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Individuation

Le problème philosophique de l'individuation, très discuté au Moyen âge, trop négligé par les métaphysiciens modernes, consiste à se demander comment il peut se faire qu'un être individuel, par exemple Socrate ou Napoléon, puisse être tel ou tel, et en même temps posséder les attributs généraux de l'espèce humaine. Ce problème, sous sa forme la plus générale, revient donc à se demander comment la science découvrant partout des lois générales, l'expérience ne nous donne cependant que des êtres singuliers, ayant chacun leur façon propre de manifester les lois : c'est, au fond, le problème le plus redoutable que puisse affronter la spéculation philosophique. Restreint à l'individuation proprement dite, à l'explication de la différence des individus sous les lois communes de l'espèce, le problème comporte beaucoup de solutions.

La première consiste à faire évanouir la question : soit en refusant aux individus toute réalité véritable, en les considérant comme des ombres accidentellement différentes d'une réalité primordiale, c'est ainsi que faisait Platon; soit en refusant aux lois générales toute valeur absolue, en niant les espèces et les genres, et en n'admettant comme vraiment réels que les individus, c'est ainsi que font les empiristes et les évolutionnistes. Mais ces deux solutions contraires semblent bien par trop radicales : la première supprime les individus, et il semble pourtant que Pierre, Paul, Socrate, ou le prince de Bismark ont bien autant d'existence que les lois générales qui régissent l'espèce humaine; la seconde supprime non seulement les espèces, mais les lois générales de toute nature et on se demande alors ce que deviennent les sciences et à quoi elles se réduisent. 

Une théorie solide de l'individuation devrait s'attacher à respecter à la fois l'individualité des êtres que l'expérience constate, et la généralité des lois dont la science ne peut se passer- Les scolastiques ont longuement discuté sur cette question, les uns mettant dans la matière pure le principe d'individuation, les autres, avec saint Thomas, mettant ce principe dans la matière déterminée en quantité, d'autres enfin, avec Duns Scot, cherchent ce principe dans la forme même des êtres. (G. Fonsegrive).



En bibliothèque - Saint Thomas, De Principio individuationis. - Duns Scot, De Principio individuationis. - Suarez, Dispulationes metaphysicae. - Jourdain, la philosophie de saint Thomas d'Aquin. - Challemel-Lacour, Du Principe d'individuation.
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Dictionnaire Idées et méthodes
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