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Mars à vue d'oeil
A l'oeil nu, la planète Mars brille dans le ciel comme un astre de première magnitude. Elle se distingue particulièrement par son éclat rouge et dans tous les temps elle a été remarquée pour cette coloration. Lorsque les Grecs et les Romains voulaient parler d'une étoile rougeâtre, ils prenaient toujours Mars pour point de comparaison. Aujourd'hui encore, cet astre est le plus rouge de tous ceux que l'on voit à l'oeil nu. Le nom de l'étoile rougeâtre Antarès (constellation du Scorpion) prend lui-même Mars pour référence, puisqu'il signifie : rivale de Mars.

Dans l'ancienne Chine, Mars était nommé Young-Huo, la lueur vacillante, et aussi Tch'i-Sing, la planète rouge. Ici, comme dans le bassin méditerranéen, la planète avait une grande importance astrologique. Elle était censée gouverner les juges de l'empereur qui administraient la justice au-dedans et la guerre au-dehors. C'est en l'an 271 avant J.-C. que furent faites les premières observations de Mars, citées dans l'Almageste de Ptolémée

Mars, enfin, a eu un rôle spécial dans la compréhension des mouvements planétaires : c'est en l'étudiant d'après ses propres observations et en se basant sur celles de son maître, Tycho Brahe, que Kepler a découvert successivement les trois lois du mouvement elliptique des planètes autour du Soleil, lois si importantes, qu'on les désigne toujours sous le nom de lois de Kepler.

Dates clés :
c. 2500 - Premières observations consignées en Mésopotamie.

2241 av. J.-C - Première mention d'une conjonction de Mars, en Chine.

1580 - 1600 - Mesures de la position de Mars par Tycho Brahé, analyse de ces mesures par Kepler.

1672 - Premières mesures de la parallaxe de Mars.

Mars et l'astrologie

Depuis plusieurs milliers d'années donc, le caractère particulier de la lumière que cette planète nous réfléchit n'a pas été altéré. Le nom qu'elle portait chez les Hébreux signifie embrasé. Chez les Égyptiens de la XIXe dynastie, aux temps pharaoniques, elle est nommée Har-tesch et Armachis, avec le signe de la rétrogradation, qui caractérise son mouvement, et dans le Zodiaque de Dendérah, qui date de l'époque romaine, on l'appelle Horus le rouge. Chez les Grecs, Mars, qui s'appelait aussi Arès (assimilé au dieu Mars par les Romains) et Héraclès, avait pour épithète habituelle purous ou incandescent, enflammé. Chez les Chinois, il portait le nom de Tch'i-Sing (la planète rouge) et de Young houo (lueur vacillante). Chez les Indiens, il était nommé Angaraka (charbon ardent), et se nommait aussi Lohitanga (le corps rouge). C'est, sans aucun doute possible, cette coloration rouge qui a fait appeler Mars le dieu du sang et des combats, à l'époque primitive où l'on croyait que les destinées humaines étaient réglées par les astres. Aussi a-t-il très souvent personnifié le dieu de la guerre dans les mythologies anciennes, et le signe sous lequel nous continuons de le représenter doit-il être un vestige de l'union de la lance et du bouclier. 

Dans tous les siècles, les peintres et les sculpteurs ont représenté cette planète avec les attributs du combat, suivant en cela les antiques traditions de la poésie. L'une des dernières représentations classiques du dieu guerrier, et en même temps l'une des plus belles, est assurément celle que nous reproduisons ici, due au crayon de Raphaël, qui a voulu rappeler en même temps les influences astrologiques de la planète. Un  tableau qui peut être placé en regard de celui du Soleil, du divin Apollon lançant ses flèches d'or dans l'espace.

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Mars, vu par Raphaël.

Dans l'ancienne astrologie, Mars était associé aux deux constellations zodiacales du Scorpion et du Bélier, et l'on combinait les prétendues influences de ces signes avec les siennes propres pour tirer les horoscopes et calculer les destinées. Nous avons sur ce point de fort anciens documents, entre autres une série de médailles de l'empereur Antonin, frappées en Égypte l'an 115 de notre ère, à l'époque où Ptolémée rédigeait l'Almageste. Ces médailles représentent l'empereur Antonin, - la Lune sur le Scorpion - le Soleil sur le Lion - Mercure et la Vierge - Vénus et la Balance - Mars et le Scorpion - Jupiter et le Sagittaire - Saturne associé au Capricorne et au Verseau - Jupiter sur les Poissons -Vénus sur le Taureau. Une dernière résume ces combinaisons en un même tableau.


Médailles planétaires frappées en Égypte 
sous l'empereur Antonin. 

A cette époque, en Égypte, l'astrologie faisait partie intégrante de la religion. Florissante aux premiers siècles de notre ère, l'astrologie était encore en grande faveur à la cour de France sous les Médicis, et même sous Louis XIV, Cassini y croyait encore. A la naissance du roi, Anne d'Autriche avait fait venir l'astrologue Morin pour tirer l'horoscope du nouveau-né. Morin paraît convaincu de sa science. 
 

Premières études

On trouve des traces de la connaissance de la planète Mars aux plus anciennes époque de l'histoire. Nous pouvons conjecturer qu'elle a été la troisième distinguée des étoiles fixes par les premiers observateurs. Vénus et Jupiter ont dû être remarquées les deux premières, à cause de leur éclat sans rival.

Les annales de l'astronomie ont conservé d'antiques observations de la planète Mars ainsi que des plus brillantes planètes. L'une des plus reculées est assurément la curieuse remarque consignée par les Chinois, que sous le règne (largement légendaire) de l'empereur Chuen-Kuh (petit-fils de l'empereur Hwang-Te (Hoang-Ti), le premier jour de la première lune du printemps, on vit les planètes Mars, Jupiter, Saturne et Mercure réunies auprès de la Lune dans la constellation Shih, qui correspond au Verseau et aux Poissons. Cet empereur a régné 78 ans, de l'année 2513 à l'année 2436 avant notre ère, et la conjonction a eu lieu vers l'an 2441. Voilà donc une observation de planètes qui date de plus de quatre mille trois cents ans. C'est, pour l'astronomie, dit Flammarion, un titre de noblesse bien antérieur aux croisades. Aucun quartier héraldique ne peut soutenir de comparaison avec ceux-là...

En 1845, Layard, descendant d'une famille française protestante chassée de France par la révocation de l'édit de Nantes, découvrit sur la rive gauche du Tigre, à l'est de Nemrod, de curieuses ruines de l'ancienne Ninive qu'il recueillit avec soins et fit transporter en Angleterre. Il s'avéra que les fragments de tablettes recueillis par les ouvriers de Layard, dans la salle où Assurbanipal avait établi sa bibliothèque, remontaient à près de dix mille, et provenaient  d'ouvrages qui traitaient des sujets les plus différents : mythologie, astronomie, astrologie, grammaire, histoire, droit, histoire naturelle, etc.

On y trouve notamment des observations d'étoiles rapportées dans un planisphère de la même époque, dans lequel la position de Régulus, de Capella et de la constellation du Scorpion correspondent à l'état du ciel 2120 ans avant notre ère. En ces temps reculés, le calendrier babylonien était déjà constitué : il était lunaire comme le calendrier israélite; les éclipses de Lune arrivaient vers le 14 du mois, et les éclipses de Soleil vers le 29.

Dans ces ruines de Ninive, on a encore trouvé entre autres un ouvrage intitulé : les Observations de Bel. Cet ouvrage, divisé en LX livres, était resté dans les ruines du palais de Sardanapale, appartenait anciennement à la bibliothèque publique de cette capitale, et était dédié au roi Sargon, d'Agané (Akkad), en Babylonie. Or, l'un des livres de cet ouvrage est consacré à la planète Mars, un autre à Vénus, un autre à l'étoile polaire (qui était alors l'étoile alpha du Dragon), etc. Les cinq planètes, Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne étaient connues dès cette époque; la semaine de sept jours consacrés aux sept, astres (cinq planètes, plus le Soleil et la Lune) était, peut-être déjà en usage au commencement des observations assyriennes et akkadiennes, c'est-à-dire vers l'an 2500 avant notre ère.

Nous possédons aussi des observations d'entrées et de sorties de la planète dans les signes du zodiaque datant de la XlXe dynastie des rois d'Égypte. Mais la plus ancienne mesure de la position de Mars qui nous soit, parvenue date de la 52e année qui suivit la mort d'Alexandre le Conquérant (486 de l'ère  de Nabonassar), ou de l'an 272 avant notre ère. Le 17 Janvier (21 athir) de cette année, la planète passa tout près de l'étoile Bêta du Scorpion. Cette observation nous a été conservée dans l'Almagestede Ptolémée. Le cours de Mars était connu depuis longtemps à cette époque. Il n'en faudra pas moins attendre bien longtemps, c'est-à-dire la fin du XVIe siècle, avant que l'étude minutieuse de l'orbite de Mars conduise à une transformation en profondeur de la conception de la structure de l'univers.

Cette révolution commence avec Copernic et son système héliocentrique d'une part, et avec Tycho Brahé, qui, entre 1580 et 1600 (soit, sur neuf révolutions synodiques),  avait fait une longue série d'observations de Mars extrêmement précises. Kepler les lui demanda à étudier, et Tycho les lui confia, «sous condition de ne pas s'en servir pour prouver le système de Copernic». Mais les faits le prouvaient malgré Kepler lui-même. Pendant quinze années consécutives, il tourna et retourna ces observations pour les concilier avec la doctrine ancienne, qui enseignait que tout se meut en cercle parfait dans l'univers. Il arriva à conclure qu'il était absolument impossible de les faire concorder avec cette figure, et que très certainement, les planètes ne décrivent pas des cercles, mais des ellipses. C'est à cette découverte que l'on doit la véritable fondation de la mécanique céleste, y compris la découverte newtonienne de l'attraction. En souvenir des difficultés de ce travail, Kepler raconte que Rheticus avait voulu avant lui réformer l'astronomie, mais que décontenancé par le mouvement de Mars, il avait évoqué son génie familier, lequel arriva, le saisit par les cheveux, l'éleva jusqu'au plafond et le laissa retomber en lui disant : 

« Voilà le mouvement de Mars. » 
Bien que cela corresponde déjà à une époque où l'on se servait de lunettes, on notera ici un autre aspect du rôle qu'à eue l'étude de la position de Mars dans la connaissance de la structure du Système solaire. Cette fois ce fut non plus à propos de la forme des orbites, mais de leurs dimensions. Dans ses oppositions, en effet, la planète Mars acquiert une parallaxe assez forte pour qu'on puisse la mesurer et en déduire celle du Soleil. Cette mesure fut l'objet du voyage de Richer en Guyane en 1672, le premier d'une belle liste de voyages qui eurent les mêmes objectifs, mais qui en général concernèrent plutôt l'observation de Vénus, et de ses passages devant le Soleil.
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