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Les Histoires
d'Hérodote
On connaît sous le titre des Histoires (ou  de l'Histoire) un ouvrage d'Hérodote daté du milieu du Ve s. av. J.-C.  Les diverses parties de l'ouvrage ont été écrites à des dates différentes; mais l'ensemble a été révisé par l'auteur vers la fin de sa vie, à Thurii et à Athènes. Les Histoires ont été divisées par les critiques alexandrins en neuf livres, dont chacun porte le nom d'une muse. L'idée directrice d'Hérodote, c'est l'idée de la lutte entre le monde grec et le monde barbare, conduit par la Perse. - Chemin faisant, il fournit une foule de précieux renseignements sur presque tous les peuples alors connus Egyptiens, Assyriens, Mèdes, Perses, Lydiens, Scythes, Grecs

Ce qui fait d'abord la grande valeur des Histoires d'Hérodote, c'est l'étendue et la solidité de l'information. S'il se rapproche des anciens logographes par l'allure de son récit, son amour des légendes et son dédain de l'utilité pratique, il s'écarte d'eux par son souci de la vérité, par sa philosophie de l'histoire. Il ne s'est pas contenté de noter des faits ou des traits de moeurs : il a cherché à expliquer les conditions réelles de la politique ou de la guerre par les traditions des peuples ou l'intervention de la justice divine, et surtout par les institutions et par la géographie. Il s'est trompé quelquefois, il a vu mal ou mal compris; mais il a vu réellement tout ce qu'il dit avoir vu, et il a vu beaucoup de choses. De plus, il distingue toujours entre les faits certains et les légendes. 

Pour les pays grecs, on a chaque jour l'occasion de vérifier l'exactitude de ses informations. Pour l'Orient, il donne, sinon l'histoire réelle, alors oubliée des Orientaux eux-mêmes, du moins l'histoire légendaire et populaire, avec une foule de renseignements sur les conditions géographiques, sur les sites, les pratiques et les moeurs. En dehors de leur valeur littéraire, qui font d'Hérodote le plus aimable des conteurs et le plus savoureux des chroniqueurs, les Histoires sont une mine inépuisable de renseignements.
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La prise de Babylone par Darius; dévouement de Zopyre

« Les Babyloniens, pour faire durer plus longtemps les provisions et soutenir plus vigoureusement le siège, prirent la résolution la plus désespérée et la plus barbare dont on eût jamais ouï parler : ce fut d'exterminer toutes les bouches inutiles. Ils rassemblèrent donc toutes les femmes et tous les enfants et les étranglèrent.

Après cette cruelle exécution, ces malheureux habitants se croyant entièrement en sûreté, et par leurs fortifications qui paraissaient imprenables, et par l'abondance des vivres qu'ils avaient amassés, insultaient du haut des murs aux assiégeants, et les accablaient d'injures. Les Perses, pendant dix-huit mois, mirent en usage tout ce que la ruse et la force peuvent dans les sièges, et n'oublièrent pas le moyen qui avait si heureusement réussi à Cyrus quelques années auparavant : c'était de détourner le cours du fleuve. Tous leurs efforts furent inutiles, et Darius commençait presque à désespérer de pouvoir se rendre maître de la place, lorsqu'un stratagème inouï jusque-là lui en ouvrit les portes.

Il fut fort surpris un jour de voir arriver devant lui Zopyre, l'un des plus grands seigneurs de sa cour, fils de Mégabyse, l'un des sept qui avaient conspiré contre les Mages, de le voir, dis-je, tout couvert de sang; le nez et les oreilles coupés, et tout le corps déchiré de plaies. Se levant de son trône, il s'écria : Eh! qui donc a pu vous traiter ainsi? - Vous-même, seigneur, reprit Zopyre. Le désir de vous rendre service m'a réduit en cet état. Persuadé que vous ne voudriez jamais y consentir, je n'ai pris conseil que de mon zèle. Il lui exposa ensuite le dessein qu'il avait de passer chez les ennemis, et convint avec lui de tout ce qu'il faudrait faire.

Ce ne fut pas sans une extrême douleur que le roi le vit partir. Zopyre s'approcha de la ville, et, ayant dit qui il était, il y fut admis. On le conduisit chez le commandant. Là il exposa son malheur et la cruauté que Darius avait exercée à son égard [...]. Il fit offre de ses services, qui pourraient n'être pas inutiles aux assiégés, parce qu'il était instruit de tous les desseins des Perses, et que le désir de la vengeance lui inspirerait un nouveau courage et de nouvelles lumières.

Le nom et le visage de Zopyre étaient fort connus à Babylone. L'état où il paraissait, son sang, ses plaies, faisaient foi pour lui et attestaient par des preuves non suspectes la vérité de tout ce qu'il avançait. On se fia donc pleinement à lui, et on lui donna autant de troupes qu'il en demanda; dans une première sortie, il fit périr mille hommes des assiégeants; quelques jours après il en tua le double [...]. Chez les Babyloniens on ne parlait que de Zopyre; c'était à qui l'exalterait le plus, et les termes manquaient pour exprimer le cas qu'on en faisait et le bonheur qu'on avait de posséder un si grand homme. Il fut déclaré généralissime des troupes, et on lui confia la garde des murailles. Darius ayant fait approcher son armée dans le temps et vers les portes dont on était convenu, il les lui ouvrit et le rendit ainsi maître d'une ville qu'il n'aurait jamais pu prendre, ni par assaut ni par famine.

Quelque puissant que fût ce prince, il se trouva hors d'état de pouvoir récompenser dignement un tel bienfait, et il répétait souvent qu'il aurait sacrifié de bon coeur cent Babylones, pour épargner à Zopyre le cruel traitement qu'il s'était fait lui-même. Il lui laissa pendant sa vie le revenu entier de cette ville opulente, dont lui seul l'avait rendu maître, et le combla de tous les honneurs qu'un roi peut accorder à un sujet. » (Hérodote, Livre III).

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