoires d'ébène, bois d'un grain dur et sec, exigeant un travail minutieux et qui convenait par suite à l'esprit patient des artisans du Nord. La ville d'Anvers était renommée pour la fabrication de ces meubles que l'on recherchait plus en raison de leur prix qu'à cause de leur valeur artistique. La Flandre ne se livrait pas seule à cette fabrication et il est souvent fort difficile d'apprécier si un cabinet a été exécuté dans une ville du Nord ou en Allemagne, ou même à Paris, par les élèves des ébénistes d'Anvers.

L'Italie.
Le caractère du mobilier italien diffère profondément de celui de la France. Alors que les artistes français attaquent franchement le bois pour en tirer des compositions larges et pondérées, l'art ultramontain se plaît à dissimuler cette matière première sous un revêtement de peinture et de mosaïques en bois précieux. Il existe cependant en Italie des sculpteurs sur bois d'un admirable talent, mais la majeure partie de ses menuisiers préférait s'adonner à la tarsia, travail de marqueterie qui s'obtenait au moyen d'évidements pratiqués dans les panneaux de bois et dans lesquels on incrustait des lamelles de bois teints de diverses nuances, en suivant les traits d'un carton dessiné. Parfois aussi ces évidements étaient remplis avec des pâtes de gypse colorées. Ce procédé avait reçu le nom de Scagliola. Un autre travail de marqueterie, qui semble d'origine orientale, s'était localisé dans les couvents de la Lombardie, où il a reçu le nom de Lavoro alla certosa. Ce procédé s'opère avec de longues tiges de bois de différentes couleurs qui sont collées ensemble après avoir été réunies dans un certain ordre et que l'on découpe en lamelles très légères, avant de les incruster dans une planche de noyer évidée à cet effet. On faisait aussi des meubles revêtus de bas-reliefs en pâte blanche appliqués sur un fond doré. On désignait autrefois ces pièces sous le nom de meubles en pâte cuite.
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Coffre de mariage.
Coffre de mariage, Venise, XVIe siècle
(Cluny).

L'histoire du mobilier florentin ne saurait être écrite si elle était séparée de celle de la peinture. Le meuble n'était alors qu'un coffre en menuiserie grossière qui recevait sa décoration définitive dans l'atelier des meilleurs peintres de l'époque. Le goût italien s'accusait principalement dans les « cassoni » de mariage qui figuraient dans chaque demeure, et dont les sujets étaient toujours empruntés aux traditions mythologiques relatives à l'amour. Le plus connu de ces décorateurs, Dello Delli, vivait à Florence, au XVe siècle. On rencontre en Toscane de grands et importants travaux de sculpture sur bois, des banquettes à dossier droit, des lits, des tables, des miroirs et des coffres ornés de figures d'un grand caractère et d'arabesques finement découpées; mais le plus souvent des parties dorées en font ressortir les ornements, tandis que l'ouvrier français employait rarement ce moyen facile de capter le regard. Diverses écoles se partageaient la fabrication somptuaire de l'Italie, bien que Florence fût en tête du mouvement. Il est facile de reconnaître les coffres sculptés à Venise ou à Milan, de ceux qui provenaient des bords de l'Arno. Plus tard, la même différence de style se remarque dans les cabinets que la Péninsule a produits en grand nombre. Ceux de Florence sont ornés de pierres dures; tandis qu'à Milan ils sont souvent incrustés divoire et qu'à Venise ils sont revêtus de nacre de perle gravée et de peintures.

L'Espagne.
L'ameublement espagnol conserva toujours un reflet des traditions moresques qui avaient brillé d'un si vif éclat dans la Péninsule (style mudejar). Il en résulte que l'on trouve dans cette région des meubles et des coffres de bois avec des pentures de fer analogues à ceux que la France et l'Allemagne produisaient au XIIIe siècle, et en même temps des armoires et des cabinets dont la forme et les ornements sont empruntés à la manière orientale. Vers le XVe siècle, la fabrication revêtit un caractère plus franchement européen et mit en usage les bois exotiques que lui procuraient ses possessions d'outre-mer. Le meuble le plus abondant en Espagne était une sorte de cabinet placé sur un pied à quatre colonnes réunies par un galerie ajourée. Ces cabinets étaient garnis de bandes et de serrures ajourées en fer doré portant les armoiries de Castille ou d'Aragon; à l'intérieur des abattants était disposée une suite de petits tiroirs ou de casiers. En Espagne ces meubles étaient désignés sous le nom de « Varguenos » qui leur venait de la ville de Vargas, où on en fabriquait beaucoup, tandis qu'on les connaissait au Portugal sous le nom de « Contadores-». Cette industrie prit une extension considérable. Au XVIe siècle, les cabinets espagnols firent une concurrence très active à ceux qui sortaient des ateliers de Nuremberg et du reste de l'Allemagne. (A. de Champeaux).

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