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Les vampires

Les vampires sont des êtres fantastiques qui, suivant une croyance qui fut fort répandue en Europe il y a trois siècles environ, sont des morts qui sortent la nuit des cimetières pour aller sucer le sang des vivants, soit à la gorge, soit au ventre, et qui viennent ensuite se remettre dans leur fosse. Ces vampires s'attaquent de préférence à leurs parents et à leurs amis. Les vivants sucés à leur insu, durant leur sommeil, par ces terribles revenants, pâlissaient, tombaient en consomption, tandis que les vampires prenaient des couleurs vermeilles, qui, lorsqu'on ouvrait leur cercueil, dénonçaient leur cadavre. Les naturalistes ont, par allusion à cette croyance, donné le nom de vampire à une grande chauve-souris qui suce le sang des voyageurs endormis.

La croyance aux vampires ne remonte pas à une haute antiquité; elle fut inconnue aux Grecs, aux Romains et au Moyen âge. Elle paraît avoir pris naissance chez les populations slaves. On la trouve en effet  en Slavonie, en Slovaquie; elle a été longtemps répandue en Pologne, en Silésie, en Moravie. Elle existe aussi depuis longtemps en Roumanie (Transylvanie), en Epire et dans les îles de la Grèce; mais elle a été évidemment introduire par les Dalmates et les Monténégrins, et ce qui le prouve, c'est le nom de broucolocas, que ceux ci leur donnent, car ce nom est une altération du slave vukozlak, nom donné par les Dalmates au vampire; ce dernier nom lui-même est une corruption du mot oupire, qui a en esclavon le sens de sangsue.

Pour les Morlaques les vukozlaks sont des morts qui ont mené une vie, coupable, et qui, par suite des instincts mauvais auxquels ils demeurent soumis après leur mort, prennent plaisir à tourmenter les vivants. Lorsque quelque Morlaque attribuait l'amaigrissement de son enfant ou d'une personne qui lui était chère aux visites d'un vampire, il s'adressait à un prêtre, qui se rendait ensuite au tombeau de celui qu'on soupçonnait de vampirisme; il ouvrait le cadavre, et lui perçait le coeur avec des épingles, des épines ou un pieu; après cela on s'imaginait que le vampire ne pouvait plus recommencer ses courses nocturnes. En Grèce les vampires sont devenus des morts dont le corps ne peut se dissoudre, parce qu'il a été frappé d'excommunication. Aussi a-t-on cherché à rattacher cette croyance par ses origines au christianisme : mais nous sommes plus porté à admettre que cette croyance vient du paganisme slave.

Cette superstition se propagea en Europe avec une extrême rapidité au commencement du XVIIIe siècle. Elle pénétra en Autriche, en Allemagne et jusqu'en Lorraine. On n'entendit plus parler que de vampires, écrit Voltaire, depuis 1730 jusqu'en 1735; on les guetta, on leur arracha le coeur, et on les brûla. Il est curieux, soit dit en passant, de voir à certaines époques des superstitions d'abord très circonscrites, et en apparence toute locales, prendre une vogue extrême, s'emparer de tous les esprits pour un temps. Elles donnent naissance à de véritables épidémies superstitieuses, dont le temps seul parvient à atténuer l'intensité. C'est ce qui arriva au XVIe siècle pour la magie et l'astrologie, au XIXe pour le magnétisme animal, au XXe pour les soucoupes volantes Ce phénomène intellectuel est analogue à celui qui se manifeste à la naissance de certaines religions. Dom Calmet, aussi crédule que savant, fut dupe de ces imaginations, et, suivant l'expression de Voltaire, devint l'historiographe des vampires. Il a publié à ce sujet un ouvrage intitulé : Traité sur les Apparitions des esprits et sur les Vampires ou revenants; Paris, 1751, 2 vol. in-12.

Voltaire a judicieusement rapproché les affirmations, si positives, produites en faveur de ces contes de celles qui ont été produites à propos des mythes chrétiens sur les saints; et il en a conclu, comme conséquence naturelle, que les témoignages prétendus contemporains ont peu de valeur en matière de critique quand l'erreur qu'il s'agit de mettre au jour a été adoptée a priori par ces témoins, et lorsque les habitudes de critique et de doute sont absolument étrangères à l'époque ou au milieu dans lequel ils vivent. Laissons parler le philosophe de Ferney :

C'est une chose à mon gré très curieuse que les procès-verbaux faits juridiquement concernant tous les morts qui étaient sortis de leur tombeau pour venir sucer les petits garçons et les petites filles du voisinage. Dom Calmet rapporte qu'en Hongrie deux officiers délégués par l'empereur Charles VI, assistés du bailli du lieu et du bourreau, allèrent faire enquête d'un vampire mort depuis six semaines, qui suçait tout le voisinage. On le trouva dans sa bière, frais, gaillard, les yeux ouverts, et demandant à manger; le bailli rendit la sentence. Le bourreau arracha le coeur au vampire, et le brûla, après quoi le vampire ne mangea plus. Qu'on ose douter après cela des morts ressuscités dont nos anciennes légendes sont remplies, et de tous les miracles rapportés par Bollandus et par le sincère et révérend Dom Ruinart.
La croyance au vampirisme avait presque totalement disparu en Allemagne au milieu du XIXe siècle; mais elle persista encore quelque temps dans la Slavonie, la Morlaquie et chez les paysans de la Grèce. Ces vampires semblent avoir une certaine parenté d'une part avec les ghouls de l'Orient, de l'autre avec les lémures des anciens et les Lamies. Le ghoul est une sorte de djinn ou de mauvais génie qui mange les humains et les cadavres; aussi le rencontre-t-on surtout près des cimetières. Souvent il prend l'apparence d'une femme. Malheur au voyageur qui cède aux provocations amoureuses qu'elle lui adresse; il assouvit sa voracité. Les lémures étaient les âmes des méchants ou de ceux qui n'avaient pas reçu la sépulture, lesquelles tourmentaient les vivants; les lamies étaient des spectres féminins, qui s'attachaient aux enfants, en buvaient le sang et en dévoraient la chair. Mais ces analogies ne sauraient être une raison suffisante pour faire dériver ces croyances d'une origine commune. L'imagination crédule s'est maintes fois rencontrée dans ces créations. Le champ des spéculations superstitieuses est assez limité pour que des esprits différents et indépendants les uns des autres aient pu fréquemment s'arrêter au même point. (A. Maury).


Céline Du Chéné, Jean Marigny, Dracula, prince des ténèbres, Larousse, 2009.
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Le vampire a la fâcheuse habitude d'échapper à la tombe pour revenir boire le sang des humains - plus encore celui des jeunes filles. Nous le savons depuis l'extraordinaire succès du romanDracula du Britannique Bram Stoker, paru en 1897. Un roman qui nous en apprend beaucoup sur les fantasmes de son auteur et ceux de la société victorienne... Il s'inscrit toutefois dans une tradition longtemps occultée, ou négligée, qui traverse la littérature et la mémoire populaire depuis l'Antiquité, bien avant qu'un certain Vlad l'Empaleur - dit " le Dragon " Dracul -, prince de Valachie, ne devienne un personnage de légende au XVe siècle. Mort-vivant amoureux, Dracula, archétype de la culture européenne, a fini par traverser l'Atlantique. Jean Marigny et Céline du Chéné suivent sa trace et dévoilent son prodigieux pouvoir de métamorphose. De la mystérieuse Transylvanie jusqu'aux studios de Berlin et de Hollywood, le "fantôme de la nuit" est devenu l'un de nos mythes contemporains les plus vivaces. (couv.).

P. Ariès, Satanisme et vampirisme, Golias Editions, 2004.

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Dictionnaire Religions, mythes, symboles
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