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Les éclipses
de Lune et de Soleil

Aperçu
Il arrive de temps en temps que la Lune éprouve des modifications dans la forme de son disque, modifications qui, tout en ayant une certaine ressemblance avec les phases de cet astre  ne doivent pas être confondues avec elles, tant  à cause de leur durée, qui n'est jamais que d'une fraction de jour, qu'en raison de la grandeur et de l'irrégularité des intervalles de temps compris entre les époques auxquelles on les observe, et encore qu'en raison de la teinte rougeâtre que prend souvent le disque lunaire en ces occasions.

De temps à autre également, mais plus rarement  en un lieu donné, le disque du Soleil perd lui aussi, pendant quelques heures la forme circulaire que nous lui connaissons d'ordinaire. Ce disque s'échancre d'un côté; l'échancrure augmente progressivement d'étendue; puis bientôt elle diminue peu à peu, et finit par s'anéantir, en laissant le disque de l'astre tel qu'il était avant le commencement de ce singulier phénomène. Quelquefois l'échancrure du disque s'étend à un tel point qu'elle finit par le couvrir complètement, et que le Soleil disparaît pendant quelques minutes, ne laissant paraître qu'une grande auréole irrégulière et laiteuse - sa couronne - autour de lui; au bout de ce temps, l'astre reparaît en passant successivement, et en sens inverse, par les diverses phases qu'il avait présentées avant sa disparition.

Ces phénomènes remarquables, si propres à attirer l'attention, correspondent respectivement aux éclipses de Lune et de Soleil. Les éclipses de Lune arrivent toujours au moment de la pleine lune, et les éclipses de Soleil, toujours au moment de la nouvelle lune. Cette circonstance a depuis longtemps fait connaître la cause à laquelle on devait les attribuer. Au moment de la pleine lune, la Terre se trouve entre le Soleil et la Lune; elle peut donc empêcher les rayons solaires d'arriver sur la surface de ce dernier astre, qui cessera dès lors de présenter l'aspect brillant sous lequel on le voyait quelque temps auparavant; et il en résultera une éclipse de Lune. Au moment de la nouvelle lune, la Lune, passant entre la Terre et le Soleil, peut dérober - occulter - à nos regards une portion plus ou moins grande de cet astre : c'est ce qui produit les éclipses de Soleil. 

Si la Lune, dans son mouvement autour de la Terre, restait toujours dans le plan de l'écliptique, il est clair qu'il y aurait une éclipse de Soleil à chaque nouvelle lune, et une éclipse de Lune à chaque pleine lune. Nous savons qu'il n'en est pas ainsi : les éclipses sont beaucoup plus rares qu'elles ne le seraient dans ce cas. Cela tient à ce que la Lune se meut dans une orbite inclinée par rapport au plan de l'écliptique; elle se trouve tantôt d'un côté de ce plan, tantôt de l'autre côté, et à une distance qui varie d'un instant à un autre : en sorte que, au moment des syzygies, elle passe ordinairement assez loin de la ligne qui joint le centre du Soleil au centre de la Terre, pour qu'il n'y ait pas d'éclipse. Il ne peut y avoir d'éclipse qu'au moment de la nouvelle lune ou de la pleine lune, le centre de la Terre se trouve dans le plan de l'écliptique ou suffisamment près de ce plan. C'est de là que vient le nom d'écliptique donné au plan de l'orbite apparente du Soleil autour de la Terre, ou de l'orbite réelle de la Terre autour du Soleil.


L'éclipse de Lune du 9 novembre 2003.
(Source et (c) : Markus Strassfeld.)

Les plus anciens observateurs du ciel ne possédaient ni tables de la Lune ni tables du Soleil, et ne pouvaient calculer à l'avance les éclipses qui devaient arriver. Une observation suivie des éclipses leur apprit que ces phénomènes se reproduisent de la même manière et dans le même ordre après une période nommée saros embrassant six mille cinq-cent quatre-vingt-cinq jours entiers ou dix-huit ans onze jours. Pendant ce temps, on note en effet soixante-dix éclipses, dont vingt-neuf de Lune et quarante et une de Soleil observables sur toute la Terre. Tandis que les premières sont visibles pour tout l'hémisphère terrestre plongé dans la nuit, et dès lors ont bien plus de chance d'être observées, puisque le mauvais temps est rarement répandu dans tout hémisphère, les éclipses de Soleil ne sont au contraire produites que pour une très faible région terrestre, et ont dès lors plus de chances de passer inaperçues. On compte généralement de deux à sept éclipses par an, soit une moyenne de quatre. Si une année n'a que deux éclipses, ce sont des éclipses de Soleil. (Ch. Delauney).

On évaluait autrefois la grandeur des éclipses en supposant qu'on avait divisé le disque de l'astre éclipsé en 12 parties égales, qu'on appelait doigts, puis, en comptant combien de ces parties étaient couvertes par l'ombre, on déterminait la quantité dont l'astre était éclipsé, qu'on appelait la phase écliptique. Ainsi s'il, y avait 6 de ces parties d'obscurcies, on disait que l'éclipse était de 6 doigts. On estime aujourd'hui la grandeur de l'éclipse en fraction décimale.

Rouages
Les éclipses de Lune

Nous venons de dire que les éclipses de lune sont dues à ce que la Terre, en s'interposant entre le Soleil et Lune, empêche les rayons solaires d'arriver sur la surface de ce dernier astre. C'est la situation que schématise la figure ci-dessous, où les principaux paramètres du phénomènes sont représentés :


Principe d'une éclipse de Lune.

O étant le centre du Soleil, C celui de la Terre, les lignes AB et DF, tangentes communes extérieure et intérieure aux deux circonférences engendrent en tournant autour de la ligne OC les cônes MBB' d'ombre pure et PNP', dont la partie située en arrière de la Terre est la pénombre. Un observateur placé dans la région BMB' ne peut voir aucun point du Soleil; c'est pourquoi on dit qu'il est dans l'ombre pure; au contraire, un habitant des régions situées entre P'F' et MB voit une portion du Soleil d'autant plus grande qu'il est plus éloigné du Soleil et de la Terre, et plus rapproché de la génératrice P'F' : il se trouve alors dans la pénombre. Si la Lune au moment de la pleine lune se trouve dans la région de l'espace PB'F'P', elle disparaîtra totalement ou partiellement, suivant qu'elle sera plongée en totalité ou en partie dans le cône BMB' d'ombre pure. Sa lumière diminuera très faiblement quand notre satellite sera dans la pénombre, et l'éclipse proprement dite commencera et finira quand l'astre entrera dans l'ombre pure ou bien en sortira.

Nous pouvons chercher la longueur MC, du cône d'ombre projeté derrière la Terre. Les triangles semblables AMO, BMC donnent en effet, si l'on désigne AO, BC et OC par R, r, d :

AO/OM = BC/CM = (AO-BC)/(OM-CM)
R/OM = r/CM = (R-r)/d

d'où

CM = r.d/(R-d)

Remplaçons R et d par leurs valeurs moyennes, qui sont 108,6r et 23 280r, nous aurons :

CM = (r.23280.r)/(108,6r - r) = 23280r/107,6 = 216r

La distance moyenne de la Lune à la Terre étant 60 r, on voit que le cône d'ombre pure s'étend bien au delà de l'orbite de notre satellite, et par suite que les éclipses de Lune sont possibles. Désignons par a et a' les demi-angles au sommet des cônes BMB' et F'NF, par D, D' les demis diamètres apparents du Soleil et de la Lune à leur distance moyenne, par p et p' la parallaxe horizontale du Soleil et de la Lune à la même distance; nous aurons: a = D - p; a' = D + p; le demi-diamètre apparent LCM du cône d'ombre à la distance CL de la L une est :

b = p' - a = p' - D +p = p' + p - D

Or p' = 57'; p = 8,8"; D = 16', d'où b = 41' environ, et comme le demi-diamètre apparent de la Lune est inférieur à 17', cet astre peut être complètement éclipsé. 

L'orbite de la lune étant inclinée de 5°  environ sur l'écliptique tandis que b est de 41', il n'y a donc pas éclipse de  Soleil à chaque nouvelle lune, ni éclipse de Lune à chaque pleine lune; il faut que notre satellite soit très près de ses noeuds, points où son orbite perce l'écliptique; si l'on désigne par l sa latitude, D' étant son diamètre apparent, on devra avoir pour la condition de possibilité d'une éclipse l < D' + b; en remplaçant D'  et b par leurs valeurs maxima et minima, on arrive aux conclusions suivantes : 

1°) l < 52', éclipse certaine; 
2°) 52'< l < 76', éclipse douteuse;
3°) > 76', éclipse impossible.
L'atmosphère terrestre a une influence considérable sur les éclipses de Lune : la réfraction atmosphérique  raccourcit notablement le cône d'ombre qui mesure, comme nous l'avons déjà vu, 216 rayons terrestres; elle réduit sa longueur à 42 rayons terrestres. Comme la distance moyenne de notre satellite à la terre est de 60 r, il n'y a donc pas à proprement parler d'éclipse totale de Lune : on conserve cependant cette expression pour les cas où la Lune entre complètement dans le cône d'ombre pure; on la voit alors faiblement éclairée par réfraction et présentant une teinte rougeâtre plus ou moins marquée et dont les caractéristiques exactes varient d'une éclipse à l'autre, selon l'état de l'atmosphère terrestre à cet instant (couverture nuageuse, poussières volcaniques en suspension, etc.). Le contour du disque lunaire restant nettement perçu. (L. Barré).

Les différents cas d'éclipse de Lune : L'éclipse peut être totale
par la pénombre ou l'ombre, ou partielle par l'ombre ou la pénombre.
(D'après P. Martinez et al., Astronomie, le Guide de l'observateur, SAP, 1987).

Les Éclipses de Soleil

Les éclipses de Soleil se produisent pour les observateurs plongés dans le cône d'ombre pure projeté derrière notre satellite au moment de la nouvelle lune quand les trois astres sont pour ainsi dire en ligne droite, et que le Soleil et la Lune ont la même longitude. On calcule toutes les conditions d'une éclipse de Soleil à peu près comme celles d'une éclipse de Lune. Dans la figure ci-dessous, la partie comprise entre O, B et B' dessine le cône d'ombre pure, et la partie comprise entre C, C', B, et B', le tronc de cône de la pénombre. Comme, d'une part, la distance de la Lune et de la Terre n'est pas constante, et d'autre part, l'orbite lunaire est inclinée sur l'écliptique, trois situations principales pourront se rencontrer qui définissent les trois types canoniques d'éclipses de Soleil :

Si O se place sous la surface de la Terre, l'intersection AA' du cône d'ombre avec cette surface définit la zone où l'on pourra voir une éclipse totale, le disque de la Lune masquant complètement celui du Soleil; elle sera partielle pour les observateurs  situés sur la couronne AA'CC'. Si O se place au-dessus de la surface de la Terre, il n'y a pas d'éclipse totale, mais dans la région AA', on observera une éclipse annulaire : le disque lunaire y passera complètement devant le Soleil, mais apparaîtra trop petit pour le recouvrir entièrement. Enfin, si l'axe du cône d'ombre n'est pas orienté vers la Terre, tous les observateurs verront une éclipse partielle.

Les différents cas d'une éclipse de Soleil.

Les éclipses totales.
Les éclipses totales sont de loin les plus spectaculaires. Au lieu où elles se produisent, le Soleil disparaissant très vite, la nuit succède brusquement au jour, et l'on aperçoit les étoiles les plus brillantes, et éventuellement plusieurs des planètes principales du Système solaire. Le phénomène ne dure généralement que deux ou trois minutes, le maximum étant au plus six minutes environ. Pendant la totalité, la couronne du Soleil (que certains astronomes des siècles passés avaient cru pouvoir être l'atmosphère de la Lune) est facilement observable (L'Atmosphère du Soleil), et l'on peut aussi espérer distinguer des protubérances se détacher sur le bord du disque lunaire sous l'aspect de points rouges ou violacés, assez brillants. Les moments proches de la totalité s'accompagnent également de divers phénomènes optiques intéressants à observer sur Terre. Les ombres, notamment, prennent un aspect  inhabituel. Et l'on ne mentionnera que mémoire la nervosité de certains animaux, constatée également à ces instants.

Parmi les curiosités, on signalera encore ces phénomènes furtifs que sont les grains de Baily, qui encadrent le moment de la totalité. Comme le limbe lunaire n'est pas parfaitement circulaire, mais comporte des irrégularités dues aux aspérités du relief de notre satellite, au début et à la fin de la totalité, la lumière du Soleil peut ne passer qu'à travers ces échancrures pendant un très court instant. On observera alors autour du limbe lunaire, et le plus souvent sur une petite portion de celui-ci, une guirlande de points blancs éblouissants. Ce sont ces points que l'on appelle les grains de Baily. Souvent aussi des flashes lumineux, tels que des éclairs, sillonnent le disque opaque de la lune. On a dit que ce sont peut-être des étoiles filantes rendues visibles par l'obscurité qui provient de l'éclipse. Dans certains cas on soupçonne des impacts de météorites sur la surface de la Lune, donnant alors lieu à ces phénomènes controversés que sont les phénomènes lunaires transitoires (Des changements observés à la surface de la Lune?).
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Éclipse totale du 9 juillet 1991, photographiée au Mexique.
© Serge Jodra.

Les éclipses annulaires.
Une éclipse de Soleil est annulaire quand le disque de la lune se projette sur la partie centrale du soleil, de telle sorte que les bords lumineux de l'astre radieux sont seuls visibles, présentant l'aspect d'une couronne on d'un anneau lumineux dont la durée ne dépasse guère six ou sept minutes. Elle est visible en un lieu qui se trouve sur la ligne des centres de la Lune et du soleil, et dans le prolongement du cône d'ombre, trop court pour rencontrer la Terre, sans quoi il y aurait éclipse totale. 

Dans le passé, les éclipses annulaires ont été l'occasion de mesurer très précisément le diamètre de la Lune. C'est ce que fit, par exemple, Lemonnier en 1748, lors d'une éclipse annulaire  visible depuis l'Écosse, mettant ainsi fin à une curieuse opinion lancée par La Hire, qui avait prétendu que  le diamètre de la Lune a un diamètre plus faible lorsqu'il se projette sur le disque du Soleil, qu'au moment de la pleine lune.-

L'éclipse annulaire du 31 mai 2003.
(Source : High Moon, the home of Klipsi).
L'éclipse partielle du 30 juillet 2000.
(Source : MrEclipse.com; copyright : Fred Espenak).

Les éclipses partielles.
Lors des éclipses totales (et a fortiori annulaires) le phénomène de recouvrement du disque solaire par celui de la Lune est partiel pour la plupart des observateurs, et il l'est aussi pendant l'essentiel du temps que dure l'événement pour ceux qui pourront assister au recouvrement total. On parle cependant plus spécifiquement d'éclipses partielles, dans le cas où aucun observateur placé à la surface de la Terre ne sera en position d'assister à un recouvrement complet du Soleil, parce la ligne de centralité de l'éclipse ne coupe en aucun point la Terre. Même s'il est possible, dans le cas d'éclipses partielles très prononcées d'observer les effets d'ombres signalés plus haut, es éclipses partielles sont de façon générale beaucoup moins spectaculaires que les autres. Il est même possible, si l'on est pas averti de l'événement, qu'on ne le remarque même pas. En fait, en dehors des quelques minutes que dure la totalité quand elle a lieu, le Soleil reste extrêmement brillant, quel que soit le type d'éclipse. Son observation est alors aussi dangereuse pour les yeux que lorsqu'il n'y a pas d'éclipse du tout. Et c'est à ce moment là, quand on guette le moment de la totalité, que surviennent les accidents. Une protection appropriée des yeux est absolument indispensable lorsqu'on observe le Soleil.



En librairie - David Lynch, William Livingston, (préf. Pierre Léna), Aurores, Mirages, éclipses, Dunod, 2002; Pierre Guillermier, et Serge Koutchmy, Eclipses totales,  Masson, 1998. 

Pour les plus jeunes : Le Soleil et ses éclipses, Albin Michel (Petits débrouillards), 2000.

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Argoli : éclipse de Soleil.
Représentation d'une éclipse de Soleil au XVIIe siècle (Argoli).
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© Serge Jodra, 2004. - Reproduction interdite.