Expérience

Ensuite on a été naturellement conduit à nommer expérience la méthode qui résulte de l'emploi régulier des mêmes facultés. Dans les sciences physiques et dans certaines parties des sciences morales, les questions, convenablement analysées, aboutissant à des faits, il est clair que, pour connaître ces faits, et pour procéder aux inductions légitimes par lesquelles la science s'achève, il faut commencer par les observer. Or, observer est proprement la fonction des facultés expérimentales; les sens et la conscience sont par excellence les facultés d'observation, dont la mémoire ne fait que conserver ou reproduire les données. 

La méthode expérimentale ne fait donc qu'un avec la méthode d'observation et d'induction ou méthode d'interprétation de la nature, dont Bacon a tracé les règles. Et comme l'expérience, dans le sens le plus étendu de ce mot, quoique opposée à la raison, est si loin d'en être exclusive, que, tout au contraire, il n'est peut-être pas une seule de nos connaissances qui soit purement expérimentale; de même, la méthode expérimentale suppose toujours certaines conceptions rationnelles. Ainsi, l'induction la plus restreinte suppose la croyance a priori à l'universalité et à la fixité des lois de la nature. Expérience s'emploie enfin dans une acception plus étroite : faire une expérience désigne toute opération par laquelle on va, pour ainsi dire, au-devant des phénomènes de la nature, soit que, disposant à volonté de certains agents, on se contente de les mettre en oeuvre pour reproduire les phénomènes tels que la nature les présente, soit qu'on change le milieu et les conditions dans lesquels ils s'accomplissent ordinairement. (B-E.).