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L'histoire de Marseille
jusqu'à la Révolution
Le site de Marseille a gardé la trace d'établissements humains très anciens. Ainsi la grotte Cosquer, découverte en 1991, au cap Morgiou, dans la calanque de la Triperie, renferme-t-elle des peintures du Paléoléthique dont les plus anciennes sont vieilles (mains en négatif) de 27 000 ans; d'autres (fresques animalières) de 19.000 ans. On a également découvert plus récemment sur la butte Saint-Charles des traces humaines de l'époque Néolithique (-6000 ans).

L'Antiquité.
Une tradition rapportée par Thucydide (I, 13) fait remonter à une colonie de Grecs de Phocée, venus en Gaule vers l'an 600 av. J.-C., la fondation de Marseille (Les Colonies grecques). Le Sénat de Phocée envoya en Gaule une expédition commandée par Euxène suivant Aristote, par Peramus suivant Athénée, par Protos suivant Plutarque, par Protis et Simos suivant Justin. Euxène aurait exploré l'embouchure du Coenus (Canevieille, près de Port-de-Bouc) et, trouvant ces parages peu favorables à l'établissement d'une colonie, il allait s'en retourner quand il fut rejoint par une nouvelle expédition commandée par Protis et Simos. Ils pénétrèrent ensemble à Lacydon et s'avancèrent jusque chez les Ségobriges, peuples voisins des Saliens, qui avaient pour roi Narra ou Sénan. Celui-ci, dit la gracieuse légende que l'on a coutume de placer à l'origine de Marseille, faisait les apprêts d'une fête, pendant laquelle Gyptis, sa fille, devait choisir un époux, quand un vaisseau phocéen amena des étrangers dont les chefs étaient Euxène, Simos et Protis. Nann les fit asseoir à son festin, et l'un de ces étrangers, Euxène, reçut de Gyptis la coupe qu'elle devait offrir à celui qu'elle choisirait pour époux. Nanti donna à son gendre le golfe où il avait pris terre. Une cité importante, Massalia ou Magsalia, s'éleva bientôt sur la côte occidentale de ce golfe et, à diverses reprises, reçut des colons et des émigrés de l'Ionie

Quarante-sept stèles  trouvées en 1864 lors de la construction des immeubles de la rue Impériale (aujourd'hui rue de la République), à l'entrée de la rue Négrel. Ces stèles, dans lesquels on renconnaît  la représentation archaïque de la déesse Cybèle sont des vestiges phocéens datant du milieu du VIe s. av. J.-C. Elles portent témoignage de ce très ancien établissement phocéen. Lorsque les Grecs ont débarqué, ils ont dû faire face aux Etrusques pendant quelques années. Ceux ci avaient installé quelques comptoirs le long des côtes, et faisaient une concurence redoutable avec leurs navires transportant des amphores de vin. Cela aboutit à l'effacement de la puissance étrusque dans la région entre Veet le IVe siècles av. J.-C à la suite de conflits sur mer. La ville n'eût plus de rivaux, dans l'Ouest de la Méditerranée que les Carthaginois.

Massalia profita cependant de la lutte très vive que les Phocéens soutenaient contre les Phéniciens. À une époque demeurée incertaine, les Phéniciens abandonnèrent peu à peu le rivage ligurien pour se concentrer à Carthage, et Marseille devint souveraine de l'Occident comme Tyr l'était de l'Orient. Quand Tyr fut prise par Alexandre (332 av. J.-C.), elle songea à disputer à Carthage le bénéfice de cette défaite; enfin, quand les Romains attaquèrent les Carthaginois, elle se déclara pour Rome et partagea avec elle les profits de la victoire. Aussi, pendant quatre ou cinq siècles, sa prospérité ne cessa de croître et sa puissance maritime devint formidable. Elle créa des comptoirs à Nice, Antibes, Léoube (Olbia, près d'Hyères), Athénopolis, entre Agay et Napoule, à Fréjus, Tauroentum, Agatha (Agde), Saint-Gilles (Heraclea Cacataria), Maritima, Avaticorum, près de Fos, Narbonne, Trézène, enfin à Ampurias et à Rosas, en Espagne. A l'intérieur, ses principales places de commerce furent Trets, Saint-Remy, Nîmes, Arles, Tarascon, Avignon, Cavaillon, Vaison. Les voyageurs explorèrent, non seulement les côtes de la Méditerranée, mais encore celles de l'Océan Atlantique. Enthymènes visita le littoral africain jusqu'au Sénégal; Pythéas poussa, vers 320 av. J.-C.,  jusqu'à Thulé (les îles Shetland, la presqu'île du Jutland ou l'Islande?).

Marseille avait alors un gouvernement absolument autonome et semblable à celui des cités grecques. Le pouvoir, confié d'abord à des protiades héréditaires, fut donné ensuite à des timouques, au nombre de 2400, nommés tous les ans par les quatre quartiers de la ville. Sur ce nombre, 600 désignés par le sort formaient le conseil chargé de choisir les 15 magistrats en qui résidait le pouvoir exécutif et qui, à leur tour, nommaient les 3 archontes chargés l'un des affaires intérieures et du commerce, le second des affaires extérieures et le dernier de la justice; les 12 autres magistrats s'occupaient du détail de l'administration. Les candidats aux fonctions publiques devaient payer un certain cens, être mariés; avoir des enfants; le titre de citoyen devait appartenir à leur famille depuis trois générations au moins. Deux membres de la même famille ne pouvaient pas siéger en même temps au conseil. Le travail était obligatoire pour tous. Les mimes, musiciens et prêtres mendiants étaient bannis. Les divinités plus particulièrement adorées des Massaliotes étaient l'Artémis d'Ephèse, Athéna et Apollon Delphinien. 

On sait que c'est à la demande des Massaliotes, alors en guerre avec leurs voisins, les Oxybiens et les Décéates, que Rome intervint en Gaule pour la première fois (155 av. J.-C). Victorieuse, Rome concéda à son alliée le territoire des tribus vaincues; mais appelée une seconde fois, en 124, elle conquit pour son compte la province romaine. Marseille ne fit d'ailleurs que gagner à ce voisinage, et les premiers temps de la domination des Romains dans la Gaule méridionale marquent précisément l'apogée de sa puissance politique et commerciale. Maîtresse d'un très vaste domaine entre le Rhône, la Durance et les Alpes, elle entretient alors des relations suivies avec l'Orient et fournit aux Gaulois les objets de luxe, les étoffes, les armes, les bracelets, les bijoux d'ambre et de corail qu'ils commencent à rechercher. Ses chantiers sont couverts de navires en construction; elle construit des temples nombreux et des maisons splendides. Restée grecque, quand tout devenait romain autour d'elle, elle semble recueillir l'héritage de la civilisation hellénique. Ses écoles sont célèbres dans tout le monde méditerranéen; les Romains la préfèrent à Athènes et à Alexandrie pour l'éducation de leurs enfants, et ses rhéteurs sont fort recherchés comme professeurs, même à Rome. 

Mais cette prospérité ne dura pas. Dévouée à Marius, qui l'avait toujours bien traitée, puis à Pompée qui, chargé d'enlever la Narbonnaise à Sertorius, avait favorisé son accroissement territorial et qui plus tard, nommé gouverneur de l'Ibérie, avait procuré la sécurité à ses colons, Marseille essaya d'arrêter César quand il allait faire la conquête de la Gaule. Du moins, elle prétendit rester neutre, bien qu'ayant reçu dans ses murs Domitius que le Sénat avait chargé du commandement de la Cisalpine. César se hâta d'enfermer Domitius dans la place qu'il fit attaquer par trois légions sous la conduite de Trébonius. Mais il fallait des navires pour arrêter les sorties de la flotte marseillaise. Décimus Brutus alla en construire aux embouchures du Rhône et battit deux fois les Marseillais pendant que César soumettait l'Espagne. Celui-ci ne tarda pas à revenir et, à son arrivée, Marseille, déjà épuisée par sa longue résistance, se décida à capituler; elle livra ses armes, ses navires, l'argent de son trésor public (49 av. J.-C.). 

Elle dut renoncer à ses colonies, et son territoire fut réduit à peu près à celui qu'occupe aujourd'hui l'arrondissement de Marseille. Il y eut alors dans la cité deux villes distinctes la ville haute occupée par les troupes de César et la ville basse qui resta grecque et garda ses antiques institutions. Celle-ci était d'ailleurs ruinée et son commerce était tombé en décadence. Du moins, si elle perdit son importance commerciale, Marseille conserva-t-elle sa renommée de ville intelligente et policée. Elle devint une cité d'études. Les étudiants fréquentèrent en très grand nombre ses écoles de médecine, de rhétorique, de droit, de philosophie. On y rendait à Homère un véritable culte; quelques savants marseillais donnèrent une édition célèbre de l'Iliade et de l'Odyssée. Marseille fut ainsi pendant quelque temps l'université grecque de l'Occident.

Le Moyen âge.
Le christianisme y pénétra de bonne heure. Peut-être dès le temps de Domitien y avait-il une église chrétienne à Marseille. En tout cas, les commencements du christianisme dans cette ville sont fort obscurs. Le martyre de saint Victor, devenu le patron de l'Eglise marseillaise, ne date que de 303. Et ce n'est qu'après la conversion de Constantin que cette Eglise impose son emprise et qu'on peut suivre avec quelque certitude la succession de ses évêques. Du reste, l'établissement du christianisme eut des conséquences assez fâcheuses pour l'indépendance de Marseille. L'évêque devint seigneur de la ville haute, pendant que le monastère de Saint-Victor, fondé vers 419, obtenait la seigneurie de quelques quartiers au Sud du port. Entre les deux, la ville municipale gardait avec peine son ancienne organisation.

Elle eut fort à souffrir des invasions germaniques. Si elle se défendit victorieusement contre les Wisigoths d'Ataulf (413) elle fut saccagée par Euric en 480. Elle passa ensuite sous la domination des rois francs et fut comprise dans le royaume de Clotaire, puis de Sigebert. Elle fut horriblement dévastée par les Lombards, les Saxons; les Sarrasins (846), enfin par les Vikings qui s'en emparèrent en 860. Englobée dans le premier, puis dans le second royaume de Provence, après la chute des Carolingiens, auxquels elle s'était toujours montrée fidèle, elle fit partie du comté de Provence et fut érigée en vicomté à peu près indépendante. 

Cette vicomté se limitait d'ailleurs à la ville basse, l'évêque et le monastère de Saint-Victor gardant chacun leurs anciennes possessions. La ville abbatiale ne comprenait que quelques bourgs et châteaux disséminés depuis le Vieux-Port jusqu'à la plaine Saint-Michel. Mais la ville épiscopale ou ville supérieure était, au contraire, fort importante. Elle s'étendait de la porte Française ou porte de la Joliette jusqu'à l'hôpital Saint-Jean et renfermait trois lieux fortifiés : le château Babon, Roquebarbe et le palais de l'évêque. Le port de la Joliette était le port épiscopal. Les pêcheurs formaient la presque totalité de la ville supérieure. Quatre d'entre eux (probi homines piscatorum) choisis par les chefs de famille, le jour de Saint-Étienne, formaient le tribunal de pêche. Les autres délits étaient soumis à deux juridictions : celle de l'évêque qui s'étendait sur la partie de la ville appelée villa episcopalis Turrium, et celle du prévôt du chapitre comprenant le quartier appelé villaprepositurae. Quarante-cinq membres composaient le conseil de l'évêque, vingt-cinq celui du prévôt. L'évêque établissait un juge dans la villa Turrium; le prévôt en établissait un autre dans la villa prepositurae. Un autre juge de l'évêque, supérieur aux deux premiers, prononçait sur appel et en dernier ressort. L'évêque ne se reconnaissait vassal que de l'empereur.

Quant à la ville vicomtale, de beaucoup la plus considérable, elle ne tarda pas à conquérir une indépendance à peu près complète. Les vicomtes trop occupés de soins pieux se ruinèrent à enrichir les églises et les monastères et en vinrent, pour payer leurs dettes, à engager leurs droits utiles. D'autre part, leur héritage fut, suivant la coutume, partagé entre tous leurs descendants. De là un morcellement de la souveraineté qui, une fois commencé, ne s'arrêta plus. Les vicomtes ne virent bientôt dans leur autorité réduite en poussière que quelques impôts à percevoir et, toujours besogneux, vendirent ces impôts au plus offrant. Les marchands et bourgeois qui formaient l'université marseillaise surent profiter de l'occasion. 

Successivement ils achetèrent au fameux Roncelin (1211) et à ses héritiers, à Hugues de Baux, enfin à Gérard Adhémar, leur part de souveraineté. Il leur en coûta environ 146.000 livres royales et quelques pensions. Alors commence pour l'histoire de Marseille une période particulièrement glorieuse et prospère. La république peut se vanter de « n'avoir d'autre souverain que Dieu ». Le pouvoir suprême appartient tout entier au conseil de ville et aux recteurs. Ceux-ci, dont le nombre a souvent varié, étaient élus par le conseil de ville et investis du pouvoir exécutif. Pendant quelque temps (1223-1229), Marseille, à l'exemple des républiques italiennes, fut administré par un magistrat suprême, le podestat, qui devait être étranger. Son lieutenant ou viguier exerçait le pouvoir concurremment avec les deux syndics ou consuls choisis parmi les habitants; il n'était élu que pour un an et n'était rééligible qu'après un intervalle d'une année; mais ce régime dura peu et on en revint bientôt à celui des recteurs. Ceux-ci, élus aussi pour un an, comme tous les officiers municipaux, étaient assistés de trois clavaires ou trésoriers et de trois archivaires, nommés par le conseil général, et qui avaient à la fois le soin des archives et celui des procès de la communauté. Six prud'hommes étaient chargés de l'administration et de la surveillante de l'état maritime et militaire. Le conseil de ville, appelé conseil général ou conseil commun, se composait de 89 membres, savoir : 80 bourgeois, négociants ou marchands, et 3 docteurs en droit choisis annuellement dans les six quartiers de la ville; ensuite 6 d'entre les 100 chefs de métiers, désignés à cet effet, entraient hebdomadairement et à tour de rôle dans le conseil de ville. Dans les cas très graves on tenait, au cimetière des Accoules, des assemblées générales des citoyens. Trois tribunaux rendaient la justice : ceux de Saint-Louis et de Saint-Lazare pour les affaires criminelles, et celui des prud'hommes pêcheurs pour les délits concernant les faits de pêche.

Le principal souci de ce gouvernement fut de veiller aux intérêts du commerce. De là la rédaction des Statuts commerciaux (1228) et des Statuts municipaux (1255) dont les prescriptions étaient d'ailleurs, pour la plupart, appliquées depuis longtemps. De là aussi les nombreux traités signés avec Gaète, Pise, Nice, Ampurias ou même avec des villes plus voisines telles qu'Arles, Avignon, etc., pour favoriser et développer le commerce de Marseille en assurant aux négociants et marins marseillais le secours et la protection dont ils avaient besoin au dehors. Enfin les croisades vinrent donner aux relations de Marseille avec l'Orient une vive impulsion et apporter à la ville un nouvel élément de prospérité. Le XIIIe siècle est une époque particulièrement brillante pour la communauté marseillaise.

Mais la décadence ne tarda pas à se produire. Elle commence dès l'avènement de Charles d'Anjou (1246). Les précédents comtes de Provence avaient laissé à Marseille une large autonomie. Raymond Bérenger IV lui-même, après une lutte de six ans contre les Marseillais (1236-1243), pendant laquelle il avait essayé de reconquérir ses anciens droits, avait fini par se contenter d'être reconnu comme suzerain avec un simple droit de chevauchée et le privilège exclusif de battre monnaie. Mais Charles d'Anjou, marié en 1245 à Béatrix, fille de Raymond Bérenger, fut plus exigeant. Les cités provençales ayant pris les armes contre lui, Marseille se mit à leur tête et résista six mois. Mais Charles parvint à lui imposer sous le nom de Chapitres de paix un traité qui consacrait sa victoire sans d'ailleurs ruiner les antiques privilèges des Marseillais. L'administration de la ville et les affaires criminelles restaient aux magistrats municipaux; les juges du prince avaient seulement la connaissance des procès civils. Le comte ne devait imposer ni droits, ni subsides, ni tailles aux habitants; il ne pouvait élever aucune citadelle, ni abattre les remparts. Mais, en 1256, les Marseillais s'étant alliés avec Alphonse X de Castille, alors en lutte avec Charles et qui leur avait accordé des avantages commerciaux, Charles marcha sur Marseille, la prit par la famine, fit périr les chefs de la révolte et, revenant sur les concessions qu'il avait précédemment faites, il institua un viguier qui dut présider le conseil communal et gouverner la ville au nom du prince. Les chefs de métiers furent exclus du conseil de ville. L'évêque céda sa juridiction au comte, et l'unité de gouvernement fut rétablie dans la cité. Les fortifications furent détruites.

Pendant le XIVe et le XVe siècle, Marseille subit le contre-coup des luttes que les comtes de Provence eurent à soutenir pour la conquête ou la possession du royaume de Naples; elle fut notamment prise et pillée par Alphonse V d'Aragon (21 novembre 1423) qui, suivant la tradition, fit accrocher au gibet, dans l'île des Pendus, douze des plus notables habitants. Pour comble, les paysans (mascarats), vinrent encore saccager la ville. Sous la régence de la reine Yolande, Marseille reprit quelque prospérité. Cette prospérité augmenta encore sous le règne du roi René (1434-1480). Celui-ci, bien accueilli par les Marseillais, jura de maintenir leurs privilèges: On lui doit la juridiction des juges marchands, annuellement nommés par le conseil de ville. C'est également sous son règne (1475) que les magistrats municipaux reprirent le nom de consuls. Il fixa à 48 le nombre de conseillers de ville. Plein de sollicitude pour le commerce de Marseille, il ouvrit le port à tous les étrangers et nomma viguier Jean de Villages, neveu de Jacques Coeur. Il résida souvent à Marseille dans son hôtel du quai de Rive-Neuve.

La Renaissance.
Quand le comté de Provence fut réuni à la couronne (1481), Marseille devint ville royale et resta, au point de vue administratif, en dehors de la Provence. Elle n'envoyait pas de députés aux Etats provinciaux. Louis XII jura de maintenir ses privilèges. Le 22 janvier 1516, François ler y fit une entrée triomphale. Quelques années plus tard la ville était assiégée par le connétable de Bourbon (19 août 1524), à la tête d'une armée de 40.000 hommes. Elle résista héroïquement sous l'impulsion du viguier Antoine de Glandèves et des consuls Pierre de Vento, Pierre Comte et Mathieu Lause. Après un siège de quarante jours, le connétable, à la nouvelle de l'arrivée du maréchal de Chabannes, se retira. François Ier, revint à Marseille en 1533, pour y recevoir sa future belle-fille, Catherine de Médicis. L'édit de février 1535 pour la réforme de la justice supprima toutes les juridictions de Marseille, lesquelles étaient toujours en conflit, et établit dans cette ville une sénéchaussée royale ressortissant au parlement d'Aix. Il ne resta plus dans son territoire que cinq juridictions seigneuriales. Par édit de 1543, Marseille devint entrepôt exclusif des drogueries, ce qui fut pour son commerce un nouvel élément de prospérité; mais elle eut fort à souffrir de la peste en 1547.

A l'époque des Guerres de religion, Marseille prit violemment parti contre les protestants. Néanmoins il n'y eut pas de Saint-Barthélemy, grâce à l'énergie du comte de Carces, gouverneur de Provence, qui déclina « l'office de bourreau ». Mais la lutte n'éclata pas moins entre les razats (pillés), ainsi que se nommèrent les protestants, et les catholiques qu'ils voulurent flétrir du nom de marabouts (voleurs). Le traité du 5 janvier 1579 et les pestes de 1580 et 1582, pendant lesquelles une grande partie de la population émigra, suspendirent les hostilités. Plus tard le sieur de Vins, neveu de Carces, se proclama chef de la Ligue en Provence, et les Marseillais se déclarèrent en sa faveur, sous l'influence du deuxième consul, Louis de La Motte-Dariès. Le duc d'Epernon, puis son successeur au gouvernement de la Provence, Nogaret de La Valette, ne surent pas pacifier les esprits. Un parti modéré se forma pourtant, celui des bigarrats, qui essaya de lutter contre les consuls Antoine de Lenche et Jean Bousquet. Après la mort du duc de Guise, les ligueurs prirent définitivement le dessus et l'un de leurs chefs, Charles de Casaulx, fut porté au consulat (1591). Il fit alliance avec la célèbre comtesse de Sault, qui appela le duc de Savoie; mais les Marseillais se levèrent contre ce dernier, qui dut s'en retourner et fut battu par La Valette (15 décembre 1591). Casaulx n'en garda pas moins pendant quelques années une véritable dictature, fit nommer viguier perpétuel son ami Louis d'Aix, organisa militairement la ville, résista victorieusement à d'Epernon et à Charles de Guise. Mais il fut trahi et assassiné par Libertat qui ouvrit les portes de Marseille aux troupes royales (17 février 1596). 

Les XVIIe et XVIIIe siècles.
Pendant un demi-siècle la paix ne fut plus troublée. Mais la Fronde eut son contre-coup à Marseille : les sabreurs (gens d'épée, partisans des princes) luttèrent alors contre les canivets (gens de plume et bourgeois, partisans de Mazarin). Une nouvelle insurrection éclata le 14 mars 1650, à cause de la nomination d'office des consuls faite par le gouverneur, contrairement aux usages. Les consuls nommés furent chassés et remplacés par des consuls élus. Antoine de Félix rédigea alors le célèbre Règlement du sort, qui fixait à trois cents le nombre des conseillers de ville. Ce règlement fut approuvé par le roi en octobre 1652. Mais le nouveau gouverneur, le duc de Mercoeur, était peu favorable à ces franchises. A la suite d'une nouvelle insurrection, Gaspard de Nioseilles et quatorze de ses partisans furent condamnés à mort (27 janvier 1660). Quelques semaines plus tard (2 mars 1660), Louis XIV entrait à Marseille en vainqueur, par une brèche faite au rempart près de la porte Réale. Il supprima le Règlement du sort, réduisit à 66 le nombre des conseillers de ville, remplaça le titre de consul par celui d'échevin et fit construire le fort Saint-Nicolas. Le nombre des échevins, réduit à 2, fut porté à 4 en 1662; l'assessorat fut conservé. Des édits de 1712, 1717, 1752 et 1766 vinrent encore modifier l'administration municipale. Le règlement de 1766 créa l'office de maire, qui devait être confié à un noble; le premier échevin devait être négociant en gros, le second, bourgeois ou marchand ayant cessé de tenir boutique. Il n'y eut plus que 36 conseillers, renouvelés par tiers chaque année. Le viguier était maintenu. 

En dépit des atteintes portées à sa constitution municipale, Marseille vit son commerce s'étendre considérablement aux XVIIe et XVIIIe siècles. En 1599, la Chambre de commerce avait été créée; le 12 août 1669, le port fut déclaré franc. En 1774, le commerce général s'élevait à 358 millions par an, dont 92 pour le commerce du Levant. Cette prospérité fut à plusieurs reprises arrêtée par les pestes qui sévirent à Marseille en 1649 et surtout en 1720; cette dernière, qui dura deux ans, fit 40.000 victimes, presque la moitié de la population. 

Lorsque la Révolution éclata, Marseille se déclara avec ardeur pour elle. Elle chargea ses députés de faire abandon de ses anciens privilèges et fut divisée en huit cantons. Par le décret du 15 janvier 1790, Aix fut choisi comme chef-lieu du département des Bouches-du-Rhône; mais Marseille ne cessa de protester; un moment même l'administration du Directoire et le tribunal criminel furent transférés dans cette ville. Mais ses prétentions furent condamnées par la Convention (26 janvier 1795) et elle n'obtint gain de cause qu'après la création des préfectures, en l'an VIII. (J. Marchand).



Collectif, Marseille antique, Monum, éditions du patrimoine, 2007.
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Une cité aux origines grecques, une ville majeure de l'Empire romain, un rayonnement sur la Gaule méridionale fondé sur le commerce maritime, recherches et découvertes archéologiques, la parure monumentale de Marseille. (couv.).
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