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Les ordres d'architecture
On désigne sous le terme d'ordres d'architecture ou d'ordres architecturaux certaines proportions et dispositions données aux parties d'un édifice, de manière à former un ensemble non seulement régulier, mais surtout harmonieux. Il existe classiquement cinq modes de disposer des membres d'architecture; ces cinq modes ont été employés dans l'Antiquité : l'ordre dorique, l'ordre toscan, l'ordre ionique, l'ordre corinthien et l'ordre composite.

Un ordre se compose de trois parties principales; le piédestal, la colonne et l'entablement. Chacune de ces parties se subdivise en trois autres qu'on appelle aussi membres d'architecture; ainsi le piédestal comporte : une base, un et une corniche; la colonne : une base, un fût et un chapiteau; l'entablement : une architrave, une frise et une corniche. Il arrive parfois que l'on supprime la première des trois parties principales : le piédestal, et même la base de la colonne, sans que le reste cesse de constituer un ordre; mais lorsqu'on supprime aussi l'entablement, ou lorsqu'on le modifie au point de le priver de l'une de ses trois parties constitutives, l'ensemble des membres restants ne peut plus recevoir le nom d'ordre. 

Quant à la colonne, quelles que soient les suppressions de membres qu'on ait fait subir à un ordre, elle ne manque jamais, parce que c'est la partie essentielle, indispensable, et sans laquelle il n'existerait pas d'ordre architectonique. Aussi est-ce par la dimension de son fût que l'on règle les proportions des divers ordres, et par la forme et la décoration de son chapiteau qu'on les caractérise le mieux. Nous ferons même remarquer ici que, sur les cinq ordres reteenus par l'architecture classique, deux, le toscan et le dorique, ont leur chapiteau uniquement composé de moulures et que les trois autres ont leur chapiteau décoré de feuillages ou d'enroulements nommés volutes.

De toutes les études spéciales à l'architecture, considérée à la fois comme la science et comme l'art de bâtir et envisagée au point de vue de la construction en même temps qu'au point de vue de la décoration, il n'en est pas qui, plus que celle des Ordres, soit intimement liée à la création et au progrès de cette science et de cet art dont la réunion constitue l'Architecture. C'est ainsi que, à certaines époques, dans l'Antiquité gréco-romaine et pendant la Renaissance, on ne saurait séparer l'étude des ordres de celle de l'architecture, tant ces deux études arrivent à se fondre en une seule, et, à ces époques, les différentes proportions des ordres, ainsi que l'ornementation particulière à chacun, sont régies par des traditions devenues de véritables règles, parfois assez étroites, mais néanmoins toujours respectées. C'est pourquoi, à cause même de cette si grande place que tiennent souvent les ordres dans les oeuvres d'architecture, il est difficile de donner une définition simple et brève de ces ordres dont les innombrables exemples, malgré des différences plus ou moins accentuées dans les proportions ainsi que dans les détails, forment une sorte de chaîne ininterrompue depuis les plus anciens types connus jusqu'aux applications les plus modernes de ces types. 

De fait, si le mot ordre signifie en général la mise en place des éléments constitutifs d'un tout, suivant la place qui convient le mieux à ces éléments, en architecture, on désigne par ce mot ordre et aussi par le mot ordonnance la combinaison des divers éléments entrant dans la construction d'un édifice, de façon à ce que ces éléments forment, par leurs proportions et par leur ornementation, un tout symétrique et harmonieux qui assure la stabilité de l'édifice en même temps qu'il lui donne un caractère de sévérité, de noblesse, de grâce ou de simplicité répondant à sa destination. Et on appelle plus particulièrement ordres d'architecture des types primitifs dans lesquels rentrent les différentes applications, si variées dans leur composition et dans leurs détails, de ces mêmes types, applications dont la variété même donne aux oeuvres d'architecture le caractère spécial qui les différencie entre elles. 

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Les Grecs ont employé, le dorique, l'ionique et le corinthien, auxquels les Romains ont ajouté le toscan et le composite, d'où on a quelquefois donné à ces deux ordres le nom d'ordres latins; mais, à vrai dire, ils peuvent dans l'Antiquité n'être considérés que comme des variantes du dorique et du corinthien. Bien des auteurs même n'admettent dans l'Antiquité que, trois ordres véritables, car les deux autres sont relativement modernes. Au XVIIe siècle, et même encore au XVIIIe siècle, on décorait du nom d'ordre persique certains éléments architectoniques que l'on nomme aujourd'hui Atlantes ou Télamons, Caryatides

Il doit suffire de représenter ici par des figures (fig. 1 à 13) quelques exemples des trois ordres principaux, exemples choisis parmi ceux que nous ont légués la Grèce, Rome et la Renaissance italienne; les alinéas accompagnant ces figures devant, mieux que toutes les considérations générales, montrer, en même temps que la diversité des ordres d'architecture, les données communes qui font de ces ordres, au travers de leurs diverses modifications au cours des âges, les reproductions variées d'un même type originel.

Ce type, est-il besoin de le dire, est la colonne, ce point d'appui dont le fût, isolé dans sa hauteur, porte à son sommet des pièces de construction plus ou moins importantes reliant cette colonne à d'autres points d'appui. Il faut encore ajouter que, au point de vue de la distinction à faire parmi les ordres d'architecture, le chapiteau, cette tête de la colonne, sert, par sa forme et par ses ornements, plus que tout autre élément d'architecture, à distinguer les ordres entre eux; c'est donc au mot chapiteau et aux alinéas de ce mot traitant de la Grèce, de Rome et de la Renaissance, ainsi qu'aux autres mots qui y sont cités et qui traitent des différentes parties du chapiteau, qu'il y a lieu de demander certains compléments aux indications qui suivent.

Les moulures employées dans la composition des ordres d'architecture sont : les filets ou listels, les larmiers, les fasces ou plates-bandes, le quart de rond, la baguette, le tore, la scotie, le cavet, le congé, le talon ou cimaise, droit ou renversé, la doucine. Dans tous les ordres, le fût de la colonne diminue du sixième de son diamètre inférieur à partir du tiers du fût jusqu'au chapiteau, et même il arrive souvent, chez les modernes du moins, qu'à cette diminution se joigne un léger renflement de la colonne.

Dans chacun des ordres, sauf pour le composite, qui est de même hauteur que le corinthien, la colonne a des proportions différentes qu'on règle à l'aide du module, ou mesure de comparaison égale à la moitié du diamètre inférieur du fût, ou par le diamètre, c'est-à-dire le double module. Ainsi la colonne ,toscane a sept diamètres de hauteur, c'est-à-dire sept fois le diamètre inférieur de son fût, ou quatorze modules, y compris base et chapiteau. La colonne dorique a huit diamètres de hauteur, ou seize modules; l'ionique, neuf diamètres, ou dix-huit modules; la corinthienne ou la composite, dix diamètres, ou vingt modules. Mais dans l'Antiquité ces proportions n'étaient pas fixes et rigoureuses; chaque architecte créait son ordre suivant son goût, et, suivant l'édifice auquel il était destiné, il donnait au même ordre d'architecture des proportions ou plus lourdes ou plus élancées ; ce n'est qu'à l'époque de la Renaissance que certains architectes, Vignole à leur tête, ont adopté des proportions fixes et immuables. (Notons aussi que Vignole et ses contemporains ne se sont pas contentés d'assigner des proportions rigoureuses aux colonnes, ils en ont encore fixé pour les entre-colonnements).

Les ordres d'architecture grecs

Les véritables ordres grecs sont au nombre de deux : l'ordre dorique et l'ordre ionique.

L'ordre dorique grec.
Le plus bel exemple d'ordre dorique grec, est l'ordre extérieur du Parthénon, à Athènes. Les cannelures et la diminution modérée du diamètre du fût; le tailloir (Abaque), l'échine et les annelets du chapiteau; les triglyphes et les métopes de la frise; les mutules ornées de gouttes sous le larmier de l'entablement, gouttes qui se répètent sous une bande au-dessous des triglyphes sur l'architrave, enfin l'aspect, à la fois sévère et élégant, empreint de calme dans sa simplicité, qui se dégage de l'ensemble du Parthéon, font de cet ordre le type achevé de l'architecture à la plus belle époque de l'art grec, vers l'an 444 avant notre ère. L'ordre dorique du temple de Ségeste, en Sicile réduit (fig. 1), ainsi que les autres figures de cet article, d'après l'étude de  P. Planat sur les Ordres, dans l'Encyclopédie de l'architecture et de la construction, date d'une époque quelque peu antérieure à celle du Parthénon; de plus, le temple de Ségeste, élevé dans une colonie grecque, ne pouvait offrir, dans ses proportions et dans ses détails, le même degré de perfection que le plus beau temple d'Athènes; mais il est intéressant, en rapprochant ces deux exemples l'un de l'autre de prouver la fixité des règles que s'imposaient les architectes de l'Antiquité grecque dans l'application des ordres d'architecture et surtout de l'ordre dorique. -


Fig. 1. - Ordre dorique grec du temple
de Ségeste (Sicile). T, Triglyphe; M, Métope.
L'ordre ionique grec.
La fig. 2 donne l'ordre ionique du temple de la Victoire Aptère, à Athènes, élégant petit édifice situé à l'entrée de l'Acropole, en avant et à droite des Propylées, et dont la construction primitive devait être antérieure à celle du Parthénon ruiné par les Turcs en 1687 ce temple fut restauré au XIXe siècle, sous la direction de Daumet. Cet exemple montre ce qu'était l'ordre ionique encore à ses débuts, mais ayant déjà presque atteint la perfection, ordre dont Auguste Choisy (Histoire de l'architecture, t. I, p. 335) dépeint ainsi les caractères généraux : 
« Sur une base annulaire s'élève un fût grêle à peine rétréci vers le sommet qui supporte, par l'intermédiaire d'un chapiteau à volutes, un entablement mince dont les éléments sont : une architrave à bandes, une frise sans triglyphes, une corniche peu saillante, sans mutules, généralement ornée d'une rangée de denticules ».

Fig. 2. - Ordre ionique grec du temple
de la Victoire Aptère, à Athènes.
L'entablement du temple, de la Victoire Aptère, moins orné que ceux des temples construits à une époque postérieure, n'a pas de denticules; mais le plan et l'élévation de son chapiteau présentent un exemple d'une particularité qu'offrent souvent les colonnes d'angle des temples ioniques : deux volutes contiguës sont réunies sous un angle de 43°, et deux faces voisines du chapiteau sont semblables sans alternance entre elles de coussinet. Tel est, déjà arrêté dans ses grandes lignes, l'ordre ionique grec qui deviendra plus richement orné par la suite et se distinguera par une profusion d'oves, de rais de coeur, de perles, d'olives et de palmettes, comme au temple d'Athéna Poliade et à l'Erechtheion, dans l'Acropole d'Athènes.

Les ordres d'architecture romains

Les véritables ordres romains sont au nombre de trois : l'ordre dorique, l'ordre ionique et l'ordre corinthien; l'ordre dit toscan, décrit par Vitruve sous le nom d'ordre étrusque, n'est de fait qu'une variété archaïque de l'ordre dorique, une sorte de proto-dorique romain, et l'ordre composite n'est autre qu'un ordre corinthien excessivement orné, et dont le chapiteau rappelle le chapiteau ionique par ses volutes, en même temps qu'il trahit son origine corinthienne par la double rangée de feuillage qui décore son gorgerin. Mais une innovation des Romains dans l'emploi des ordres d'architecture, ou tout au moins un mode d'emploi différent et plus accentué, fait par eux de ces mêmes ordres, consiste dans la superposition de deux ou plusieurs ordres, soit que, comme au théâtre de Marcellus à Rome, l'ordre supérieur repose sur la corniche même de l'ordre inférieur - lequel est généralement un ordre dorique - soit que, comme aux arènes d'Arles ou au Colisée ou amphithéâtre Flavien, à Rome, l'ordre ou les ordres supérieurs reposent sur un stylobate ou piédestal, ressautant ainsi que l'entablement de l'ordre inférieur et formant dans le sens de la hauteur un ensemble de saillies qui peut avoir le même principe, au point de vue constructif, que le contrefort si usité dans l'architecture du Moyen âge. Au Colisée, à Rome, trois ordres de colonnes engagées, l'un dorique, l'autre ionique et le troisième corinthien, sont superposés, mais sans ressaut dans les lignes d'entablement, et un quatrième ordre, celui-là de pilastrescorinthiens, décore, au-dessus des trois premiers, un attique de grande hauteur. 

L'ordre dorique romain.
La fig. 3 présente l'ordre dorique du théâtre de Marcellus, à Rome, édifice commencé par César et terminé par Auguste. Les proportions, mâles et élégantes de cet ordre, relevé dans les premières années du XIXe siècle par A.-L. Vaudoyer père, l'ont fait servir de modèle dans nombre d'applications faites de l'ordre dorique au temps de la Renaissance et encore plus tard. On remarquera, en comparant cet ordre dorique romain de la belle époque aux ordres doriques grecs, la forme différente et plus compliquée du chapiteau, et aussi la substitution de modillons aux gouttes sous le larmier de l'entablement.


Fig. 3. - Ordre dorique romain,
du théâtre de Marcellus, à Rome.

Fig. 4. - Ordre ionique romain
du temple de la Fortune virile, à Rome.
TT, tores; S, Scotie.
L'ordre ionique romain.
L'ordre ionique semble avoir été relativement assez peu employé par les Romains qui paraissent lui avoir préféré de beaucoup l'ordre corinthien, lequel répondait mieux à leurs idées de grandeur et de magnificence : aussi l'ordre ionique du Temple de la Fortune virile, à Rome, que représente la fig. 4, est-il un de ces rares exemples d'ordre ionique romain et il est, de plus, décoré avec toute la richesse que les architectes romains appliquaient à l'ordre corinthien. Remontant pour sa construction primitive au règne de Servius Tullius, le temple de la Fortune virile fut rebâti vers la fin de la République et est aujourd'hui transformé en église sous le vocable de Sainte-Marie-l'Égyptienne. Le fût de la colonne est cannelé et s'élève sur une base attique composée, au-dessus d'une plinthe, d'une scotie, S, entre deux tores, T, T. ; le chapiteau de la colonne d'angle, a, comme dans nombre de temples grecs, une volute angulaire.

Mais si Vitruve nous a rapporté, d'après les traditions helléniques, que la colonne ionique avec son chapiteau rappelait les élégantes proportions du corps d'une jeune fille, il est difficile de croire que les Grecs eurent jamais pu penser à faire porter sur la tête, même d'une de leurs puissantes caryatides, un entablement aussi massif et aussi lourdement orné dans sa richesse que l'entablement du temple de la Fortune virile.

L'ordre corinthien romain.
La façade et un détail du Temple de Vesta, à Tivoli, est un temple qui offre une des premières et des plus remarquables applications de l'ordre corinthien romain; car, si on ne saurait nier que l'origine du chapiteau corinthien ne puisse se trouver en Grèce, et à Athènes notamment, dans le monument choragique de Lysicrate, dit Lanterne de Demosthènes et dont tant de reproductions existent dans les musées d'antiquités et de beaux-arts, c'est à la Rome des derniers temps de la République et des deux premiers siècles de l'Empire qu'il faut demander les beaux exemples de l'ordre corinthien, en tant qu'ordre d'architecture ayant atteint son entier développement.

La fig. 5 donne un exemple moins archaïque et moins austère, mais beaucoup plus riche, que l'ordre du temple de Vesta, c'est l'ordre du Temple dit de Jupiter Stator, à Rome, ordre que nous ont conservé les trois colonnes restées debout sur le Forum romain; mais les études des archéologues, faites d'après les fragments du plan antique de Rome, l'inscription d'Ancyre et nombres d'autres documents, font attribuer ce temple aux Dioscures, Castor et Pollux. Comme l'ordre dorique, du théâtre de Marcellus, cet ordre corinthien des colonnes  du Forum est considéré comme l'un des plus beaux types qu'ait produits l'architecture romaine.

La base attique, dans laquelle la scotie unique est remplacée par deux scoties plus petites séparées par un petit tore entre deux filets; le chapiteau, d'une belle proportion et riche dans toutes ses parties; l'heureuse division, d'une régularité parfaite, des modillons, des denticules et des autres ornements de l'entablement; enfin l'harmonie malgré la richesse de tout l'ensemble, ont fait de cet ordre un des sujets d'études toujours choisis par les pensionnaires architectes à Rome, et toujours copiés dans les écoles et les ateliers d'architecture du monde entier.


Fig. 5. - Ordre corinthien romain,
du temple dit de Jupiter Stator, à Rome.

Fig. 6. - Ordre composite romain
du baptistère de Constantin, à Rome.
L'ordre composite romain.
Empreint d'une richesse plus grande encore que celle dont est paré l'ordre corinthien, l'ordre composite offre toutes les proportions de ce dernier ordre; mais il en diffère surtout par la composition du chapiteau, comme le fait voir l'exemple reproduit (fig. 6), d'après les colonnes antiques du Baptistère de Constantin, aujourd'hui San Giovanni in Fonte del Lateranao, sur la place de l'Obélisque et en face du palais de Latran. Dans cet ordre, le chapiteau, qui semble être une combinaison de chapiteau ionique la partie supérieure et de chapiteau corinthien pour la partie inférieure, comprend, au-dessus de deux rangées de feuillage, une échine décorée d'oves, des volutes angulaires beaucoup plus accentuées que dans le chapiteau corinthien et reliées par des rinceaux au fleuron, souvent très varié, qui se détache sur le milieu du tailloir

La base de la colonne est, elle aussi, plus richement ornée, et, au-dessus du tore supérieur, une sorte d'atterrissement ou de pente, sur laquelle courent des feuillages, rachète la saillie de ce tore avec le filet marquant le départ de la colonne. Quant à l'entablement, toutes ou presque toutes ses parties sont richement décorées, et la frise, qui est restée nue, est bombée et semble attendre le ciseau du sculpteur pour faire sortir de son relief accentué des scènes ou des ornements complétant l'ensemble. Il y a, de plus, lieu de remarquer, avant de terminer cet aperçu des ordres romains, que les chapiteaux corinthiens et surtout les chapiteaux composites, trouvés dans les ruines des édifices élevés par les Romains dans les différentes provinces et jusqu'aux confins de l'empire, ne manquèrent pas d'exercer une influence réelle et prolongée sur les édifices construits pendant la première partie du Moyen âge et dans lesquels furent utilisées ces épaves de l'art antique.

Les ordres d'architecture à l'époque de la Renaissance

Les architectes de l'époque de la Renaissance, d'abord italienne, puis française et ensuite européenne, se préoccupèrent vivement des ordres d'architecture qu'ils reconnurent dans les ruines des édifices de l'Antiquité romaine, et ils s'efforcèrent d'en comprendre les règles en s'aidant des écrits de Vitruve. Mais, autant dans les premières périodes de la Renaissance, des effets charmants découlèrent d'une appréciation libre des ordres antiques, surtout des ordres romains - les ordres grecs ne furent étudiés et compris que plus tard - autant, sous les périodes suivantes, furent créées, pour l'emploi des ordres, des règles imposées avec trop d'autorité par les maîtres et suivis avec trop de zèle par de nombreux disciples. Enfin au XVIe siècle, Palladio, Scamozzi, Serlio et Vignole, en Italie; Philibert de l'Orme, en France, pour ne citer que des maîtres, et presque tous les traducteurs de Vitruve, enfermèrent peu à peu l'essor d'imagination des architectes dans une sorte de canon régentant les proportions des ordres, le choix des moulures de leurs diverses parties et même les ornements devant décorer ces moulures. 


Fig. 7. - Ordre dorique, 
d'après Palladio. T, triglyphe; B, Bucrâne.

Fig. 8. - Ordre ionique,
d'après Palladio.
On ne saurait, au reste, mieux donner une idée de cette tendance académique appliquée aux ordres d'architecture, à l'époque où elle fleurit avec le plus de force, qu'en reproduisant les ordres dorique, ionique, corinthien et composite, d'après le Traité d'architecture d'André Palladio (V. fig. 7, 8, 9, 10 et 11), et, cette époque étant aussi celle où on superposa les différents ordres les uns sur les autres pour composer des ordonnances dans lesquelles chaque ordre comprenait piédestal, colonne et entablement; il est bon de faire remarquer (fig. 10) le piédestal de l'ordre composite d'après Palladio, piédestal qui, formant un tout complet, comprend à son tour : plinthe, P ; base, B; , D ; corniche, C ; et amortissement, A; et peut servir de type, d'une grande richesse, il est vrai, de cet élément des ordres d'architecture. 

Fig. 9. - Ordre corinthien, 
d'après Palladio.

Fig. 10. - Ordre composite, d'après Palladio.
Plinthe, P ; base, B; dé, D ; corniche, C;
et amortissement, A
Cette étude de vulgarisation des principales données des ordres doit être trop résumée pour comprendre tout ce qui a rapport aux proportions des divers ordres et au rapport de ces proportions entre elles, à la diminution du fût des colonnes, au mode un peu empirique employé par les différents maîtres pour calculer à l'aide du module les dimensions en hauteur et en saillie des diverses parties des ordres; cependant il est facile d'indiquer les différentes hauteurs que peuvent atteindre les ordres d'architecture ayant leur entier développement et un même diamètre de base pour leur colonne, en se reportant au Parallèle des cinq Ordres, d'après Vignole (fig. 12); on voit ainsi les proportions trapues du toscan, ce dorique élémentaire fort en honneur sous la Renaissance italienne, les proportions plus élancées du dorique et de l'ionique, et enfin celles d'une sveltesse, que l'on ne saurait dépasser, des ordres corinthien et composite.

Fig. 11. - Ordre composite d'après Palladio. 
C, cimaise; L; larmier; M, modillons.

Fig. 12. - Parallèle des cinq ordres,
d'après Vignoles.
Il est cependant encore une sorte d'ordre d'architecture employé à toutes les époques de l'art, depuis l'Antiquité égyptienne jusqu'à nos jours, et que l'on ne saurait passer sous silence dans un aperçu des ordres d'architecture : c'est l'ordre caryatide dans lequel une statue, le plus souvent de femme, se substitue au fût de la colonne pour porter l'entablement. On peut citer deux exemples de ces statues architecturales empruntées, l'une au portique méridional ou tribune de l'Erechthéion, à Athènes; l'autre, à la chapelle funéraire de Henri II, de Condé, dans l'église de Vallery (Yonne) ; la fig. 13 donne, d'après Ch. Normand (Parallèle des Ordres d'architecture, pl. LVI), une des quatre caryatides dues à Jean Goujon et décorant la salle des antiques du musée des antiques, au Louvre. Un entablement composite très orné est supporté par un chapiteau dorique d'une rare élégance, lequel repose lui-même sur la tête de la statue et les pieds de cette dernière portent sur une plinthe au-dessus d'un piédouche, de sorte que tout l'ensemble forme un ordre complet dans lequel la fermeté s'allie à l'élégance. (Ch. Lucas).


Fig. 13. - Ordre caryatide de Jean Goujon.
(Salle des Antiques, au musée du louvre).

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