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Thomas d'Aquin

Saint Thomas d'Aquin, Doctor Angelicus, Doctor Universalis, l'Ange de l'école est un philosophe et théologien né au château de Rocca-Secca, près de la ville d'Aquino, en 1227, et est mort en 1274; il a été canonisé par Jean XXII, en 1323, sans enquête sur ses miracles, le pape estimant que chacun de ses écrits est un miracle : Quot scripsit articulos, tot miracula fecit. Dante lui donna une place dans son Paradis. Thomas appartenait à l'illustre famille des comtes d'Aquino. Dès l'âge de cinq ans, il fut conduit au Mont-Cassin, pour y commencer ses études; en 1237, à Naples, pour les continuer. Il se sentit bientôt pour l'état monastique une inclination à laquelle ses parents firent une vive résistance, parfois violente. L'intervention de Innocent IV lui permit enfin de la satisfaire; et il entra chez les dominicains, qui l'envoyèrent à Cologne, pour poursuivre ses études auprès d'Albert le Grand (1345). A cause de sa taciturnité, qu'ils attribuaient à la lenteur de son intelligence, ses condisciples l'appelaient le boeuf muet de Sicile; mais Albert leur dit "Ce boeuf mugira si fort, que toute la terre l'entendra". II accompagna son maître à Paris, où il fut reçu bachelier en théologie. A son retour, à Cologne, il fut promu sous-maître et professeur dans la nouvelle école de théologie.
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Thomas d'Aquin.
Thomas d'Aquin (1227-1274).

En 1251, il alla de nouveau à Paris, d'où il revint avec le titre de licencié. En 1257, il fut nommé docteur. Son enseignement et sa prédication eurent le succès le plus retentissant. Saint Louis, qui l'estimait pour son entente des affaires publiques autant que pour sa piété et sa science, le consulta plusieurs fois et l'invita souvent à sa table. De 1266 à 1269, il enseigna à Bologne; en 1271, il fut appelé à Rome, comme maître du Palais; il refusa toutes les autres charges et honneurs. En 1272, il fut envoyé à Naples, sur la demande du roi Charles. Mais en 1273, il fut gravement atteint dans sa santé; il avait des défaillances et des hallucinations. Comme il se rendait au concile général de Lyon, il dut s'arrêter dans l'abbaye cistercienne de Fossa-Nuova, et il y mourut. On se disputa ses reliques. Les dominicains le réclamaient comme un des leurs; les cisterciens, comme étant mort chez eux. En 1368, Urbain V décida en faveur des dominicains. Un des bras fut donné à l'église Saint-Jacques de Paris; le reste du corps à Toulouse, sauf une main, qui fut donnée à sa soeur.

Thomas s'était laissé entraîner par son esprit philosophique à émettre quelques opinions qui devaient paraître peu conformes à la stricte orthodoxie. Aussitôt après sa mort, il éclata dans l'Université de Paris une contestation sur sa doctrine, les dominicains voulaient qu'elle fût reçue telle quelle; les docteurs de la Sorbonne y signalaient des propositions téméraires. Dès 1276, Etienne Tempier, évêque de Paris, condamna, en même temps que des erreurs relevées chez les philosophes arabes et chez les cathares, plusieurs thèses tirées des ouvrages de Thomas d'Aquin. L'Université d'Oxford adhéra à cette sentence; de même, tout l'ordre des franciscains, par rivalité monacale. En 1286, les frères prêcheurs, réunis à Paris en chapitre général, convinrent de faire tous leurs efforts pour défendre la doctrine de leur célèbre collègue; elle devint normale pour l'enseignement dans leurs écoles. L'Eglise feignit d'ignorer les opinions hasardées d'un maître aussi illustre, ou les mit au rang des questions discutables. On a lu plus haut la déclaration faite en 1322; par Jean XXII, sur le caractère miraculeux qu'il attribuait à ses écrits. Plusieurs papes ont exprimé, en d'autres termes, une estime analogue.
 

Preuve péripatéticienne de l'existence de Dieu
par la cause efficiente

« Dans les choses sensibles nous découvrons un certain enchaînement de causes efficientes. Ou ne trouve cependant pas, et il n'est pas possible de trouver rien qui soit sa cause efficiente, parce qu'alors cette cause serait antérieure à elle-même, ce qui répugne. Il n'est pas possible, d'autre part, que, dans la série des causes efficientes, on remonte de cause en cause indefiniment. Car, d'après le mode de coordination de ces causes, la première est cause de celle qui tient le milieu, et celle qui tient le milieu est cause de la dernière, soit que les causes intermédiaires soient nombreuses ou qu'il n'y en ait qu'une seule. Comme, en ôtant la cause, on ôte aussi l'effet, il suit de là que si dans les causes efficientes on n'admet pas une cause première, il n'y aura ni cause dernière, ni cause moyenne. Mais si, pour les causes efficientes, on remontait de cause en cause indéfiniment, il n'y aurait pas de cause efficiente première, et par conséquent il n'y aurait ni dernier effet, ni causes efficientes intermédiaires; ce qui est évidemment faux. Donc il est nécessaire d'admettre
une cause efficiente première, et c'est cette cause que tout le monde appelle Dieu. » 

(Saint Thomas. Somme de théologie, part. II, qu. II.).

Preuve platonicienne de l'existence de Dieu par les idées

« La quatrième preuve de l'existence de Dieu est celle des degrés de perfection. On trouve du plus et du moins et des degrés dans la bonté, la vérité, la noblesse et toutes les autres qualités des choses. Mais le plus et le moins ne s'appliquent qu'à des êtres divers qui se rapprochent diversement d'un type souverain : comme, par exemple, le chaud est ce qui participe plus ou moins de la chaleur absolue. Il y a donc aussi un être qui est souverainement vrai, souverainement noble, et qui dès lors est l'être souverain...
 

Ce qui est souverainement doué de perfection, en quelque genre que ce soit, est cause de tous les degrés de perfection du même genre, comme le feu est cause de toute chaleur. Il y a donc un être cause de l'être, de la bonté, de la perfection de tout être, et cet être est appelé Dieu [Saint Thomas s'efforce de concilier ici Aristote et Platon].

Le mot idée, en grec idèa, en latin forma, signifie les formes des choses qui existent en dehors des choses elles-mêmes. Or la forme, ainsi conçue, peut être considérée sous un double rapport. On peut l'envisager, ou comme l'exemplaire de la chose même dont elle est la forme, ou comme le principe de la connaissance qu'on a de cette chose, puisque les formes des objets que l'on connaît existent dans l'esprit qui les connaît. Suivant cette double acception du mot, il est nécessaire d'admettre l'existence des Idées; ce qui peut se démontrer ainsi. Dans tout ce qui n'est pas l'oeuvre du hasard, la forme est nécessairement la fin de la génération de l'être. Or, nul agent ne peut agir en vue d'une forme qu'autant qu'il a cette forme ou son image en lui-même. Et il peut l'avoir de deux manières. Certains agents trouvent dans leur constitution propre la forme de leurs actes, tous les êtres, par exemple, qui agissent d'après les lois de la nature physique c'est ainsi que l'homme engendre l'homme, que le feu produit le feu. Pour d'autres agents qui agissent avec connaissance, la forme existe dans leur entendement : c'est ainsi que l'image d'une maison préexiste dans l'esprit de l'architecte. Et on dit avec raison que cette image est l'idée de la maison, parce que l'architecte a l'intention de faire une maison semblable à la forme qu'il a conçue. Or, le monde n'étant pas l'effet du hasard, mais l'œuvre d'une cause intelligente qui est Dieu, il s'ensuit nécessairement que la forme qui a servi de modèle au monde se retrouve dans l'entendement divin, c'est-à-dire que les Idées existent, puisque c'est dans cette forme que consiste la nature de l'Idée. »

(Saint Thomas. Ibid., I, qu. II, art. 3 ; qu. XV, art. 1).

Comme les papes, un concile général : "Les Pères du concile de Trente voulurent que, au milieu de leur assemblée, avec le livre des divinesÉcritures et les décrets des pontifes suprêmes, sur l'autel même, la Somme de Thomas d'Aquin fut déposée ouverte, pour pouvoir y puiser des conseils, des raisons, des oracles" (Encyclique Aeterni Patris, 4 août 1879). En cette même encyclique, Léon XIII, préconisant la scolastique, proclame que, entre tous les docteurs scolastiques, brille d'un éclat sans pareil, Thomas d'Aquin, leur prince et leur maître à tous : il a hérité de l'intelligence de tous les docteurs qui l'ont précédé. C'est à juste titre qu'on le considère comme le défenseur spécial et l'honneur de l'Église. En conséquence, le pape recommande à tous les évêques du monde catholique de désigner des maîtres éclairés, s'appliquant à faire pénétrer dans l'esprit de leurs disciples la doctrine de Thomas d'Aquin, et à faire ressortir combien elle l'emporte sur toutes les autres, en solidité et en excellence; enfin d'instituer des académies, pour expliquer cette doctrine, la défendre et l'employer à la réfutation des erreurs dominantes. (E.-H. Vollet).



En librairie  - Thomas d'Aquin, Somme contre les Gentils, Le Cerf, 1993. - Commentaire du Traité de l'âme d'Aristote, Vrin, 2000. - Textes sur la morale, Vrin, 2001. - L'être et l'essence, Vrin. - Les lois, Pierre Téqui. - Les principes de la réalité naturelle, Nouvelles éditions latines. - Contre Averroès, Flammarion (GF), 1999. 

Jean-Baptiste Echivard, Une introduction à la philosophie, saint Thomas d'Aquin commmente les principales oeuvres philosophiques d'Aristote, L'Oeil / F.-X. de Guibert, 2004.

Marc Balmès, Pour un plein accès à l'acte d'être avec Thomas d'Aquin et Aristote, L'Harmattan, 2003. - François Daguet, Théologie du dessein divin chez Thomas d'Aquin, Vrin, 2003. - Tiziana Suarez-Nani, Connaissance et langage des anges selon Thomas d'Aquin et Gilles de Rome, Vrin, 2003. - Michel Piclin, Philosophie et théologie chez saint Thomas d'Aquin, Méridiens Klincksieck, 2003. - Yves Cattin, L'anthropologie politique de Thomas d'Aquin, L'Harmattan, 2002. - A. Forest, La structure métaphysique du concret selon Thomas d'Aquin, Vrin, 2001. - R.A. Gauthier, Introduction à la Somme contre les Gentils de saint Thomas d'Aquin, Vrin, 2001.

Johannes Lotz, Martin Heidegger et Thomas d'Aquin, PUF, 2000. - Guy-François Delaporte, Lecture du commentaire de Thomas d'Aquin sur le Traité de l'âme d'Aristote, L'Harmattan, 1999. - Jean-Pierre Torrell, La Somme de saint Thomas, Le Cerf, 1998. - Etienne Gilson, Le thomisme, Introduction à la philosophie de Saint Thomas d'Aquin, Vrin, 1997. - Dominique Dubarle, L'ontologie de Thomas d'Aquin, Le Cerf, 1996. - L. Elders, La métaphysique de saint Thomas dans une perspective historique, Vrin, 1995. - Emilio Scrito, Dieu et l'être, d'après Thomas d'Aquin et Hegel, PUF, 1991. - Michel Bastit, Les principes des choses en ontologie médiévale (Thomas d'Aquin, Scot, Occam), Bière. - Avital Wohlman, Maïmonide et Thomas d'Aquin, Le Cerf, 1988. 

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