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L'histoire de la Colombie
Aperçu Les Chibchas* Du XVIe au XVIIIe s. 1809-1831 1831-1861 1861-1903

La Colombie avant l'arrivée des Espagnols

Premiers habitants.
Les premiers habitants de la Colombie remontent à environ 20 000 ans, avec des traces de peuplement humain trouvées dans diverses régions du pays. Ces premiers peuples étaient des chasseurs-cueilleurs qui ont progressivement développé des techniques agricoles et se sont installés dans des villages permanents.

Cultures précolombiennes.
Muiscas.
Situés principalement dans l'altiplano cundiboyacense, dans les régions des hauts plateaux des Andes orientales, les Muiscas étaient des agriculteurs sédentaires qui cultivaient principalement le maïs, les pommes de terre, et le quinoa. Ils étaient également connus pour leurs travaux en or, en cuivre et en émeraudes. Les Muiscas avaient une organisation politique avancée avec des chefs appelés zipa et zaque.

Taironas.
Habitants des montagnes de la Sierra Nevada de Santa Marta, les Taironas se distinguaient par leur artisanat en or et en céramique, ainsi que pour leurs terrasses agricoles et leurs systèmes d'irrigation sophistiqués. Ils vivaient dans des villages fortifiés et avaient une structure sociale complexe avec des chefs et des prêtres.

Quimbayas.
Situés dans la région du Quindío, les Quimbayassont connus pour leur orfèvrerie, en particulier pour les objets en tumbaga, un alliage d'or et de cuivre. Leur société était organisée en chefferies et ils pratiquaient une agriculture intensive.

Zenúes.
Vivant dans les régions de la côte caraïbe, les Zenúes étaient experts en hydraulique et en gestion de l'eau, ayant construit des canaux et des systèmes de drainage pour contrôler les inondations et irriguer leurs terres agricoles. Ils cultivaient du maïs, du manioc et d'autres cultures.

San Agustín et Tierradentro.
Les cultures San Agustín et Tierradentro sont connues pour leurs sculptures monumentales en pierre et leurs hypogées (tombes souterraines). Ces populations  habitaient dans les régions montagneuses du sud-ouest de la Colombie. Ils avaient des croyances religieuses complexes et pratiquaient des rituels funéraires élaborés.

Culture sociale et matérielle.
Certaines cultures, comme les Muiscas, avaient des systèmes sociaux hiérarchiques bien définis avec des chefs puissants, tandis que d'autres, comme les Zenúes, mettaient davantage l'accent sur la gestion collective des ressources.

L'orfèvrerie, la céramique, le tissage et la sculpture sur pierre étaient des formes d'expression artistique importantes. Ces objets revêtaient couramment des significations religieuses ou sociales et étaient utilisés dans des cérémonies et des rituels.

Les différentes cultures de l'ancienne Colombie avaient des économies basées sur l'agriculture, la pêche, la chasse et l'artisanat. Le commerce entre les groupes était courant, permettant l'échange de produits comme l'or, les émeraudes, les céramiques, les textiles et les denrées alimentaires.

La Colombie de l'arrivée des Espagnols à 1900

La conquête par les Espagnols.
Quand les Européens abordèrent pour la première fois les contrées qui composent aujourd'hui la Colombie, ils trouvèrent les plaines couvertes de forêts et entrecoupées de rivières, et peu peuplées : des populations errantes, séparées par la différence du langage et des moeurs, vivaient éparses le long des côtes de la mer, des bouches et des rives de l'Orénoque; chacune de ces populations portait le nom de nation, quoique souvent le nombre des individus qui la formaient fût à peine de 1000, et que rarement il passât 10000.

Christophe Colomb découvrit ces contrées en 1498. Après avoir reconnu le golfe de Paria, il longea la côte jusqu'à la pointe d'Araya, puis il fit voile au nord. Ojeda et Amérigo Vespucci suivirent la découverte en 1499, et allèrent jusqu'au cap de la Vela. Des navires espagnols vinrent ensuite échanger à cette côte des bagatelles contre de l'or, des perles, du brésillet, etc.; mais en allant plus loin, à l'ouest, ils rencontrèrent à leur grand étonnement des indiens disposés à leur enlever ce qu'ils avaient. En 1510, Ojeda et Nicuessa découvrirent les côtes du golfe de Darien. La même année, Balboa s'avança dans l'intérieur de ces pays : en 1513, il franchit le premier l'isthme de Panama. Cependant les Espagnols formaient des établissements sur les côtes; ils y bâtissaient des villes; ils exterminaient les Indiens qui leur résistaient, et réduisaient en esclavage tous ceux qui échappaient au massacre : une loi de Charles-Quint les y autorisait. Les crimes commis par la nuée de brigands que l'avidité du pillage attirait dans ces pays malheureux, devinrent si grands et si nombreux qu'ils parvinrent jusqu'à l'administration de Saint-Domingue : en 1527, elle envoya Jean Ampues pour mettre un terme à ces atrocités.

Des missionnaires étaient déjà venus pour prêcher l'Évangile aux Indiens; les militaires, dont ils ne partageaient pas les excès, les avaient contrariés dans leur projet; les religieux furent égorgés par les Indiens par un effet de la haine qu'on portait aux Espagnols. En 1520, Las Casas, qui s'est immortalisé par son zèle persévérant à défendre les Indiens, arriva pour la première fois sur la côte de Cumana, pour y fonder une colonie de cultivateurs; ceux-ci furent égorgés pendant son absence. Ampues parvint à rétablir l'ordre, en se déclarant le protecteur des opprimés; par malheur, la province de Venezuela venait d'être cédée par Charles-Quint aux Welzers, négociants d'Augsbourg, en paiement de sommes qu'il leur devait. La férocité des agents de ces Allemands, venus en 1528, surpassa celle des Espagnols. Enfin, les Welzers furent dépossédés en 1545; l'oppression des Indiens cessa; ils furent déclarés libres, sans même excepter ceux qui seraient pris les armes à la main. Mais, persuadés par une triste expérience que les Européens n'avaient d'autre intention que celle de les exterminer, ils ne voulurent pas écouter la voie de la persuasion pour se ranger sous les lois des Espagnols; ceux-ci, réduits au parti de renoncer au pays ou de se l'approprier par la force, adoptèrent ce dernier moyen. Tous les Indiens défendirent leur territoire avec une ténacité dont on ne les croyait pas capables. Les Espagnols soumirent successivement la plus grande partie de ces contrées; mais ils ne parvinrent à fonder le plus petit établissement qu'après avoir combattu la population qui occupait le terrain. Celles qui se réfugièrent dans les forêts de l'Orénoque réussirent à conserver leur liberté.

De même que dans le reste de l'Amérique, les Espagnols qui parvinrent, en 1537, des rives du Magdalena aux plaines élevées du Bogota, furent frappés du contraste qu'ils observèrent entre  la situation précaire des populations éparses qui habitaient les régions chaudes voisines de l'embouchure de ce fleuve, et la solide organisation des peuples montagnards. Ceux-ci étaient distribués par communes, cultivaient la terre, fabriquaient des toiles de coton qui formaient leur vêtement. Quoique le sol fût peu fertile, les champs offraient partout de riches moissons de maïs, de quinoa, et de turmas ou pommes de terre. Quatre nations, les Muyscas (Chibchas), les Guanes, les Muzos et les Colimas, vivaient sur le plateau de Cundinamarca : celle des Muyscas ou Mozcas paraît avoir été la plus nombreuse. 

Le pays de Cundinamarca fut conquis par Gonçalo Ximenez de Quesada. Enflammé par les récits d'un grand nombre d'indiens qui, en lui montrant le sud, lui assuraient qu'ils trouverait dans cette direction un empire riche et puissant, il partit, au mois d'avril 1536, à la tête de 620 fantassins et de 85 cavaliers. Ce ne fut qu'avec des peines infinies que ses bateaux, légers et mal construits, purent remonter le Magdalena. Un grand nombre de ses compagnons périrent de fatigue et de misère. Enfin il réussit dans son entreprise, fut vainqueur dans tous les combats qu'il livra aux Indiens, et reconnut qu'on ne l'avait pas abusé, par ce qu'on lui avait raconté de la richesse de Cundinamarca. Les Indiens se défendirent avec un courage que les armes à feu de leurs ennemis rendirent inutile; en un an, la conquête fut achevée.

Au moment où elle se terminait, Benalcazar, un des lieutenants de Pizarro, ayant soumis Quito, Pasto, Popayan et la vallée du Cauca, passa le Quindiu et le Magdalena, et arriva dans la plaine de Bogota. Quito avait précédemment formé un État indépendant : les Incas du Pérou s'en étaient emparés depuis un demi-siècle.

Pour remplacer les Indiens, qui avaient disparu dans les plaines du Venezuela, les Espagnols y amenèrent des esclaves Noirs d'Afrique. Il n'en était pas de même dans les montagnes; aucun Indien n'y périt accablé par la fatigue : la population indienne, bien loin de diminuer, s'y accrut considérablement, parce que la paix régna constamment dans ces contrées élevées.

La Vice-Royauté de Nouvelle-Grenade.
Le pays reçut le nom de Nouvelle-Grenade, et dépendit du Pérou. En 1718, il fut érigé en vice-royauté; en 1731, les provinces de Venezuela, qui avaient appartenu au gouvernement de Saint-Domingue, en furent distraites et placées sous l'autorité d'un capitaine général résidant à Caracas.

Rien n'avait altéré la tranquillité intérieure dont ces contrées jouissaient depuis que l'Espagne les possédait, lorsque tout à coup le Socorro, province de la Nouvelle-Grenade, se souleva en 1781, au sujet de l'impôt de l'alcavala. Les rebelles s'avancèrent jusqu'aux portes de Bogota; des troupes marchèrent contre eux. L'archevêque employa la persuasion pour apaiser le mouvement : il y parvint. Le Socorro fut pacifié; sa population fut décimée par le gouvernement espagnol; il envoya un grand nombre d'habitants périr dans les cantons insalubres de la côte.

Les fondements de l'empire espagnol étaient ébranlés en Amérique. La révolution des États-Unis leur donna une nouvelle secousse; les esprits commençaient à s'agiter; on montrait secrètement de la prédilection pour le gouvernement républicain. La commotion se fit de nouveau sentir à la nouvelle de la révolution de France. En 1794, la Déclaration des droits de l'homme fut imprimée à Santa Fé (Bogota) : le gouvernement comprima bientôt ce mouvement. Les exemplaires de l'ouvrage furent brûlés; les traducteurs, jeunes encore, furent envoyés en Espagne les fers aux pieds.

En 1796, la ville de Caracas montra une telle indignation contre une mesure de police ordonnée par l'audience, que le gouverneur général, pour empêcher le tumulte, prit le sage parti de faire droit aux réclamations du peuple.

En 1797, trois prisonniers d'État condamnés en Espagne, pour des délits révolutionnaires, à être enfermés à perpétuité dans les casemates de la citadelle de la Guayra, parvinrent à ourdir une conspiration qui avait pour but de renverser le gouvernement. Ils s'enfuirent; plusieurs conjurés furent punis.

L'indépendance.
Il s'était fait dans les idées une révolution dont les suites ne seraient de longtemps devenues funestes pour la métropole, si le ministère n'avait continué à froisser tous les intérêts et à contrarier tous les voeux; on désirait un avenir plus heureux. Cette disposition des esprits n'annonçait pourtant rien d'hostile; car en 1806la tentative de Miranda, soudoyé par le ministère britannique, n'aboutit qu'à  la prise de quelques places qui furent bientôt rendues aux Espagnols.

La nouvelle de l'emprisonnement de Ferdinand, roi d'Espagne, en 1808, produisit l'événement qui, tôt ou tard, devait arriver. Des agents du nouveau roi arrivèrent d'Europe à Caracas, et exigèrent en son nom le serment de fidélité; on ne leur répondit que par les cris de vive Ferdinand! Quito proclama l'indépendance en 1809; l'élan ne fut arrété qu'avec beaucoup de difficulté. Cette ville se souleva encore la première en 1810; ce mouvement n'influa pas sur le reste du pays haut. A Caracas, un manifeste, publié le 19 avril 1810, annonça le projet de mettre ce pays à couvert des projets de la France et de la junte centrale d'Espagne, et de soutenir Ferdinand VII. Le 23 juillet, on courut aux armes à Santa Fé, sous le prétexte que les troupes de Napoléon menaçaient la Nouvelle-Grenade; une junte déclara que l'on reconnaissait Ferdinand VII pour souverain de Cundinamarca; rappeler cet ancien nom était déjà indiquer que l'on voulait un nouvel ordre de choses. 

Le vice-roi fût arrêté; on l'accusait d'avoir voulu vendre l'Amérique à Napoléon; il fut envoyé à Carthagène. Les habitants de Caracas, invités par ceux de Cundinamarca à faire cause commune, répondirent qu'ils ne reconnaîtraient jamais de rois, et ne se soumettraient qu'au gouvernement établi par leurs représentants. Le congrès qui avait succédé à la junte suprême, le 2 mars 1811 , déclara l'indépendance de Venezuela, le 5 juillet. Ce congrès tint ses séances à Valencia , dans les vallées d'Aragua, en mars 1812.

Cependant les Espagnols conservaient des forces dans le pays. Les progrès de leurs troupes furent hâtés par un tremblement de terre qui renversa Caracas, le 26 mars 1812. Le peuple vit dans cet événement affreux la main de la Providence punissant la révolte. Monteverde réussit sans effort, en août, à reconquérir Venezuela pour la métropole. Miranda, qui était revenu à Caracas, et qui avait obtenu le commandement de l'armée, fut constamment battu. Une capitulation, signée dans les derniers jours de juillet , promit une amnistie générale. Néanmoins, Miranda, livré à Monteverde, fut envoyé en Europe et mis en prison à Cadix. Monteverde, violant ouvertement la capitulation, remplit les cachots de toutes les personnes qui avaient pris part à la révolution. Le signal des supplices fut donné. Les actes de rigueur augmentèrent le mal que l'on voulait faire disparaître. Les proscrits réfugiés à la Trinité et dans d'autres îles organisèrent des partis, et vinrent attaquer Caracas. La capitale ouvrit ses portes à Simon Bolivar le 16 août 1813. Ses compatriotes lui décernèrent le titre de libérateur du Venezuela.

Battu ensuite par les Espagnols, il escalada les montagnes de la Nouvelle-Grenade, où il obtint des succès contre des troupes indépendantes qui fatiguaient le pays de leurs divisions. En 1815, il fut abandonné par la fortune sous les murs de Carthagène. La guerre civile avait éclaté; Bolivar, délaissé par ses soldats, obtint la permission de s'exiler: il s'embarqua pour la Jamaïque. Les Espagnols, maîtres du Venezuela depuis juillet 1814, le devinrent de Bogota en juin 1810. La même année, Bolivar débarqua à l'île de la Marguerite, et revint sur le continent; il s'enfonça dans les déserts de la Guyane, et harcela les généraux espagnols.

Morillo, arrivé d'Espagne, s'empara de Carthagène, qui fit une vigoureuse défense; il commandait des troupes bien disciplinées : tout plia devant lui. La guerre s'était faite avec une cruauté inouïe; Morillo, après la victoire, employa les moyens les plus affreux pour étouffer le dernier germe de la rébellion. Mais plus il faisait fusiller d'Américains, plus il augmentait le nombre des mécontents.

En 1817, tout parut tranquille à Morillo dans la Nouvelle-Grenade; il y laissa pour vice-roi Samanon, et s'occupa de pacifier le Venezuela. Santander accrut le nombre des victimes. Chacun, craignant d'être mis sur la liste de proscription, se réfugia dans les plaines. Ces fugitifs furent réunis en troupes régulières par les généraux indépendants. Morillo ne voulut pas se hasarder dans les forêts de l'Orénoque; il tourna ses armes contre l'île de la Marguerite, où commandait Irismendi; il éprouva une défaite complète, et revint à Caracas; le manque de soldats, car presque tous les Espagnols étaient morts ou par le fer ou par les maladies, le retint dans cette capitale. D'ailleurs les Américains, qui d'abord s'étaient joints à lui, l'avaient quitté, parce qu'il offensait continuellement leur amour-propre.

De la Grande Colombie à la république de la Nouvelle-Grenade.
Morillo reçut des renforts d'Espagne : Bolivar le surprit en 1818, à Calabozo, et le poursuivit jusqu'aux portes de Valentia : battu à son tour, il rentra dans les déserts de Casanare. Le second congrès de Venezuela fut installé à San Tome, le 18 février 1819. La loi fondamentale qui réunit le Venezuela à la Nouvelle-Grenade, sous le nom de Colombie, fut proclamée le 17 décembre. Bolivar franchit les paramos de la Cordillère, et, malgré un échec, marcha sur Santa-Fe; il mit en déroute les Espagnols à Boyaca, près de Tunja, et s'empara de la capitale. Il redescendit promptement dans les plaines de Caracas. Ses soldats y soutinrent fréquemment des combats contre ceux de Morillo : les succès furent partagés. Bolivar, dans une entrevue avec le général espagnol, le 25 novembre 1820, convint d'une trêve de six mois; on ignore par quel motif il l'enfreignit en s'emparant de Maracaïbo. Morillo était retourné en Espagne. La Torre, qui lui succéda, fut battu à Carabobo et obligé de se réfugier dans les murs de Puerto-Cabello.

Un congrès fut assemblé à Cucuta; il assit les bases d'un nouveau gouvernement. La constitution fut publiée le 30 août 1821. Elle était modelée sur celle des États-Unis de l'Amérique septentrionale : le président est en exercice pendant quatre ans. Le congrès rédigea aussi plusieurs lois, et déploya une activité extraordinaire. La guerre s'étant rallumée dans le sud, Bolivar marcha sur le Pasto, où des mécontents du nouveau régime s'étaient réunis aux Espagnols en 1822; il soumit cette province, puis vola au secours de Sucre, son lieutenant, qui était devant Quito. Les Espagnols furent mis en déroute par les Américains indépendants, à la vue du Pichincha : ce terrible volcan a donné son nom à la bataille. Depuis cette époque, Bolivar et Sucre sont allés affermir l'indépendance du Pérou par leurs victoires sur les Espagnols.

La république a été reconnue par la Grande-Bretagne en 1825, comme un État indépendant. La Colombie et le Mexique ont conclu, le 3 octobre 1823 , un traité d'alliance. D'après le décret du 23 juin 1824 , le territoire de la république est divisé en douze départements, qui sont : Orinoco, Venezuela, Apure, Sulia, Boyaca, Cundinamarca, Cauca, Magdalena, Isthme (Panama), Équateur, Assuay, Guayaquil : les départements sont divisés en provinces qui renferment chacune un certain nombre de cantons; les cantons comprennent des cabildos ou municipalités. Cette Grande Colombie, comme on la nomme pour la distinguer de la Colombie actuelle, beaucoup moins étendue,  ne résista à l'éclatement que six ans. En 1830-1831, elle se divisa en trois pays : la Nouvelle-Grenade (Colombie actuelle plus Panama), l'Equateur et le Venezuela. 

Un acte du congrès de la république, en ayant séparé en février 1855 le département de l'Isthme, pour en former le nouvel Etat indépendant de Panama, et le département. d'Antioquia étant devenu un Etat libre en 1856, la Nouvelle-Grenade ne comprend plus à partir de cette époque que cinq départements. subdivisés en provinces. Sous le président Lopez, élu en 1849, et sous son successeur Obando, les passions révolutionnaires, favorisées par l'administration, ont plongé le pays dans une agitation permanente. La constitution a été révisée de 1851 à 1853 dans le sens le plus libéral; les jésuites, tout puissants, ont été expulsés. L'Etat enfin s'est séparé de I'Eglise, et la liberté des cultes a été proclamée. Mais le règne de la démagogie aboutit, en 1854 à la dictature du général Melo et à la guerre civile. Un centre de résistance s'établit à Ibague, sous la direction du vice-président J. de Obaldia, et la délivra de la dictature à la fin de 1854. Obaldia, élu président en 1855, a été remplacé en 1856 par Ospina. 

De Mosquera à Nuñez.
En 1858, le pays s'organisa en république fédérée (composée des deux Etats de Colombie et de Panama) et prit le nom de Confédération grenadine.  Mais le gouvernement a été renversé en 1861 par Mosquera, qui s'est emparé de Bogota, s'est proclamé président provisoire, a imposé par la force des armes son pouvoir dictatorial, et a convoqué un congrès de plénipotentiaires pour rétablir l'ancienne république de Colombie, qui devient désormais les Etats-Unis de Colombie. En 1863, Mosquera s'est démis du pouvoir dictatorial, mais en se faisant attribuer une pension viagère. Il a été établi un nouveau gouvernement provisoire, composé de cinq ministres, et où Mosquera est entré comme ministre de la guerre.

Murillo, le nouveau président, installé au pouvoir en 1864, ne tint que deux ans. Mosquera revint au pouvoir et s'y maintint jusqu'en 1867; De plus en plus contesté, il est renversé par le commandant de l'armée, le général Santos Acosta et condamné à l'exil. On rappela le vice-président Santos Gutiérez, en disgrâce, mais aussitôt arrivé à la tête de l'Etat, il fut confronté à plusiuers insurrections, en particulier à Panama. Sous le mandat de ses successeurs, Eustorgio Salgar (1870-1872), Manuel Murillo Toro (1872-1874), Santiago Perez (1874 -1876), la situation du pays s'améliora, malgré quelques troubles fomentés par Mosquera de retour d'exil. En 1876, pourtant cette période de progrès fut stoppée par une nouvelle guerre civile. Elle termina, après quelques mois, par la victoire des libéraux sur les cléricaux qui s'étaient insurgés. Mais sous les présidences suivantes (celle de Parra entre 1876 et 1878 et de Trujillo entre 1878 et 1880) l'autorité de l'Etat fédéral s'en trouvait affaiblie, ce qui encourageait un peu plus les velléités séparatistes de Panama; les finances étaient également très affectées.

De même que Mosquera, au pouvoir ou dans l'opposition, avait dominé la vie politique de la Colombie depuis près de vingt ans, Rafael Nuñez, un autre conservateur, allait être l'homme fort de la Colombie pendant la période qui suivit. Nuñez, une première fois président de 1880 à 1882, le fut de nouveau de 1884 à 1886, et sous la nouvelle constitution, en 1886, il fut réélu pour six ans. Ses pouvoirs lui furent renouvelés pour une période de 1892 à 1898, mais il laissa le vice-président Caro les exercer à sa place.

En 1893, se manifestèrent les premiers symptômes d'une agitation révolutionnaire. La mort du président Nuñez, en 1894, coupa court à ce commencement de troubles. Mais ils recommencèrent l'année suivante, le président Caro, conservateur militant, s'étant attiré la haine du parti libéral; il y eut une sanglante insurrection, que réprima le général Reyes.

Une nouvelle guerre civile, que l'on allait appeler « la guerre des mille jours  » éclata en octobre 1899, à la suite d'un conflit entre le pouvoir exécutif et la Chambre. Le vice-président Marroquin s'empara du pouvoir en 1900 et le vieux président Sanclemente, âgé de quatre-vingt-six ans, fut fait prisonnier. Ce coup d'État portait au pouvoir la fraction la plus impopulaire du parti conservateur. Les libéraux résistèrent longtemps et trouvèrent l'appui des révolutionnaires vénézuéliens à la solde du président vénézuelien Cipriano Castro; la lutte ne se termina qu'à la fin de 1902, après la défaite du principal chef insurgé, le général Uribe. Le conflit avait fait 100 000 morts.

La sécession de Panama.
La Colombie comprenait, d'après la constitution de 1886, neuf départements : Antioquia, Bolivar, Boyaca, Cauca, Cundinamarca, Magdalena, Panama, Santander et Tolima. Le 4 novembre 1903, à la suite d'un mouvement séparatiste et après le vote du Congrès de Bogota rejetant le traité rédigé par les Etats-Unis pour rendre possible l'achèvement du canal, le département de Panama acquit l'indépendance et fut érigé en république indépendante. Il y eut à ce moment à Bogota des manifestations contre les légations de France et des Etats-Unis. En outre, le général Reyes fut envoyé à Washington. Il remit au gouvernement nord-américain une note très énergique dans le fond, très modérée dans la forme, protestant contre la séparation de Panama, mais ce fut en vain : les Etats-Unis avaient décidé de reconnaître le fait accompli.

D'autre part, un décret du Congrès du 5 août 1904 constitua les territoires méridionaux de la Colombie en département sous le nom de Nariño. Le général Reyes fut élu président le 29 février 1904, à la place de Marroquin. Le 8 novembre 1905, trois arrangements entre la Colombie et le Pérou mirent fin à des difficultés qui existaient depuis longtemps entre les deux pays : une convention de frontière donnant comme limite aux deux Etats le rio Putumayo, un traité de commerce, une convention d'arbitrage remettant au pape le soin de statuer sur les litiges ultérieurs qui surviendraient entre les deux Etats.  (NLI).

Le XXe siècle

Après la Guerre des Mille Jours, les conservateurs ont maintenu le pouvoir pendant presque trois décennies. Le pays a maintenu une certaine stabilité politique, mais les tensions sociales et économiques persistaient. Si la Colombie a connu une période de croissance économique grâce à l'exportation de café, de bananes et de pétrole. Cependant, cette croissance a principalement bénéficié aux élites et a exacerbé les inégalités sociales.

En 1930, les libéraux sont revenus au pouvoir avec l’élection d’Enrique Olaya Herrera. Cette période, connue sous le nom de République Libérale, a été marquée par des réformes sociales et économiques progressistes. Alfonso López Pumarejo, président de 1934 à 1938 et de nouveau de 1942 à 1945, a ensuite introduit la Révolution en Marche, un ensemble de réformes visant à moderniser le pays, dont la réforme agraire, la modernisation de l'éducation et la promotion des droits des travailleurs.

De la Violencia au Frente nacional.
En 1946, les conservateurs ont repris le pouvoir avec l'élection de Mariano Ospina Pérez. La rivalité entre les libéraux et les conservateurs s'est intensifiée. En 1948, l'assassinat de Jorge Eliécer Gaitán, un leader libéral populaire, a déclenché une période de violence généralisée connue sous le nom de La Violencia. Ce conflit civil a fait des centaines de milliers de morts et a plongé le pays dans une grande instabilité. En 1950, Laureano Gómez, un conservateur radical, est devenu président. Son régime autoritaire a aggravé les tensions politiques et sociales, conduisant finalement à un coup d'État militaire en 1953. Le général Gustavo Rojas Pinilla, qui prend alors le pouvoir promet de mettre fin à La Violencia et de moderniser le pays.

Rojas Pinilla introduit des réformes économiques et sociales, parmi lesquelles des investissements dans les infrastructures et la création de l'Institut colombien de la réforme agraire (INCORA). Cependant, son régime devient de plus en plus autoritaire, réprimant violemment l'opposition. En 1957, face à une opposition croissante et des manifestations de masse, Rojas Pinilla est contraint de démissionner. Un gouvernement provisoire dirigé par une junte militaire est mis en place.

En 1958, les partis libéral et conservateur concluent un accord pour partager le pouvoir, connu sous le nom de Frente nacional. Pendant cette période, les présidents alternent entre les deux partis et le pouvoir est partagé de manière égale. Le Frente nacional apporte une certaine stabilité politique et met en oeuvre des réformes économiques et sociales. Cependant, l'exclusion des autres partis et mouvements politiques crée des frustrations et des tensions sociales.

L'âge des guerrillas.
Les années 1960 et 1970 voient la naissance de plusieurs groupes guérilleros marxistes, dont les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) et l'Armée de libération nationale (ELN). Ces groupes mènent une lutte armée contre le gouvernement et exacerbent les conflits internes. Les années 1980 seront marquées par la montée en puissance des cartels de la drogue, notamment le cartel de Medellín dirigé par Pablo Escobar et le cartel de Cali. Ces cartels deviennent extrêmement puissants et influents, corrompant des secteurs entiers du gouvernement et de la société.

Les cartels mènent une guerre violente contre l'État et les groupes rivaux, entraînant une escalade de la violence et de l'instabilité. La corruption se répand, touchant tous les niveaux de l'administration publique. Face à la crise, le gouvernement colombien, avec le soutien des États-Unis (à travers le Plan Colombie), lance des opérations militaires contre les cartels et les groupes guérilleros. Ces efforts conduisent à l'arrestation et à la mort de nombreux leaders du narcotrafic, mais les problèmes de violence et de trafic de drogue persistent.

Les années 1990 voient plusieurs tentatives de négociations de paix avec les groupes guérilleros. Le président César Gaviria (1990-1994) initie des dialogues avec le M-19, qui aboutissent à la démobilisation de ce groupe en 1990.  En 1991, une nouvelle constitution est adoptée, visant à moderniser le système politique et à renforcer les droits humains. La nouvelle constitution crée également des institutions pour lutter contre la corruption et promouvoir la participation citoyenne. Malgré les efforts de paix, les conflits avec les FARC et l'ELN continuent. Les années 1990 sont également marquées par une violence accrue des paramilitaires, qui combattent à la fois les guérillas et les trafiquants de drogue.

Le début du XXIe siècle

Les années 2000 voient une intensification des conflits avec les groupes guérilleros, principalement les FARC  et l'ELN. Les opérations militaires se poursuivent, soutenues par l'aide des États-Unis à travers le Plan Colombie. Malgré plusieurs tentatives de négociations de paix, notamment sous les présidences d'Andrés Pastrana (1998-2002) et Álvaro Uribe (2002-2010), les pourparlers n'aboutissent pas à des accords durables. A la fin de 2006, plus de 31 000 anciens paramilitaires des Forces unies d'autodéfense de Colombie (Autodefensas Unidas de Colombia = AUC) ont été démobilisés. Les AUC en tant qu'organisation officielle ont cessé leur action, mais à la suite de la démobilisation des paramilitaires, de nouveaux groupes armés illégaux sont apparus, dont les membres comprenaient certains anciens paramilitaires. Les FARC continuent leurs actions militaires et leur financement par le trafic de drogue.

Sous la présidence de Juan Manuel Santos (2010-2018), des négociations de paix intensives avec les FARC débutent à La Havane, Cuba, en 2012. En 2016, un accord de paix historique est signé, visant à mettre fin à plus de 50 ans de conflit armé. Cependant, cet accord est initialement rejeté par référendum, mais est finalement ratifié par le Congrès colombien. L'accord appelle les membres des FARC à se démobiliser, à désarmer et à se réintégrer dans la société et la politique. L'accord engage également le gouvernement colombien à créer trois nouvelles institutions pour former un « système global de vérité, de justice, de réparation et de non-répétition », comprenant une commission de la vérité, une unité spéciale chargée de coordonner la recherche des personnes disparues pendant la conflit et une « juridiction spéciale pour la paix » chargée d'administrer la justice pour les crimes liés au conflit. Le gouvernement colombien a ensuite intensifié ses efforts pour étendre sa présence dans chacun de ses départements administratifs. Cependant, la mise en oeuvre de l'accord rencontre des défis, notamment en termes de sécurité pour les ex-combattants et de développement des zones rurales.

En 2018, Iván Duque Márquez devient président, succédant à Juan Manuel Santos. Son administration est confrontée à la tâche complexe de poursuivre la mise en oeuvre de l'accord de paix tout en gérant d'autres défis nationaux tels que la sécurité, l'économie et la lutte contre le narcotrafic. Comme de nombreux pays dans le monde, la Colombie est touchée par la pandémie de covid-19 à partir de 2020. Les mesures de confinement ont un impact économique significatif et exacerbent les inégalités sociales préexistantes. En 2021, la Colombie est secouée par des manifestations massives contre des réformes fiscales proposées par le gouvernement de Duque, qui sont ensuite retirées. Les protestations se transforment en un mouvement plus large contre la violence policière, les inégalités sociales et les politiques économiques.

En juin 2022, Gustavo Petro, ancien maire de Bogotá et candidat de gauche, remporte les élections présidentielles, marquant une transition politique significative dans le pays. Son élection reflète une polarisation croissante et des aspirations pour un changement dans la gouvernance du pays. Ainsi, malgré des décennies de conflits internes et de très graves problèmes de sécurité liés à la drogue, la Colombie maintient des institutions démocratiques relativement solides caractérisées par des élections pacifiques et transparentes et la protection des libertés civiles.

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